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N1481B3A
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par Vincent Vantighem
Le 15 Janvier 2025
Ses détracteurs parlent de « gesticulations » ou « d’activisme ». Lui préfère parler « d’énergie » et de « méthode ». La méthode mise en place il y a des années par son mentor, Nicolas Sarkozy. Après une pause de trois mois consécutive à la dissolution, Gérald Darmanin a retrouvé une place au gouvernement de François Bayrou en devenant, fin décembre, Garde des Sceaux, ministre de la Justice. Quelques centaines de mètres seulement séparent l’hôtel de Beauvau de la place Vendôme. Aussi, pas question de changer de fonctionnement pour l’élu tourquennois (Nord). De déplacements dans les tribunaux aux établissements pénitentiaires, Gérald Darmanin occupe l’espace. Sur le terrain évidemment mais aussi dans les médias.
Après une première annonce dans les colonnes du Parisien, le 28 décembre, il a confirmé, dimanche 12 janvier, sur l’antenne de LCI, son projet de réunir dans une seule et même prison française les cent plus gros narcotrafiquants. Si personne n’oserait nier sa volonté d’agir dans un gouvernement qui semble, comme son prédécesseur, en sursis permanent, l’annonce n’a pas manqué de faire réagir dans les rangs de la pénitentiaire mais aussi de la magistrature.
Concrètement ? « Nous allons prendre une prison française, on va la vider des personnes qui y sont et on y mettra, puisqu’on l’aura totalement isolée, totalement sécurisée, avec des agents pénitentiaires particulièrement formés, anonymisés, les cent plus gros narcotrafiquants. On va montrer que, quand on est en prison et qu’on est un narcotrafiquant, on ne peut pas téléphoner et on ne peut pas avoir une vie agréable », a-t-il ajouté sur LCI. Pas besoin d’en dire davantage pour que chacun pense aux têtes de pont de la DZ Mafia qui, depuis leur cellules, sont accusés de poursuivre tranquillement leurs petits trafics. Et à Mohamed Amra qui a pu utiliser, en l’espace de quelques mois avant de s’évader, neuf téléphones portables, alors qu’il se trouvait derrière les barreaux.
Quel établissement pour accueillir les « gros poissons » ?
Mais évidemment, l’annonce du Garde des Sceaux pose question. Plusieurs questions. La première d’entre elles étant sûrement de savoir à quel établissement pénitentiaire il pense pour son projet. On le sait bien : créer une nouvelle prison est une mesure qui prend entre cinq et sept ans. Plutôt que de se lancer dans de grands projets architecturaux, Gérald Darmanin entend donc se baser sur l’existant … sans préciser lequel. Selon les informations de Lexbase, ses services ont déjà ciblé deux établissements qui pourraient faire l’affaire. Notamment le centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), construit récemment et qui répond déjà à certaines exigences sécuritaires. Mais que faire des détenus qui y demeurent actuellement ? Que faire de Salah Abdeslam, le dernier terroriste vivant des attentats du 13-Novembre ? Et Redoine Faïd qui a, encore récemment, été placé en garde à vue pour de prétendus projets d’évasion ? Le ministre considère-t-il qu’ils font partie des « plus gros narcotrafiquants » ? Ou faudra-t-il leur trouver un point de chute avant de réattribuer leurs cellules ?
C’est toute la question du projet de la place Vendôme. Interrogé à ce sujet, son entourage refuse pour le moment d’indiquer si les détenus visés sont des personnes définitivement condamnées ou en détention provisoire dans l’attente de leurs procès. Parce que cela pose une question de droit ? Voire même de philosophe ? Peut-on considérer qu’une personne présumée innocente fait partie des « cent plus gros narcotrafiquants » du pays ? Sur ce point, la place Vendôme se contente de répondre qu’il y a des « choses à inventer , en faisant notamment référence à l’Italie qui a mis en place un système similaire il y a une vingtaine d’années pour rompre avec les années mafieuses.
Des prisons surpeuplées et des conditions de détention dignes exigées
Au-delà de l’aspect purement logistique d’un tel projet à l’heure où les prisons françaises débordent (80 792 détenus pour 62 404 places opérationnelles au 1er décembre 2024, soit un taux d’occupation de 129,4%), c’est aussi l’aspect humain qui interroge. Gérald Darmanin a donc martelé sur LCI qu’être en prison ne devait pas permettre d’avoir une « vie agréable ». Une notion qui ne semble plus faire débat depuis le dernier grand prix de kart de la prison de Fresnes (Val-de-Marne), à l’été 2023. Le droit français ne prévoit pas de « vie agréable » aux personnes condamnées. En revanche, il impose des « conditions de détention dignes » qui passent notamment par le maintien des liens familiaux. Comment faire pour que les cent plus gros narcotrafiquants qui seront donc issus des quatre coins de la métropole pour maintiennent leurs liens ? Comment organiser les parloirs ? De même, on ignore aussi si Gérald Darmanin entend placer tous ces détenus à l’isolement permanent pour éviter les trafics et les ententes. Dans un tel cas, ce projet risque d’entraîner une avalanche de recours de la part de détenus qui pourraient, et auraient le droit, de contester ces mesures.
Comment les juges d’instruction vont-ils pouvoir travailler ?
Gérald Darmanin, lui, préfère parler du problème général que des questions d’intendance légitimes. Il rappelle à qui mieux mieux le rapport sénatorial de mai 2024 qui a estimé que la France était « submergée par le narcotrafic » et qu’il faut donc agir. Là encore, personne ne pourrait lui opposer quoi que ce soit, tant l’actualité est rythmée par les narchomicides de la région marseillaise quand ce ne sont pas ceux de Nîmes, d’Avignon ou de Grenoble. Mais comment définir les choses ? Interrogé, l’entourage du ministre explique que la liste des « cent plus gros » a été dressée en lien avec les services de police, de gendarmerie et du renseignement pénitentiaire. Les chats ne font pas des chiens et Gérald Darmanin n’oublie pas son long bail au sein de la place Beauvau. Mais dans l’équation, il semble y avoir un absent de taille : la magistrature. Pourquoi ne pas avoir consulter les magistrats spécialisés ? Notamment ceux de la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) à Paris ou encore ceux des Juridictions interrégionales spécialisées (Jirs), à commencer par celle de Marseille (Bouches-du-Rhône).
Si le projet du ministre est d’embastiller au même endroit cent détenus définitivement condamnés, aucun souci ! Mais s’il s’agit de prévenus encore au cœur d’informations judiciaires, cela pose question. Comment les juges vont-il s’organiser pour entendre, auditionner, confronter les prévenus en l’attente de leurs procès ? Après l’évasion sanglante de Mohamed Amra sur le péage d’Incarville, la question des transferts pénitentiaires est dans toutes les têtes. A moins que le ministre ne grave dans le marbre de sa réforme l’obligation d’utiliser, pour les magistrats, l’option de la visioconférence, ce à quoi ils ne sont pas tous favorables.
« Je n’ai pas besoin de passer par la loi, a résumé Gérald Darmanin. J’ai juste besoin d’un peu d’argent et on verra ça d’ici à cet été. » Si le Gouvernement de François Bayrou survit, son ministre de la Justice devrait organiser plusieurs déplacements pour en dire davantage».
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Réf. : Arrêté du 14 janvier 2025, portant modification des arrêtés du 21 juin 2013, portant communication par voie électronique entre les avocats et entre les avocats et la juridiction dans les procédures devant les tribunaux de commerce et du 9 février 2016, portant application des dispositions du titre XXI du livre Ier du Code de procédure civile aux greffiers des tribunaux de commerce N° Lexbase : L1270MST
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N1499B3W
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par Yann Le Foll
Le 16 Janvier 2025
Un arrêté du 14 janvier 2025 précise les modalités de communication entre les avocats et la juridiction, ainsi qu’entre les avocats dans les procédures devant les tribunaux de commerce.
L'arrêté ouvre aux avocats l'usage du système de communication électronique dénommé « SECURIGREFFE », aujourd'hui réservé aux particuliers. Cet accès est contrôlé par une procédure d'habilitation, opérée par un prestataire de services de confiance qualifié agissant sous la responsabilité du Conseil national des barreaux.
La fiabilité de l'identification des avocats est assurée au moyen d'un dispositif d'authentification fondé sur un service de certification opéré par un prestataire de services de confiance qualifié agissant au nom du Conseil national des barreaux, autorité de certification.
L’arrêté contient aussi un volet relatif à la communication par voie électronique entre les avocats et entre les avocats et la juridiction et, plus particulièrement, concernant l'identification des parties à la communication électronique et de sa fiabilité. La sécurité de la connexion des avocats au RPVA est garantie par un dispositif d'identification. La fiabilité de l'identification des avocats est assurée au moyen d'un dispositif d'authentification fondé sur un service de certification opéré par un prestataire de services de confiance qualifié agissant au nom du Conseil national des barreaux, autorité de certification.
Dans les deux domaines précités (« SECURIGREFFE » et la communication par voie électronique entre les avocats et entre les avocats et la juridiction), la procédure d'inscription et d'enregistrement, de modification et de désinscription des données d'identification et d'habilitation est effectuée à l'initiative des instances professionnelles représentant les avocats exerçant leur profession dans un ressort déterminé et sous leur contrôle.
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Réf. : Note de l’Autorité de la concurrence, 6 janvier 2025
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N1497B3T
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par Yann Le Foll
Le 16 Janvier 2025
Une note de l’Autorité de la concurrence nous apprend qu'une réforme à droit constant de la procédure de traitement du secret des affaires vise à réduire les délais de traitement du secret des affaires (notion définie à l’article L. 151-1 du Code de commerce N° Lexbase : L5710LL3) à travers :
- l’application rigoureuse par les parties de la notion de secret des affaires ;
- la réduction du nombre de décisions de traitement du secret des affaires multiples.
L’objectif est de n’adopter, par principe, qu’une seule décision par partie concernée, accordant, refusant partiellement ou totalement la protection et, le cas échéant, une seule décision levant cette protection. Le rendu de ces décisions s’effectuera avant la notification d’un acte d’instruction et au plus tard avant l’exercice du contradictoire.
Les personnes qui communiqueront des pièces aux services d’instruction de l’Autorité de la concurrence devront formuler des demandes de protection au titre du secret des affaires comprenant un tableau à remplir pour les informations relevant, selon elles, de ce secret. Les personnes concernées pourront ainsi vérifier que ces informations sont bien éligibles à cette protection au regard des dispositions de l’article L. 151-1 du Code de commerce. En cas de réponse positive devra être formulée une demande de protection au titre du secret des affaires par les services d’instruction. Enfin, concernant la demande des parties relatives à l’accès aux informations protégées au titre du secret des affaires, celles-ci devront démontrer en quoi cet accès sera nécessaire à l’exercice des droits de la défense. Les services d'instruction pourront accorder ou refuser cet accès.
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N1421B3Z
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par Robert Rézenthel, docteur en droit Avocat au barreau de Montpellier
Le 16 Janvier 2025
Mots clés : éducation • conseil de discipline • collèges • lycées • droits de la défense
Si dans le cadre de la procédure pénale une distinction est opérée selon l'âge des justiciables, et qu'un régime particulier est appliqué aux mineurs, ce n'est pas le cas en pratique pour les conseils de discipline auxquels sont soumis les élèves des établissements scolaires.
Bien que la plupart des enfants scolarisés soient mineurs, principalement depuis l'abaissement de l'âge de la majorité à 18 ans [1], il y a des élèves majeurs dans les lycées. Les règlements intérieurs des établissements d'enseignement n'apportent généralement aucune nuance dans le déroulement de la procédure disciplinaire en fonction de l'âge, voire du handicap des enfants.
Le cadre disciplinaire est différent selon qu'il s'agit d'un établissement d'enseignement public ou privé sous contrat avec l'État. Dans la première hypothèse, les élèves sont des usagers d'un service public administratif [2] soumis à un régime réglementaire, tandis que ceux du secteur privé sont dans une relation contractuelle [3] avec l'établissement.
La discipline fait partie de l'organisation de la vie collective des établissements scolaires, elle contribue au bon développement des futurs adultes. Les sanctions qui peuvent découler des entorses au respect de la discipline peuvent avoir des effets curatifs mais aussi parfois des conséquences fâcheuses pour le déroulement d'une carrière professionnelle ou à l'occasion d'une procédure pénale.
I. L'instruction
La saisine du conseil de discipline implique tout d'abord la détermination d'une faute susceptible de donner lieu à une sanction.
La jurisprudence rappelle que cet organe n'est pas une juridiction [4] au sens de l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR, de sorte que ce texte ne lui est pas applicable [5].
Au regard du droit de l'Union européenne, une juridiction « tient compte d'un ensemble d'éléments, tels que l'origine légale de l'organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l'application, par l'organisme, des règles de droit, ainsi que son indépendance » [6]. Par ailleurs, les membres du conseil de discipline n'ont pas la qualité de magistrat. Il a été jugé qu'un Procureur de la République « n'est pas une autorité judiciaire... il lui manque en particulier l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié » [7].
La plupart des membres du conseil de discipline sont des salariés de l'établissement et à ce titre ils sont soumis au pouvoir hiérarchique de la direction, ainsi en droit, ils ne sont pas indépendants. De plus, la création et les modalités de fonctionnement résultent, quel que soit le régime de l'établissement d'enseignement, public ou privé, du règlement intérieur. Pour l'enseignement public, ce document est créé par le conseil d'administration de l'établissement qui en détermine les dispositions. Il ne s'agit pas de simples mesures d'ordre intérieur non susceptibles de recours [8], mais il présente le caractère d'un acte faisant grief [9].
S'agissant de la formulation des griefs reprochés à l'élève convoqué devant le conseil de discipline, elle ne doit pas influencer l'appréciation des faits par les membres de cet organe. En effet, ceux soumis au pouvoir hiérarchique de la direction doivent pouvoir exprimer leur opinion en toute indépendance. Il y a lieu de penser, par exemple, que souligner la gravité des faits ou leur caractère excessif sont des appréciations qui affecteraient le principe de neutralité [10] et d'objectivité qui s'attache à l'avis du conseil de discipline, lequel doit être impartial.
II. Les droits de la défense
La circonstance que le conseil de discipline ne soit pas une juridiction et que le caractère consultatif de ses avis soit facultatif pour l'autorité chargée de prendre une sanction s'il y a lieu, ne sauraient exclure les droits de la défense. Il y a lieu de relever que le code de l'éducation n'évoque pas ce principe fondamental du droit.
Les droits de la défense sont l'un des premiers principes généraux du droit dégagés par le Conseil d'État [11], et ont été consacrés par le Conseil constitutionnel « principe fondamental reconnu par les lois de la République » [12]. Ils supposent que la personne concernée « puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande » [13].
Ce principe constitutionnel des droits de la défense est applicable à toute forme de punition, y compris disciplinaire [14].
Pour M. T. Pez-Lavergne, rapporteur public devant le Conseil d'État, s'adressant à la Haute Juridiction a déclaré : « Votre jurisprudence relative aux témoignages devant le conseil de discipline est marquée par le souci de souplesse et de réalisme qu'explique votre volonté de ne pas soumettre la procédure disciplinaire aux lourdeurs de la procédure pénale » [15]. Le conseil peut refuser d'entendre des témoins [16], en revanche s'il accepte, ceux-ci ne peuvent être auditionnés [17] que si la personne déférée a été préalablement avisée de cette audition et a renoncé d'elle-même à assister à la séance du conseil de discipline ou n'a justifié d'aucun motif légitime imposant le report de celle-ci. Il implique qu'en principe les observations de l'intéressé soient recueillies et examinées avant la décision, afin d'assurer un minimum de contradictoire [18].
Pour les élèves des établissements d'enseignement privé sous contrat de coopération avec l'État, ils sont dans une situation contractuelle de droit privé, il en résulte que « si l'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur est assimilée à la violation d'une garantie de fond », la sanction qui pourrait être prononcée serait illégale [19].
Le refus délibéré de l'élève convoqué d'assister à la séance du conseil de discipline permet néannoins à celui-ci de statuer régulièrement, alors que le règlement intérieur de l'établissement ne prévoyait pas la présence d'un conseil aux côtés de l'élève, lequel pouvait cependant se faire assister de deux délégués de classe et un autre élève choisi par lui. En l'espèce, le motif de l'absence invoqué par l'élève qui reposait sur le refus qui lui avait été opposé par l'établissement de se faire assister par un avocat n'a pas été jugé fondé [20].
Pourtant, dès lors que le règlement intérieur de l'établissement scolaire ne prévoit aucune assistance de l'élève convoqué, le refus qu'il soit assisté par un avocat constitue selon nous une atteinte au droit de la défense. C'est d'ailleurs, le sens d'un arrêt de la cour d'appel de Toulouse qui a jugé que « ce droit fondamental d'être défendu n'a pas été respecté par le collège… qui a refusé la présence de l'avocat choisi par T… et ses parents. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du conseil de discipline et l'effacement de la sanction d'exclusion prononcée du dossier scolaire de T… Y... » [21].
Il convient de rappeler que selon l'article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ, « Les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires... ». C'est sur le fondement de ce texte que la cour administrative d'appel de Paris a reconnu « le droit à l'assistance d'un avocat dont disposent les élèves convoqués devant un conseil de discipline » [22].
Á propos de la convocation d'un élève à un tel conseil, lorsque l'intéressé est majeur, il doit être convoqué personnellement, la notification aux seuls parents, constitue une violation manifeste du règlement intérieur de l'établissement et justifie l'annulation de la procédure disciplinaire [23].
S'agissant du déroulement de l'audience, M. T. Pez-Lavergne a rappelé dans de récentes conclusions, que « les débats doivent être conduits dans le respect du principe du contradictoire » [24]. Il précise que la jurisprudence admet ainsi une sorte de droit de réplique [25]. Le Conseil d'État a par ailleurs jugé que : « l'absence de mention du principe des droits de la défense et du principe du contradictoire dans une disposition législative n'a ni pour objet ni pour effet de dispenser l'autorité compétente de respecter ces principes lorsque la mesure que la loi l'habilite à prendre entre dans leur champ d'application » [26].
En tout état de cause, les débats doivent être menés en toute impartialité, et le compte rendu de la séance doit permettre d'établir la réalité des faits reprochés et d'examiner les moyens produits en défense. Si le règlement intérieur prévoit la possibilité de vote sur l'avis du conseil à bulletin secret, cette faculté devrait permettre à l'élève en cause d'en réclamer l'application. En effet, le conseil de discipline est présidé par le directeur de l'établissement, lequel a autorité dans le cadre professionnel sur les membres du personnel siégeant dans cette instance, le vote à bulletin secret offre une garantie d'impartialité, d'indépendance et d'objectivité des membres du conseil.
Afin de permettre le cas échéant aux juges d'exercer leur contrôle sur la sanction infligée par la direction de l'établissement, il est indispensable que l'avis du conseil de discipline qui constitue le principal support de la décision soit clairement motivé. Un règlement intérieur d'un établissement d'enseignement public ou privé ne saurait exclure tout droit recours [27] de la part de l'élève.
Si la jurisprudence est parfois incertaine [28] concernant la nature juridique des règlements intérieurs des entités de droit public, il semble admis aujourd'hui que ce document constitue un acte administratif [29], et les décisions qui en résultent devraient être logiquement motivées.
Conclusion
Indépendamment de la différence de régime juridique entre les établissements du secteur public et du secteur privé, la jurisprudence paraît instable dans l'appréciation du respect de la procédure disciplinaire et des fautes commises par des élèves.
Des aménagements sont prévus pour l'accueil et la scolarité [30] des enfants handicapés, en revanche, il n'existe aucune disposition particulière pour le passage en conseil de discipline de victimes d'un handicap durable [31]. L'échelle des sanctions est la même pour tous les élèves, alors qu'aucune assistance n'est envisagée lors de l'examen de la situation d'un élève handicapé. Celui-ci peut souffrir d'une déficience visuelle ou auditive, de troubles neurologiques et psychiatriques... des spécialistes de ces pathologies devraient pouvoir éclairer les membres du conseil sur la relation entre les fautes reprochées et le handicap de l'élève.
Tandis que l'éducation contribue, selon la loi [32], à l'égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative, la sanction envisagée par le conseil de discipline d'un établissement scolaire ne doit pas compromettre l'avenir de l'intéressé. Certes, des recours contre les décisions infligeant une sanction disciplinaire sont permis devant les juridictions compétentes, mais les décisions des conseils de discipline peuvent laisser des traces indélébiles dans le parcours des intéressés. Les droits de la défense ont pour objectif d'éviter le plus en amont possible d'éventuelles erreurs d'appréciation des comportements d'enfants scolarisés. En un mot, il faut protéger leur dignité.
[1] Loi n° 74-631 du 5 juillet 1974, fixant à dix-huit ans l'âge de la majorité N° Lexbase : L4010AMH.
[2] T. confl.,12 novembre 2018, n° 4137 N° Lexbase : A1639YLB ; T. confl, 14 mai 2018, n° 4120 N° Lexbase : A8190XPZ ; CE, 22 février 2012, n° 340474 N° Lexbase : A8940IDH ; T. confl, 17 novembre 2003, n° 3387 N° Lexbase : A07123YZ ; T. confl., 12 février 2001, n° 3247 N° Lexbase : A06983YI.
[3] Cass. civ. 1, 27 janvier 1998, n° 95-12.600 N° Lexbase : A1769ACI.
[4] Cass. civ. 1, 27 janvier 1998, n° 95-12.600, préc.
[5] Cass. soc., 6 avril 2022, n° 19-252.44 et 19-25.994, F-B N° Lexbase : A32247S9.
[6] CJCE, 17 septembre 1997, aff. C-54/96 N° Lexbase : A1668AWP, point 23.
[7] CEDH, 1 juillet 2008, Req. 3394/03, Medvedyey e.a. c/ France N° Lexbase : A2353EUP § 61 ; CEDH, 4 décembre 1979, Req. 7710/76, Schiesser c/ Suisse N° Lexbase : A9608ELG, § 29 et 30.
[8] CE, 5 mars 2024, n° 466622 N° Lexbase : A41252SL.
[9] CE, 10 février 2010, n° 314648 N° Lexbase : A7561ERH.
[10] CE Ass., 9 novembre 2016, n° 395223 N° Lexbase : A0618SGY.
[11] CE Sect., 5 mai 1944, n° 69751 N° Lexbase : A3591B77, Rec. p. 133.
[12] Cons. const., décision n° 76-70 DC du 2 décembre 1976 N° Lexbase : A7934ACT, cons. n° 2, JO 7 décembre 1976 p. 7052.
[13] CE, 19 juin 2020, n° 430810 N° Lexbase : A96783NR.
[14] Cons. const., décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006 N° Lexbase : A8313DN9.
[15] M. T. Pez-Lavergne, conclusions sous CE 8 mars 2023, n° 463478 N° Lexbase : A14189HY.
[16] CE Ass., 5 juin 1959, n° 7294, Rec. p. 346.
[17] CE, 8 mars 2023, n° 463478 N° Lexbase : A14189HY.
[18] L. Dutheillet de Lamothe, concl. Sous CE, 20 février 2019, n° 425521 N° Lexbase : A5351YXH.
[19] Cass. soc., 6 avril 2022, n° 19-25.244 et 19-25.994, F-B N° Lexbase : A32247S9.
[20] Cass. civ. 1, 11 janvier 2017, n° 15-28.581 N° Lexbase : A0839S8L.
[21] CA Toulouse, 17 juillet 2008, n° 06/05819 N° Lexbase : A3244HAE.
[22] CAA Paris, 22 avril 2013, n° 11PA04179.
[23] CA Douai, 14 février 2019, n° 17/05382 N° Lexbase : A0823YXR.
[24] M. T. Pez-Lavergne conclusions sous CE, 8 mars 2023, n° 463478 N° Lexbase : A14189HY, point 4.4.
[25] CE, 30 septembre 1983, n° 29318 N° Lexbase : A2212AMU ; CE, 8 octobre 1990, n° 107762 N° Lexbase : A5680AQG.
[26] CE, 19 décembre 2012, n° 360858 N° Lexbase : A1370IZR.
[27] Cons. const., décision n° 2024-1091/1092/1093 QPC du 28 mai 2024 N° Lexbase : A67745DA ; Cons. const., décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024 N° Lexbase : A80172GZ.
[28] CE Sect., 2 décembre 1983, n° 43541 N° Lexbase : A8815AL3.
[29] CE Sect., 14 avril 1995, n° 100539 N° Lexbase : A3281ANT.
[30] C. éduc., art. L. 112-1 N° Lexbase : L6772LRA et suiv ; C. act. soc. fam., art. L 146-1 N° Lexbase : L6287LLG.
[31] Selon l'article L. 114 du Code de l'action sociale et des familles N° Lexbase : L8905G8C : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant »
[32] C. éduc., art. L. 111-1 N° Lexbase : L7611L7Z.
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