Réf. : Cass. civ. 1, 24 octobre 2018, n° 16-16.743, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5931YH7)
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 24 Octobre 2018
► La rémunération de l’activité d’intermédiation du courtier d’assurance est cumulativement subordonnée à son inscription au registre du commerce et des sociétés et à son immatriculation au registre tenu par l’ORIAS, y compris lorsque, comme en l’espèce, la commission est générée par des contrats, toujours en cours, souscrits, par son intermédiaire, avant sa radiation de ce dernier registre, même si ces commissions ne rémunèrent que l’apport des contrats ;
il en résulte que la radiation d’un courtier du registre unique des intermédiaires d’assurance fait obstacle au paiement des commissions dues par l’entreprise d’assurance sur les contrats en cours.
Tel est l’enseignement délivré par la première chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 24 octobre 2018 (Cass. civ. 1, 24 octobre 2018, n° 16-16.743, FS-P+B+I N° Lexbase : A5931YH7).
En l’espèce, un courtier, immatriculé au registre unique des intermédiaires d’assurance et inscrit dans la catégorie «courtier d’assurance», avait distribué, jusqu’à sa mise en liquidation judiciaire par jugement du 6 novembre 2008, des contrats d’assurance proposés par une entreprise d’assurance ; elle avait été radiée de ce registre pour cessation d’activité, par l’Organisme pour le registre des intermédiaires d’assurances (l’ORIAS), le 6 mars 2009 ; soutenant que les dispositions combinées des articles L. 512-2, alinéa 1 (N° Lexbase : L3948LKG), R. 511-2-I, 1° (N° Lexbase : L5502LKY), et R. 511-3, II (N° Lexbase : L5501LKX), du Code des assurances lui interdisaient, sous peine de sanctions pénales et disciplinaires, de rémunérer un intermédiaire non immatriculé, l’entreprise d’assurance avait suspendu l’activité des deux comptes apporteurs du courtier et interrompu le paiement des commissions dues sur les contrats d’assurance en cours ; le liquidateur judiciaire de ce dernier, avait assigné l’entreprise d’assurance en paiement des commissions devenues exigibles à compter de la date de la radiation. Le liquidateur faisait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes. Il n’obtiendra pas gain de cause.
En effet, ainsi que le rappelle la Cour suprême, les articles R. 511-2, I, et R. 511-3, II, alinéa 1er, du Code des assurances, dans leur rédaction issue du décret n° 2006-1091 du 30 août 2006, applicable en la cause (N° Lexbase : L7053HKG), dont le second renvoie au premier la désignation des intermédiaires autorisés à recevoir une rémunération au titre de l’activité d’intermédiation en assurance, ont été pris en application du IV) de l’article L. 511-1 du même code qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’assurance (N° Lexbase : L5277HDS), a confié à un décret en Conseil d’Etat la détermination des catégories de personnes habilitées, en droit interne, à exercer une telle activité.
Le I) de l’article L. 511-1 (N° Lexbase : L3942LK9) assure la transposition, en droit interne, notamment, des points 5 et 6, de l’article 2 de la Directive 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 décembre 2002 sur l’intermédiation en assurance, qui définissent l’intermédiaire d’assurance et l’intermédiaire de réassurance ; ces définitions sont énoncées aux fins d’application du dispositif d’immatriculation obligatoire des intermédiaires institué par l’article 3, point 1, de la Directive, immatriculation que le point 3 du même article subordonne au respect des exigences professionnelles posées par l’article 4, paragraphe 1 ; ces exigences recouvrent l’obligation, pour l’intermédiaire, de posséder les connaissances et aptitudes appropriées, de répondre à certaines conditions d’honorabilité, d’être couvert par une assurance de responsabilité professionnelle et d’offrir des garanties de représentation des fonds qu’il reçoit des assurés ou pour le compte de ceux-ci.
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, la Directive, prise dans son ensemble, poursuit, ainsi qu’énoncé aux considérants 6 à 8 de celle-ci, un double objectif, soit, en premier lieu, l’achèvement et le bon fonctionnement du marché unique de l’assurance, par l’élimination des entraves à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services, en second lieu, l’amélioration de la protection des consommateurs dans ce domaine (CJUE, 17 octobre 2013, aff. C-555/11, point 27 N° Lexbase : A9317KMZ) ; une interprétation de ses dispositions qui permettrait à une certaine catégorie de personnes d’offrir des services d’intermédiation en assurance sans remplir les exigences professionnelles prévues à l’article 4, paragraphe 1, porterait atteinte à cette double finalité, d’une part, en créant des différences notables entre les intermédiaires agissant sur le marché unique de l’assurance, contrevenant ainsi à l’objectif, fixé au considérant 9 de la Directive, de respect de l’égalité de traitement entre toutes les catégories d’intermédiaires, d’autre part, en ne permettant pas d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs sur ce marché, preneurs d’assurance, qui garantisse que les intermédiaires possèdent les connaissances et les aptitudes appropriées, nécessaires pour effectuer, à titre individuel, l’intermédiation d’assurance, et qu’ils puissent ainsi garantir la qualité d’une telle intermédiation (même arrêt, points 28 à 30).
Il en résulte que l’immatriculation est l’instrument d’une vérification des exigences professionnelles que la Directive requiert de tout intermédiaire d’assurance, pour garantir un service d’intermédiation de qualité, dans des conditions financières sécurisées, tout en assurant l’égalité de traitement entre les différents opérateurs aptes à accéder à cette activité et à l’exercer ; qu’il s’ensuit que les dispositions combinées des articles R. 511-2, I, et R. 511-3, II, alinéa 1er, du Code des assurances, qui ont pour seul objet de déterminer les catégories de personnes habilitées, en droit interne, à exercer l’intermédiation en assurance, ne sauraient, sans contrevenir aux objectifs de la Directive qu’ils transposent, avoir pour effet de permettre à un courtier d’assurance de percevoir une rémunération après sa radiation du registre unique des intermédiaires, au seul motif qu’il demeure inscrit au registre du commerce et des sociétés pour l’activité de courtage, cette formalité, outre qu’elle ne vise qu’à conférer le droit d’exercer le commerce, ne pouvant bénéficier aux autres catégories d’intermédiaires d’assurance, qui n’y sont pas assujetties.
Aussi après avoir exactement énoncé qu’aux termes de l’article L. 511-1, I, alinéa 2, du Code des assurances, la rémunération constitue un critère de définition de l’intermédiaire d’assurance, c’est à bon droit que la cour d’appel a déduit du rapprochement de ce texte, des dispositions réglementaires prises pour son application et des prescriptions de l’article L. 512-I, que la rémunération de l’activité d’intermédiation du courtier d’assurance était cumulativement subordonnée à son inscription au registre du commerce et des sociétés et à son immatriculation au registre tenu par l’ORIAS, y compris lorsque, comme en l’espèce, la commission est générée par des contrats, toujours en cours, souscrits, par son intermédiaire, avant sa radiation de ce dernier registre, même si ces commissions ne rémunèrent que l’apport des contrats.
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