Lexbase Droit privé n°529 du 30 mai 2013

Lexbase Droit privé - Édition n°529

Assurances

[Brèves] Accident de la circulation : pénalité du doublement des intérêts au taux légal due par l'assureur en cas d'absence d'offre régulière dans les délais impartis

Réf. : Cass. civ. 2, 23 mai 2013, n° 12-18.339, F-P+B (N° Lexbase : A9229KD8)

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N7271BTH

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Le 01 Juin 2013

Selon l'article L. 211-13 du Code des assurances (N° Lexbase : L0274AAE), lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9 du même code (N° Lexbase : L6229DIK), le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Dans un arrêt rendu le 23 mai 2013, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à préciser, d'une part, qu'une pénalité dont l'assiette est fixée à la totalité des sommes allouées par le juge ne peut avoir pour terme que la date de la décision devenue définitive, d'autre part, que lorsque l'offre d'indemnité de l'assureur est tenue pour suffisante et que sa date est retenue comme terme de la sanction, son montant constitue l'assiette de la sanction (Cass. civ. 2, 23 mai 2013, n° 12-18.339, F-P+B N° Lexbase : A9229KD8 ; cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E0456EX8). En l'espèce, le 10 octobre 2002, M. D., conducteur d'un ensemble routier agricole, avait été blessé au cours d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par Mme V., assuré auprès de la société A.. Il avait assigné l'assureur et la mutualité sociale agricole en indemnisation. Pour dire que les indemnités fixées par l'arrêt produiraient intérêts au double du taux légal à compter du 11 juin 2003 inclus et jusqu'au 17 mai 2008 inclus et que l'assiette de ce doublement était constituée par la totalité de l'indemnité allouée en réparation du préjudice avant imputation de la créance des organismes sociaux, la cour d'appel de Bordeaux avait relevé que les parties s'accordaient sur la date à laquelle l'assureur avait transmis une offre d'indemnisation, par conclusions signifiées le 16 mai 2008, que les parties admettaient également que ce taux majoré s'arrêtait à la date de signification des conclusions formulant une offre, à supposer que cette offre était admissible, que ces conclusions, détaillant des offres d'un montant proche des sommes effectivement allouées étaient significatives d'une offre complète et sérieuse, et que ces conclusions arrêtaient donc le cours du doublement des intérêts (CA Bordeaux, 29 février 2012, n° 10/424 N° Lexbase : A6909IDA). A tort. La décision est censurée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation qui énonce les règles précitées.

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Consommation

[Projet, proposition, rapport législatif] Projet de loi consommation : une pleine boîte à outils ?

Réf. : Projet de loi relatif à la consommation n° 1015, présenté par le ministre de l'Economie et le ministre en charge de la Consommation et de l'Economie sociale et solidaire

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par Malo Depincé, Maître de conférences HDR à la Faculté de droit de Montpellier, Directeur du Master II consommation et concurrence (MC2), Directeur adjoint de l'UMR 5815 Dynamiques du droit, Avocat au barreau de Montpellier

Le 30 Mai 2013

Commet protéger le consommateur ? Comment assurer cette protection dans les faits et au-delà des simples proclamations de prérogatives nouvelles ? Comment le faire dans un contexte économique particulièrement difficile, de crise, sans nuire aux entreprises et à la croissance ? Comment dans cette perspective intégrer les demandes diverses et variées de tous les opérateurs économiques, entreprises, associations de consommateurs, élus, etc., qui entendent se saisir de la loi pour y faire inscrire leurs souhaits particuliers ? Apporter des réponses à toutes ces questions n'est pas chose aisée. C'est à cet exercice périlleux que s'est livré le ministre délégué à la Consommation et à l'Economie sociale et solidaire, dans le projet de loi qu'il a présenté en Conseil des ministres le 2 mai 2013 et qui sera discuté sur le bureau de l'Assemblée le 24 juin prochain. S'agit-il d'une "boîte à outils", plus ou moins bien rangée ou bien d'un ensemble cohérent et potentiellement efficace ? Il faut bien évidemment rappeler la nouveauté qui consiste à assurer l'effectivité du droit de la consommation, à travers la question de ses sanctions et de l'indemnisation des consommateurs (I). Le reste du texte est plus hétéroclite, comprenant un ensemble de mesures distinctes qui font véritablement figure, encore une fois de "boîte à outils substantiels" (II). I - L'effectivité du droit de la consommation

Proclamer des droits est une action importante, première et nécessaire pour assurer les intérêts des consommateurs. Il ne faut pas néanmoins oublier de garantir l'effectivité de ces droits pour le consommateur. En l'espèce, le projet de loi semble le plus abouti de tous les projets d'ordre processuel qui ont pu jusqu'à présent être présentés. Il opère deux constats, enfin, serait-on tenté de dire. Les consommateurs lésés par une pratique commerciale sont rarement indemnisés de leur préjudice et les sanctions pénales de ces pratiques sont peu souvent prononcées. Il propose donc l'instauration d'une "action de groupe à la française" (le ministre a bien insisté sur cette particularité, pour éviter tout sentiment d'importation directe et complète du mécanisme nord américain avec ses défauts, cf. Colloque, Les 20 ans du Code de la consommation, DGCCRF, Bercy, 27 mai 2013, à paraître) et un renforcement considérable des pouvoirs de police administrative des agents en charge de l'application des dispositions du Code de la consommation.

L'action de groupe. Voici le quatrième projet ou proposition de loi, toutes tendances politiques confondues, depuis qu'une annonce avait été faite début 2005 par le Président Chirac. Jamais, néanmoins, un projet n'avait été aussi avancé, ni, semble-t-il, n'avait obtenu autant de soutiens (la majorité à l'Assemblée n'y est plus réticente, les associations de consommateurs s'y sont montrées favorables et les représentants des entreprises ont fini par cesser leur politique d'opposition systématique à un tel projet pour préférer y apporter des amendements). L'adoption du texte constituerait, indépendamment des réserves qui seront formulées ci-après, une avancée considérable en droit de la consommation. L'enjeu est d'assurer l'efficacité du droit de la consommation, en précisant au préalable que l'effet peut être plus ou moins fort selon le type d'action de groupe choisi. S'il est admis que la nouveauté, fondamentale, consiste à introduire un recours collectif sans qu'il soit au préalable nécessaire à l'initiateur de l'action de présenter un mandat de chaque consommateur lésé, la question demeure de l'objectif assigné à ce nouveau type d'action (sur les recours collectifs déjà existants, cf. J. Calais Auloy et H. Temple, Droit de la consommation, 7ème éd., Dalloz 2010). La première conception de l'action de groupe consiste à l'envisager comme une pure action en indemnisation d'un préjudice qui a pour objet d'assurer une indemnisation au plus grand nombre. L'indemnisation est alors collective, son résultat la somme des réparations individuelles. Encore faut-il, pour être indemnisé, et pour que les professionnels en faute soient tenus au paiement d'une indemnisation que chaque consommateur en fasse expressément la demande. A quoi bon, diront certains, car si le préjudice individuel est très faible, peu de consommateurs agissent.

La seconde conception consiste, en revanche, à l'envisager comme une véritable action en sanction d'un comportement illégal, une arme de dissuasion. Il s'agirait alors d'obtenir la ponction de l'intégralité du surprofit réalisé par le professionnel du fait du comportement illégal, peu important de savoir si les victimes ont toutes souhaité agir ou non. L'essentiel est que le profit "illicite" soit retiré au professionnel indélicat (c'est ce profit que le droit canadien par exemple qualifie de "reliquat"). Cette ponction complète est la mieux à même d'assurer l'effectivité du droit de la consommation puisque le professionnel n'a plus intérêt à y contrevenir si tout le profit qui en a résulté lui est retiré (sans compter les amendes civiles, sanctions pénales etc. toujours envisageables). Le modèle choisi par le projet français est le premier, ce qui peut paraître regrettable.

Comment l'action est-elle organisée sur un plan processuel ? Il convient de ne pas oublier qu'une telle action peut compter des milliers d'acteurs, en théorie jusqu'à 60 millions de consommateurs s'il s'agit d'une pratique anticoncurrentielle (une entente en l'occurrence) entre tous les opérateurs du secteur. Le mécanisme, sans que l'on connaisse encore le dispositif réglementaire qui l'accompagnera, est assez simple. Le juge saisi (un tribunal spécialisé ou l'Autorité de la concurrence, voire la Commission européenne si le fait générateur du préjudice est une pratique anticoncurrentielle) devra établir le principe de l'indemnisation, en reconnaissant le manquement du professionnel et en déterminant "les critères de rattachement au groupe" (en d'autres termes les qualités des consommateurs lésés par la pratique). L'indemnisation, puisque le projet de loi cantonne la procédure aux seuls préjudices matériels, sera nécessairement forfaitaire, établie par le juge pour un consommateur type, indépendamment des dommages singuliers que pourrait subir chacun. Pour prendre un exemple, à supposer des trains en retard et une action à l'encontre du prestataire à l'origine de ces retards : l'indemnisation sera identique pour tous ceux qui auront souffert de ce retard, sans que la procédure permette d'indemniser les préjudices indirects, comme par exemple l'impossibilité de ce fait de se présenter à un examen. Pour ce type de dommage, seule une procédure individuelle permettrait l'indemnisation d'un préjudice singulier.

Le juge enjoint ensuite au professionnel d'informer tous les consommateurs concernés de leur droit à indemnisation. Il pourrait, en outre, condamner le professionnel à verser une somme globale à l'association requérante qui serait ensuite chargée de la répartir entre victimes (les associations s'inquiètent déjà de cette charge de travail et de l'absence de soutien financier prévu) ou bien charger directement le professionnel de le faire. Dans ces deux hypothèses, le professionnel conservera les sommes non réclamées (l'identification et l'affectation du reliquat à un tiers est donc indubitablement écartée, cf. supra). Il reste à préciser que la décision n'aurait autorité de la chose jugée qu'à l'égard des consommateurs qui auraient été indemnisés dans le cadre de cette action, laissant alors le professionnel incertain quant aux conséquences financières de sa pratique jusqu'à l'épuisement des délais de prescription.

Au-delà de l'action de groupe, une plus grande efficacité est également recherchée grâce au renforcement des pouvoirs de l'administration.

Le projet prévoit, en premier lieu, une efficacité erga omnes du prononcé du caractère abusif d'une clause, autorisant désormais les associations de consommateurs qui auront saisi le juge d'enjoindre au professionnel de retirer la clause de tous les contrats identiques en cours conclus avec d'autres consommateurs, voire de les informer de cette situation. La DGCCRF pourra être amenée à contrôler le respect d'une telle décision.

Outre des pouvoirs élargis au contrôle du respect du Code des assurances, au Code de la mutualité ou encore au Code de la sécurité sociale, la DGCCRF sera habilitée à contrôler le respect par les opérateurs économiques des injonctions prononcées par la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) (projet de loi, art. 25 à 28). Mais, sans pouvoir ici prétendre à l'exhaustivité de la description de la boîte à outils, ce sont surtout les nouvelles sanctions du droit de la consommation qui prêtent aux plus importants commentaires. La DGCCRF serait en premier lieu habilitée à prononcer des sanctions "administratives" en remplacement de certaines sanctions de nature pénale pour accélérer le processus de condamnation des contrevenants (projet de loi, art. 53 et 60 à 63). Il faut dire qu'avec le développement des procédures transactionnelles menées par l'administration, le tribunal pénal était de moins en moins souvent sollicité. Les contraventions les plus simples pourront désormais faire simplement l'objet de sanctions administratives : manquements aux obligations d'information générale ou spéciales, aux règles de publicité des prix, des méthodes de ventes (soldes, ventes au déballage, etc.), droits des passagers de transports aériens, etc.. En cas de contestation, le contentieux passerait de la compétence du juge pénal à celle du juge administratif, considéré comme moins débordé actuellement par ses dossiers. Les sanctions pénales des délits les plus graves seront renforcées, le Gouvernement ayant parfaitement compris que les sanctions actuelles, non réévaluées depuis longtemps, n'étaient plus dissuasives (notamment lorsque le profit illicite était sans commune mesure avec le risque de condamnation pénale). A titre d'exemple, pour le délit de tromperie, le plafond de l'amende pour les personnes physiques passerait de 37 500 à 300 000 euros. S'inspirant du dispositif applicable à la publicité trompeuse, le projet prévoit, en outre, d'accorder au juge la possibilité d'aller au-delà et de prononcer une amende pouvant aller jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires du contrevenant (solution étendue aux ventes pyramidales, à l'abus de faiblesse, à l'exportation de denrées alimentaires dangereuses pour la santé, de détention de denrées alimentaires ou de médicaments falsifiés).

II - Le contenu du droit de la consommation

Toute une série de mesures est prise, dont plusieurs avaient été envisagées par le précédent Gouvernement qui n'avait pas pu les mettre en oeuvre, et le ministère a opportunément choisi de poursuivre les réformes engagées. Le projet prévoit, en premier lieu, de donner une définition du consommateur (projet de loi, art.3), solution qui ne devrait pas cependant faire évoluer le droit positif puisque cette définition est celle de la jurisprudence. En outre, l'article 3 ne vise absolument pas la notion de "non-professionnel", de sorte que les hésitations jurisprudentielles relatives à l'application de certaines dispositions du Code de la consommation aux personnes morales devraient demeurer.

Pour adapter le code aux évolutions du droit communautaire (et notamment aux décisions les plus récentes de la CJUE), l'article 28 prévoit que le juge devra désormais relever d'office le caractère abusif d'une clause contenue dans un contrat de consommation (aujourd'hui, il ne s'agit que d'une faculté pour le juge). L'appréciation du caractère déloyal d'une pratique commerciale (essentiellement une publicité) devra être appréciée in concreto, ce que la jurisprudence avait déjà mis en oeuvre. Concrètement, une décision devra déterminer l'existence d'une pratique trompeuse en justifiant des circonstances concrètes entourant la pratique, notamment pour tenir compte des spécificités du mode de communication employé et de l'intégralité des informations transmises au consommateur.

Le code reprendra désormais les solutions posées par le Règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 dit "Rome I" (N° Lexbase : L7493IAR) : le consommateur ne pourra être privé des dispositions impératives de protection de son pays de résidence. Le consommateur pourra donc opposer sa loi nationale au professionnel étranger. Cette disposition sera désormais inscrite dans le code, le consommateur en sera bien mieux informé.

Le projet entend en un autre domaine devancer les projets de l'Union européenne. Les articles 23 et 24 du projet envisagent une valorisation des produits artisanaux locaux non-alimentaires. Il crée des "indications géographiques nationales pour les produits manufacturés". En outre, les collectivités territoriales pourront désormais s'opposer à l'enregistrement de marques reprenant leur nom, dans un but évident de protection à la fois des artisans présents sur le territoire de cette collectivité et des intérêts des consommateurs qui pourraient être trompés par des produits manufacturés en un autre lieu que celui désigné par la marque.

Toujours au titre des mesures diverses, le projet entend lutter contre la multi-assurance en accordant au consommateur qui souscrirait (par accessoire à l'achat d'un produit ou à la souscription d'un service) une nouvelle garantie un droit de renonciation anticipée dans un délai de 14 jours à compter de la signature du nouveau contrat. Pour lutter, dans les contrats de vente, contre la conviction du consommateur qu'il bénéficie exclusivement de la garantie contractuelle (au bon vouloir donc du professionnel), le projet renforce encore l'obligation d'information du professionnel. En outre, le délai de présomption de non-conformité du produit vendu imposé par la Directive 1999/44 du 25 mai 1999 (N° Lexbase : L0050AWR) passerait de 6 à 12 mois pour permettre pendant ce délai la réparation ou le remplacement du bien. Toujours au titre des mesures diverses, le professionnel serait à compter de la réforme tenu de livrer le consommateur au plus tard 30 jours à compter de la commande. Dans les foires et salon, pour lesquelles le consommateur imagine souvent à tort bénéficier d'un délai de rétractation, le professionnel devra désormais exposer clairement au consommateur l'absence de ce droit. Comme chacun sait, dans les ventes à distance et par démarchage, le délai identique aux deux hypothèses, sera désormais de 14 jours (l'interdiction de recevoir paiement, en cas de démarchage serait, elle, maintenue à 7 jours).

Enfin, et surtout pour conclure, on rappellera que l'article 73 du projet prévoit l'habilitation du Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance pour une refonte (évidemment à droit constant) du Code de la consommation. L'ambition, qu'il faut l'approuver, est celle d'une clarification de la construction du code et d'harmonisation des pouvoirs d'enquête. Le projet de loi n'est donc que la phase initiale d'une réforme plus ambitieuse et plus longue.

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Construction

[Evénement] La vente en état futur de rénovation - Compte-rendu de la réunion de la Commission de droit immobilier du barreau de Paris

Lecture: 17 min

N7224BTQ

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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée

Le 30 Mai 2013

La sous-commission "Promotion-vente" de la Commission ouverte de droit immobilier du barreau de Paris tenait, le 25 avril 2013, sous la responsabilité de Michel Roland, avocat à la Cour, une réunion sur le thème de la vente en état futur de rénovation (VEFR), animée par Maître Guibert et Maître Simon, notaires à Paris. Présentes à cette occasion, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de retrouver le compte-rendu de cette réunion. Le régime de la vente en état futur de rénovation (VEFR) est issu de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, dite "ENL" et d'un décret d'application n° 2008-1338 du 16 décembre 2008, relatif à la vente d'immeubles à rénover (VIR) (N° Lexbase : L2686ICH).

A côté du régime de la vente en état futur d'achèvement (VEFA), il n'existait aucune disposition spécifique pour le cas d'une vente prévoyant des travaux réalisés postérieurement à la vente. En l'absence de dispositif, la pratique notariale avait imaginé d'encadrer les travaux dans le contrat de vente, en prévoyant des obligations de résultat de travaux et des séquestres à la garantie du paiement des travaux.

C'est dans ce contexte que le législateur est intervenu afin de répondre aux attentes, non seulement des associations de consommateurs qui estimaient que l'acquéreur n'était pas suffisamment protégé, mais également des professionnels de l'immobilier confrontés à des difficultés pratiques de sécurisation des contrats.

Le contrat de VEFR a pour objet principal la vente d'un immeuble accompagné de l'engagement du vendeur de réaliser des travaux de rénovation. Il s'agit d'un contrat hybride empruntant des règles relatives à la vente classique d'un immeuble régi par le Code civil, mais également inspiré des règles de la VEFA.

Le régime de la VEFR est prévu par les articles L. 262-1 (N° Lexbase : L1974HPS) et suivants et R. 262-1 (N° Lexbase : L2903ICI) et suivants du Code de la construction et de l'habitation (CCH).

Le contrat de VEFR est le contrat par lequel le vendeur d'un immeuble bâti ou d'une partie d'immeuble bâti, à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation, ou destiné après travaux à l'un de ces usages, transfère immédiatement ses droits à l'acquéreur dans un délai déterminé par ce contrat, et réalise ou fait des travaux et prévoit le paiement de sommes d'argent ou de dépôt de fonds avant la livraison des travaux. De même que dans le cadre de la VEFA, le vendeur reçoit un mandat de l'acquéreur d'avoir à réaliser des travaux postérieurement au transfert de propriété.

Comme la VEFA, le dispositif de la VEFR revêt un caractère impératif, dès lors que les conditions d'application sont réunies. Ces conditions sont les suivantes :

- la vente doit porter sur un immeuble bâti ou une partie d'immeuble bâti ;
- la vente doit porter sur un bien à usage d'habitation ou mixte ;
- le vendeur doit s'engager dans un délai déterminé à réaliser directement ou indirectement des travaux sur cet immeuble ou partie d'immeuble ;
- le vendeur perçoit des sommes d'argent de l'acquéreur avant même la livraison du bien.

L'ensemble des règles est destiné à assurer la protection de l'acquéreur et concerne notamment :

- la description des biens et les caractéristiques de l'immeuble vendu ;
- la garantie donnée à l'acquéreur relative à la bonne réalisation des travaux (garantie extrinsèque uniquement, contrairement à la VEFA qui prévoit la possibilité d'une garantie intrinsèque) ;
- l'échelonnement des paiements ;
- la conclusion de la promesse de vente, pour laquelle la forme notariée est obligatoire ;
- un régime spécifique destiné à garantir la bonne réception des travaux, enclenchant la mise en oeuvre des garanties décennale et biennale.

1. Le champ d'application de la VEFR

Ainsi que l'a relevé Maître Guibert, la première question qui se pose à propos du champ d'application de la VEFR est de savoir s'il existe un seuil de travaux déclenchant l'application du régime de la VEFR. La réponse est négative. Le régime de la VEFR est, en effet, applicable quel que soit le niveau de rénovation, lourde ou légère. Il suffit que le vendeur s'oblige par le contrat de vente à réaliser des travaux postérieurement à l'acte authentique, moyennant paiement d'un prix avant la livraison ; il n'y a donc pas de plancher quant à l'ampleur des travaux réalisés.

S'agissant du vendeur, l'article L. 262-1 vise toute personne, physique ou morale, particulier ou professionnel.

L'objet est un immeuble bâti ou une partie d'immeuble bâti, à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation, autrement dit entrant dans le secteur protégé.

Par ailleurs, la VEFR suppose la perception d'un prix alors que les travaux ne sont pas réalisés.

Les professionnels ont alors le choix entre :

- soumettre la vente au régime de la VIR ou VEFR, et d'apporter alors toutes les garanties notamment bancaires, pour l'achèvement des travaux ;
- vendre l'immeuble une fois rénové ; c'est cette seconde option qui est la plus fréquemment retenue en pratique.

Comme l'a relevé Maître Guibert, en comparaison au régime de la VEFR, celui de la VEFA s'applique en fonction de la nature des travaux mentionnés par le CCH, qui se basent notamment sur les critères fiscaux.

L'analyse du champ d'application mérite d'évoquer plusieurs hypothèses.

1.1. Le vendeur réalise postérieurement à la vente des travaux qui vont rendre l'immeuble à l'état neuf

Dans ce cas, on ne se situe pas dans le cadre d'une VEFR, mais d'une VEFA en se basant sur les critères prévus à l'article 257-I-2° du CGI (N° Lexbase : L0380IWY), plaçant la rénovation lourde dans le champ de la TVA, en fonction de l'importance des travaux. Pour rappel, sont considérés comme immeubles neufs, les immeubles qui ne sont pas achevés depuis plus de cinq années, qu'ils résultent d'une construction nouvelle ou de travaux portant sur des immeubles existants qui ont consisté en une surélévation ou qui ont rendu à l'état neuf :

- soit la majorité des fondations ;
- soit la majorité des éléments hors fondation déterminant la résistance et la rigidité de l'ouvrage ;
- soit la majorité de la consistance des façades hors ravalement ;
- soit l'ensemble des éléments de second oeuvre (planchers, huisseries, cloisons, installations sanitaires, installation électrique) dans une proportion fixée par décret qui ne peut être inférieure à la moitié pour chacun d'entre eux.

Si toutes les conditions posées par l'article 257-I-2° sont réunies, on ne se situe pas dans le cadre de la VEFR, mais dans celui de la VEFA. En effet, la VIR, porte sur un immeuble existant.

La mise en oeuvre de ces critères n'est pas toujours aisée ; par exemple dans le cas d'un immeuble existant, si le vendeur s'oblige à rendre à l'état neuf 60 % des façades, l'on doit considérer que l'on se situe dans le cadre d'une VEFA ; au contraire, si sont seulement concernés 45 % des fondations, et 60 % des éléments de second oeuvre, il faut considérer que l'on se place dans le cadre d'une VEFR puisque tous les éléments de la VEFA ne seront pas respectés. Le critère d'appréciation est difficile. Maître Guibert conseille de demander un rescrit fiscal en cas de doute ; une attestation d'un homme de l'art permet également de déterminer le régime applicable.

1.2. Le vendeur s'oblige à réaliser des travaux de finition après avoir achevé l'immeuble

Cette hypothèse vise le cas des "queues de programme" : le promoteur a édifié des maisons ; il a été établi un certificat d'achèvement et une attestation de conformité ; seules restent quelques finitions sur les parties communes, ou sur les abords extérieurs de la réalisation. Dans ce cas, dès lors qu'une vente est conclue prévoyant la perception de sommes d'argent pour la réalisation de ces finitions, il faut conseiller au promoteur de se placer sous le régime de la VEFR.

3. Le vendeur réalise postérieurement à la vente des travaux de rénovation

Que se passe-t-il lorsque le vendeur s'attache à rénover les parties communes, après vote du syndicat des copropriétaires ? Dans ce cas, le vendeur doit se soumettre au régime de la VEFR puisque l'article L. 262-1 du CCH vise la réalisation de travaux par soi-même ou par personne interposée ("directement ou indirectement") ; le syndicat des copropriétaires doit être considéré comme une personne interposée.

4. Le vendeur s'engage dans la promesse de vente à réaliser des travaux, mais ces travaux seront réalisés au jour de la signature de l'acte authentique de vente

Dans cette hypothèse, un courant doctrinal, et en particulier le Professeur Périnet-Marquet, estime qu'il faudrait soumettre la promesse de vente à la VEFR (et donc établir la liste des travaux, nommer un expert, prévoir un paiement du prix en fonction de la réalisation des travaux, et mettre en place des garanties extrinsèques de bonne fin), l'acte de vente étant, quant à lui, soumis aux règles d'une vente classique, les travaux étant alors réalisés.

La mise en place de cette procédure est très contraignante pour le vendeur. Maître Guibert estime, pour sa part, qu'à la lecture de l'article L. 262-1 du Code de la construction et de l'habitation, à partir du moment où le transfert de propriété est encadré, et que l'on ne permet pas la levée d'option avant la date fixée dans la promesse de vente pour la signature et à laquelle les travaux devront être réalisés, l'on devrait pouvoir être dispensé de soumettre la promesse de vente au régime de la VEFR, dès lors que les travaux sont totalement réalisés lors de la signature de la vente. Si à cette date, les travaux n'étaient effectivement pas réalisés, il convient alors de soumettre la vente au régime de la VEFR.

2. L'organisation des procédures d'achèvement et de livraison

Maître Simon a rappelé que l'objectif du législateur était notamment de sécuriser la phase d'achèvement et de livraison des travaux. La loi et son décret d'application distinguent trois phases différentes : l'achèvement des travaux ; la réception des travaux ; la livraison des travaux.

Ces trois étapes sont réglementées de manière quelque peu différente en matière de VEFR par rapport à ce qui est prévu en matière de VEFA.

2.1. L'achèvement des travaux

L'achèvement des travaux est réglementé à l'article R. 262-4 du CCH (N° Lexbase : L2906ICM). Il en ressort que l'achèvement correspond au moment où les travaux prévus au contrat sont exécutés. Comme en matière de VEFA, l'achèvement peut être prononcé quand bien même les travaux ne seraient pas conformes au contrat, dès lors que ces non-conformités ne sont ni substantielles, ou qu'il y aurait des malfaçons, à condition qu'elles ne rendent pas l'immeuble impropre à sa destination.

L'achèvement est attesté par un expert, l'homme de l'art expressément désigné par le contrat.

La définition de l'achèvement est la même que celle qui existe dans la VEFA.

L'attestation par l'homme de l'art de l'achèvement des travaux met immédiatement fin à la garantie d'achèvement ; il repose ainsi une responsabilité très forte sur l'homme de l'art.

Si l'acquéreur vient contester la réalité de cet achèvement, la loi a prévu une procédure de règlement d'un tel litige en indiquant qu'un second expert doit être désigné par le président du TGI qui rend une ordonnance à cet effet, non susceptible de recours, aux termes de laquelle il désigne un second homme de l'art. Ce dernier aura été désigné ab initio par les parties dans le contrat en cas de contestation de l'attestation d'achèvement rendue par l'homme de l'art.

La banque ne peut donc être libérée de son obligation de couverture des travaux à réaliser par le vendeur tant que le litige n'a pas été tranché.

Par ailleurs, la garantie bancaire d'achèvement n'est pas une garantie de livraison puisqu'elle ne couvre pas les défauts de conformité n'ayant pas un caractère substantiel, ni les malfaçons qui ne rendent pas l'immeuble impropre à sa destination, et encore moins les travaux nécessaires à la levée des réserves formulées par l'acquéreur lors de la livraison. Le législateur n'a pas souhaité étendre cette garantie à la couverture de ces éléments, ce qui aurait été beaucoup plus difficile à obtenir pour le vendeur. Mais la doctrine unanime regrette cette limitation de couverture, au niveau de l'achèvement, en comparaison de la VEFA, sachant que l'on se situe dans le secteur protégé.

2.2. La réception des travaux

L'article R. 262-5 (N° Lexbase : L1760IEW) réglemente la procédure de réception des travaux. Il s'agit de l'acte par lequel le vendeur accepte de l'entreprise les travaux réalisés par elle.

La réception est essentielle, dès lors que c'est à compter du procès-verbal de réception que commencent à courir les délais de garantie que doivent les entreprises pour les travaux qu'elles ont réalisés.

L'article L. 262-2 (N° Lexbase : L1975HPT) prévoit que ces travaux doivent faire l'objet d'une seule et même date de réception pour tous les corps d'état. La réception est également unique s'agissant des travaux portant sur les parties communes et les parties privatives.

Contrairement à la VEFA, le procès-verbal de réception doit obligatoirement être communiqué à l'acquéreur lors de sa convocation pour procéder à la livraison des travaux (CCH, art. R. 262-6 N° Lexbase : L2994ICU).

2.3. La livraison des travaux

Il s'agit de l'étape la plus importante. Le moment auquel intervient la livraison doit être postérieur à l'achèvement et, en principe, à la réception. En effet, le vendeur, lorsqu'il convoque l'acquéreur doit lui indiquer l'attestation d'achèvement délivrée par l'homme de l'art désigné au contrat, ainsi que le procès-verbal de réception signé avec les entreprises.

La réception doit avoir lieu préalablement, au moins 15 jours auparavant, puisque l'acquéreur doit être convoqué par le vendeur au moins 15 jours avant la date fixée. Cette date n'est pas fixée contradictoirement entre les parties ; elle est fixée par le vendeur qui l'impose à l'acquéreur.

La loi prévoit l'éventuelle défaillance de l'acquéreur qui ne se rendrait pas à la visite de livraison ; s'il n'a pas répondu à la date de la visite, le vendeur prend l'initiative et demande au président du TGI de désigner un tiers compétent chargé de procéder à la livraison pour le compte de l'acquéreur défaillant. La constatation de la livraison fait l'objet par la personne qualifiée ainsi désignée d'une déclaration devant le notaire qui a reçu la vente. Cette déclaration tient lieu de procès-verbal tel que visé à l'article L. 262-3. La constatation de la livraison est parfaite par la déclaration ainsi faite. Elle est notifiée par la partie la plus diligente à l'autre par lettre recommandée avec accusé de réception. La notification vaut livraison à la date de cette réception.

La visite de livraison donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal établi entre le vendeur et l'acquéreur (cf. CCH, art. L 262-3 N° Lexbase : L1976HPU) ; ce procès-verbal constitue le point de départ du délai d'un mois de dénonciation des vices de construction ou les défauts de conformité apparents affectant les travaux. L'action en réparation des vices de construction ou des défauts de conformité ainsi dénoncés peut être intentée dans un délai d'un an après la livraison.

La loi n'a rien prévu pour la situation où l'acquéreur répond à la visite de livraison mais ne veut pas prendre livraison des travaux, ou si les parties ne sont pas d'accord sur les réserves. La doctrine estime qu'il faut procéder de la même façon qu'en cas de défaillance de l'acquéreur, et procéder à une demande de nomination d'un autre expert auprès du président du TGI.

Enfin, en amont de la livraison des travaux, il peut être nécessaire d'organiser l'entrée en jouissance de l'acquéreur, puisque par définition dans le cadre d'une vente "en état futur", il n'a pas la jouissance du bien au moment de la signature de l'acte qui transfère la propriété. Si les travaux réalisés par le vendeur ne portent que sur une partie commune, et qu'il n'existe aucun danger pour l'acquéreur à prendre possession des lieux, il peut être envisagé de lui en laisser la possession ; en revanche, dans le cas où les parties ont défini une certaine catégorie de travaux et que l'acquéreur, postérieurement à la livraison de ceux-ci, souhaiterait à nouveau réaliser certains aménagements dans son bien, il paraîtrait difficile de lui laisser prendre possession de la partie existante avant la livraison.

3. Le paiement fractionné des travaux

Dans le cadre d'une VEFR, il faut définir un prix ; ce prix fait l'objet d'une ventilation, comme en matière de VEFA. Les paiements sont échelonnés en fonction de l'avancement des travaux que le vendeur a promis de réaliser.

Mais il convient avant tout de ventiler le prix du bien vendu entre la valeur de l'existant, et la valeur des travaux (cf. CCH, art. R. 262-9 N° Lexbase : L3055IC7). L'intérêt du vendeur est bien entendu de valoriser au maximum l'existant, et celui de l'acquéreur est de maximiser le montant des travaux. Cette distinction entre la valeur de l'existant et celle des travaux, autrement dit le montant des travaux, est fixé par l'expert.

La partie du prix payée comptant correspond à la valeur de l'immeuble existant, et est payée impérativement le jour de la signature de l'acte authentique. Selon Maître Guibert, on peut toutefois imaginer de déroger à ce caractère impératif, et que le vendeur accepte qu'une partie du prix soit payée à terme.

S'agissant du paiement du prix des travaux, il fait l'objet d'une ventilation en fonction de trois stades d'exécution (CCH, art. R. 262-10 N° Lexbase : L0801INY). Les paiements relatifs au prix des travaux ne peuvent ainsi excéder :

- 50 % une fois achevés les travaux représentant la moitié du prix total des travaux ;
- 95 % une fois achevé l'ensemble des travaux.
Le solde est payé à la livraison.

Les stades d'avancement des travaux sont là encore constatés par l'homme de l'art.

Depuis 2010, il est précisé qu'il s'agit de seuils ne pouvant être dépassés ; des stades intermédiaires peuvent ainsi être prévus.

4. La détermination de l'objet du contrat

S'agissant d'une vente en état futur de rénovation, il est bien question d'un bien dont les caractéristiques doivent être définies au jour de la signature du contrat, et sont évolutives dans le temps, puisque postérieurement au transfert de propriété, le bien est amené à subir certaines transformations.

Le législateur impose la signature de plans qui permettent de décrire les biens et d'une notice descriptive permettant de décrire les travaux qui seront réalisés (CCH, art. R. 262-8 N° Lexbase : L3134IC3 et R. 262-14 N° Lexbase : L2837IC3).

S'agissant de la description des biens, il est notamment prévu que le contrat doit comporter en annexes des plans avec les cotes utiles, surfaces des pièces, etc.. Si le bien constitue une partie d'un ensemble immobilier, il convient, au stade de la promesse, de préciser la situation de cette partie dans l'immeuble et au stade de la vente, il faut produire un plan indiquant le nombre de bâtiments, leur emplacement, et le nombre d'étages de chacun d'eux.

L'acquéreur doit également être informé de la surface du bien qu'il achète (application de la loi "Carrez", pour un bien en copropriété ; en revanche, dans le cas d'un bien individuel, la loi ne prévoit pas la définition de la surface qui doit être indiquée à l'acquéreur) ; il conviendra alors de définir cette surface conventionnellement entre les parties, la meilleure solution étant d'après une doctrine unanime, de se référer à la superficie habitable prévue à l'article R. 111-2 du CCH (N° Lexbase : L8631IAW). On peut également imaginer que les travaux auront une incidence sur la surface, en raison de la pose de cloisons, de l'abattement de murs, de modifications des pièces, etc.. Il convient alors de s'attacher à indiquer à l'acquéreur la surface après réalisation des travaux.

Enfin, le vendeur est tenu de fournir à l'acquéreur, comme pour toute vente d'un immeuble bâti, le dossier de diagnostic technique défini par l'article L. 271-4 du CCH (N° Lexbase : L7960IMR).

S'agissant de la description des travaux à réaliser, il faut distinguer ceux qui auront lieu, tant dans les parties privatives que dans les parties communes. Là encore, le contenu de ce descriptif diffère selon que l'on se situe au stade de la promesse ou à celui de la vente. Au stade de la promesse, on admet une simple note technique sur les travaux à réaliser ; au stade de l'acte définitif de vente, les caractéristiques techniques résulteront soit du devis descriptif ayant servi de base au marché passé avec les entreprises, soit d'une notice descriptive type fixée par arrêté ministériel.

5. Le rôle de l'expert dans la VEFR

Afin de répondre à l'objectif de sécurisation des VEFR, qui entrent dans le secteur protégé, le législateur a imposé à différents stades de la VEFR, l'intervention d'un expert, l'homme de l'art.

Ainsi, tout d'abord, au stade de la promesse, c'est lui qui droit attester de la répartition du prix entre la valeur de l'existant et celle des travaux. La mission est délicate puisque, comme indiqué supra, les intérêts du vendeur et de l'acquéreur sont contradictoires.

Ensuite, il doit attester des deux stades minimums de travaux déclenchant les paiements (50 % et 95 %) ; enfin, il doit attester de l'achèvement des travaux, qui met fin à la garantie financière d'achèvement.

Il doit encore intervenir, dans le cadre d'un immeuble en copropriété, au niveau de la valorisation des travaux portant sur les parties communes et sur les privatives rénovées.

S'agissant des caractéristiques professionnelles exigées par le législateur, l'homme de l'art doit être architecte, ou agrée en architecture. Ces qualités professionnelles doivent être vérifiées par le vendeur, ainsi que par le notaire instrumentaire.

Par ailleurs, il doit être assuré pour l'exercice de ses missions, ce qui doit également faire l'objet d'une vérification.

L'homme de l'art doit également être indépendant et impartial. Pour vérifier ces deux critères, le notaire dispose de peu de moyens. Maître Guibert estime que le meilleure solution consiste à faire signer à l'intéressé une déclaration sur l'honneur attestant de son indépendance et de son impartialité.

S'agissant, enfin, de sa désignation, il doit être désigné par les deux parties, ou à défaut d'accord, par le président du TGI. Des difficultés peuvent se poser en pratique, par exemple dans le cas d'une vente d'un immeuble en état futur de rénovation dont l'échéance est assez lointaine et où différents hommes de l'art peuvent se succéder, ce qui implique une multiplication de coûts pour le vendeur, qui en a la charge.

6. Les versements lors de la signature de la promesse unilatérale de vente

Contrairement à la VEFA qui prévoit la signature du contrat préliminaire, le législateur n'a pas prévu d'avant-contrat spécifique. L'article L. 262-9 du CCH (N° Lexbase : L1982HP4) n'envisage que la signature d'une promesse de vente.

Initialement, un projet de décret avait prévu que la signature de la promesse pouvait donner lieu à un versement de 10 % ; mais cette possibilité n'a pas été retenue dans la version publiée au JO.

Ainsi, la question se pose de savoir si le vendeur peut, ou non, recevoir des versements de l'acquéreur.

Il faut rappeler alors que les paiements s'effectuent en fonction de l'état d'avancement des travaux, et que le vendeur ne peut accepter aucun paiement avant que les paiements ne soient exigibles. Par ailleurs, l'article R. 262-10 prévoit qu'aucun paiement ne peut intervenir tant que les conditions suspensives sont pendantes. Une analyse littérale des textes pourrait laisser penser que le vendeur ne peut recevoir aucun versement au stade de l'avant-contrat.

Mais il est difficilement concevable que le vendeur accepte de s'engager sans aucun dépôt de l'acquéreur en contrepartie. Il faut ainsi considérer, selon une doctrine majoritaire, que dès lors qu'un versement est permis dans le cadre d'une promesse unilatérale de vente classique, "sans travaux" (cf. CCH, art. L. 271-2 N° Lexbase : L1989HPD), il doit en être de même dans le cadre de la promesse de VEFR. En effet, il faut considérer que l'encadrement législatif du paiement du prix ne s'applique qu'aux travaux. La finalité du texte est que l'acquéreur ne puisse être amené à payer des prestations non réalisées. Le décret n° 2010-1128 du 27 septembre 2010 (N° Lexbase : L0759ING), modifiant notamment l'article R. 262-10 est également venu conforter le vendeur dans la possibilité de prévoir des stades de travaux intermédiaires. Sachant que le prix est ventilé entre l'existant et les travaux à réaliser, on doit pouvoir considérer que, sur la base du prix de l'existant, l'acquéreur fasse le versement d'un acompte au titre d'une indemnité d'immobilisation, au moment de l'avant-contrat, d'autant plus que, en application de l'article L. 271-2 du CCH, ce versement doit être effectué entre les mains d'un professionnel, qui a reçu un mandat pour prêter son concours à l'opération, et qui dispose d'une garantie financière de remboursement.

En conclusion, si le statut de la VEFR a permis de répondre aux inquiétudes des acquéreurs et des praticiens en ce qui concerne la bonne exécution des travaux, sa soumission aux travaux minimes, de faible importance, reste beaucoup trop contraignante et conduit, en pratique, à écarter l'application du régime, notamment en repoussant la vente une fois les travaux réalisés. Le succès de la VEFR reste donc très limité.

newsid:437224

Divorce

[Brèves] Des modes de preuve admis dans le cadre d'une procédure de divorce

Réf. : CA Paris, Pôle 3, 2ème ch., 24 avril 2013, n° 12/20200 (N° Lexbase : A5377KC7)

Lecture: 1 min

N7201BTU

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Le 30 Mai 2013

Dans un arrêt rendu le 24 avril 2013, la cour d'appel de Paris s'est prononcée sur les modes de preuve admis dans le cadre d'une procédure de divorce (CA Paris, Pôle 3, 2ème ch., 24 avril 2013, n° 12/20200 N° Lexbase : A5377KC7). Pour rappel, concernant les causes de divorce, le principe est celui de la liberté de la preuve, à l'exception du témoignage des descendants qui n'est pas admis (C. civ., art. 259 N° Lexbase : L2824DZM), ainsi que des éléments qui auraient été obtenus par violence ou par fraude (C. civ., art. 259-1 du Code civil (N° Lexbase : L2825DZN) un époux ne peut verser aux débats un élément de preuve qu'il aurait obtenu par violence ou fraude (cf. l’Ouvrage "Droit du divorce" N° Lexbase : E7527ETX). Faisant application de ces principes, la cour d'appel retient, tout d'abord, que c'est à juste titre que le premier juge avait écarté des débats le procès-verbal de constat d'huissier établi le 18 mars 2011 et transcrivant les enregistrements effectués par la femme des conversations téléphoniques de son mari avec des tierces personnes ; en effet, en procédant à ces interceptions, la femme a utilisé un procédé déloyal excluant l'admission de ces preuves. En revanche, compte tenu, concernant les causes de divorce, des dispositions particulières en matière de preuve prévues par l'article 259 du Code civil, les pièces versées aux débats par la femme ne devaient pas, en elles-mêmes, être écartées, s'agissant de rapports de détectives relatifs à des faits constatés sur la voie publique ; de même, les photographies du mari prises dans des lieux publics, terrasses de café, etc., ne sont pas en elles-mêmes à écarter.

newsid:437201

Divorce

[Brèves] Adultère commis après l'ordonnance de non conciliation

Réf. : CA Versailles, 18 avril 2013, n° 12/03460 (N° Lexbase : A1586KCQ)

Lecture: 1 min

N7280BTS

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Le 10 Juin 2013

Dans un arrêt rendu le 18 avril 2013, la cour d'appel de Versailles a retenu que n'était pas fautif l'adultère commis par l'épouse dès lors que la relation était bien postérieure à l'ordonnance de non conciliation (CA Versailles, 18 avril 2013, n° 12/03460 N° Lexbase : A1586KCQ ; sur cette question du moment où a été commis l'adultère, cf. l’Ouvrage "Droit du divorce" N° Lexbase : E7517ETL, et notamment la jurisprudence de la première chambre civile de la Cour de cassation ayant précisé qu'il était possible d'invoquer des griefs postérieurs à l'ordonnance de non conciliation ou l'assignation, l'introduction de la demande en divorce ne conférant pas aux époux, encore dans les liens du mariage, une immunité faisant perdre leurs effets normaux aux torts invoqués, Cass. civ. 1, 5 mars 2008, n° 07-15.516, F-P+B N° Lexbase : A3362D7N). Selon les juges versaillais, si était établie la relation entretenue par l'épouse avec un tiers, il convenait d'observer que cette relation était bien postérieure à l'ordonnance de non conciliation, l'inscription de l'épouse sur le site de rencontres le 2 janvier 2010 étant d'ailleurs elle même postérieure à cette décision, ce qui lui ôtait le caractère de gravité qu'elle aurait pu revêtir avant cette ordonnance. S'agissant, en revanche, des reproches faits à son époux (injures, manque de respect quotidien, violences dont elle avait été victime, relations adultères et alcoolisme), la cour relève que l'épouse produisait des relevés de compte au nom de son mari faisant apparaître des débits se rapportant à un site de rencontres ; ces éléments démontraient qu'antérieurement à la procédure de divorce, l'époux se détournait de son épouse en vue de faire des rencontres féminines. Selon la cour, ce comportement injurieux à l'égard de l'épouse constituait une faute justifiant le prononcé du divorce aux torts exclusifs de l'époux sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs allégués.

newsid:437280

Droit de la famille

[Brèves] Dispositions de coordination à la suite de l'adoption de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe

Réf. : Décret n° 2013-429 du 24 mai 2013 portant application de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe et modifiant diverses dispositions relatives à l'état civil et du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8452IWX)

Lecture: 1 min

N7248BTM

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Le 30 Mai 2013

A été publié au Journal officiel du 28 mai 2013, le décret n° 2013-429 du 24 mai 2013, portant application de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe et modifiant diverses dispositions relatives à l'état civil et du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8452IWX). Ce texte, qui entre en vigueur dès le lendemain de sa publication, tire les conséquences de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (N° Lexbase : L7926IWH), qui rend nécessaire l'adaptation de certaines dispositions du Code de procédure civile, des décrets n° 62-921 du 3 août 1962 modifié, n° 74-449 du 15 mai 1974 relatif au livret de famille (N° Lexbase : L9999A8T), n° 2002-1556 du 23 décembre 2002 (N° Lexbase : L9442A89) portant application de l'article 22 de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins (N° Lexbase : L0288A33), et n° 2004-1159 du 29 octobre 2004 (N° Lexbase : L3790GUW) portant application de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille (N° Lexbase : L7970GTD), afin de prendre en compte l'existence de couples et de parents de même sexe. Par ailleurs, le présent décret prend également en compte les modifications apportées à l'article 311-21 du Code civil (N° Lexbase : L8015IWR), en cas de désaccord entre les parents sur le choix du nom de leur enfant aux termes desquelles, dans ce cas, celui-ci prendra les noms de ses deux parents accolés selon l'ordre alphabétique. Il crée la déclaration conjointe de choix de nom souscrite dans le cadre de la procédure d'adoption. Enfin, il procède à la mise à jour de diverses dispositions relatives au droit des personnes et de la famille.

newsid:437248

Droit rural

[Jurisprudence] Conditions de la poursuite du bail par le descendant du preneur décédé

Réf. : Cass. civ. 3, 24 avril 2013, n° 12-14.579, FS-P+B (N° Lexbase : A6963KCU)

Lecture: 8 min

N7222BTN

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR à la Faculté de Droit de Nancy (Université de Lorraine, Institut François Gény, EA 7301, Nancy), Présidente de l'AFDR Section Lorraine

Le 22 Septembre 2017

Le temps qui passe ne suffit pas toujours pour entériner certaines situations de fait et conditions de droit. Ainsi, des consorts ont donné à bail à ferme pour une durée de dix-huit ans une parcelle de terre à un couple en qualité de co-preneurs solidaires. Ayant atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, les bailleurs ont fait délivrer congé sur le fondement de l'article L. 416-1 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L0874HP3) afin de mettre fin au bail. Le preneurs ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en contestation du congé délivré et en sollicitant l'autorisation de céder le bail à leurs fils. Le mari est décédé en cours d'instance. Intervenant au cours de l'instance, le fils a également demandé que le tribunal constate que, faute de congé délivré dans les six mois de son père, le bail s'était renouvelé à son profit. Par ailleurs, l'épouse et son fils prétendent avoir régulièrement exécuté leurs obligations nées du bail, et que nonobstant la double activité du fils, ce dernier dispose du temps nécessaire à la bonne exploitation des terres louées, qu'il dispose de la capacité agricole et qu'il n'est pas soumis à autorisation du contrôle des structures. En outre, les conditions requises par l'article L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L6362HH4) sont remplies. A l'opposé, les bailleurs soutiennent que les époux n'avaient pas été des preneurs de bonne foi dès lors qu'ayant mis à disposition les terres louées à une société exploitante, ils ne les avaient pas informés de la retraite du mari ainsi que de son retrait de la personne morale. En outre, ils ajoutent que le fils n'a ni la capacité, ni l'expérience professionnelle requise par la loi. Par ailleurs, son activité professionnelle à temps plein à une distance importante des biens loués ne lui permettrait pas une exploitation effective des parcelles litigieuses et ce, d'autant plus qu'il exerce également une activité équestre. La cour d'appel (1) rejette dans un premier temps l'argument des bailleurs fondé sur la mauvaise foi des preneurs. Elle rappelle qu'en application de l'article L. 411-34, alinéa 2, du Code rural et de la pêche maritime, toute modification dans la dénomination sociale de la société doit être portée à la connaissance du bailleur, qu'en l'occurrence les preneurs ne démontrent pas avoir accompli cette formalité. A l'opposé, en cas de départ en retraite de l'un des co-preneurs mariés conformément à l'article L. 411-46, alinéa 2, dudit code, le bail est poursuivi par le conjoint (2). Ainsi, la cour considère que les manquements ne sont pas d'une gravité suffisante pour priver les preneurs de la faculté de céder leur bail dès lors que ces derniers n'ont aucune conséquence sur les garanties dont bénéficient les bailleurs. Le coeur du débat ne repose pas sur cette obligation d'information, évoquée seulement devant les juges du fond.

La problématique dans cette affaire, porte sur la cession du bail au fils des co-preneurs au travers des conditions légales auxquelles doit répondre le candidat cessionnaire du bail ainsi que sur le droit légal de résiliation dont dispose le bailleur en cas de décès du preneur. Sur ce dernier point, la Cour de cassation précise que "l'absence d'exercice par le bailleur de son droit légal de résiliation" est indifférente pour apprécier si le fils remplit les conditions requises pour la continuation du bail. En cas de décès du preneur, le bailleur dispose d'un délai de six mois, en application de l'alinéa 3 de l'article L. 411-34 précité, pour demander la résiliation du bail en l'absence de conjoint ou d'ayant-droit réunissant les conditions légales. En effet, cette disposition est applicable dès lors que personne ne peut prétendre à la poursuite du bail ; or, le litige portait essentiellement sur la question de savoir si le fils remplissait, ou non, les conditions légales pour poursuivre ce contrat. Par conséquent, les plaideurs n'étaient pas encore arrivés, dans le déroulement de leur conflit, à la question de savoir s'il y avait ou non absence de personne ayant qualité pour la continuation du bail. Afin de poursuivre ce dernier, le fils doit être en mesure de se consacrer personnellement à l'exploitation de parcelles louées (I). Il doit également répondre aux exigences du contrôle des structures (II).

I - L'exigence de l'exploitation personnelle du bien loué

Cette exigence découle des circonstances particulières de la présente affaire. En effet, les co-preneurs ont mis le bien loué à disposition d'une société exploitante. Dans ce cas, en application de l'article L. 411-2 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L0329HPU), le statut du fermage ne s'applique pas aux biens mis à la disposition d'une société par une personne qui participe effectivement à l'exploitation de celle-ci. Autrement formulé, la convention de mise à disposition n'est pas assimilée à un bail rural à condition que l'associé participe effectivement à l'exploitation des biens loués par le preneur, personne physique (3). Dans la présente affaire, ce point n'a pas été discuté devant la Cour de cassation, mais seulement au cours de la procédure, et tout spécialement lors de l'appel.

C'est ainsi que la cour d'appel d'Amiens (4), dans son arrêt du 29 novembre 2011, a rappelé que le demandeur en autorisation de cession de bail ou le cessionnaire éventuel, doit démontrer qu'il sera en mesure de se consacrer personnellement à l'exploitation du bien loué "sans limiter son activité à la direction et à la surveillance de celle-ci, mais en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente", conformément à la jurisprudence applicable en la matière. En effet, la Cour de cassation indique que le preneur qui met le bien loué à disposition d'une société à objet principalement agricole dont il est associé, reste titulaire du bail, et à l'obligation de continuer à se consacrer à sa mise en valeur en participant aux travaux de façon effective et permanente (5).

Dans la présente affaire, le fils est pluriactif car il exerce la profession d'aiguilleur du ciel en qualité de technicien de l'aviation civile et est associé d'une première EARL exploitant une surface d'un peu plus de 39 hectares et ayant une activité équestre annexe, ainsi que d'une seconde EARL mettant en valeur environ 96 hectares. Celle-ci est située à une douzaine de kilomètres de la parcelle faisant l'objet du bail litigieux. En outre, il ressort que ce dernier perçoit une rémunération sous forme de salaire d'environ 51 500 euros par an et qu'il exerce sa profession non agricole à temps complet. Son poste de travail est situé à une distance comprise entre soixante et soixante-dix kilomètres de son domicile et des terres exploitées par les personnes morales dont il est associé. Pour la cour d'appel, le type de profession exercée (nécessitant une concentration considérable et source d'une tension nerveuse importante), sa durée, et le temps nécessaire aux trajets professionnels quotidiens, ainsi que l'importance des surfaces agricoles mise en valeur en qualité d'associé de deux sociétés agricoles (environ 135 hectares) et la diversification des activités (cultures et activités équestres) apparaissent incompatibles avec une exploitation personnelle, effective et permanente garantissant aux bailleurs une mise en valeur satisfaisante des biens, objet du bail litigieux. Par conséquent, les juges du fond ont considéré que la condition de l'exploitation effective et permanente du demandeur n'était pas remplie.

Les preneurs n'ont pas formulé de critiques et l'appréciation de cette condition relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges. Eu égard aux caractéristiques des activités professionnelles du fils des locataires, il est intéressant de noter la démarche des juges du fond qui tiennent compte de données contraintes pour apprécier l'exploitation effective et permanente du demandeur, en quelque sorte en reconstituant son emploi du temps professionnel et en tenant compte des déplacements effectués par ce dernier. Mais cette condition n'était pas suffisante à elle-seule pour pouvoir prétendre à la continuation du bail, il faut que le demandeur ait répondu aux exigences de la réglementation du contrôle des structures.

II - La nécessité d'avoir l'autorisation d'exploiter

En effet, le preneur ou, du moins, le candidat à la continuation du bail doit avoir l'autorisation d'exploiter (6). Cette exigence légale ne figure pas dans le régime juridique du fermage mais elle est énoncée aux articles L. 331-1 (N° Lexbase : L6543HHS) et suivants du Code rural et de la pêche maritime et plus spécialement du "volumineux" article L. 331-2 (N° Lexbase : L3130IT4).

Dans la présente affaire, le demandeur n'exploite pas en nom propre mais en qualité d'associé exploitant d'une société agricole. Par conséquent, en application de l'article L. 331-2, I, 3° dudit code, lorsque le demandeur est une société exploitante, la condition d'expérience professionnelle requise par cette réglementation est appréciée au travers de la personne physique des associés exploitants. La composition des sociétés, EARL, pour lesquelles le demandeur a la qualité d'associé exploitant n'est pas précisée mais il ne semble pas qu'il y ait d'autres associés ayant cette qualité, ce qui explique pourquoi l'autorisation d'exploiter est envisagée uniquement au travers du fils. La Cour de cassation a récemment rappelé que, lorsque les biens loués sont mis à disposition d'une société exploitante, les ayants droit du preneur décédé ayant la qualité d'associé exploitant dans cette structure n'ont pas besoin de requérir cette autorisation, dès lors que la société en est titulaire (7).

De plus, le contrôle des structures pose des critères supplémentaires lorsque le demandeur est un pluriactif, comme dans la présente affaire, c'est-à-dire qu'il exerce une autre profession corrélativement avec une activité agricole en qualité d'exploitant. En effet, l'associé exploitant qui remplit déjà les conditions requises pour la capacité professionnelle agricole, doit demander l'autorisation du contrôle des structures pour l'agrandissement de son exploitation lorsque les revenus extra-agricoles de son foyer fiscal excèdent 3120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance (SMIC). Dans ce cas, il convient de prendre en compte, les revenus nets imposables au titre de l'année précédant celle de la demande d'autorisation d'exploiter. En outre, le montant du SMIC à prendre en compte est celui en vigueur au 31 décembre de la même année.

Ainsi, la cour d'appel a relevé que le fils n'est pas titulaire de l'un des diplômes agricoles conférant la capacité agricole, visés à l'article R. 331-1-1° du Code rural et de la pêche maritime. Par conséquent, il doit établir avoir réalisé une activité agricole pendant cinq ans pour suppléer à cette absence de diplôme. Dans ce cas, il doit prouver qu'il bénéficie de cinq ans d'expérience professionnelle acquise au cours des quinze dernières années précédant l'opération pour laquelle l'autorisation du contrôle des structures est nécessaire, sur une surface au moins égale à la moitié de l'unité de référence définie à l'article L. 312-5 dudit code (N° Lexbase : L3122AED) en qualité d'exploitant, d'aide familial, d'associé d'exploitation, de salarié agricole ou de collaborateur d'exploitation (8), conformément aux dispositions de l'article R. 331-1-2° de ce code. Or, le fils devait démontrer remplir cette condition à la date d'effet du congé, soit au 11 novembre 2010. Autrement dit, il devait justifier d'une activité professionnelle agricole dans les conditions précitées, réalisées depuis le 11 novembre 1995 (depuis moins de quinze ans). En réalité, il était inscrit en qualité de chef d'exploitation depuis le 25 janvier 2007, et à l'appui d'une attestation établie par la Mutualité sociale agricole (MSA), il a été salarié agricole pendant une durée maximale de six mois. La cour précise que le demandeur, au jour de la clôture des débats démontrait avoir eu une activité de 56 mois et 18 jours, c'est-à-dire d'une durée inférieure à celle requise par le contrôle des structures. Par conséquent, le demandeur ne remplissait pas les conditions requises pour pouvoir prétendre obtenir l'autorisation administrative nécessaire pour pouvoir exploiter les parcelles, objet du bail litigieux.

N'ayant pas l'autorisation du contrôle des structures, les juges du fond ont considéré que la demande du fils des preneurs, tendant à la continuation du bail rural, devait être rejetée. Pour critiquer cette décision, ce dernier prétend, dans son pourvoi, que cette autorisation n'était pas nécessaire, car il avait le droit de poursuivre le bail par le seul effet de l'absence de toute action des bailleurs pour s'y opposer dans les six mois du décès de l'un des co-preneurs. La Cour de cassation rejette cette analyse, en rappelant que le droit légal de résiliation des bailleurs est indifférent au regard des exigences imposées par la réglementation du contrôle des structures. Ainsi, le demandeur à la continuation du bailleur doit impérativement être en situation régulière au regard de cette réglementation pour pouvoir prétendre poursuivre le bail en application de l'article L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime.


(1) CA Amiens, 29 novembre 2011, n° 10/04034 (N° Lexbase : A1461H3I).
(2) S. Crevel, Les couples dans le statut du fermage, RDRur., janvier 2013, Colloque 5.
(3) F. Roussel, La mise à disposition de biens par un propriétaire exploitant au profit d'une société, RDRur., 2008, Dossier 25.
(4) CA Amiens, ch. éco., 29 novembre 2011, préc..
(5) Cass. civ. 3, 3 février 2010, n° 09-11.528, FS-P+B (N° Lexbase : A6149ER8), JCP éd. N, 2010, 1180, note J.-J. Barbièri et 1249, F. Roussel.
(6) C. rur., art. L. 331-6 (N° Lexbase : L6546HHW). Cass. civ. 3, 2 octobre 2002, n° 01-03.607, FS-P+B (N° Lexbase : A9100AZ3), Bull. civ. III, n° 195, Rev. Loyers, 2003, p. 27, note B. Peignot ; JCP éd. N, 2004, p. 721-722, note D. Brelet ; AJDI, 2003, p. 360, note J. Plazy ; Cass. civ. 3, 22 janvier 2003, n° 01-13.968, FS-D (N° Lexbase : A7317A4R) ; Cass. civ. 3, 6 janvier 2009, n° 07-15.468, F-D (N° Lexbase : A1532ECQ).
(7) Cass. civ. 3, 3 octobre 2012, n° 11-19.686 (N° Lexbase : A9756ITI), Annales des Loyers, 2012, p. 2788-2790, obs. A Cerati-Gautier, Rev. Loyers, 2012, p. 476-479, note B. Peignot, RD rur., novembre 2012, p. 36-37, obs. S. Crevel.
(8) C. rur., art L. 321-5 (N° Lexbase : L3589IMU).

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Pénal

[Brèves] Peine d'emprisonnement sans sursis à raison du refus du prévenu de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l'identification de son empreinte génétique

Réf. : Cass. crim., 17 avril 2013, n° 12-86.054, F-P+B (N° Lexbase : A9116KDY)

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N7277BTP

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Le 30 Mai 2013

Il résulte de l'article 132-24 du Code pénal (N° Lexbase : L9406IE4), qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du Code pénal (N° Lexbase : L8955HZP), une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 (N° Lexbase : L9410IEA) à 132-28 dudit code. Faisant application de ces dispositions, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 17 avril 2013, censure l'arrêt qui, pour condamner M. H. à deux mois d'emprisonnement pour refus de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l'identification de son empreinte génétique, se bornait à retenir, qu'une telle peine d'emprisonnement était la seule peine de nature à le contraindre à se soumettre au prélèvement biologique, justifié par sa condamnation prononcée pour des faits de violences, sans indiquer les raisons pour lesquelles toute autre sanction était manifestement inadéquate .

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Pénal

[Brèves] Conditions pour relever d'office l'état de récidive

Réf. : Cass. crim., 23 mai 2013, n° 12-83.721, FS-P+B (N° Lexbase : A9193KDT)

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N7274BTL

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Le 30 Mai 2013

Selon l'article 132-16-5 du Code pénal (N° Lexbase : L3751HGZ), si I'état de récidive légale peut être relevé d'office par la juridiction de jugement, même lorsqu'il n'est pas mentionné dans I'acte de poursuite, c'est à la condition qu'au cours de l'audience, la personne poursuivie en ait été informée et qu'elle ait été mise en mesure d'être assistée d'un avocat et de faire valoir ses observations ; tel est le rappel opéré par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 23 mai 2013 (Cass. crim., 23 mai 2013, n° 12-83.721, FS-P+B N° Lexbase : A9193KDT). En l'espèce, il résultait de l'arrêt attaqué que, devant la cour d'appel, le ministère public avait requis que soit constaté l'état de récidive légale du prévenu, invité à présenter ses observations sur cette circonstance aggravante, retenue par les juges du second degré. L'arrêt est censuré par la Cour suprême qui relève qu'en retenant cette circonstance, alors qu'elle n'avait pas été mentionnée dans l'acte de poursuite et que le prévenu qui avait sollicité la désignation d'un avocat commis d'office n'avait pas pu en bénéficier, la cour d'appel avait méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé .

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Presse

[Brèves] Diffamation non publique : expressions diffamatoires contenues dans une correspondance personnelle et privée

Réf. : Cass. crim., 14 mai 2013, n° 12-84.042, F-P+B (N° Lexbase : A9064KD3)

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N7276BTN

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Le 04 Juin 2013

Les expressions diffamatoires contenues dans une correspondance personnelle et privée, et visant une personne autre que le destinataire du message qui les contient, ne sont punissables, sous la qualification de diffamation non publique, que si cette correspondance a été adressée dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel. Tel est le principe rappelé par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, au visa des articles 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7589AIW), et R. 621-1 du Code pénal (N° Lexbase : L0962ABA), dans un arrêt rendu le 14 mai 2013 (Cass. crim., 14 mai 2013, n° 12-84.042, F-P+B N° Lexbase : A9064KD3 ; déjà en ce sens : Cass. crim., 17 janvier 1995, n° 93-85.495 N° Lexbase : A8504AXA ; cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E4089ETM). En l'espèce, s'estimant mises en cause par les termes d'un courriel adressé à M. Y, son ex-gendre, par M. X, Mme X et Mme Z avaient fait citer celui-ci, du chef de diffamation non publique, devant le tribunal de police ; le tribunal avait retenu le prévenu dans les liens de la prévention ; il avait relevé appel de cette décision. Pour confirmer le jugement entrepris, et dire établie la contravention de diffamation non publique, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bordeaux avait retenu que, si le message envoyé par le prévenu était personnel, il n'était pas pour autant confidentiel, et avait dès son envoi de bonnes chances d'être porté à la connaissance des personnes qui y étaient mentionnées, en plus de leur destinataire, cette éventualité étant probablement recherchée par le prévenu ; la cour d'appel avait ajouté que le destinataire ne constituait pas avec le prévenu et les parties civiles un groupement de personnes liées par une communauté d'intérêts, compte tenu des oppositions familiales et des affirmations contenues dans le message concernant plusieurs proches. L'arrêt est censuré par la Cour suprême qui juge de tels motifs hypothétiques, et relève que le courriel litigieux avait revêtu le caractère d'une correspondance personnelle et privée, et n'avait perdu son caractère confidentiel que par le fait de son destinataire et de tiers, ainsi que la Cour de cassation était en mesure de s'en assurer.

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Procédure civile

[Le point sur...] Concentration des moyens : halte à la dérive !

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N7223BTP

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par Aziber Seïd Algadi, Docteur en droit, Avocat au barreau de Paris

Le 30 Mai 2013

Toujours sous le feu des projecteurs doctrinaux, la règle de la concentration des moyens atteint son septennat de célébrité et ne semble guère vouloir se faire oublier. S'élargissant à tous les domaines du droit mais aussi à toutes les instances (judiciaires et arbitrales), elle en devient lassante et inquiétante : lassante car toutes les unes des revues juridiques lui sont consacrées ; inquiétante car son interprétation extensive par certaines juridictions fait craindre le pire. Déjà injuste, elle arpente inexorablement le chemin de la dérive. Les arrêts sont nombreux sur la concentration des moyens, règle énoncée par l'affaire "Cesareo" (1), et alimentent toujours une polémique doctrinale inspirée par une jurisprudence d'apparence divergente (2).

La règle imposée par la jurisprudence "Cesareo" est pourtant d'une indéniable clarté : il appartient aux parties à un procès de présenter dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des arguments justifiant leurs prétentions ou susceptibles de faire obstacle à la demande (3).

L'interdiction de faire valoir des arguments nouveaux dans une nouvelle instance a été instituée par la jurisprudence afin de répondre aux exigences de diligence et notamment de respect du délai raisonnable, tel que prôné par la Cour européenne des droits de l'Homme.

Cependant, elle ne s'applique pas aux demandes.

Auparavant, comme l'expliquent clairement certains auteurs, "la notion de cause du jugement retenue par la jurisprudence au titre de l'article 1351 du Code civil (N° Lexbase : L1460ABP), pour apprécier l'autorité de la chose jugée, était plus large que celle retenue pour la cause de la demande [...]" (4). Cette dernière correspondait aux seuls faits allégués par les parties à l'appui de leurs prétentions, alors que pour savoir s'il y avait cause identique, au titre de l'autorité de la chose jugée interdisant une nouvelle demande en justice, il fallait comparer celle-ci avec ce qui a été jugé, tant en droit qu'en fait. Il était impérieux de tenir compte des faits et des qualifications juridiques discutées (5).

L'évolution jurisprudentielle, en élargissant le champ de l'autorité de la chose jugée, limitait progressivement la possibilité d'intenter de nouvelles actions et certaines décisions antérieures à l'arrêt "Cesareo" se révélaient, à cet égard, prémonitoires (6).

L'arrêt du 7 juillet 2006, rendu par les chambres de la Cour de cassation réunies en Assemblée plénière, se trouve donc être la consécration d'une jurisprudence évolutive. Toutefois, il serait déraisonnable d'y voir l'imposition d'une quelconque concentration des demandes et la dérive amorcée par une certaine jurisprudence progressive ne devrait pas être admise au risque de remettre en cause le droit à obtenir justice.

Il est impérieux de se cantonner au principe de la concentration des moyens, qui est déjà, en soi, injuste (I) et ne pas sombrer dans une dérive encore plus dangereuse qui résulterait d'une admission de la concentration des demandes (II).

I - L'injuste consécration de la concentration des moyens

La concentration des moyens est déjà injuste car, voulant privilégier une certaine célérité judiciaire, elle entraîne inévitablement une injustice, à travers l'obligation faite aux parties de présenter tous leurs arguments au cours de la même instance, à défaut de voir leur nouvelle demande rejetée du fait de l'autorité de la chose jugée (7).

Nous rappelions déjà, dans un précédent article (8), que la présentation de l'argumentation juridique relève de la responsabilité des défenseurs des parties et ces dernières pourraient injustement être sanctionnées du fait de l'ignorance ou de la négligence de leur avocat.

Comme le souligne, à juste titre, un auteur : "Est-il réaliste d'astreindre les plaideurs, et à travers eux leurs conseils, à une sorte d'obligation d'infaillibilité, en les obligeant à formuler et imaginer tous les moyens [...] ?" (9).

Il est vrai que la responsabilité civile de l'avocat peut être engagée, mais cette action ne résout pas, pour autant, le problème résultant d'un jugement passé en force de chose jugée et manifestement injuste pour la partie perdante d'un procès.

L'action en responsabilité civile contre l'avocat conduirait au mieux à l'octroi de dommages-intérêts à la partie demanderesse et n'entraîne en aucun cas un nouveau jugement de l'affaire ayant acquis autorité de chose jugée. Tout au plus, la règle de la concentration des moyens deviendra une nouvelle source de contentieux entre les plaideurs et leurs avocats.

Alléger le travail de la justice en ces temps de recrudescence d'actions judiciaires, c'est bien, mais à la condition que cette ambition n'entrave pas le droit d'obtenir justice.

Au demeurant, cette règle peut conduire à l'effet inverse de celui escompté. En voulant alléger la charge des magistrats et leur éviter de statuer sur plusieurs procès aux faits identiques avec une argumentation nouvelle, on arrive à une situation, non meilleure, qui oblige les avocats à présenter tous les moyens possibles et imaginables dans le cadre d'un premier procès : des plus sérieux aux plus fallacieux; ce qui a pour conséquence, pourtant prévisible pour la jurisprudence "Cesareo", d'alourdir les conclusions des avocats et de donner, toujours, au final, plus de travail aux juges, contraints de lire des bibles d'argumentation dont la pertinence n'est pas avérée.

L'idée n'était pas géniale. Il faut l'admettre ! L'Assemblée plénière, dans le cadre de l'affaire "Cesareo", aurait dû bien appréhender les contours d'une telle solution avant de la consacrer.

Aussi, aurait-elle dû la limiter à un domaine particulier (10) ou à une durée précise (11). Sur ce dernier point, il est proposé une limite temporelle à la production de nouveaux moyens en isolant seulement les actes d'assignation effectués postérieurement à l'arrêt "Cesareo" (12). Toutefois, cette solution ne résout que partiellement le problème car la deuxième instance faisant suite à une première, postérieure au 7 juillet 2006, se heurtera toujours à la règle de la concentration des moyens.

La concentration des moyens, bien que contestée par la doctrine qui y voit des effets dévastateurs (13), semble néanmoins définitivement acquise dans notre jurisprudence qui ne cesse d'en élargir le champ d'application : à tous les domaines du droit et même aux instances arbitrales. La règle est désormais ancrée dans la jurisprudence qui n'hésite pas à la rappeler avec emphase (14).

La réaction très tardive des avocats (15), premiers concernés, ne pouvait empêcher la généralisation de la règle.

L'évolution est inquiétante surtout lorsqu'elle dérive sur interprétation infiniment plus dangereuse et qui conduirait à admettre une concentration des demandes, contraire à la lettre et à l'esprit de la CEDH.

II - L'inconcevable admission de la concentration des demandes

Ayant déjà suscité une vive polémique doctrinale (16), parce que contraire à l'esprit de justice et de procès équitable énoncé par l'article 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) (17), une interprétation extensive de la règle de la concentration des moyens, appréhendée comme une consécration de l'obligation de concentrer les demandes, serait le parachèvement d'une négation totale de la justice.

Certains auteurs ont pu noter que les chambres de la Cour de cassation se livrent, sur ce principe, à une interprétation divergente. Or, la jurisprudence, qu'elle soit civile ou commerciale, devrait se tenir au principe de la concentration des moyens et non évoluer implicitement vers d'une quelconque concentration des demandes (18).

Consciente de l'injustice qu'elle a déjà consacrée, elle ne saurait se permettre une telle dérive.

Il importe, dès lors, que la jurisprudence ne s'autorise pas une extension du principe de la concentration des moyens en consacrant une concentration des demandes, comme elle semble le faire dans les arrêts du 1er juillet 2010 (19) ou du 25 octobre 2011 (20), qui appliqueraient réellement la concentration des demandes, selon la doctrine (21).

Heureusement, il s'agit d'une interprétation doctrinale qui, du reste, n'emporte pas notre conviction car, les juges, qu'ils relèvent de la juridiction consulaire ou non, maintiennent toujours la même logique inspirée par la jurisprudence "Cesareo".

Dans la première affaire, la Haute cour soulignait que : "mais attendu qu'ils appartenaient aux consorts A de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens qu'ils estimaient de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande".

Dans la seconde affaire, les juges affirmaient qu'"attendu, d'une part, qu'il appartenait à la caution, défenderesse à l'action en paiement, de présenter, dès l'instance initiale, l'ensemble des moyens qu'elle estimait de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande".

On note, dans le cadre des deux espèces, que seule la concentration des moyens est visée et non la concentration des demandes. Il nous paraît, dès lors, incorrect d'y voir la consécration d'une quelconque concentration des demandes, quand bien même elle se révèlerait de façon implicite.

L'interprétation doctrinale, même si elle est jusque-là unanime, comme le souligne un auteur (22), ne devrait pas conduire à l'affirmation d'une consécration de la concentration des demandes.

Lorsqu'elle est admise, la concentration des demandes est clairement affirmée, comme devant les instances arbitrales. La Cour de cassation le rappelle explicitement dans un arrêt de sa première chambre civile en ces termes : "Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombe au demandeur de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause [...]" (23).

En revanche, aucune exigence similaire n'est expressément exigée par les juridictions étatiques.

Dans celles-ci, la concentration des demandes est imposée au cours d'un même procès, interdisant ainsi à l'une des parties d'avoir des prétentions nouvelles en appel (24) ; on ne saurait l'imposer dans le cadre d'un nouveau procès sans remettre en cause le principe même de la justice étatique.

Si le conflit entre les chambres de la Cour de cassation est perçu, par une partie de la doctrine, comme latent (25), il n'a absolument pas lieu d'être car faut-il rappeler que l'arrêt "Cesareo" a été rendu en Assemblée plénière. Le prononcé d'une décision en Assemblée plénière suppose une concertation entre plusieurs chambres de la Cour de cassation afin d'adopter une ligne jurisprudentielle commune sur une question de principe. Admettre une divergence entre les chambres reviendrait à saper l'autorité de l'instance judiciaire suprême. Une telle situation serait contraire au principe même du fonctionnement de la Cour de cassation.

Dans un arrêt rendu le 11 janvier 2012 (26), la troisième chambre civile de la Haute cour confirme son refus d'assimiler concentration des demandes et concentration des moyens et casse l'arrêt rendu par la cour d'appel en rappelant que "la demande en nullité de la vente pour dol et la demande en réduction du prix de la vente par les victimes de ce dol n'ont pas le même objet".

Une interprétation différente de la jurisprudence du 7 juillet 2006 serait très dangereuse car elle conduirait à une négation totale de la justice résultant du rejet des demandes du justiciable.

En somme, le principe de la concentration des moyens doit être strictement interprété et toute dérive tendant à admettre une concentration des demandes est à proscrire. Envisager une concentration des demandes serait d'autant plus préjudiciable qu'elle légitimerait le déni de justice. Il convient, dès lors, de souhaiter une intervention réglementaire afin qu'une certaine limite soit imposée aux juges dans l'application de la jurisprudence "Cesareo". A défaut, ce serait l'avènement du crépuscule de l'Etat de droit.


(1) Ass. plén., 7 juillet 2006, n° 04-10. 672, P+B+R+I (N° Lexbase : A4261DQU). Cf. nos obs., La concentration des moyens en droit processuel : de la bonne administration de la justice à l'administration de l'injustice, Lexbase Hebdo n° 426 du 3 février 2011 - édition privée (N° Lexbase : N3374BRE).
(2) Cf. C. Bléry, Principes de la concentration des moyens : encore des arrêts ! : RLDC, 2012, n° 98, p. 69-70. L'auteur constate une divergence entre les différentes chambres de la Cour de cassation.
(3) Cf. C. Bléry, Principes de la concentration des moyens : encore des arrêts!, op.cit..
(4) S. Guinchard, C. Chainais et F. Ferrand, Procédure civile. Droit interne et droit de l'Union européenne, Dalloz, 31ème éd., 2012, n° 1096.
(5) Idem.
(6) Voir par exemple : Cass. civ. 1, 28 mars 1995, 2 arrêts, n° 92-20.236 (N° Lexbase : A7351ABU) et n° 93-16.520 (N° Lexbase : A3022CK7), Bull. civ. I, n° 139. Cass. civ. 2, 4 mars 2004, n° 02-12.141, F-P+B (N° Lexbase : A4027DBR), Bull. civ. II, n° 84 ; D., 2004, 1204, obs. N. Fricero. La Cour y affirme que le passage d'une demande de remboursement de prêt à une demande fondée sur le mandat, la gestion d'affaire, la garantie personnelle... constitue seulement un changement de moyens et la demande nouvelle se heurte donc à l'autorité de la chose jugée.
(7) Nos obs., La concentration des moyens en droit processuel : de la bonne administration de la justice à l'administration de l'injustice, op.cit..
(8) Idem.
(9) J.-P. Grandjean, Réflexions d'un praticien sur le principe de concentration des moyens : Gaz. Pal., 9 mars 2013, n° 68, p. 20.
(10) En matière prud'homale, par exemple, car l'article R. 1452-6 du Code du travail (N° Lexbase : L0932IAR) a déjà instauré l'unicité de l'instance prud'homale en ces termes : "Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance" ; ce qui justifierait plus une concentration des moyens.
(11) F. Meuris, Proposition de limitation dans le temps de la jurisprudence "Cesareo", JCP éd. G, n° 43, 2012, 1134.
(12) Idem.
(13) C. Bléry, Des effets dévastateurs du principe de concentration : Procédures, n° 1, 2010, alerte 1. L'auteur qualifie, avec justesse, cette règle de "bombe à retardement".
(14) Cass. civ. 1, 12 avril 2012, n° 11-14.123, F-P+B+I (N° Lexbase : A5968IIU). Le cas d'espèce est assez singulier en ce qu'il retient la concentration des moyens entre, d'une part, une première instance arbitrale et une seconde instance judiciaire même si la différence de fondement : contractuel, d'une part, et délictuel, d'autre part, était avérée.
(15) J.-P. Grandjean, Réflexions d'un praticien sur le principe de concentration des moyens, op.cit. ; B. Charles-Neveu, Principe de concentration des moyens et avocats : un dangereux consensus, op.cit..
(16) Théoriciens et praticiens se sont unis contre cette règle. Lire entre autres : S. Guinchard, L'autorité de la chose qui n'a pas été jugée à l'épreuve des nouveaux principes directeurs du procès civil, in Mélanges G. Wiederkehr, Dalloz, 2009, p. 379 ; B. Charles-Neveu, Principe de concentration des moyens et avocats : un dangereux consensus : Gaz. Pal., 17 avril 2012, n° 108, p. 13.
(17) Cet article dispose que : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle".
(18) N. Fricero, Autorité du jugement in Droit et pratique de la procédure civile, sous la Direction de Serge Guinchard, Dalloz Action, 2012-2013, n° 421, 114.
(19) Cass. civ. 1, 1er juillet 2010 : RTDCiv., 2011, p. 586, obs. P. Théry.
(20) Cass. com., 25 octobre 2011, n° 10-21.383, FS-P+B (N° Lexbase : A0528HZL). La Chambre commerciale semble passer "subtilement d'une exigence de concentration des moyens à une concentration des demandes" relève à ce propos un auteur : C. Bléry, Concentration des moyens, op. cit..
(21) Cf. en ce sens : J. Théron, La défense de la caution limitée par le principe de la concentration des moyens, RTDF, n° 5, 2012, dossier 40.
(22) J. Théron, La défense de la caution limitée par le principe de la concentration des moyens, op.cit..
(23) Cass. civ. 1, 28 mai 2008, n° 07-13.266, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7685D87) : RTDCiv., 2008, p. 551, obs. R. Perrot.
(24) Cf. C. pr. civ., art. 564 : "A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions [...]" qui admet, d'ailleurs, des exceptions pour éviter des absurdités.
(25) E. Jeuland, Concentration des demandes : un conflit latent entre les chambres de la Cour de cassation, JCP éd. G, 2010, n° 1052.
(26) E. Pouliquen, Cause identique et objet différent : une demande recevable, note sous Cass. civ. 3, 11 janvier 2012, n° 10-23.141 : RLDC, 2012, n° 91.

newsid:437223

Procédure civile

[Brèves] Interruption de prescription par un commandement : le commandement doit être fondé sur un titre exécutoire

Réf. : Cass. civ. 3, 23 mai 2013, 2 arrêts, n° 12-14.901 (N° Lexbase : A9205KDB) et n° 12-10.157, (N° Lexbase : A9196KDX), FS-P+B

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N7273BTK

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Le 06 Juin 2013

En vertu de l'article 2244 du Code civil (N° Lexbase : L2532ABE), dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 (N° Lexbase : L9102H3I), une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ; s'agissant d'un commandement, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à préciser, par deux arrêts rendus le 23 mai 2013, qu'il n'est toutefois interruptif de prescription que s'il est fondé sur un titre exécutoire (Cass. civ. 3, 23 mai 2013, 2 arrêts, n° 12-14.901 N° Lexbase : A9205KDB et n° 12-10.157, N° Lexbase : A9196KDX, FS-P+B). Sont ainsi censurés les deux arrêts qui, pour accueillir les demandes d'expulsion de parcelles formées par un propriétaire à l'encontre de ceux à qui il contestait le droit de propriété acquis par prescription acquisitive, avait retenu qu'une telle prescription avait été interrompue par des commandements de quitter les lieux. Dans la première espèce, la Cour de cassation retient qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les décisions fondant le commandement de quitter les lieux n'étaient pas opposables à l'intéressé et que ce commandement ne pouvait en conséquence interrompre la prescription acquisitive commencée par celle-ci, la cour d'appel avait violé le texte susvisé (CA Saint-Denis de la Réunion, 28 octobre 2011, n° 10/00119 N° Lexbase : A3670H3C ; de même, dans la seconde espèce, selon la Cour de cassation, la cour d'appel, qui n'avait pas constaté que le commandement des 3 et 4 juin 2004 procédait d'un titre exécutoire obtenu à l'encontre des occupants, avait violé le même texte (CA Saint-Denis de la Réunion, 28 octobre 2011, n° 10/00120 N° Lexbase : A1564H3C).

newsid:437273

Propriété

[Brèves] Portée d'un procès-verbal de bornage amiable sur le droit de propriété

Réf. : Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 12-13.898, FS-P+B (N° Lexbase : A9095KD9)

Lecture: 1 min

N7272BTI

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Le 05 Juin 2013

L'accord des parties sur la délimitation des fonds n'implique pas, à lui seul, leur accord sur la propriété des parcelles litigieuses. Tel est l'enseignement délivré par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 23 mai 2013, au visa des articles 544 (N° Lexbase : L3118AB4) et 646 (N° Lexbase : L3247ABU) du Code civil (Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 12-13.898, FS-P+B N° Lexbase : A9095KD9). En l'espèce, M. et Mme G., propriétaires d'un ensemble immobilier sur lequel était exploitée une centrale hydraulique, avaient assigné M. et Mme M., propriétaires de parcelles contiguës, puis la société C., venant aux droits de ces derniers, ainsi que la société S. et son assureur, qui avait réalisé des travaux sur la berge du canal de fuite ayant entraîné son affaissement, en revendication de la propriété de cette berge et paiement du coût des travaux de reprise. Pour débouter M. et Mme G. de leur revendication, la cour d'appel avait retenu qu'un procès-verbal de bornage amiable, signé le 23 août 1996 par les propriétaires précédents, avait fixé la limite séparative à la berge du canal côté M., qu'aux termes de cet acte, les parties "reconnaissent l'exactitude de cette limite et s'engagent à s'en tenir dans l'avenir à cette délimitation, quelles que puissent être les données des cadastres anciens ou nouveaux, ou de tout autre document qui pourrait être retrouvé" et que les parties avaient ainsi tranché une question de propriété en fixant définitivement les limites et donc la contenance des propriétés et en excluant toute remise en cause de cette délimitation par une revendication fondée sur des actes antérieurs (CA Nîmes, 15 novembre 2011, n° 09/01563 N° Lexbase : A8600H3W). L'arrêt est censuré par la Cour suprême qui se prononce selon les termes précités.

newsid:437272

Régimes matrimoniaux

[Brèves] Caractérisation du régime de la séparation de biens avec société d'acquêts

Réf. : CA Paris, Pôle 3, 1ère ch., 24 avril 2013, n° 12/09407 (N° Lexbase : A5324KC8)

Lecture: 2 min

N7206BT3

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Le 30 Mai 2013

L'adoption d'un régime matrimonial de séparation de biens avec adjonction d'une société d'acquêts a pour effet de créer deux catégories de biens : les biens personnels, qui comprennent ,notamment, les biens présents et ceux acquis à titre gratuit au cours du mariage et qui sont soumis aux règles de la séparation, et les acquêts, qui consistent essentiellement en les biens acquis à titre onéreux pendant le mariage et qui sont en principe régis par les règles de la communauté ; les règles d'administration de la séparation de biens pure et simple s'appliquent aux biens personnels, tandis que les règles de gestion de la communauté s'appliquent en principe aux acquêts. Après avoir rappelé les principes directeurs d'un tel régime, la cour d'appel de Paris a été amenée à procéder à l'analyse d'un contrat de mariage, a priori conclu comme un régime de séparation de biens avec adjonction d'une société d'acquêts, en vue de s'assurer de la qualification ainsi retenue (CA Paris, Pôle 3, 1ère ch., 24 avril 2013, n° 12/09407 N° Lexbase : A5324KC8 ; cf. l’Ouvrage "Régimes matrimoniaux" N° Lexbase : E9068ETZ). En l'espèce, selon la cour, les clauses du contrat de mariage avaient eu pour effet de créer deux catégories de biens : les biens personnels, comprenant les biens présents (ceux "qui leur appartiennent personnellement") et ceux acquis à titre gratuit au cours du mariage (ceux "qui pourront leur advenir par la suite à quelque titre que ce soit"), soumis aux règles de la séparation, et les biens faisant partie de la société d'acquêts, consistant, notamment, en les biens acquis à titre onéreux pendant le mariage (les "acquêts que les époux feront pendant le mariage"), régis par les règles de la communauté ; elles disposaient que "chaque époux aura l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels" et que "le mari administrera seul la société d'acquêts". Ainsi, selon les juges d'appel, si le régime matrimonial des époux se rapprochait du régime de la communauté légale, il en différait en ce qui concernait la gestion des acquêts et le sort des dettes contractées par un époux au cours du mariage ; eu égard à la société d'acquêts ainsi constituée, il ne pouvait être assimilé, sans dénaturation, à un régime de séparation de biens pur et simple. Comme l'avait finement observé le tribunal, un tel régime présentait un intérêt pour l'époux, dès lors que le partage d'un immeuble acquis par les époux au cours du mariage, qui eût été possible sous un régime de séparation de biens pur et simple, ne l'eût pas été sans son accord sous le régime de séparation de biens avec adjonction d'une société d'acquêts dont il était le seul administrateur ; il importait peu que certains actes notariés aient évoqué le régime de séparation de biens pur et simple des époux ou qu'un arrêt du 16 octobre 2002 ait mentionné le régime de séparation de biens des époux, la cour n'étant nullement tenue par de telles qualifications.

newsid:437206

Santé

[Brèves] Conditions de prescription et de délivrance des médicaments vétérinaires

Réf. : Cass. crim., 23 avril 2013, n° 12-84.853, F-P+B (N° Lexbase : A9135KDP)

Lecture: 1 min

N7278BTQ

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Le 30 Mai 2013

Dans un arrêt rendu le 23 avril 2013, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a été amenée à preciser les conditions de prescription et de délivrance des médicaments vétérinaires (Cass. crim., 23 avril 2013, n° 12-84.853, F-P+B N° Lexbase : A9135KDP). En l'espèce, il résultait de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. S. et son fils, vétérinaires, avaient été poursuivis pour avoir prescrit des médicaments vétérinaires destinés à des animaux auxquels ils n'avaient pas donné personnellement des soins ou dont la surveillance sanitaire et le suivi régulier ne leur étaient pas confiés, tenu officine ouverte et sollicité auprès du public des commandes de médicaments vétérinaires et les avoir satisfaites ; le tribunal les avait déclarés coupables des faits reprochés ; ils avaient fait appel de ce jugement ainsi que le ministère public. Pour confirmer le jugement, la cour d'appel avait retenu que les prévenus avaient prescrit puis délivré au détail à des exploitants agricoles, par des consultations orales effectuées téléphoniquement, des médicaments vétérinaires destinés à des animaux auxquels ils ne donnaient pas des soins ou dont la surveillance sanitaire et le suivi régulier ne leur étaient pas confiés. Selon la Cour de cassation, en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision, au regard des articles 7 de la CESDH (N° Lexbase : L4797AQQ), L. 5142-8 (N° Lexbase : L3646IG7), L. 5143-2 (N° Lexbase : L3827IMP), L. 5143-9 (N° Lexbase : L2138DLR), L. 5143-10 (N° Lexbase : L3686IGM), L. 5442-1 (N° Lexbase : L0447IB8), L. 5442-3 1° (N° Lexbase : L0426IBE), L. 5442-10 (N° Lexbase : L0372IBE), R. 5132-3 (N° Lexbase : L4576HZI), R. 5141-111 (N° Lexbase : L3853IMN), R. 5141-112-1 (N° Lexbase : L4583HZR), R. 5141-112-2 (N° Lexbase : L4584HZS) du Code de la santé publique, 112-1 (N° Lexbase : L2215AMY) et 113-1 (N° Lexbase : L2196AMB) du Code pénal, 591 (N° Lexbase : L3975AZA) et 593 (N° Lexbase : L3977AZC) du Code de procédure pénale, dès lors que la prescription et la délivrance des médicaments vétérinaires sont possibles soit après réalisation d'un examen clinique des animaux par le vétérinaire, soit dans le cadre de la désignation par l'éleveur du vétérinaire auquel est confiée la responsabilité du suivi sanitaire permanent de l'élevage.

newsid:437278

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