La lettre juridique n°723 du 14 décembre 2017 : Arbitrage

[Doctrine] L'exequatur des sentences arbitrales étrangères au sein de l'espace OHADA : l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage suscite toujours bien des questions (première partie)

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N1699BX9

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[Doctrine] L'exequatur des sentences arbitrales étrangères au sein de l'espace OHADA : l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage suscite toujours bien des questions (première partie). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/43935787-doctrine-l-iexequatur-i-des-sentences-arbitrales-etrangeres-au-sein-de-l-espace-ohada-l-acte-uniforme
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par Alexander Brabant, Avocat associé, DLA Piper, Maxime Desplats, Counsel, DLA Piper et Ophélie Divoy, Avocat, DLA Piper

le 14 Décembre 2017

L'entrée en vigueur de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage (N° Lexbase : L1333LGH) a joué un rôle crucial dans l'harmonisation et la modernisation du droit des affaires dans les Etats membres de l'espace OHADA. Cet Acte uniforme a remplacé les lois nationales sur l'arbitrage alors en vigueur dans les Etats membres de l'OHADA et dont le champ d'application était souvent limité à l'arbitrage interne. Pour certains de ces Etats membres, l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage a même permis de combler un vide lorsqu'il n'existait aucune loi sur l'arbitrage. L'objectif principal de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage est de développer un cadre juridique favorable à la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales, non seulement pour les sentences rendues au sein des Etats membres de l'OHADA, mais aussi pour celles rendues en dehors de l'espace OHADA. Ce développement vise à attirer toujours plus d'investisseurs au sein de l'espace OHADA. En effet, quelle que soit sa qualité, une sentence arbitrale perd de sa valeur si elle n'est pas susceptible d'exequatur et partant, d'exécution. Cependant, l'exécution dans les Etats membres de l'OHADA de sentences rendues en dehors de l'espace OHADA continue de se heurter à de nombreux obstacles. Un an après avoir publié un article à ce sujet et à l'aune de la très récente réforme de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage (Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage du 23 novembre 2017 N° Lexbase : L4677LHP), les auteurs ont souhaité dresser un état des lieux. Ce dernier leur permet de constater que la matière évolue rapidement, certaines de leurs suggestions semblant avoir été retenues par la CCJA. Quant à la réforme précitée, force est de constater qu'elle ne permet pas de lever les ambiguïtés relevées et que de nouveaux amendements seraient les bienvenus. Lorsqu'il s'agit de conférer l'exequatur à une sentence rendue en dehors de l'espace OHADA, les dispositions de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage restent en effet source de débats importants. Que ce soit pour régir la reconnaissance et l'exécution de ces sentences dites étrangères (I) ou pour régir les recours contre les ordonnances d'exequatur (II) (sur la seconde partie N° Lexbase : N1701BXB), de nombreuses interrogations demeurent alors que peu de réponses tranchées ont été apportées. I - Application de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage pour régir l'exequatur des sentences arbitrales

L'entrée en vigueur de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage (l'"AUA") (1) a constitué une étape cruciale dans l'harmonisation et la modernisation du droit des affaires dans les Etats membres de l'espace OHADA (les "Etats OHADA") (2). Elle répond au désir de ses membres de "promouvoir l'arbitrage comme instrument de règlement des différends contractuels" (3).

L'AUA a pour objectif de "[tenir] lieu de loi relative à l'arbitrage dans les Etat-parties" (4). Conçu comme un instrument exhaustif, l'AUA régit les étapes essentielles de la procédure arbitrale, telles que la rédaction de la clause arbitrale, les recours qui peuvent être intentés à l'encontre des sentences arbitrales ou encore les conditions de leur reconnaissance et de leur exécution. Seules certaines questions spécifiques, exclues du champ de l'AUA, demeurent régies par les lois nationales des Etats OHADA (5).

Concernant la reconnaissance et l'exequatur des sentences arbitrales rendues en dehors de l'espace OHADA et non régies par l'AUA (les "Sentences Etrangères") (6), l'article 34 de l'AUA (7) dispose que "[l]es sentences arbitrales rendues sur le fondement de règles différentes de celles prévues par le présent Acte uniforme, sont reconnues dans les Etats-parties, dans les conditions prévues par les conventions internationales éventuellement applicables, et à défaut, dans les mêmes conditions que celles prévues aux dispositions du présent Acte uniforme" (8).

Interprété seul ou à la lumière d'autres dispositions de l'AUA, l'article 34 soulève plusieurs questions :

  • Au-delà de la question de la reconnaissance, l'article 34 s'applique-t-il également à l'exequatur ? (A)
  • L'article 34 est-il directement applicable aux sentences rendues dans les pays situés en dehors de l'espace OHADA ? (B)
  • Lorsqu'un Etat-partie à l'OHADA est également partie à la Convention de New York sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères du 10 juin 1958 (la "Convention de New York") (N° Lexbase : L6808BHM), le principe de subsidiarité instauré par l'article 34 lui interdit-il l'application des conditions posées par l'article 31 de l'AUA pour conférer l'exequatur à des sentences étrangères ? (C)
  • Les avantages offerts par l'application de l'AUA (en vertu de son article 34]) pour régir la reconnaissance et l'exécution des sentences étrangères sont-ils contrebalancés par le renvoi qu'il opère aux lois nationales des différents Etats OHADA sur certains aspects procéduraux ? (D)

A - Applicabilité de l'AUA à l'exequatur des Sentences Etrangères dans les Etats OHADA

L'article 31 traite aussi bien de la reconnaissance que de l'exequatur des sentences. Ainsi, édicte-t-il les conditions de reconnaissance et d'exequatur d'une sentence arbitrale :

"La reconnaissance et l'exequatur de la sentence arbitrale supposent que la partie qui s'en prévaut établisse l'existence de la sentence arbitrale.

L'existence de la sentence arbitrale est établie par la production de l'original accompagné de la convention d'arbitrage ou des copies de ces documents réunissant les conditions requises pour leur authenticité.

Si ces pièces ne sont pas rédigées en langue française, la partie devra en produire une traduction certifiée par un traducteur inscrit sur la liste des experts établie par les juridictions compétentes.

La reconnaissance et l'exequatur sont refusés si la sentence est manifestement contraire à une règle d'ordre public international des Etats-parties" (9).

En revanche, l'article 34 traitant spécifiquement de la question de la reconnaissance des Sentences Etrangères reste silencieux en ce qui concerne leur exequatur. Cela a suscité une interrogation car ces deux articles sont tous deux insérés dans le chapitre 6 de l'AUA intitulé "Reconnaissance et exécution des sentences arbitrales" (10).

Pourquoi l'article 34 évoque-t-il alors uniquement la reconnaissance et non l'exequatur des Sentences Etrangères ? L'AUA a-t-il été rédigé de façon à écarter la question de l'exequatur du champ d'application de l'article 34 ? Cela impliquerait alors que l'exequatur des "[s]entences arbitrales sur la base des règles différentes que celles de l'Acte uniforme" soit régi par les lois nationales en vigueur dans les Etats OHADA et non par l'AUA. Cela ne serait cependant pas cohérent avec le fait que l'article 34 s'insère dans un chapitre intitulé "Reconnaissance et exécution des sentences arbitrales" lequel comprend l'article 31 qui, quant à lui, mentionne expressément l'"[...] exequatur de la sentence arbitrale".

La doctrine précisait d'ailleurs que l'absence de référence à l'exequatur des sentences arbitrales dans l'article 34 devait donc être considérée comme un oubli et non comme une omission délibérée (11).

Les auteurs du présent article partageaient également cette opinion (12) et la jurisprudence récente est venue, depuis, abonder en ce sens.

Par un arrêt du 26 janvier 2017, la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA (la "CCJA") a jugé que : "Attendu qu'il y a lieu de relever d'office qu'aux termes de l'article 34 [de l'AUA] 'les sentences arbitrales rendues sur le fondement de règles différentes de celles prévues par le présent Acte uniforme, sont reconnues dans les Etats-parties, dans les conditions prévues par les conventions internationales éventuellement applicables...'

Attendu donc qu'il appert que l'exequatur des sentences arbitrales rendues dans les Etats tiers à l'OHADA s'opère selon les conventions internationales si l'Etat où la sentence a été rendue et l'Etat partie où la sentence est invoquée sont liés en ce domaine" (13).

Même si, aujourd'hui, jurisprudence et doctrine s'accordent pour dire qu'il ne s'agit que d'un oubli, ce dernier n'en reste pas moins manifeste et fait naître des incertitudes dans l'esprit tant des juges que des justiciables quant au champ d'application de l'article 34.

Ces incertitudes pourraient d'ailleurs être exploitées, en particulier devant un juge d'un Etat OHADA réticent à retenir une interprétation téléologique de l'article 34. Une telle exploitation serait susceptible d'emporter la conviction d'un juge dont la culture juridique favorise les interprétations littérales. Aussi et surtout, il pourrait résulter de cette nécessaire interprétation de l'article 34 (téléologique ou littérale) des décisions incohérentes au sein même de l'espace OHADA.

Ceci est d'autant plus à craindre que la réforme de l'AUA du 23 novembre 2017 (la "Réforme") n'a pas pris le soin d'amender l'article 34. D'aucuns pourraient ainsi s'appuyer sur la Réforme pour dénoncer qu'il ne peut s'agir d'une simple erreur matérielle et que la question de l'exequatur des "sentences arbitrales rendues sur le fondement de règles différentes de celles prévues par le présent Acte uniforme" n'est pas soumise à l'AUA.

Une confirmation de la jurisprudence précitée de la CCJA apparaît donc nécessaire, à moins que de nouveaux amendements de l'AUA n'interviennent pour trancher définitivement ce point.

B - Applicabilité de l'AUA aux sentences arbitrales rendues en dehors de l'espace OHADA

Outre la question de savoir si l'article 34 inclut ou non l'exequatur des sentences arbitrales, il y a également lieu de s'interroger sur le fait de savoir s'il s'applique ou non aux Sentences Etrangères.

En effet, l'article 34 se réfère aux "[s]entences rendues sur la base de règles différentes de celles de l'Acte uniforme". Il ne distingue pas entre les sentences rendues dans un Etat OHADA et les sentences rendues dans d'autres Etats. Dès lors, une nouvelle question se pose : l'article 34 vise-t-il les sentences rendues dans un Etat OHADA mais sur le fondement de règles différentes de l'AUA ou les Sentences Etrangères ou les deux ?

A cet égard, la référence de l'article 34 à des "règles différentes" de l'AUA semble se rapporter, bien qu'indirectement, à des sentences rendues en dehors de l'espace OHADA. En effet, les sentences arbitrales rendues sont soumises à la loi d'arbitrage du siège. Lorsque le siège de l'arbitrage est en dehors de l'espace OHADA, les procédures arbitrales qui ont conduit à leur prononcé n'ont normalement pas vocation à être régies par l'AUA. Les Sentences Etrangères sont donc bien censées avoir été "rendues sur la base de règles différentes de celles de l'Acte uniforme" et seraient ainsi visées par l'article 34. Partant, des pans entiers de l'AUA (et non uniquement son article 34) pourraient leur être applicables si aucune autre convention internationale ne venait régir les questions traitées par l'AUA.

Or, l'article premier peut sembler aller à l'encontre de cette interprétation de l'article 34. Il dispose que "[l]'Acte uniforme a vocation à s'appliquer à tout arbitrage lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l'un des Etats-parties". Ainsi, certains plaideurs ont soutenu que l'article 1 empêchait d'appliquer les règles posées par l'AUA à une Sentence Etrangère. En d'autres termes, l'exequatur des Sentences Etrangères serait toujours régi par le droit national antérieur des Etats membres plutôt que par l'AUA.

Ce raisonnement a été adopté par la cour d'appel d'Abidjan dans un arrêt du 19 novembre 2002. Celle-ci a confirmé la validité de l'ordonnance d'exequatur d'une sentence rendue en Suisse en se fondant, non pas sur l'AUA, mais sur le droit ivoirien. Le raisonnement de la cour d'appel était le suivant : "Certes, l'article 35 de l'Acte uniforme relatif au droit d'arbitrage indique que 'le présent Acte uniforme tient lieu de loi relative à l'arbitrage dans les Etats-Parties' ;
Cependant l'article 1er
[...] de l'Acte uniforme relatif au droit d'arbitrage précise clairement que l'Acte uniforme a vocation à s'appliquer à tout arbitrage lorsque le siège du Tribunal arbitral se trouve dans un des Etats parties au Traité OHADA ;

A contrario, lorsque le siège du Tribunal se trouve hors des Etats parties les dispositions de l'Acte uniforme ne sont pas applicables, et il faut rechercher le droit applicable dans les dispositions du droit national relatif à l'arbitrage qui n'a pu être complètement abrogé notamment relativement aux modalités d'obtention de l'exequatur des sentences arbitrales lorsque celles-ci sont rendues par un Tribunal arbitral situé hors des Etats parties ;

En l'espèce, le siège du Tribunal arbitral se trouvant en Suisse hors des Etats Parties, seule la loi ivoirienne n° 93-671 du 9 Août 1993 relative à l'arbitrage est applicable en ce qui concerne la procédure d'obtention de l'exequatur" (14).

Cette décision semble exclure, sur la base des dispositions de l'article 1, la reconnaissance et l'exequatur des Sentences Etrangères du champ d'application de l'article 34.

Or, le raisonnement adopté par la cour d'appel d'Abidjan est pour le moins critiquable. Celui-ci méconnaît les termes de l'article 34 qui, en se référant à la possible application de l'AUA à la reconnaissance (et, vraisemblablement, également à l'exequatur]) des "sentences rendues sur la base de règles différentes de celles prévues par le présent Acte uniforme", ne fait aucune distinction entre les sentences rendues au sein ou en dehors de l'espace OHADA. Pourtant, si l'AUA avait pour but de restreindre le champ d'application de l'article 34 aux seules sentences rendues dans les Etats OHADA, il aurait vraisemblablement fait référence aux "sentences rendues dans un Etat Membre sur la base de règles différentes [...]" (15) ; or, telle n'est pas la rédaction de l'article 34.

Au contraire, les rédacteurs de l'AUA étaient conscients du "caractère internationaliste déjà très poussé de la Loi Uniforme" ; en effet, ils ont signalé que "tracer une nouvelle frontière entre cet 'Espace OHADA' et les autres pays du monde [...] a dès lors paru inutile et dangereux" (16).

La grande majorité de la doctrine reconnait ce "caractère internationaliste de l'Acte uniforme" (17), et considère la décision de la cour d'appel d'Abidjan comme faisant "une mauvaise application" de l'article 34. En particulier, le Code vert OHADA indique que :

"[l]es sentences rendues dans des Etats tiers à l'OHADA sur le fondement de règles différentes de celles de l'Acte uniforme seront également reconnues et exequaturées sur la base des dispositions de l'article 31 si l'Etat de l'OHADA [où la reconnaissance et l'exécution sont demandées] n'est pas partie à une convention internationale sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales avec l'Etat étranger où la sentence a été rendue. Ceci résulte des dispositions de l'article 34 de l'Acte uniforme" (19).

"[...][s]i le tribunal arbitral est situé hors d'un Etat de l'OHADA, il faut appliquer, soit les conventions internationales pertinentes [...], soit les dispositions de l'Acte uniforme de l'OHADA sur l'arbitrage. La survivance des anciennes lois sur l'arbitrage ne porte donc pas sur l'ensemble des 'modalités d'obtention de l'exequatur' mais uniquement sur le juge compétent et la procédure d'exequatur. Les conditions de fond de l'exequatur, quant à elles, relèvent soit des conventions internationales pertinentes, soit des dispositions de l'article 31 de l'Acte uniforme sur l'arbitrage" (20).

Par ailleurs, cette décision de la cour d'appel d'Abidjan est également surprenante en ce qu'elle va à l'encontre de l'objectif principal de l'OHADA qui est de créer un cadre juridique unifié, lisible et fiable destiné à rassurer les investisseurs, notamment étrangers (21). Soumettre l'exécution des Sentences Etrangères dans l'espace OHADA aux conditions différentes de 17 Etats membres plutôt qu'à celles uniformisées de l'AUA apparaît anachronique et incompatible avec le but unificateur de l'AUA. Pour les mêmes motifs, cette décision semble également porter atteinte à la promotion de l'arbitrage tant souhaitée par les Etats parties à l'OHADA (22). Soumettre l'exequatur d'une Sentence Etrangère, selon l'Etat concerné, à des conditions différentes et parfois plus contraignantes qu'avec l'AUA, ne participe effectivement pas à la promotion de l'arbitrage.

Pour l'ensemble de ces raisons, les auteurs de cet article avaient préféré relativiser la portée de cette décision dans la mesure où, entre autres, elle n'émanait pas de la CCJA et demeurait isolée (23). En l'absence de décisions sur ce point de la CCJA, elle restait toutefois susceptible de créer un précédent sur lequel des parties pouvaient se fonder pour contester l'exécution d'une Sentence Etrangère dans un Etat OHADA. Elle permettait ainsi aux plaideurs désireux de s'opposer à l'exequatur de légitimer le recours à des dispositions nationales souvent moins favorables que celles de l'AUA (24).

Depuis, la CCJA a eu l'occasion d'intervenir. Elle a confirmé la portée toute limitée qu'il convient d'accorder à cette décision de la cour d'appel d'Abidjan. L'arrêt précité du 26 janvier 2017 a effectivement appliqué, sans équivoque, l'article 34 à une Sentence Etrangère (en l'espèce, la sentence avait été rendue en Belgique]) (25).

A nouveau, en l'absence d'amendement de l'article 34 par la Réforme, la CCJA joue un rôle clé pour solutionner les difficultés posées par l'AUA relativement aux Sentences Etrangères.

C - L'application subsidiaire de l'AUA

Même en admettant que l'article 34 s'applique à la reconnaissance et l'exequatur des Sentences Etrangères au sein des Etats membres, l'application d'autres dispositions de l'AUA aux Sentences Etrangères pose question.

En disposant que "[l]es sentences arbitrales rendues sur le fondement de règles différentes de celles prévues par le présent Acte uniforme, sont reconnues dans les Etats-parties, dans les conditions prévues par les conventions internationales éventuellement applicables, et à défaut, dans les mêmes conditions que celles prévues aux dispositions du présent Acte uniforme" (26), l'article 34 pose un principe d'application subsidiaire de l'AUA. Ce principe signifie que l'AUA s'applique aux "sentences rendues sur le fondement de règles différentes de celles prévues par [l'AUA]" uniquement en l'absence de convention internationale applicable régissant les questions de reconnaissance et d'exequatur de Sentences Etrangères (27).

La conséquence pratique de ce principe est que la reconnaissance et l'exécution d'une Sentence Etrangère dans un Etat OHADA vont d'ordinaire être régies par la Convention de New York, plutôt que par l'AUA. En effet, la Convention de New York a été ratifiée par 12 des 17 Etats OHADA (28).

Cependant, l'article VII §1 de la Convention de New York prévoit que si les dispositions applicables de la loi de l'Etat contractant dans lequel la reconnaissance et l'exécution sont recherchés sont plus favorables que celles de la convention internationale, alors ce sont ces dispositions du droit national qui doivent recevoir application (29).

L'article 35 dispose que "le présent acte uniforme tient lieu de loi relative à l'arbitrage dans les Etats-parties". Dès lors, le droit national auquel l'article VII §1 de la Convention de New York fait référence n'est autre que l'AUA au sein de l'espace OHADA. Or, l'AUA pose vraisemblablement des conditions d'exequatur des sentences plus favorables que celles posées par la Convention de New York.

En effet, les critères de l'AUA concernant la reconnaissance et l'exécution des sentences sont, du moins prima facie, moins exigeants que ceux de la Convention de New York (30) : les critères de l'AUA consistent en trois conditions de forme et une condition de fond, tandis que la Convention de New York impose le respect de huit conditions de fond (31). Les critères divergents de l'AUA et la Convention de New York sont résumés ci-dessous (32) :

Nature de la condition AUA (article 31) Convention de New York (articles IV et V)
Forme L'original de la sentence arbitrale ou une copie réunissant les conditions requises pour son authenticité (art. 31 § 2) L'original dûment authentifié de la sentence ou une copie de cet original réunissant les conditions requises pour son authenticité (art. IV 1. (a))
Forme L'original de la convention d'arbitrage ou une copie réunissant les conditions requises pour son authenticité (art. 31 § 2) L'original de la convention d'arbitrage ou une copie réunissant les conditions requises pour son authenticité (art. IV 1. (b))
Forme Si la sentence ou la convention d'arbitrage ne sont pas rédigées en langue française, une traduction certifiée de ces pièces (art. 31 §3) (33) Si la sentence ou la convention d'arbitrage ne sont pas rédigées dans une langue officielle du pays où la sentence est invoquée, une traduction certifiée de ces pièces dans cette langue. (art. IV 2.)
Fond La sentence ne doit pas être manifestement contraire à une règle d'ordre public international des Etats membres (art. 31 § 4) (34) La reconnaissance ou l'exécution de la sentence ne doivent pas être contraires à l'ordre public du pays où elles sont recherchées (art. V 2. (b))
Fond Incapacité d'une des parties à la convention d'arbitrage (art. V. 1. (a))
Fond Invalidité de la convention d'arbitrage (art. V. 1. (a))
Fond Violation du principe du contradictoire (art. V. 1. (b))
Fond Le tribunal arbitral a statué ultra petita (art. V. 1. (c))
Fond Constitution irrégulière du tribunal arbitral (art. V. 1 (d))
Fond La sentence n'est pas encore devenue obligatoire ou a été annulée/suspendue (art V. 1. (e))
Fond Inarbitrabilité du litige (art V. 2. (a))

La question est alors de savoir si ces sentences peuvent, du fait de l'article VII § 1 de la Convention de New-York, se voir appliquer les conditions plus favorables posées par l'AUA pour recevoir l'exequatur au sein de l'espace OHADA. Cela suppose que le renvoi opéré par l'article 34 aux conventions internationales (et donc en général à la Convention de New York) n'interdise pas de s'appuyer sur l'AUA. Pour répondre à cette question, l'alternative suivante s'offre au juge.

Une première interprétation, préconisée par certains auteurs (35) et semblant être appliquée par certaines juridictions (36), consiste à considérer que puisque l'article VII §1 de la Convention de New York invite à l'application des dispositions plus favorables de l'AUA, l'article 34, en se référant à l'application des conventions internationales en vigueur, requiert en fait l'application de l'article 31 de AUA imposant des conditions d'exequatur plus favorables.

Cependant, comme l'a très bien souligné un auteur, alors que cette première interprétation est conforme et donne plein effet à l'article VII §1 de la Convention de New York, elle "ne se concilie, cependant, pas aisément avec l'article 34 de l'Acte uniforme qui, en désignant les 'conventions internationales éventuellement applicables', semble ne pas permettre à la partie intéressée le droit de se prévaloir des dispositions de l'Acte uniforme" (37).

Une seconde interprétation invite, quant à elle, à considérer que les conditions posées par la Convention de New York (ou par toute autre convention internationale), pour octroyer l'exequatur d'une sentence, doivent toujours être remplies lorsqu'elle est applicable. Cette seconde solution s'appuie sur le fait que l'article 34 n'envisage qu'une application subsidiaire de l'AUA.

La regrettable conséquence de cette seconde interprétation est que la clause du droit le plus favorable de l'article VII § 1 de la Convention de New York est rendue inefficace par ce principe d'application subsidiaire de l'AUA (38). Cette seconde solution crée alors un paradoxe. Il devient, en effet, plus facile d'obtenir une ordonnance d'exequatur d'une Sentence Etrangère dans un Etat OHADA qui n'est pas partie à la Convention de New York.

L'étude de la jurisprudence la plus récente de la CCJA ne permet pas, à notre connaissance, de déterminer la solution retenue par cette institution. En effet, la CCJA a très récemment imposé, par le truchement de l'article 34, l'application de la Convention de New York pour déterminer si les tribunaux camerounais devaient rendre exécutoire une sentence arbitrale rendue à Paris. Elle n'a toutefois pas précisé si l'application de la Convention de New York entraînait, cette fois par le truchement de son article VII § 1, l'application de l'article 31 de l'AUA (39). Quant à la Réforme, elle n'apporte aucun éclairage sur ce point.

La question demeure ainsi ouverte.

D - La nécessité de se référer aux législations nationales pour déterminer la compétence des tribunaux et la nature de la procédure d'exequatur

Même dans les cas où, en application de son article 34, l'AUA est la loi applicable à la reconnaissance et à l'exécution des Sentences Etrangères dans un Etat OHADA (aucune convention internationale traitant de la question n'étant applicable), tous les aspects de la procédure de reconnaissance et d'exequatur ne sont néanmoins pas régis par les dispositions de l'AUA.

Ceci est particulièrement vrai s'agissant de la détermination de la juridiction compétente pour conférer reconnaissance et exequatur à la sentence arbitrale. En effet, l'article 30 de l'AUA dispose que la reconnaissance et l'exécution sont accordées "par le juge compétent dans l'Etat-partie" (40). Le juge ou le tribunal compétent pour ordonner la reconnaissance et l'exécution des Sentences Etrangères reste donc déterminé par les législations internes de chaque Etat OHADA. Pourtant, plusieurs législations internes ne prévoient toujours pas le juge compétent pour prononcer la reconnaissance et l'exequatur des Sentences Etrangères (41).

L'AUA ne précise pas davantage la procédure légale et le type d'action requis pour demander l'exequatur d'une sentence arbitrale (y compris d'une Sentence Etrangère). Cette omission est regrettable dans la mesure où les lois nationales des Etats OHADA n'offrent pas une solution uniforme : certaines disposent que la demande d'exequatur doit faire l'objet d'une procédure contradictoire (42) là où d'autres prévoient une procédure sur requête (donc généralement ex-parte (43)).

Cette omission constitue une lacune importante de l'AUA. L'objectif de création d'un droit uniforme de l'arbitrage au sein des pays membres de l'espace OHADA aurait été mieux servi par un degré supérieur d'harmonisation du régime de la reconnaissance et de l'exécution des sentences.

A la lumière de ce qui précède, même si les incertitudes créées par la rédaction de l'article 34 concernant l'application de l'AUA aux Sentences Etrangères peuvent être surmontées, notamment par la CCJA, le principe de subsidiarité instauré par l'article 34 et le fait que l'AUA renvoie certains aspects de la procédure d'exequatur aux législations nationales des Etats OHADA offrent des arguments aux parties perdantes à l'arbitrage pour tenter d'échapper aux dispositions modernes de l'AUA sur la reconnaissance et l'exequatur des Sentences Etrangères dans les Etats OHADA.

Il est regrettable que l'exequatur des Sentences Etrangères, une étape évidemment cruciale de la procédure d'arbitrage, soit toujours en partie soumise aux législations nationales hétérogènes des Etats OHADA alors que l'AUA a justement été conçu pour les remplacer. On ne peut qu'espérer que les futures révisions de l'AUA prendront en compte ce problème.

En outre, rien ne semble s'y opposer. Par exemple, l'article 49 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution (N° Lexbase : L0546LGC) précise déjà la juridiction compétente au sein des Etats membres pour former une contestation. Des amendements à l'AUA pourrait donc unifier la procédure applicable au sein de l'espace OHADA pour solliciter l'exequatur des sentences arbitrables.

D'ailleurs, la Réforme a déjà fait un pas dans cette direction. Si le juge compétent n'est toujours pas précisé, tel n'est plus le cas de la procédure qui lui est applicable. La Réforme impose désormais que la "procédure relative à la demande d'exequatur [ne soit] pas contradictoire" (44).

De nouveaux amendements à l'AUA s'imposent d'autant plus que des difficultés similaires peuvent être rencontrées en ce qui concerne les recours contre les ordonnances d'exequatur.


(1) Une version révisée de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage a été adoptée le 23 novembre 2017 à Conakry (République de Guinée). Néanmoins, lorsqu'il est fait mention de l'AUA dans le présent article, il s'agit, sauf précision contraire, de sa version du 11 mars 1999.
(2) A ce jour, les dix-sept Etats OHADA sont la République du Bénin, le Burkina Faso, la République du Cameroun, la République Centrafricaine, la République du Tchad, l'Union des Comores, la République du Congo, la République Démocratique du Congo, la République de Guinée Équatoriale, la République du Gabon, la République de Guinée, la République de Guinée-Bissau, la Côte d'Ivoire, la République du Mali, la République du Niger, la République du Sénégal et la République du Togo.
(3) Préambule du Traite Relatif à l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires adopté le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Île Maurice) ("Traité de l'OHADA" (N° Lexbase : L3251LGI).
(4) Voir l'article 35 de l'AUA : "Le présent acte uniforme tient lieu de loi relative à l'arbitrage dans les Etats-parties. Celui-ci n'est applicable qu'aux instances arbitrales nées après son entrée en vigueur".
(5) Par exemple, la détermination du juge ou de la juridiction compétente pour rendre une ordonnance d'exequatur est une question qui demeure régie par les législations nationales.
(6) Ou au singulier, une "Sentence Etrangère". Le présent article ne traitera pas du cas de sentences arbitrales éventuellement rendues en dehors de l'espace OHADA mais régies par l'AUA, étant donné que ces sentences ne rentrent pas dans le champ d'application de l'article 34 précité.
(7) Toute référence aux articles de l'AUA (autre que celles incluses dans les citations de jurisprudence ou de doctrine) sera limitée au numéro de l'article concerné, sans mentionner "de l'AUA".
(8) Les "règles" auxquelles cet article fait référence doivent être comprises comme les règles de procédure du siège de l'arbitrage, et non comme les règles de droit substantiel applicables au fond du litige.
(9) Soulignements ajoutés.
(10) Ce chapitre comprend les articles 30 à 34 de l'AUA.
(11) OHADA, Traités et actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 2014 ("Code Vert OHADA"), observations sous l'article 34 de l'AUA, page 181: "[c]ette disposition règle la question de la reconnaissance -et, bien que le texte ne le mentionne pas expressément, de l'exequatur- des sentences arbitrales rendues dans les Etats tiers à l'OHADA" ; C. Sossou Biadja, L'acte uniforme OHADA relatif à l'arbitrage à l'épreuve des standards transnationaux de la justice arbitrale, Approche comparée de droit international privé, LGDJ, 2015, page 511, § 122 : "[c]ette disposition règle, pour ainsi dire, la problématique de la reconnaissance (et même si elle ne le mentionne pas expressément, celle de l'exequatur) des sentences arbitrales rendues dans les Etats tiers à l'OHADA voire à l'intérieur de l'OHADA mais sur le fondement d'une loi d'arbitrage autre que l'AUA".
(12) T. A. Brabant, O. Divoy, The Enforcement of International Arbitral Awards in OHADA Member States - The Uniform Act on Arbitration is Not the Smooth Ride it Was Designed to Be, TDM 4 (2016), lire ici.
(13) CCJA, 26 janvier 2017, n° 003/2017 (N° Lexbase : A4763WGI et lire N° Lexbase : N7638BWS) ; (soulignement ajouté).
(14) CA Abidjan, 19 novembre 2002, n° 1157 du 19 novembre 2002. Il est fait référence à cette décision dans deux des trois codes commentés OHADA : 1° Le Code Vert OHADA, voir note 8 supra, observations sous l'article 34 de l'AUA, page 182, et 2° Code Pratique OHADA, Traité, Actes Uniformes et Règlements annotés, éditions Francis Lefebvre, 2014 ("Code Gris OHADA"), observations sous l'article 35 de l'AUA, page 181. Le troisième Code OHADA disponible est OHADA, Code Bleu, Traité - Actes Uniformes - Règlement de Procédure et d'Arbitrage - Jurisprudence annotée, Juriafrica, édition 2016 ("Code Bleu OHADA") ; soulignement ajouté.
(15) Soulignement et termes soulignés ajoutés.
(16) Extrait du préambule de la première version du projet de rédaction de l'Acte Uniforme, issu de Regard critique sur le droit de l'arbitrage OHADA, d' Henri-Joël Tagum Fombeno, accessible ici.
(17) G. Kenfack Douajni and C. Imhoos, L'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage dans le cadre du Traité OHADA, paru dans la Revue Camerounaise de l'Arbitrage n° 5, Avril-Mai-Juin 1999, page 3 (Ohadata D-08-79) : "[l]a particularité de l'exécution des sentences arbitrales dans le système de l'Acte Uniforme OHADA résulte de son article 34 [...]. Cette disposition novatrice et suffisamment ouverte signifie que les sentences arbitrales étrangères aux pays de l'espace OHADA seront reconnues en vertu des règles contenues dans la Convention de New York, pour autant que celle-ci ait été ratifiée par les Etats en cause, et à défaut, conformément à l'Acte uniforme [...]".
(18) Code Vert OHADA, observations sous l'article 34 de l'AUA, page 182 : "[l]a complexité inutile de l'article 34 explique peut-être -sans la justifier- la mauvaise application faite de cette disposition par la cour d'appel d'Abidjan dans un arrêt du 19 novembre 2002".
(19) Ibid., observations sous l'article 31 de l'AUA, page 179.
(20) Ibid., observations sous l'article 34, page 182 (soulignement ajouté). Voir aussi C. Sossou Biadja, voir note 8 supra, page 113, §76. Après avoir relevé que sur la base d'une lecture prima facie de l'article 1 de l'AUA, une définition "territorialiste" plutôt qu'"autonomiste" du siège de l'arbitrage semblerait prévaloir (supra, note 5), l'auteur note : "cette même lecture 'territorialiste' du 'siège' n'avait-elle pas été expressément faite par la CA d'Abidjan dans un arrêt à l'occasion d'une demande de reconnaissance d'une sentence arbitrale rendue hors OHADA ? Cette juridiction ivoirienne avait écarté l'AUA au motif que le 'siège du tribunal arbitral se [trouvait] en Suisse'. Ce qui, à notre avis, est une grave erreur d'appréciation du sens que devrait avoir la notion de "siège" dans l'AUA".
(21) Préambule du Traité de l'OHADA, §§ 1-6 : "Hautes parties contractantes du Traité, relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, déterminés à [...] établir un courant de confiance en faveur des économies de leur pays en vue de créer un nouveau pôle de développement en Afrique ; [...] Persuadés que la réalisation de ces objectifs suppose la mise en place dans leurs Etats d'un Droit des Affaires harmonisées, simple, moderne et adapté, afin de faciliter l'activité des entreprises ; Conscients qu'il est essentiel que ce droit soit appliqué avec diligence, dans les conditions propres à garantir la sécurité juridique des activités économiques, afin de favoriser l'essor de celles-ci et d'encourager l'investissement".
(22) Ibid., § 7 : "Désireux de promouvoir l'arbitrage comme instrument de règlement des différends contractuels".
(23) T. A. Brabant; O. Divoy, The Enforcement of International Arbitral Awards in OHADA Member States - The Uniform Act on arbitration is not the smooth ride it was designed to be, TDM 4 (2016), lire ici.
(24) Par exemple, les dispositions du droit national antérieur à l'OHADA de la République Démocratique du Congo sur l'arbitrage prévoit que l'exequatur d'une sentence arbitrale peut être refusé lorsqu'un recours en annulation de la sentence est toujours pendant (Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, art. 120 5 °).
(25) CCJA, 26 janvier 2017, n° 003/2017 (soulignement ajouté).
(26) Soulignement ajouté.
(27) Supra, Section 1.1.
(28) ce jour, les cinq Etats OHADA qui n'ont pas ratifié la Convention de New York sont la République du Tchad, la République du Congo (Congo-Brazzaville), la République de Guinée Equatoriale, la République de Guinée-Bissau et la République du Togo.
(29) Convention de New York, art. VII §1: "[l]es dispositions de la présente Convention ne portent pas atteinte à la validité des accords multilatéraux ou bilatéraux conclus par les Etats contractants en matière de reconnaissance et d'exécution de sentences arbitrales et ne privent aucune partie intéressée du droit qu'elle pourrait avoir de se prévaloir d'une sentence arbitrale de la manière et dans la mesure admises par la législation ou les traités du pays où la sentence est invoquée". Dans The 1958 New York in action (Kluwer Law International 2016, pp. 233-238) Marike R. P. Paulsson observe que "[l'] article VII(1) est une disposition fourre-tout qui encourage l'exécution des sentences à l'étranger : il permet au demandeur de bénéficier d'un régime d'exécution différent - qu'il soit basé sur des dispositions nationales ou sur un autre traité - s'il est plus favorable que la Convention elle-même. Cette pratique est connue comme étant la clause du droit le plus favorable" (traduction libre de l'anglais).
(30) P. G. Pougoué et alii, Droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA, Yaoundé, Presses universitaires d'Afrique, 2000, p. 32 ; voir également, P. Meyer, Revue Burkinabé de droit, note sous la décision Ohadata n° J-03-83 ; Tribunal de grande instance de Ouagadougou, 13 juin 2001 : "[u]ne sentence rendue dans un Etat tiers à l'OHADA, dont l'efficacité est requise dans un Etat de l'OHADA, non partie à la Convention de New York, bénéficiera des dispositions -plus libérales que celles du droit conventionnel- de l'Acte uniforme".
(31) La Réforme n'affecte pas cette conclusion. L'AUA semble toujours poser des conditions de reconnaissance et d'exequatur plus favorables que celles énumérées par la Convention de New York. Entre autres, l'AUA dans sa version révisée fait toujours référence à un respect "manifeste" des règles d'ordre public "international" là où la Convention de New York se contente d'exiger un respect des règles d'ordre public de l'Etat partie où l'exequatur est sollicité.
(32) Certaines descriptions de ces critères font apparaître des termes en gras. Ils visent à attirer l'attention sur une différence notable entre l'AUA et la Convention de New York.
(33) La Réforme impose désormais une traduction "dans la ou les langue(s) officielle(s) de l'Etat Partie où l'exequatur est demandé". Le français n'est donc plus toujours exigé.
(34) La Réforme a modifié ce critère. Il s'agit désormais de ne refuser l'exequatur que "si la sentence est manifestement contraire à une règle d'ordre public international".
(35) P. G. Pougoué et alii, voir note 26 supra.
(36) Un exemple de la probable application de cette première approche est une ordonnance d'exequatur datant de février 2016 et rendue en République Démocratique du Congo (la "RDC"). Sur le fondement de l'article 31 de l'AUA, elle a reconnu exécutoire en RDC une sentence arbitrale rendue à Paris. Ainsi, et sans s'en expliquer davantage, la décision n'a pas appliqué les conditions posées par la Convention de New York, instrument pourtant en vigueur en RDC depuis février 2015.
(37) P. Meyer, Commentaire de l'article 34 de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage dans le Code Vert OHADA, p. 182.
(38) P. Meyer, L'Acte Uniforme de l'OHADA sur le droit de l'arbitrage (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires), Revue de Droit des Affaires Internationales, 1999, n° 6, p. 647, accessible sur HeinOnline : "[u]ne sentence rendue dans un Etat tiers à l'OHADA dont la reconnaissance et l'exécution sont requises dans un Etat de l'OHADA partie à la Convention de New York, relèvera des dispositions conventionnelles. Enfin, une sentence rendue dans un Etat tiers à l'OHADA et dont l'efficacité est demandée dans un Etat de l'OHADA non partie à la Convention du 10 juin 1958, bénéficiera des dispositions -plus libérales que celles du droit conventionnel- de la législation uniforme. On peut, en conséquence, se demander si la règle posée par l'article 34 était réellement opportune. Il aurait été plus judicieux de laisser jouer librement le principe posé par l'article VII § 1 de la Convention du 10 juin 1958 qui a pour effet de n'imposer que des conditions minimales à la reconnaissance".
(39) CCJA, 27 juillet 2017, n° 166/2017 (N° Lexbase : A1678WTC ; et lire sur cet arrêt N° Lexbase : N1137BXE).
(40) L'article 30 de l'AUA : "La sentence arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'en vertu d'une décision d'exequatur rendue par le juge compétent dans l'Etat-partie".
(41) C'est toujours le cas au Burkina Faso et dans l'Union des Comores : les sections relatives à l'arbitrage de leurs Codes de procédure civile contiennent uniquement une référence aux dispositions de l'AUA sans aucune disposition supplémentaire (Titre VIII du Code de procédure civile du Burkina Faso et Livre 4 du Code de procédure civile des Comores). Quant au Code de procédure civile sénégalais (article 812), il prévoit uniquement le juge compétent pour prononcer l'ordonnance d'exequatur de sentences arbitrales internes.
(42) Par exemple, en République du Mali en vertu de l'article 517 du Code de procédure civile.
(43) Par exemple, en République du Togo (C. pr. civ., togolais, art. 286) et en République Démocratique du Congo (C. pr. civ. de la RDC, art. 184).
(44) AUA, art. 31.

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