Réf. : Cass. civ. 2, 4 juillet 2013, n° 12-21.842, F-B+P (N° Lexbase : A5430KIX)
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N7975BTK
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Le 11 Juillet 2013
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Réf. : Cass. civ. 2, 4 juillet 2013, n° 12-25.096, FS-P+B (N° Lexbase : A5517KI8)
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N7994BTA
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Le 17 Juillet 2013
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Réf. : Cass. civ. 3, 3 juillet 2013, n° 12-19.442, FS-P+B (N° Lexbase : A5601KIB)
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N7997BTD
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Le 13 Juillet 2013
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Réf. : Cass. civ. 1, 3 juillet 2013, n° 12-16.853, F-P+B (N° Lexbase : A5394KIM)
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N7993BT9
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Le 12 Juillet 2013
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Réf. : Cass. civ. 2, 4 juillet 2013, n° 12-17.427, FS-P+B (N° Lexbase : A5530KIN)
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Le 16 Juillet 2013
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Réf. : Cass. civ. 3, 3 juillet 2013, n° 12-18.952, FS-P+B (N° Lexbase : A5592KIX)
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Le 18 Juillet 2013
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Réf. : CA Lyon, 18 juin 2013, n° 12/05902 (N° Lexbase : A6543KGG)
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N7998BTE
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Le 11 Juillet 2013
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Réf. : CA Bordeaux, 11 juin 2013, n° 12/04537 (N° Lexbase : A4315KGW)
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Le 11 Juillet 2013
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Réf. : Cass. civ. 3, 5 juin 2013, n° 12-18.465, FS-P+B (N° Lexbase : A3196KGH)
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N7960BTY
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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR à la Faculté de Droit de Nancy, Université de Lorraine, Institut François Gény, EA 7301, Nancy, Présidente de l'AFDR Section Lorraine
Le 11 Juillet 2013
I - Droit de reprise du bailleur et contrôle des structures
Déclaration ou autorisation ? Telle est la problématique dans la présente affaire, au regard de la situation du bailleur ou plus exactement du fils de l'ancien associé de la société bailleresse. Plus précisément, il s'agit d'une "reprise intrafamiliale" (3) dont le régime juridique a été assoupli par le législateur en 2006 (4). En effet, cette opération n'est plus soumise à l'autorisation administrative du contrôle des structures, mais fait l'objet d'une déclaration préalable conformément à l'article L. 331-2, II, du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L3130IT4). Ce texte pose trois conditions pour bénéficier du régime de la déclaration : le déclarant doit avoir la capacité agricole, les biens doivent être libres de location au jour de la déclaration (5) et, enfin, les biens doivent être détenus par le parent ou allié depuis au moins neuf ans. De plus, sont assimilées aux biens, les parts d'une société constituée entre les membres d'une même famille. Les conditions d'application de cette disposition légale ont été précisées par une circulaire du 8 août 2006 (6). Tout d'abord, la forme de la société est indifférente. Par conséquent, il importe peu que la société bailleresse soit une société commerciale par la forme (SA) ou une société civile à objet agricole. Elle doit toutefois être exclusivement familiale, précise cette circulaire, alors que la loi dispose que la société doit être constituée entre les membres d'une même famille. Par conséquent, le capital social doit être détenu en totalité par une même famille, ce qui semble indiquer que les associés doivent être parents ou alliés jusqu'au troisième degré inclus (7). Or, dans la présente affaire, 21 actions de la SA étaient détenues par une personne étrangère à la famille, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger plus précisément sur la proximité du lien de parenté. Par conséquent, le bailleur ne pouvait bénéficier du régime de la déclaration.
Dans ces conditions, le fils devait justifier d'une autorisation d'exploiter pour les terres louées. En effet, ayant déjà la qualité d'exploitant agricole, il est titulaire de la capacité agricole. Il ne lui restait plus qu'à avoir l'autorisation requise. Or, sur ce point, la cour d'appel précise que sa demande a été rejetée par l'autorité administrative compétente et fait l'objet d'un contentieux, parallèlement à la procédure relative au bail à long terme. Ainsi, elle ajoute qu'en application de l'article L. 411-59 du Code rural et de la pêche maritime, le fils du bailleur doit exploiter personnellement les terres, en participant de façon effective et permanente aux travaux agricole. Or, pour les juges du fond, ce dernier étant à la tête d'une autre exploitation située à une centaine de kilomètres des terres litigieuses, la conduite de deux exploitations aussi éloignées ne lui apparaît pas économiquement viable. Pour cette raison, elle a considéré que les conditions requises pour l'exercice du droit de reprise n'étaient pas remplies. Toutefois, seule l'issue du contentieux administratif permettra de savoir ce qu'il en est véritablement, car le droit au renouvellement du bail n'est pas acquis aux preneurs, condition préalable indispensable pour pouvoir céder le contrat à leur fils.
II - Droit de céder le bail par le couple preneur et mise à disposition du bail
S'il ressort des données disponibles que le droit de reprise n'est pas acquis pour le fils de l'ancien associé de la société bailleresse, il en va de même pour le droit au renouvellement des preneurs. En effet, le bail étant arrivé à son terme, ils ne peuvent le céder qu'après en avoir obtenu le renouvellement.
Dans cette affaire, le bail à long terme avait été conclu par un couple, chaque conjoint ayant la qualité de titulaire du bail. En cette qualité ils sont chacun tenus des obligations afférentes au locataire en application du statut du fermage (8). Au cours de l'exécution du bail, le 1er juillet 2009, le contrat a été mis à disposition d'une EARL, conformément à l'article L. 411-37 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L6459HHP). En application de cette disposition, le preneur reste seul titulaire du bail et doit continuer à se consacrer à l'exploitation des biens mis à disposition de la société, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente.
Or, la mise à disposition n'a été réalisée que "partiellement", car seul l'un des deux titulaires du bail a réalisé cette opération, car l'épouse n'est pas associée dans la société exploitant les terres louées. Cette situation est critiquable au regard du droit positif. Toutefois, actuellement, la jurisprudence considère qu'à défaut de préjudice du bailleur, le défaut de qualité d'associé du preneur à bail ne permet pas de justifier la résiliation d'un bail en cours (9). Telle est la solution rappelée par la cour d'appel.
Par ailleurs, le preneur doit avoir la qualité d'associé de la société bénéficiaire de la mise à disposition des terres louées, à défaut l'opération est qualifiée de cession prohibée du bail (10). Par conséquent, le bail ne peut être renouvelé pour manquement de l'épouse en sa qualité de cotitulaire du bail. Or, l'épouse ne satisfaisant pas à ces conditions, la mise à disposition des terres litigieuses à une société constituée entre son époux et son fils constitue une cession prohibée. C'est pour cette raison que la Cour de cassation censure la cour d'appel en précisant que cette dernière n'a pas tiré "les conséquences légales qui se déduisaient du manquement de la copreneuse aux obligations du bail". Ainsi, soit le couple met à disposition le bail à une société dont ils sont notamment (éventuellement avec le fils) tous les deux associés ; soit ils exploitent en nom propre les biens, objet du bail duquel ils sont cotitulaires. Autrement formulé, lorsque le couple est preneur à bail, il n'est pas possible de dissocier la situation d'un conjoint par rapport à l'autre, comme ce qui avait été réalisé dans cette procédure. Par conséquent, le défaut de qualité d'associé de l'épouse dans la société exploitant les terres louées constitue un manquement justifiant le défaut de renouvellement du contrat de bail. A défaut de renouvellement, le contrat ne peut être cédé au fils des preneurs. Telle risque d'être la solution retenue par la cour de renvoi !
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Réf. : Cass. civ. 1, 26 juin 2013, n° 11-25.946, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6859KHI)
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N7944BTE
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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP
Le 11 Juillet 2013
Le donateur désigne un tiers pour gérer les biens qu'il donne à l'enfant en précisant ses pouvoirs. Ce faisant, il porte atteinte aux prérogatives du représentant légal, ce qui évidemment peut susciter un certain mécontentement de la part de ce dernier qui doit supporter l'intervention d'un tiers dans la gestion des biens de son enfant mineur.
L'arrêt de la Cour de cassation du 26 juin 2013 s'inscrit dans cette hypothèse. En l'espèce, la mère d'un enfant mineur, prématurément décédée, avait institué, par testament du 31 décembre 2009, son fils légataire universel de ses biens et désigné son père, et à défaut sa soeur, administrateur des biens ainsi légués à son fils mineur. Pour empêcher la gestion que le père de l'enfant voulait faire des biens en question, les grands-parents maternels de l'enfant avaient contesté en justice sa qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire.
De manière surprenante, la cour d'appel, pour réputer non écrites les dispositions testamentaires prises par la mère le 4 juin 2010 instituant un administrateur des biens de son fils, retient que "cette désignation est contraire à l'intérêt de l'enfant", s'attirant les foudres de la Cour de cassation qui casse l'arrêt pour violation de la loi.
Cette décision permet de rappeler que l'article 389-3, alinéa 3, du Code civil offre une prérogative discrétionnaire à l'auteur d'une libéralité en faveur d'un mineur (I), dont les modalités méritent par ailleurs d'être précisées (II).
I - Un droit inconditionnel de l'auteur de la libéralité
Silence du texte. La formule de l'article 389-3, alinéa 3, ne conditionne pas l'exclusion de l'administration légale à l'intérêt de l'enfant. Certains auteurs avaient pourtant estimé qu'une telle exclusion devait être conforme aux intérêts de l'enfant, considérant que ce critère doit seul justifier l'exclusion expresse du disposant et non une vengeance posthume ou une volonté de nuire ; selon cette analyse, le juge pourrait déclarer une clause ayant cet objet non écrite s'il l'estimait contraire à l'intérêt de l'enfant, par exemple si la gestion par un tiers des biens donnés ou légués s'avère manifestement contraire aux principes d'une bonne gestion (1). Cette conception peut évidemment être confortée par l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant (N° Lexbase : L6807BHL) selon lequel, dans toute décision concernant un enfant, son intérêt supérieur doit primer.
Exclusion de l'intérêt de l'enfant. C'est cette analyse qu'avait reprise la cour d'appel dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt commenté. Les juges du fond ont considéré que l'exclusion de l'administration légale était contraire à l'intérêt de l'enfant, sans préciser si cette contrariété était générale ou spécifique à l'affaire concernée. La Cour de cassation rejette en tout état de cause fermement cette solution en affirmant que la cour d'appel a violé la loi en ajoutant au texte de l'article 389-3, alinéa 3, du Code civil. Ce faisant, la Haute Cour s'en tient à une approche littérale du texte qui privilégie la liberté de l'auteur de la libéralité de subordonner celle-ci à toute condition qu'il juge nécessaire. Toutefois, cette solution n'est pas sans susciter quelques interrogations quant à sa compatibilité avec l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant.
Critique. L'exclusion de toute référence à l'intérêt de l'enfant pour une décision qui le concerne forcément paraît excessive. Même si le texte de l'article 389-3, alinéa 3, du Code civil ne vise pas ce critère, on ne peut l'écarter totalement dès lors que la décision concerne l'enfant et que la primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant constitue un principe supra-législatif, qui plus est d'applicabilité directe en droit positif depuis 2005. Une solution intermédiaire pourrait être de considérer que, en principe, l'exclusion de l'administration légale sur les biens transmis gratuitement au mineur est conforme à son intérêt -elle permet en effet à un enfant d'obtenir des biens qu'il n'aurait peut-être pas reçus si son parent avait conservé son droit d'administration légale sur ceux-ci-, mais que le juge peut écarter cette exclusion lorsque celle-ci est manifestement contraire à l'intérêt de l'enfant apprécié in concreto. Une telle contrariété pourrait relever de l'incompétence manifeste de la personne désignée pour gérer les biens donnés au mineur ou du risque de conflits que cette gestion pourrait susciter avec les représentants légaux du mineur. Il semble que l'arrêt du 26 juin 2013 ne s'inscrit pas dans cette analyse et qu'elle fait primer la volonté du disposant sur l'intérêt supérieur de l'enfant ! D'autant que, dans cette affaire, le donateur était la mère du mineur...
II - Les modalités du transfert de l'administration légale à un tiers
Domaine de l'article 389-3, alinéa 3, du Code civil. La Cour de cassation avait, dans un arrêt ancien (2), limité l'exclusion de l'administration légale aux biens relevant de la quotité disponible. Toutefois il était de plus en plus admis, par analogie de la règle posée à propos de la clause d'exclusion de communauté (3), que le tiers désigné peut recevoir mission de gérer non seulement la quotité disponible, sphère normale de liberté du testateur ou du donateur, mais aussi la réserve héréditaire, qui normalement lui échappe (4). Une telle solution paraissait plutôt opportune, "il est parfois de l'intérêt de l'enfant de voir son patrimoine administré par un tiers, loin des conflits conjugaux et du risque de mauvaise gestion du patrimoine par un administrateur légal incompétent" (5). Dans un arrêt du 6 mars 2013 (6), la Cour de cassation a clairement affirmé que l'article 389-3 du Code civil est une disposition générale qui ne comporte aucune exception pour la réserve héréditaire. La clause peut ainsi aboutir à priver l'administrateur légal de ses pouvoirs sur l'ensemble des biens du mineur, comme c'était le cas dans l'espèce jugée par la Cour de cassation le 26 juin 2013.
Pouvoirs du tiers administrateur. L'article 389-3, alinéa 3, du Code civil dispose que les pouvoirs du tiers administrateur sont précisés dans la donation ou le testament. L'auteur de la libéralité peut en effet limiter les pouvoirs du représentant légal à la seule administration des biens et conditionner les actes de disposition à l'intervention d'un tiers. A l'inverse, l'auteur de la libéralité peut souhaiter que le tiers administrateur ait davantage de pouvoirs que ceux que lui conférerait la loi. En effet, le texte prévoit qu'à défaut de précision dans la libéralité, le tiers administrateur se voit conférer les pouvoirs d'un administrateur légal sous contrôle judiciaire. Il bénéficie ainsi seulement de pouvoirs d'administration, à l'exclusion de pouvoirs de disposition. L'auteur de la libéralité peut donc permettre que l'administrateur spécial reçoive des pouvoirs plus larges que ceux d'un administrateur légal ou d'un tuteur (7), et même, selon la lettre du texte, soit dispensé de tout contrôle ou autorisation du juge des tutelles ; en pareil cas, celui-ci n'engagera pas sa responsabilité (8). En l'espèce, la donatrice pouvait conférer à son propre père davantage de pouvoirs sur les biens légués que ceux que le père de l'enfant avait sur les autres biens du mineur. Les pouvoirs conférés à l'auteur de la libéralité peuvent donc être extrêmement étendus, fait d'autant plus remarquable que le régime de l'administration légale et de la tutelle est d'ordre public.
Exclusion de la jouissance légale. L'article 387 du Code civil exclut de la jouissance légale dont bénéficient les parents sur les revenus des biens du mineur, les biens qui lui ont été donnés ou légués sous la condition expresse que les père et mère n'en jouiront pas (9). Même si l'arrêt ne le précise pas, on peut penser que la clause qui écartait l'administration légale du père sur les biens légués contenait également une exclusion de la jouissance légale comme c'est souvent le cas en pratique. L'objectif poursuivi par la mère de l'enfant était en effet certainement que le père de celui-ci, dont elle était séparé, ne s'enrichisse pas de quelle que manière que ce soit, en profitant des biens qu'elle a laissé à leur enfant commun. On peut cependant s'interroger sur le fait de savoir si la clause d'exclusion de l'administration légale n'emporte pas exclusion automatique de la jouissance légale. En effet, l'article 387 du Code civil vise une condition expresse. Gérard Cornu (10) considérait cependant que si l'administration légale était écartée, le droit de jouissance se trouve, lui-même indirectement exclus à la base : l'absence de gestion du bien par les parents implique que les revenus de celui-ci ne sont pas perçus par eux mais le tiers chargé de les administrer. Si cette analyse paraît tout à fait logique et opportune, il convient de se méfier de l'interprétation littérale que la Cour de cassation pourrait faire de l'article 389-3, alinéa 3, et conseiller aux donataires d'exclure expressément à la fois l'administration et la jouissance légale, d'autant que l'exclusion doit être expresse mais n'exige pas de formule sacramentelle. Il suffit que l'intention du disposant d'affranchir les biens donnes ou légués de l'administration légale du ou des titulaires de l'autorité parentale soit non équivoque et certaine (11).
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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée
Le 11 Juillet 2013
L'article 388-1 du Code civil prévoit que :
"Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet.
Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d'être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Il peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n'apparaît pas conforme à l'intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d'une autre personne.
L'audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure.
Le juge s'assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat".
Il aura fallu attendre deux ans pour que soit fixée la procédure à travers le décret n° 2009-572 du 20 mai 2009 (N° Lexbase : L2674IER), instituant les articles 338-1 et suivants du Code de procédure civile. Les dispositions du Code de procédure civile sont malheureusement incomplètes et n'apportent pas toutes les réponses aux questions soulevées.
C'est la raison pour laquelle les magistrats et avocats parisiens se sont concertés pour préciser la procédure applicable à l'audition de mineur, donnant lieu à une Convention dite pour l'amélioration de la pratique de l'audition de l'enfant, signée en 2010, et amendée le 15 décembre 2011, à l'issue d'un premier bilan.
Anne Bérard est revenue sur différents éléments de cette convention, qui lie donc le TGI de Paris au barreau de Paris.
"Les dispositions de l'article 388-1 du Code civil prévoient que le juge aux affaires familiales s'assure que l'enfant, capable de discernement, a été informé de son droit à être entendu et assisté par un avocat à l'occasion de son audition.
Le juge aux affaires familiales y veillera dans toutes les procédures concernant le mineur, notamment :
- les modalités d'exercice de l'autorité parentale comprenant le temps partagé avec chacun des parents, droit de visite et d'hébergement des tiers (grand-parents et autres) ;
- les délégations d'autorité parentale ;
- les enfants confiés à des tiers ;
- les déplacements illicites d'enfants ;
- les changements de prénom des mineurs ;
- les tutelles des mineurs".
Anne Bérard relève qu'il n'a pas été fait référence aux contributions à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, mais l'on peut estimer que l'audition de l'enfant peut également être requise à cet égard.
"Afin de permettre aux parents, tuteurs, personnes, services ou établissement à qui l'enfant a été confié, d'assurer cette information, les avocats s'obligent à insérer dans les requêtes, conventions et assignations soumises à l'agrément des clients qui ont des enfants, les dispositions de l'article 388-1 du Code civil".
En ce qui concerne la transmission de l'information par les juges, elle est automatique ; l'intervenante indique en effet que toutes les convocations contiennent un pavé d'informations "388-1". Néanmoins, lorsque la convocation revient avec un accusé de réception non signé, la citation est délivrée par huissier ; dans ce cas, l'information de l'article 388-1 sur le droit de l'enfant à être entendu n'est généralement pas délivrée ; ce problème devrait être résolu très prochainement, à la suite d'une recommandation en ce sens faite dernièrement par le président de la chambre des huissiers de Paris.
S'agissant des assignations en référé ou en la forme des référés, il appartient aux avocats eux-mêmes d'indiquer cette mention de l'article 388-1 dans le texte de l'assignation. Le défaut de cette information peut engager la responsabilité de l'avocat.
"De la même façon, la convention adressée par le greffe rappellera aux parties ce devoir d'information par la reprise des dispositions de l'article 388-1 du Code civil.
En matière de tutelle, même si le juge estime qu'il n'y a pas lieu à convocation des parents pour statuer sur la demande présentée, il doit s'assurer auprès d'eux qu'ils ont avisé le mineur de son droit à être entendu, par l'envoi d'un formulaire à retourner dûment rempli.
Les avocats des requérants pourront également, par souci de gain de temps, joindre ce formulaire rempli à leur requête.
En adéquation avec la législation européenne, il devra être inséré dans le corps des décisions de justice, une mention indiquant que le juge s'est assuré de l'information de l'enfant conformément aux dispositions de l'article 388-1 du Code civil".
La pratique consistant à faire signer un formulaire a été développée par la pratique notariale ; Anne Bérard estime que les avocats ont tout intérêt à adopter cette pratique, que ce soit tant au regard de leur responsabilité, que de l'utilité de l'information pour le juge qui est ainsi assuré que l'enfant a été informé de son droit à être entendu.
"Aucun avocat des parties ne doit avoir de contact avec l'enfant".
La magistrate a insisté sur ce point en rappelant qu'il ne faut pas confondre avocat des parties et avocat de l'enfant ; de la même manière, l'avocat de l'enfant ne doit pas avoir de contact avec les parties ; malheureusement il arrive trop souvent que ce principe essentiel ne soit pas respecté.
"Si un avocat a déjà été désigné dans le cadre d'un dossier d'assistance éducative, il accompagnera si possible le mineur dans le cadre de la procédure devant le juge aux affaires familiales".
Cette recommandation répond à une logique de prise en charge globale de l'enfant. Il est très important que l'enfant puisse disposer de "son" avocat, qui va le suivre dans tout son parcours judiciaire.
"L'audition demandée par un enfant est de droit. Le refus d'audition ne peut être fondé que sur son absence de discernement ou sur le fait que la procédure ne le concerne pas".
Anne Bérard rappelle qu'il s'agit de l'élément fondamental de la réforme de 2007. Antérieurement à la réforme, le juge avait en effet le pouvoir de refuser par une ordonnance spécialement motivée, l'audition du mineur demandée par le mineur lui-même ; lorsque c'était le parent qui demandait l'audition du mineur, le juge avait le droit de refuser sans motif. Depuis la réforme de 2007, lorsque les parents demandent l'audition, le juge ne peut refuser sans motiver sa décision ; lorsque la demande émane du mineur lui-même, le juge ne peut refuser son audition, sauf s'il n'est pas capable de discernement.
La question de l'appréciation de l'état de discernement est évidemment source de difficultés, en l'absence de toute indication textuelle que ce soit par la loi ou le décret. La convention ne précise rien non plus à cet égard si ce n'est que "le discernement pourra être apprécié en fonction de la matière et des sujets concernant l'enfant (patrimoniaux ou non)".
Sur l'âge de discernement, il apparaît que la majorité des magistrats fixe un âge minimum de discernement ; cet âge est variable selon les magistrats. Pour sa part, Anne Bérard pose une présomption de discernement à l'âge de 7 ans, fondé sur la courbe de Gauss. Autrement dit, en principe, elle ne procède pas à l'audition des enfants âgés de moins de 7 ans. Il arrive, toutefois, que les circonstances l'amènent à auditionner un enfant plus jeune. Inversement, elle peut considérer qu'un enfant de 15 ans n'est pas capable de discernement, au regard de sa santé mentale.
Laurence Tartour a signalé que, dans un arrêt rendu le 12 juin 2013, la Cour de cassation a estimé que le conflit parental était tel qu'il faisait obstacle à ce que l'enfant puisse être capable de discernement (Cass. civ. 1, 12 juin 2013, n° 12-13.402, F-D N° Lexbase : A5727KG9) ; la Haute juridiction a approuvé la cour d'appel ayant retenu, "que la capacité de discernement d'un enfant se trouvait assez facilement altérée par son environnement comme par des événements traumatiques et, d'une part, que Sarah et Lucie, la première, compte tenu de son âge et de sa maturité, davantage que la seconde, étaient manifestement prises dans un conflit de loyauté envers chacun de leurs parents, que la multiplication des procédures ne faisait qu'aviver, d'autre part, que les différentes lettres de Sarah, qu'elles aient exprimé son souhait de vivre plutôt avec sa mère ou avec son père, n'étaient que le reflet de sa difficulté à s'exprimer librement, [et] en a souverainement déduit que les enfants n'étaient pas capables de discernement".
Dans le même sens, dans un arrêt du 15 mai 2013 (Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 12-12.224, F-D N° Lexbase : A5087KDR), la Cour de cassation approuve la cour d'appel qui a déduit le défaut de discernement en relevant qu'"Eva n'avait pas encore neuf ans et que les lettres contradictoires qu'elle avait écrites à quelques jours d'intervalle démontraient qu'elle était soumise aux pressions de ses parents".
Selon Anne Bérard, ces décisions marquent un retour en arrière par rapport à la loi du 5 mai 2007, dans la mesure où cela vient limiter le droit de l'enfant à être entendu.
Catherine Brault a rappelé que le Défenseur des droits, dans une décision du 13 novembre 2012, rappelle que le juge aux affaires familiales doit motiver sa décision lorsqu'il estime que l'enfant n'est pas capable de discernement.
Et Laurence Tartour de conclure, sur cette question, que si le droit de l'enfant à être entendu constitue un progrès, il ne s'agit pas d'un droit absolu, dans la mesure où la méconnaissance de ce droit n'est pas sanctionnée. En effet, si le juge ne fait pas droit à la demande d'un enfant à être entendu, sans motiver ce refus, l'enfant ne dispose d'aucun recours, sauf celui des parents ; il s'agit donc d'un droit sans recours, qui n'est donc pas effectif. Le droit de l'enfant à être entendu reste totalement subordonné à l'accompagnement parental, puisque l'enfant n'est pas partie à la procédure.
"Sauf en matière de tutelles mineurs, aucune demande d'audition de mineur devant le juge aux affaires familiales ne peut être faite si aucune procédure n'est engagée".
En effet, l'enfant ne peut engager une procédure pour son propre compte, et il doit se greffer aux procédures existantes puisqu'il n'est pas partie à l'instance. En matière de tutelle mineurs, la solution est différente puisqu'il s'agit d'une procédure non contentieuse.
"L'audition peut également être demandée par une des parties. Dans ce cas, elle peut être refusée si le juge ne l'estime pas nécessaire à la solution du litige ou si elle lui paraît contraire à l'intérêt de l'enfant".
Il arrive en effet très souvent que le juge ait le sentiment que l'enfant est instrumentalisé.
"Il n'y a aucun formalisme à la demande d'audition de l'enfant, laquelle peut survenir à tout moment de l'instance.
La demande d'audition formée par l'enfant est adressée de préférence directement au juge.
Il est recommandé qu'elle soit faite au moyen d'un écrit de l'enfant".
Anne Bérard regrette cette absence totale de formalisme ; elle relève que toute forme de demande doit donc être admise, même dématérialisée, par SMS ou autre... Mais il est évident, selon elle, que l'intérêt de l'enfant commande que la demande soit faite par écrit.
"L'enfant pourra directement s'adresser au bâtonnier afin qu'un avocat de l'antenne des mineurs lui soit immédiatement désigné.
Lorsque l'enfant aura émis le souhait d'être assisté d'un avocat ou, à défaut, lorsqu'il l'estimera conforme à l'intérêt de l'enfant, le juge saisira le bâtonnier de l'Ordre par écrit pour qu'il désigne un avocat pour l'enfant, étant rappelé que la plupart du temps, il est de l'intérêt supérieur de l'enfant d'être assisté".
L'article 388-1 prévoit, en effet, que l'enfant "peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix". En réalité, il est rarissime qu'une demande d'avocat apparaisse ab initio dans la demande d'audition de mineur ; néanmoins, la pratique majoritaire de la chambre de Paris montre que le juge demande presque systématiquement la désignation d'un avocat.
L'article 388-1 du Code civil dispose que "le mineur [...] peut être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet".
Anne Bérard a insisté sur le fait que le principe est l'absence de délégation ; la délégation n'a lieu qu'exceptionnellement. Le seul motif pouvant justifier une délégation à un tiers est celui de l'intérêt de l'enfant. C'est ainsi que la convention précise que "Le juge procède lui-même à l'audition ou, lorsque l'intérêt de l'enfant le commande et, plus opportunément, à titre exceptionnel, y fait procéder par une personne qualifiée qu'il désigne à cet effet".
La pratique de certains tribunaux consistant à déléguer systématiquement, sans motif, l'audition des mineurs constitue, selon Madame Bérard, un dévoiement de la loi.
Exceptionnellement donc, la magistrate estime que l'intérêt de l'enfant peut conduire le juge à déléguer l'audition, notamment lorsqu'il a le sentiment d'une instrumentalisation de l'enfant, ou d'une situation familiale complexe qui justifie que l'audition soit faite par un psychologue capable, outre de procéder à l'audition, de dresser une évaluation de la situation familiale.
C'est ainsi que Véronique Melchior, psychologue, mise à disposition du tribunal de Paris, aux affaires familiales, est amenée à auditionner des enfants. L'intérêt de cette délégation à un psychologue est d'établir, parallèlement à l'audition, une évaluation clinique de la situation. Selon Madame Melchior, il s'agit de resituer la parole de l'enfant dans l'interrelation avec les parents ; l'audition de l'enfant est donc toujours suivie d'un entretien avec chaque parent.
Le psychologue tente de cerner comment l'enfant se situe dans le contexte familial, et déceler des symptômes. Il répercute l'intégralité de la parole de l'enfant au juge, en général sous forme d'un rapport oral. En effet, dans la mesure où il est délégué par le juge, ce dernier doit être informé de l'ensemble du contenu de l'audition.
S'agissant, en revanche, du compte-rendu écrit de l'audition, il est établi en accord avec ce que l'enfant souhaite communiquer. Il faut rappeler que le problème du principe du contradictoire n'existe pas en matière d'audition de mineurs, dans la mesure où le compte-rendu de l'audition est établi dans l'intérêt de l'enfant ; le juge, ou son délégataire, n'a donc pas à répéter aux avocats et aux parties, tout ce qui a été dit par l'enfant.
Sur la question d'une co-audition de l'enfant, par le juge et le psychologue, qui constitue une pratique de certains tribunaux, Madame Melchior et Anne Bérard sont restées très sceptiques. L'occasion pour cette dernière de rappeler l'importance pour chacun des acteurs de bien rester dans son rôle et sa fonction. Si le juge veut assister le psychologue, il doit procéder dans le cadre d'une enquête, telle que prévue par le Code de procédure civile.
Tout d'abord, sur les conditions d'intervention des avocats d'enfant, Catherine Brault a rappelé que l'avocat doit faite partie de l'antenne des mineurs et qu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle, quels que soient les revenus des parents.
Si l'enfant a le libre choix de son avocat, le magistrat peut estimer que l'avocat qui se présente pour assister un enfant peut être récusé s'il a des liens avec l'un des parents ; ainsi l'avocat de l'un des parents ne peut être également l'avocat d'un enfant.
S'agissant, ensuite, du rôle de l'avocat d'enfant, il est, avant tout, selon Laurence Tartour, de s'assurer que l'audition de l'enfant résulte bien de la demande de l'enfant lui-même s'il s'agit d'une audition à sa demande, et non d'une manipulation de ses parents, car malheureusement, trop souvent, il s'avère que l'enfant a écrit la lettre de demande d'audition, dictée par ses parents.
De même, Catherine Brault relève que le rôle de l'avocat d'enfant est de bien lui expliquer qu'il a le droit de ne rien dire, s'il le désire. S'il souhaite effectivement être entendu, le rôle de l'avocat est ensuite de lui expliquer le déroulement de l'audition qui sera suivi d'un compte-rendu écrit, et de l'aider à porter sa parole ; la question de savoir si l'enfant a été manipulé ou non, ne rentre pas ici dans le rôle de l'avocat qui n'a d'ailleurs pas la compétence nécessaire pour le déceler.
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Réf. : Cass. civ. 1, 3 juillet 2013, n° 11-28.907, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3958KIG)
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N7945BTG
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Le 11 Juillet 2013
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Réf. : Projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans toutes ses dimensions, communiqué du Conseil des ministres du 3 juillet 2013
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N7925BTP
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Le 04 Septembre 2013
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Réf. : Cass. crim., 26 juin 2013, n° 13-82.156, F-P+B (N° Lexbase : A5380KI4)
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N8027BTH
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Le 11 Juillet 2013
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N7962BT3
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par David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI)
Le 01 Novembre 2013
a) Celle tenant aux caractères du préjudice réparable. La condition tenant à la certitude du préjudice est essentielle et évidente : dire que le préjudice doit être "certain" n'est pas affirmer un caractère particulier du préjudice, mais constater, avant tout, qu'il doit exister, étant entendu que la preuve de l'existence du préjudice incombe à la victime. Cette preuve, condition fondamentale d'une indemnisation, doit être rapportée positivement et revient, en effet, au demandeur, la Cour de cassation ne manquant pas de rappeler que "l'allocation de dommages-intérêts ne peut réparer qu'un préjudice réel et certain et non pas purement éventuel" (2). Par suite, le préjudice qui ne serait qu'hypothétique ne saurait ouvrir un droit à réparation au profit de la victime. Ainsi, celui qui réclame la réparation d'un préjudice qui consisterait dans un manque à gagner ou dans une perte doit prouver la réalité de celle-ci, sa seule probabilité étant insuffisante à établir le caractère certain du préjudice. Il reste que la jurisprudence admet que le préjudice constitué par la perte d'une chance de réaliser un gain, d'éviter une perte ou un dommage plus important, est, en lui-même, réparable, dès lors, bien entendu, que la chance a pu apparaître comme étant réelle et sérieuse. Certain, le préjudice doit encore être légitime. D'où la question de savoir si l'indignité de la victime ou, si l'on préfère, l'illicéité de la situation à l'origine du préjudice, peuvent être prises en considération pour, le cas échéant, lui refuser toute indemnisation ? On n'ignore pas, en effet, que la notion d'"intérêt juridiquement protégé" a parfois été utilisée pour, précisément, limiter le domaine du droit à réparation en opposant une fin de non-recevoir à certaines victimes dont l'indemnisation apparaissait indésirable, encore que l'on puisse se demander, si la tendance de la jurisprudence la plus récente ne consiste pas, plutôt, dans une limitation de ces hypothèses susceptibles de priver la victime de réparation (3).
b) Celle tenant aux types de préjudice réparable. En dépit de certaines réticences, doctrinales notamment (4), la jurisprudence a assez rapidement admis le principe de la réparation du préjudice moral, tant pour la victime immédiate que pour la victime par ricochet. La mise en oeuvre du principe a, cependant, suscité un certain nombre de discussions et d'hésitations. Ainsi, s'est-on demandé, si le droit à réparation du préjudice moral souffert par le de cujus pouvait se transmettre aux héritiers (5) ; ou bien encore, ont été soulignées les difficultés d'appréciation et d'évaluation du préjudice moral (6). Ces questions sont bien connues. D'autres s'y ajoutent : ainsi, la jurisprudence s'étant orientée dans la voie de l'énumération des différentes sources de préjudices moraux, des interrogations se sont posées sur la qualification de certains préjudices moraux, à côté des souffrances endurées, autrement dit du pretium doloris ou du préjudice d'affection. Ces interrogations ont donné lieu à des débats sur la place du préjudice esthétique (7), du préjudice d'agrément (8), du préjudice sexuel, à propos duquel la question s'est posée de savoir s'il relève, précisément, de la catégorie du préjudice d'agrément ou bien, s'il doit en être distingué (9). Et récemment, on n'ignore pas que la Cour de cassation, suivant en cela la nomenclature "Dintilhac", a entendu consacrer l'autonomie du préjudice d'établissement, consistant "en la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap" (10). Il faut dire, que les chefs de préjudice qui peuvent être invoqués à la suite d'un dommage corporel sont suffisamment nombreux pour qu'un risque de "télescopage", pour reprendre la formule évocatrice de notre collègue Philippe Brun, ne puisse plus être ignoré (11). Tout cela a, naturellement, justifié une véritable entreprise de rationalisation. Rationalisation, au demeurant, d'autant plus nécessaire que le recours des tiers payeurs a fait l'objet d'une importante réforme par l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, dite de financement de la Sécurité sociale pour 2007 (N° Lexbase : L8098HT4) qui, à la question de la détermination des indemnités dues par le tiers responsable soumises au recours des tiers payeurs, a condamné un système se rattachant à une conception unitaire et globale du préjudice corporel conçu comme un ensemble d'éléments indifférenciés, interchangeables, fongibles entre eux et non individualisés, conduisant à ce que les prestations puissent être recouvrées et imputées indifféremment sur les indemnités réparant les divers éléments qui le composent, pour consacrer un système reposant, au contraire, sur un fractionnement du dommage corporel et une distinction des différents chefs ou postes de préjudice définis selon la nature et le type d'intérêt lésé (système d'imputation "poste par poste").
On aimerait à présent revenir sur une autre question, certes classique, mais qui paraît faire l'objet d'un regain d'intérêt parce que remise sur le devant de la scène : celle de savoir si la réparation des préjudices extrapatrimoniaux suppose la faculté de la victime à se les représenter ? Alors, en effet, qu'on croyait la question réglée depuis quelques années dans le sens d'une approche objective du préjudice, il est permis de se demander, à la suite d'un certain nombre d'arrêts récents, si la Cour de cassation n'entend pas remettre en cause cette solution et privilégier une approche plus subjective, subordonnant la réparation des préjudices extrapatrimoniaux à leur conscience par la victime.
1. La subjectivisation de l'appréciation des préjudices extrapatrimoniaux
Les termes du débat tenant à la conception, objective ou subjective, du préjudice sont bien connus : le préjudice est-il une donnée purement objective dont le constat suffirait à justifier une réparation ou bien suppose-t-il en outre la faculté de la victime à se le représenter ? Si la question ne se pose sans doute pas s'agissant de préjudices patrimoniaux ou économiques, tels que les pertes subies ou les gains manqués par la victime, qui sont évidemment objectifs et dont la réparation ne saurait être subordonnée à la condition que la victime soit en mesure d'en saisir la réalité, il en va différemment des préjudices extrapatrimoniaux en raison de leur caractère personnel. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, après beaucoup d'hésitations, s'était ralliée à la position de la Chambre criminelle qui, depuis longtemps déjà, décidait que "l'indemnisation d'un dommage n'est pas fonction de la représentation que s'en fait la victime, mais de sa constatation par le juge et de son évaluation objective" (12). Ainsi avait-elle d'ailleurs fini par juger que "l'état végétatif d'une personne humaine n'excluant aucun chef d'indemnisation, son préjudice doit être réparé dans tous ses éléments" (13). Considérant donc que l'absence de conscience de la victime n'est pas exclusive d'un préjudice personnel devant être intégralement réparé, ce ralliement attestait de la consécration d'une conception objective, abstraite, voire sociale du préjudice.
Un récent arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 26 mars 2013, en approuvant les juges du fond qui, pour faire échec à la réparation intégrale des préjudices extrapatrimoniaux dont se prévalaient les héritiers de la victime d'un accident de la circulation décédée peu de temps après l'accident, avaient relevé que la douleur qu'elle avait pu ressentir avait été "très amoindrie par son absence de conscience provoquée par la violence du choc", fait, au contraire, de la conscience de la victime un élément constitutif de ce type de préjudice (14). Cette subjectivisation mérite d'autant plus d'être remarquée qu'elle n'est pas le fait d'un arrêt isolé. On rappellera d'abord que la même Chambre criminelle avait, dans deux arrêts du 5 octobre 2010, débouté les ayants droit de deux victimes d'accidents mortels de la circulation de leurs demandes de réparation du préjudice moral lié au sentiment de perte d'espérance de vie qu'elles auraient souffert entre leurs accidents et leurs décès, et ce en raison de l'état d'inconscience total et définitif dans lequel l'accident avait plongé les victimes jusqu'à leur mort (15). Ensuite, dans une affaire dans laquelle une patiente, que sa famille avait tenue dans l'ignorance de sa double contamination par le virus du sida et de l'hépatite C lors d'une transfusion sanguine, entendait se prévaloir, par la voix de ses héritiers, d'un préjudice spécifique de contamination, la deuxième chambre civile, contre d'ailleurs l'avis de son avocat général, avait débouté les héritiers au motif que le préjudice invoqué "est intrinsèquement associé à la prise de conscience des effets spécifiques de la contamination" (16).
Cette conception subjective du préjudice nous parait, au plan des principes, justifiée pour la simple et bonne raison que les préjudices extrapatrimoniaux, qu'il s'agisse, pour reprendre la formule de MM. Mazeaud et Chabas, des préjudices moraux "purs de tout alliage" ou des conséquences non économiques des atteintes à l'intégrité corporelle, sont subjectifs par essence : parce qu'ils n'existent qu'à la condition que la victime puisse se les représenter, c'est leur réalité même qui est contestable lorsque la victime est inconsciente. Sous cet aspect, et contrairement à l'opinion commune, il ne sous semble pas exact de soutenir que l'incompatibilité de la réalité du préjudice extrapatrimonial et de l'inconscience de la victime aboutirait à une discrimination entre les victimes conscientes et inconscientes constitutive d'une atteinte au respect dû à la dignité de la personne humaine (17). Ainsi que l'a justement fait observer un auteur, une discrimination ne pourrait être stigmatisée qu'à la condition que l'inconscience de la victime lui soit opposée pour exclure la réparation de préjudices moraux dont l'existence serait certaine, ce qui n'est précisément pas le cas dans la conception subjective. Au demeurant, quitte à pousser, sur cette voie, le raisonnement jusqu'à son terme, on serait même porté à croire que, conduisant "à réduire l'être humain à une somme de potentialités objectivement quantifiables et à nier sa dimension spirituelle", c'est plutôt la conception objective du préjudice qui contribue à une réification contestable de la personne (18).
2. La portée de la subjectivisation des préjudices extrapatrimoniaux
L'arrêt précité du 26 mars 2013, qui n'a pas totalement exclu la réparation des préjudices extrapatrimoniaux mais, se retranchant derrière l'appréciation souveraine des juges du fond, en a seulement limité le quantum, remet-il à vrai dire entièrement en cause la conception objective ? Tout dépend, précisément, du sens à donner à cette limitation. On peut hésiter entre deux interprétations.
La première, procédant bien d'une conception subjective du préjudice, conduit à considérer que le montant de la réparation est, tous préjudices extrapatrimoniaux confondus, fonction du degré de conscience de la victime : la limitation de l'indemnisation s'expliquerait, au cas présent, par le fait que l'inconscience de la victime, contrairement d'ailleurs aux affaires ayant donné lieu aux arrêts précités, notamment ceux du 5 octobre 2010, n'était peut-être pas totale mais seulement partielle, les juges du fond n'ayant pas dit que la victime n'avait pas ressenti la douleur, mais que celle-ci avait été "amoindrie pas son absence de conscience" (nous soulignons). Encore faudrait-il alors, à supposer d'ailleurs d'être capable de déterminer le seuil exact d'inconscience de la victime, pouvoir mesurer l'incidence de celui-ci sur l'étendue de la réparation.
A moins qu'une seconde interprétation, procédant d'une conception distributive, à la fois objective et subjective du préjudice, puisse être avancée : bien que l'arrêt soit plutôt elliptique à cet égard, n'entendrait-il pas traiter différemment le pretium doloris, qui correspond aux souffrances physiques endurées par la victime, et les souffrances morales induites notamment de son anxiété face au risque qui la menace ? S'expliquerait-on ainsi que la cour d'appel ait pu tout à la fois poser que "l'indemnisation d'un dommage n'est pas fonction de la représentation que s'en fait la victime" et pourtant limiter cette indemnisation en raison de "son absence de conscience" ? L'arrêt s'inscrirait alors dans le prolongement de l'un des deux arrêts du 5 octobre 2010 qui, tout en rejetant la demande en réparation du préjudice moral qu'aurait souffert la victime inconsciente, avait approuvé l'indemnisation de son pretium doloris. Faudrait-il donc, ainsi qu'on l'a suggéré, distinguer, au sein même des préjudices extrapatrimoniaux, entre les préjudices moraux objectifs, dont l'existence ne tiendrait pas à la perception que peut s'en faire la victime, et les préjudices moraux subjectifs, qui n'existeraient qu'à la condition que la victime en ait conscience (19) ? En dehors du fait que l'entreprise risque d'être pratiquement périlleuse en ce qu'il resterait à tracer une ligne de partage précise entre les uns et les autres (20), il n'est pas certain qu'elle soit théoriquement justifiée, du moins si l'on veut bien croire que les préjudices extrapatrimoniaux, quels qu'ils soient, se caractérisent tous par l'identité de leur existence avec leur perception par la victime. A suivre donc...
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