Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 15 mai 2013, n° 357810, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5399KDC)
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N7157BTA
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Le 25 Mai 2013
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Réf. : Cass. civ. 3, 15 mai 2013, n° 12-18.027, FS-P+B (N° Lexbase : A5112KDP)
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N7147BTU
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Le 29 Mai 2013
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Réf. : Cass. civ. 3, 15 mai 2013, n° 12-14.757, FS-P+B (N° Lexbase : A5146KDX)
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N7146BTT
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Le 30 Mai 2013
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 17 mai 2013, n° 358027, mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5400KDD)
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N7156BT9
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : Cass. mixte, 17 mai 2013, 2 arrêts, n° 11-22.768 (N° Lexbase : A4414KDT) et n° 11-22.927 (N° Lexbase : A4415KDU), P+B+R+I
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N7198BTR
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Le 24 Mai 2013
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Réf. : Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 12-11.516, F-P+B+I (N° Lexbase : A5106KDH)
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N7140BTM
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (N° Lexbase : L7926IWH)
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N7154BT7
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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP
Le 30 Mai 2013
I - Le couple
Ouverture du mariage aux couples de même sexe. C'est évidemment l'ouverture du mariage aux couples de même sexe qui constitue "le coeur" de la loi du 17 mai 2013. La nouvelle formulation de l'article 143 du Code civil selon lequel "le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe" est restée constante depuis le vote du texte en première lecture à l'Assemblée nationale (5).
Le Conseil constitutionnel a rejeté l'argument des parlementaires -inspiré par certains auteurs (6)- selon lequel cette ouverture du mariage aux couples de même sexe méconnaîtrait un prétendu principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFLR) selon lequel le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, en expliquant qu'en réalité un tel principe n'existait pas ! La première condition pour qu'existe un PFLR réside, en effet, dans le caractère fondamental du principe invoqué qui doit intéresser un domaine essentiel de la vie de la Nation, comme les droits et libertés fondamentaux, la souveraineté nationale ou l'organisation des pouvoirs publics. Or, selon le Conseil constitutionnel, "si la législation républicaine antérieure à 1946 et les lois postérieures ont, jusqu'à la loi déférée, regardé le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme, cette règle qui n'intéresse ni les droits et libertés, ni la souveraineté nationale, ni l'organisation des pouvoirs publics, ne peut constituer un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de 1946 ; qu'en outre, doit en tout état de cause être écarté le grief tiré de ce que le mariage serait naturellement' l'union d'un homme et d'une femme".
Le Conseil constitutionnel précise que les règles relatives au mariage relevant de l'état des personnes, l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S) confère au législateur la compétence pour fixer les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage. Autrement dit, si la définition du mariage était jusqu'à présent l'union d'un homme et d'une femme, rien n'interdit au législateur d'en changer... Le Conseil s'en remet ainsi à l'appréciation du législateur à laquelle il ne lui appartient pas de se substituer. De même qu'il avait affirmé, dans sa décision du 28 janvier 2011 (7), qu'il appartenait au seul législateur de définir le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme, il considère dans sa décision du 17 mai 2013 que le législateur est libre d'estimer que "la différence entre les couples formés d'un homme et d'une femme et les couples de personnes de même sexe, ne justifiait plus que ces derniers ne puissent accéder au statut et à la protection juridique attachés au mariage".
Mariages antérieurs. Le Conseil constitutionnel précise que l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe ne porte aucune atteinte aux droits acquis nés des mariages antérieurs. Quoique relevant de l'évidence, ce rappel n'est sans doute pas inutile pour certains opposants irréductibles aux mariages homosexuels...
Le texte contient, en outre, dans son article 21, une disposition originale prévoyant que "le mariage entre personnes de même sexe contracté avant l'entrée en vigueur de la présente loi est reconnu, dans ses effets à l'égard des époux et des enfants, en France", à condition qu'il satisfasse les conditions de fond du mariage. Le Conseil constitutionnel ne statue pas sur cette question comme s'il était saisi d'une loi de validation. La disposition contestée concerne en réalité les mariages entre personnes de même sexe célébrés à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2013. En effet, avant cette date, un mariage célébré à l'étranger entre un ressortissant français et un citoyen d'un Etat qui reconnaissait aux couples de même sexe le droit de se marier n'était pas reconnu par le droit français. Le Conseil constitutionnel, en réponse aux requérants qui prétendaient qu'une telle reconnaissance porterait atteinte à la sécurité juridique et n'était pas justifiée par un motif suffisant d'intérêt général, affirme que cette exception à la règle selon laquelle la validité d'un mariage s'apprécie au jour de sa célébration, ne porte atteinte à aucun droit acquis et relevait là encore de la compétence du législateur.
Mariage d'étrangers en France ou de français à l'étranger. Les nouveaux articles 202-1 et 202-2 du Code civil contenus dans l'article 1er de la loi qui permettaient de manière dérogatoire à une personne étrangère ayant sa résidence en France, de se marier sur notre territoire, avec une personne de même sexe, alors que sa loi personnelle interdit un tel mariage, ont subi les foudres des auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel qui invoquaient pêle-mêle l'atteinte à l'égalité, à la sécurité juridique et le risque de voir arriver en France de nombreux couples homosexuels étrangers voulant accéder à un mariage interdit dans leur pays, sans oublier le risque que le mariage homosexuel ne devienne une nouvelle forme de mariage naturalisant. A ce débordement d'arguments, le Conseil constitutionnel oppose la liberté du législateur de traiter différemment des situations différentes et reconnaît la possibilité qui était la sienne d'introduire un dispositif spécifique au profit des couples de même sexe de nationalité étrangère dont la loi personnelle prohibe le mariage. Il précise également, dans une petite leçon sur la séparation des pouvoirs dont les requérants pourraient utilement profiter, que "l'éventualité d'un détournement de la loi ou d'abus lors de son application n'entache pas celle-ci d'inconstitutionnalité ; qu'il appartient aux juridictions compétentes, de priver d'effet, et le cas échéant, de réprimer de telles pratiques". Il reste que la possibilité pour les époux de même sexe de déroger à la règle de conflit selon laquelle le mariage est régi par leur loi personnelle risque effectivement de "multiplier les mariages boiteux" qui seront reconnus dans l'Etat où ils ont été célébrés et pas dans l'Etat d'origine des époux (8). Sans doute est-ce le prix à payer pour permettre aux couples de même sexe de profiter des dispositions législatives favorables de leur Etat de résidence. Seront dans une situation similaire les époux, dont un au moins a la nationalité française, qui vivent dans un pays qui n'autorise pas le mariage entre deux personnes du même sexe et qui sont autorisés de manière dérogatoire, par la nouvelle loi, à se marier en France, dans la commune de leur dernière résidence, de celle de leurs parents ou même dans la commune de leur choix (9).
Nom des époux. La dernière version du texte contient, en outre, une disposition nouvelle relative au nom des époux qui n'est cependant que la consécration législative d'une règle coutumière. Le nouvel article 225-1 du Code civil dispose, en effet, que "chacun des époux peut porter, à titre d'usage, le nom de l'autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l'ordre qu'il choisit". Le législateur consacre ainsi pour tous les couples et pour chacun de leur membre, la possibilité déjà utilisée en pratique, surtout par les femmes, de porter à titre d'usage le nom de son conjoint, y compris en l'ajoutant au sien. Cette consécration comporte au moins l'intérêt d'éviter toute discussion sur la possibilité pour les couples de même sexe de bénéficier de la règle coutumière. On rappellera que l'article 264 du Code civil (N° Lexbase : L2829DZS), lui aussi désormais applicable aux couples de même sexe comme aux couples de sexe différent, prévoit qu'en cas de divorce l'époux perd en principe le droit d'utiliser le nom de son conjoint, sauf accord de celui-ci ou autorisation du juge fondée sur l'intérêt particulier que l'époux divorcé aurait à continuer de bénéficier de ce droit.
Dispositions de coordination. L'article 6-1 du Code civil affirme que le mariage emporte les mêmes effets, droits et obligations que les époux soient différents ou de même sexe. Seules quelques dispositions qui distinguaient encore les époux selon leur sexe sont modifiées ; il en va particulièrement ainsi de l'article 75 du Code civil relatifs à la cérémonie du mariage dans lequel l'expression "mari et femme" est remplacée par le mot "époux" (10) et de différents articles du Code de la Sécurité sociale dans lesquels la référence à la femme est remplacée par une référence à l'assuré.
II - L'enfant
La loi du 17 mai 2013 emporte également des conséquences essentielles en matière de filiation. Si l'effet principal du texte est d'ouvrir l'adoption aux couples de même sexe, celui-ci comporte également des modifications importantes quant aux effets de la filiation.
1° L'adoption par un couple de même sexe
L'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, conjuguée avec la règle de l'article 6-1 du Code civil qui confère au mariage les même effets que les époux soient de même sexe ou de sexe différent, aboutit incontestablement à permettre l'adoption par les couples de même sexe ainsi que l'adoption au sein de tels couples. Le Conseil consacre une part importante de sa décision à la question de la constitutionnalité de l'ouverture de l'adoption aux couples de personnes de même sexe. Plusieurs arguments, tous rejetés par le Conseil, étaient en effet présentés par les requérant pour la contester : certains tentaient de démontrer qu'en elle-même la possibilité pour un couple de même sexe d'adopter était contraire aux droits fondamentaux, et d'autres remettaient en question la cohérence de l'ensemble du droit de la filiation tel qu'il résultait de la loi nouvelle.
a. La constitutionnalité de l'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe
Compétence du législateur. A propos de l'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe aussi, le Conseil constitutionnel rappelle la compétence que le législateur tire de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S) au titre des règles relatives à l'état et à la capacité des personnes. Dès lors que celui-ci a estimé que "l'identité de sexe des adoptants ne constituait pas, en elle-même, un obstacle à l'établissement d'un lien de filiation adoptive", il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, pour l'établissement d'un lien de filiation adoptive, de la différence entre les couples de personnes de même sexe et les couples formés d'un homme et d'une femme. Le Conseil reprend le même raisonnement que celui qu'il avait suivi dans sa décision du 6 octobre 2010 (11) dans laquelle il laissait au législateur la responsabilité de décider qu'il ne fallait pas aligner le régime de l'adoption de l'enfant du concubin sur celui de l'adoption de l'enfant du conjoint, mais avec un résultat inverse !
Vie privée. A l'argument, quelque peu inattendu, selon lequel l'adoption d'un enfant par deux personnes de même sexe conduirait nécessairement à révéler l'orientation sexuelle des adoptants et la nature adoptive de la filiation et, partant, porterait atteinte à la protection de la vie privée et à l'égalité devant la loi, le Conseil constitutionnel répond logiquement "qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose ni que le caractère adoptif de la filiation soit dissimulé ni que les liens de parenté établis par la filiation adoptive imitent ceux de la filiation biologique". Il n'en reste pas moins évident que la loi du 17 mai 2013 emporte un changement notable de perception de l'adoption : désormais, l'adoption ne doit plus "singer la nature", puisqu'elle est le seule moyen d'établir à l'égard d'un enfant deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles. C'est en cela que la loi nouvelle traduit un choix de société avec lequel on peut ne pas être d'accord, mais qui n'est contraire à aucun droit ni aucune liberté fondamentale.
Exclusion d'un droit à l'enfant. Le Conseil constitutionnel affirme solennellement que l'ouverture de l'adoption aux couples de personnes de même sexe n'a "ni pour objet ni pour effet de reconnaître aux couples de personnes de même sexe un droit à l'enfant'" puisque ces derniers seront soumis, comme ceux qui sont formés d'un homme et d'une femme, à une procédure destinée à constater leur capacité à recueillir un enfant en vue de son adoption. On ne voit pas, en effet, en quoi l'adoption pourrait davantage constituer un droit à l'enfant pour les couples de même sexe que pour les couples de sexe différent...
Intérêt de l'enfant. La décision du Conseil constitutionnel a le mérite de conférer, de manière inédite, une valeur constitutionnelle au principe selon lequel l'adoption doit être conforme à l'intérêt de l'enfant, en se fondant sur le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 en vertu duquel "la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement" (12). Le Conseil considère que l'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe satisfait ce principe constitutionnel, notamment, grâce à l'article 353 du Code civil (N° Lexbase : L2869ABU) selon lequel l'adoption est prononcée par le tribunal si celle-ci est conforme à l'intérêt de l'enfant ; cette disposition est, en effet, applicable aux couples de même sexe comme aux couples de sexe différent.
Mais le Conseil constitutionnel se montre plus exigeant en vérifiant la conformité à la Constitution des articles L. 225-2 (N° Lexbase : L8971G97) et L. 225-17 (N° Lexbase : L8978G9E) du Code de l'action sociale et des familles relatifs à l'agrément pour adopter. Il justifie cet examen en affirmant que "la conformité d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ; qu'en l'espèce les dispositions contestées affectent le domaine des articles L. 225-2 et L. 225-17 du Code de l'action sociale et des familles". Or, ces dispositions ne prévoient pas que l'agrément lui-même doit être conforme à l'intérêt de l'enfant (13). Le Conseil constitutionnel émet donc une réserve d'interprétation en affirmant que "les dispositions relatives à l'agrément du ou des adoptants, qu'ils soient de sexe différent ou de même sexe, ne sauraient conduire à ce que cet agrément soit délivré sans que l'autorité administrative ait vérifié, dans chaque cas, le respect de l'exigence de conformité de l'adoption à l'intérêt de l'enfant qu'implique le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946". Ce n'est que sous cette réserve que les dispositions relatives à l'agrément sont déclarées conforme à la Constitution.
L'adoption par les couples de même sexe étant soumise aux mêmes conditions que l'adoption par les couples de sexe différent, et particulièrement au principe de conformité à l'intérêt de l'enfant, le Conseil constitutionnel considère que les droits de l'enfant ne sont pas moins protégés lorsqu'il est adopté par des parents de même sexe que lorsqu'il est adopté par des parents de sexe différent.
Droit de l'enfant à une filiation fondée sur l'altérité sexuelle. En ce qui concerne l'admission d'une filiation doublement maternelle ou doublement paternelle que permettra l'ouverture de l'adoption aux couples homosexuels, le Conseil constitutionnel rappelle, comme il l'a fait à propos de la différence de sexe dans le mariage, que "la tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu'un texte législatif qui la contredit sera contraire à la Constitution qu'autant que cette tradition aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République". Des différentes lois relatives à la filiation, le Conseil constitutionnel ne déduit aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République qui consacrerait le caractère bilinéaire de la filiation fondé sur l'altérité sexuelle. Il considère, en outre, qu'il n'existe aucun principe constitutionnel garantissant le droit de tout enfant de voir sa filiation concurremment établie à l'égard d'un père et d'une mère. Il refuse toutefois, conformément à sa jurisprudence constante, de se prononcer sur l'existence d'une incompatibilité de la filiation à l'égard de deux personnes de même sexe avec les dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant qui n'entre pas dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution.
b. La cohérence du droit de la filiation résultant de la loi nouvelle
Dans sa décision du 17 mai 2013, le Conseil constitutionnel écarte le grief d'inintelligibilité des textes relatifs à la filiation qui résulterait, selon les requérants, des dispositions de la loi nouvelle relatives à la filiation. De nombreux juristes avaient également dénoncé "l'incohérence d'une réforme qui n'irait pas assez loin pour certains et trop loin pour d'autres" (14). Comme le constate le commentaire de la décision aux Cahiers du Conseil constitutionnel (15), "pour répondre aux griefs, le Conseil s'est livré à une lecture explicative du texte dont il était saisi et de son impact sur le droit civil". Selon la décision du Conseil, le fait que les dispositions relatives à la filiation adoptive et ses effets soient applicables aux parents de même sexe comme aux parents de sexe différent, tandis que les dispositions relatives à la filiation dite "charnelle" ne sont applicables qu'aux couples de sexe différent, ne porte pas atteinte ni à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, ni au principe d'égalité.
Procréation médicalement assistée. Le Conseil précise ainsi que ni cet objectif, ni le principe d'égalité n'imposaient qu'en ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe, le législateur modifie la législation relative à la procréation médicalement assistée, les couples formés d'un homme et d'une femme atteints d'une stérilité pathologique étant, au regard de cette question, dans une situation différente de celle des couples de personnes de même sexe. Le Conseil affirme, en outre, que "les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier la portée des dispositions de l'article 16-7 du Code civil (N° Lexbase : L1695ABE) aux termes desquelles : toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle'".
Egalité de droits entre les enfants. Sur ce même terrain de l'égalité, le Conseil constitutionnel considère, en outre, que les dispositions de l'article 6-1 du Code civil ne font pas obstacle à l'application de la règle selon laquelle les enfants adoptés, que leurs parents soient de même sexe ou de sexe différent, bénéficieront des mêmes droits que ceux dont la filiation est légalement établie en application du titre VII du livre 1er du Code civil relatif à la filiation charnelle. En effet, la différence de traitement entre filiation adoptive et filiation charnelle porte sur l'établissement et la contestation de la filiation et non sur ses effets. Comme le relève le Conseil constitutionnel, l'exclusion des couples de même sexe du bénéficie du titre VII est justifiée par le fait que les dispositions de ce titre distingue entre filiation maternelle et filiation paternelle, ce qui par hypothèse est impossible pour un couple de même sexe. Ainsi précise-t-il qu'"en particulier au sein du couple de même sexe la filiation ne peut être établie par la présomption [de paternité] de l'article 312 du Code civil".
Cohérence d'ensemble. L'exclusion du titre VII du livre 1er permet finalement de conserver sa cohérence au droit de la famille résultant de la nouvelle loi. En effet, le Conseil constitutionnel constate, dans son considérant 43, que, "à l'exception des dispositions du titre VII du livre 1er du Code civil, les règles de droit civil, notamment celles relatives à l'autorité parentale, au mariage, aux régimes matrimoniaux et aux successions ne prévoient pas de différence entre l'homme et la femme s'agissant des relations du mariage, des conséquences qui en découlent et des conséquences relatives à l'établissement d'un lien de filiation". Il en déduit logiquement "qu'en prévoyant que le mariage ou la filiation emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe, sans supprimer les références qui dans ces textes désignent les père et mère ou le mari et la femme, l'article 6-1du Code civil ne rend pas ces règles inintelligibles". Le choix finalement opéré par le législateur de ne pas supprimer la référence aux père et mère est ainsi validé par le Conseil constitutionnel. En effet, alors que le projet de loi prévoyait de supprimer la différenciation sexuelle du mariage et de la parenté, dans toutes les dispositions du Code civil qui désignaient les parents (comme les époux, cf. supra) par des termes sexués, le texte final ne procède qu'aux coordinations indispensables dans les dispositions relatives aux actes de l'état civil et consacre dans l'article 6-1, une règle générale d'interprétation et d'application. Par ailleurs, l'article 13 de la loi autorise le Gouvernement, dans les conditions de l'article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L1298A9X) à prendre par voie d'ordonnance les mesures nécessaires pour adapter l'ensemble des dispositions législatives en vigueur à l'exception de celle du Code civil, afin de tirer les conséquences de l'application aux conjoints et parents de même sexe des dispositions applicables aux conjoints et parents de sexe différent.
Ainsi, la nouvelle physionomie du droit français de la filiation qui admet l'accès des couples de même sexe à la seule filiation adoptive à l'exclusion de la filiation dite "charnelle", qui est sans doute un des choix essentiels et les plus discutés du législateur de 2013, est validée par le Conseil constitutionnel, sans aucun doute à juste titre. Elle permet en effet d'ouvrir la voie de l'homoparenté sans, pour l'instant au moins, bouleverser l'ensemble du droit de la filiation, même si force est de constater que ce choix comporte l'inconvénient de favoriser, de fait, les couples de femmes qui auront plus facilement accès à l'homoparenté par la voie de l'adoption de l'enfant du conjoint.
2° Les dispositions relatives aux effets de la filiation
Le Conseil constitutionnel s'est également prononcé sur la question de l'adoption de l'enfant ayant déjà fait l'objet d'une adoption et sur les dispositions relatives au nom de famille.
a. L'adoption d'un enfant ayant déjà fait l'objet d'une adoption
Adoption de l'enfant adopté. Dès la première lecture à l'Assemblée nationale, il était prévu que l'article 345-1 du Code civil (N° Lexbase : L2854ABC) admette l'adoption plénière de l'enfant du conjoint "lorsque l'enfant a fait l'objet d'une adoption plénière par ce conjoint" ; de même, l'article 360 du Code civil (N° Lexbase : L2878AB9) permet que l'enfant ayant fait l'objet d'une adoption plénière ou d'une adoption simple puisse faire l'objet d'une adoption simple de la part du conjoint de l'adoptant. Cette faveur pour l'adoption de l'enfant du conjoint n'est certes pas réservée aux couples homosexuels ; toutefois, comme le fait remarquer le commentaire de la décision aux Cahiers du Conseil constitutionnel, elle devrait faciliter l'accès à l'établissement d'un double lien de filiation à l'égard d'un enfant pour ces couples qui ne peuvent procréer du fait de l'identité de sexe des conjoints. En réponse aux auteurs de la saisine qui prétendaient que la faveur ainsi faite à l'adoption de l'enfant du conjoint portait atteinte au principe d'égalité devant la loi, le Conseil constitutionnel considère qu'"en réservant cette possibilité à l'adoption de l'enfant du conjoint, le législateur a pris en compte, comme il lui était loisible de le faire, la différence entre les adoptions au sein du couple et les autres formes d'adoption". Autrement dit, encore une fois, la différence de situation justifie la différence de traitement. La loi du 17 mars 2013 accentue la spécificité de l'adoption de l'enfant du conjoint, ce qui n'est contraire à aucun principe fondamental et qui constitue une reconnaissance de la place du beau-parent, qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel.
Exercice de l'autorité parentale dans le cadre de l'adoption de l'enfant du conjoint. L'affirmation de l'exercice conjoint automatique de l'autorité parentale par le parent d'origine et l'adoptant dans le cadre de l'adoption de l'enfant du conjoint, instaurée en première lecture par l'Assemblée nationale, a en revanche été supprimée par la Commission des lois du Sénat, et n'a pas été reprise par la suite. Le principe reste, en vertu de l'article 365 alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L3826IR7), l'exercice unilatéral de l'autorité parentale par le parent d'origine et la possibilité d'un exercice en commun par déclaration conjointe avec l'adoptant au greffe du tribunal de grande instance (qui peut désormais être faite par courrier (16)).
Lien de l'enfant avec le conjoint de son parent. Toujours à propos des liens de l'enfant avec le conjoint ou concubin de son parent, le texte définitif consacre les relations avec l'enfant du tiers qui a résidé, de manière stable, avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et avec lequel il a noué des liens affectifs et stables. Toutefois, alors que dans le texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture cette innovation était contenue dans l'article 373-3, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L2906ABA), relatif à l'intervention d'un tiers dans l'autorité parentale, la loi du 17 mai 2013 en a fait une hypothèse particulière de relations entre l'enfant et un tiers dont le juge peut fixer les modalités, et contenue dans l'alinéa 2 de l'article 371-4 (N° Lexbase : L8335HWM), ce qui paraît plus logique (17). La version finale du texte prévoit que le fait de dissimuler au tribunal le maintien des liens entre l'enfant adopté et un tiers, décidé par le juge aux affaires familiales sur le fondement de l'article 371-4 du Code civil, constitue un dol au sens de l'article 353-2 alinéa 1er du Code civil (N° Lexbase : L2871ABX), ce qui permet la tierce opposition à l'encontre du jugement d'adoption. Il s'agit ainsi de permettre au tiers qui a vécu avec l'enfant et son père d'être consulté en cas d'adoption de l'enfant.
b. Le nom de famille
Désaccord des parents. Le nom de famille fait l'objet dans la loi du 17 mars 2013 d'une disposition appelée à s'appliquer à tous les enfants, quelle que soit la nature, adoptive ou non, de leur filiation. Dès le vote en première lecture par l'Assemblée nationale, la modification des règles d'attribution du nom de l'enfant, à l'origine cantonnée à l'enfant adopté, a, en effet, été généralisée. Désormais, lorsque les parents ne seront pas d'accord sur le nom que doit porter l'enfant, ce désaccord étant signalé par l'un d'eux à l'officier de l'état civil, l'enfant prendra le nom des deux parents accolés selon l'ordre alphabétique. Les auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel ont prétendu que la nouvelle rédaction de l'article 311-21 du Code civil modifie "les règles qui prévalent en matière de dévolution du nom de famille pour tenter de trouver une solution à l'établissement de filiations artificielles [sic.]" et qu'elle conduirait à une multiplication des noms de famille doubles et une disparition des noms patronymiques en fin d'alphabet. Même si ce dernier argument n'est pas totalement dénué de pertinence, les effets de la modification des règles de dévolution ne portent atteinte à aucune exigence constitutionnelle. Et si le régime de dévolution du nom est quelque peu différent selon qu'il s'agit d'une adoption ou d'une filiation "charnelle", le Conseil constitutionnel considère qu'elle est rendue nécessaire par la différence entre les formalités relatives à la dévolution du nom de l'enfant dans l'une et l'autre hypothèse.
Nom de l'adopté simple. Conformément à ce que prévoyait à l'origine le projet de loi, l'article 12 de la loi modifie l'article 363 du Code civil (N° Lexbase : L6482DIW) relatif au nom de l'adopté simple et subordonne l'ajout du nom de l'adoptant au consentement de l'adopté, s'il est majeur. Par ailleurs, dans le cadre de l'adoption de l'enfant du conjoint, l'adoptant pourra demander à ce que l'adopté conserve son nom d'origine.
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Réf. : Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 12-15.616, F-P+B+I (N° Lexbase : A3198KDS)
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N7138BTK
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 11-12.569, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3194KDN)
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N7139BTL
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Le 23 Mai 2013
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N7104BTB
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par Vincent Téchené, rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Le 23 Mai 2013
Les 10 questions posées par Jacques Biancarelli étaient les suivantes :
1° Quelle est la marge d'appréciation d'un juge de l'Union européenne auquel il est demandé d'homologuer un titre ou un accord issu du processus de médiation qui s'est déroulé sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne : s'agit-il d'un simple coup de tampon ou, au contraire le juge homologateur peut-il exercer un certain contrôle sur l'accord et si oui jusqu'à quel point ?
2° Quelle est la portée exacte du syntagme qui figure à l'article 1er de la Directive 2008/52 (Directive du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale N° Lexbase : L2513IRI) et qui exclut la médiation des droits et obligations des parties dont elles ne peuvent disposer en vertu de la législation nationale applicable : s'agit-il de ce que l'on appelle, en droit français, les dispositions d'ordre public ou bien s'agit-il d'une autre acception plus étroite ou plus large de ce terme ?
3° Bien que la médiation soit interdite en droit pénal, le règlement de certains litiges en matière civile et commerciale peut dépendre du régime d'admissibilité de la preuve. A cet égard il existe une différence substantielle entre la majorité des Etats membre dont le système repose sur le droit romano-germanique et où prévaut le principe de liberté de la preuve, et les Etats membres de Common law. Dès lors, un juge peut-il refuser d'homologuer un accord de médiation au motif que les éléments de preuve qui ont permis d'y aboutir seraient considérés par lui comme non-admissibles ou non-recevables ?
4° Le juge de l'homologation pourrait-il exiger, avant de statuer, la communication de l'entier dossier du processus de médiation et comment, alors, garantir "effectivement" la confidentialité qui doit s'attacher à toute médiation ?
5° Comment s'opère l'articulation entre les titres ou accords issus d'un processus de méditation et le droit international privé et les Règlements européens dits "Rome I" (Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles N° Lexbase : L7493IAR et "Rome II" (Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles N° Lexbase : L0928HYZ) sur les obligations contractuelles et sur les obligations non-contractuelles ?
6° Quel est le bilan de l'application effective de la procédure participative ? Les Etats membres de l'Union ont-ils tous adopté cette procédure ? Est-elle plus efficace que les modes alternatifs de règlement des litiges plus anciens tels que la médiation ?
7° Le Code de conduite européen de mai 2004 a-t-il été actualisé et en quoi le code français de déontologie de la médiation tel que présenté publiquement le 5 février 2009 et la charte française de médiation de 2011 en diffèrent-ils ? Il y a-t'il une harmonisation suffisante en matière de déontologie ?
8° Quelles sont les solutions retenues par les autres Etats membres de contrôle de la qualité de la médiation ? Existe-t-il des procédures spécifiques, peut-être plus exigeantes, plus rigoureuses, pour le contrôle des médiations dites transfrontalières ?
9° Les dispositions en matière de recours effectif à la médiation, et notamment les exigences figurant en bas de la Directive 2008/52 sur la mise à disposition de moyens pour contacter concrètement des médiateurs et organismes de médiation, ont-elles été suivies d'effets ?
10° Les dispositions de l'article 10 de la Directive 2008/52 qui impose une obligation à la Commission européenne de mettre à la disposition du public des informations qui lui sont régulièrement transmises par les Etats membres ont-elles été respectées ?
2 - Les réponses apportées par Jacques Biancarelli et Catherine Chadelat
2.1 - Les incertitudes entourant la notion d'homologation
Dans ses propos liminaires, Catherine Chadelat avoue être partagée en ce qui concerne les effets du recours à la médiation car si la France est un pays pionnier en la matière, elle relève, en même temps, un manque réel d'attention de la part de certains acteurs de premiers plans. Les ambitions de la France ont été quelque peu déçues, les résultats obtenus dans le cadre de la Directive 2008/52 dont la France est à l'origine n'étant pas à la hauteur des efforts déployés, en raison du barrage de certains Etats membres. Au-delà de ce constat général, l'homologation, qui est au centre même du processus de médiation et qui est une condition du succès de ce mode alternatif de règlement des litiges car elle vient sécuriser l'accord, soulève de nombreuses interrogations. La notion même d'homologation est pleine d'incertitudes.
Ainsi, Catherine Chadelat estime, en ce qui concerne les litiges transfrontaliers, que l'article 6 de la Directive interpelle tout particulièrement. En effet, aux termes de ce dernier, le contenu d'un accord de médiation est rendu exécutoire, sauf si, en l'espèce, ce contenu est contraire au droit de l'Etat membre dans lequel la demande est formulée. Or, qu'est ce que le droit de l'Etat membre ? Doit-on considérer qu'il s'agit du noyau dur de l'Etat membre, qui est à peu près commun à l'ensemble des Etats démocratiques occidentaux et qui s'apparente à l'ordre public, ou que cette notion est plus vaste et regroupe un ensemble de règles matérielles, auquel cas les litiges transfrontaliers se trouvent face à une très grande incertitude quant à l'homologation de l'accord ?
En outre, la doctrine, par ses prises de positions très diverses sur le sujet, crée une véritable insécurité juridique. Si pour certains l'homologation n'est qu'un instrument rapide limité au contrôle de la légalité, pour d'autres l'office du juge homologateur doit aller au-delà. D'ailleurs dans l'avant-projet de loi "consommation" qui introduit entre autres l'action de groupe en France (ndlr : le texte a depuis été présenté en Conseil des ministres), un article prévoit que tout accord négocié au nom du groupe est soumis à l'homologation du juge, qui vérifie qu'il est conforme aux intérêts des consommateurs susceptibles d'y appartenir. Quel est dès lors l'intérêt du mécanisme de médiation, si dans le cadre de sa mission d'homologation, le juge revient sur le fond de l'affaire ?
En effet, pour Catherine Chadelat, le juge de l'homologation doit uniquement effectuer un contrôle de la légalité interne et externe de l'accord et non de son opportunité : il doit s'assurer, notamment, que la matière dans laquelle l'accord est intervenu n'est pas indisponible, que ce dernier n'est pas contraire à l'ordre public, que les garanties procédurales du contradictoire ont bien été respectées. Il est donc essentiel que le juge n'aille pas dans le fond du litige car de cela dépend la réussite de la médiation conventionnelle et judiciaire, et de sa compétitivité face à la "médiation maison".
Comme le rappelle Maître Michèle Jaudel, l'article 1534 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8349IRN) prévoit que la demande tendant à l'homologation de l'accord issu de la médiation est présentée au juge par requête de l'ensemble des parties à la médiation ou de l'une d'elles, avec l'accord exprès des autres. Il ressort, toutefois, qu'en pratique l'homologation est très rarement demandée et que le juge, dans bien des cas, limite son rôle à celui d'un bureau d'enregistrement. La rareté des cas dans lesquels l'homologation est demandée s'explique par plusieurs facteurs : d'abord, à moins que l'accord contienne une exécution successive, l'exécution de l'accord est concomitante à l'accord lui-même ; ensuite, l'exécution apparaît consubstantielle à la médiation. En effet, ce processus et l'accord qui en est issu supposent et permettent aux parties qui ont un différend de renouer le dialogue et de reprendre des relations qui ont été rompues. L'inexécution volontaire de l'accord de médiation annulerait donc tous les efforts accomplis par les parties.
2.2 - Marge d'appréciation du juge de l'homologation et articulation entre les titres ou accords issus d'un processus de méditation et le droit international privé
Jacques Biancarelli, pour répondre aux questions qu'il avait posées lors de son intervention du 25 octobre 2012, regroupe, d'abord, les questions 1° et 5°.
Questions
1° Quelle est la marge d'appréciation d'un juge de l'Union européenne auquel il est demandé d'homologuer un titre ou un accord issu du processus de médiation qui s'est déroulé sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne : s'agit-il d'un simple coup de tampon ou, au contraire le juge homologateur peut-il exercer un certain contrôle sur l'accord et si oui jusqu'à quel point ?
5° Comment s'opère l'articulation entre les titres ou accords issus d'un processus de méditation et le droit international privé et les Règlements européens dits "Rome I" (Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles) et "Rome II" (Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles) sur les obligations contractuelles et sur les obligations non-contractuelles ?
Réponse
L'article 6 de la Directive 2008/52 offre la possibilité aux parties de demander à une juridiction ou à une autre autorité compétente que leur accord issu d'une médiation soit rendu exécutoire. La seconde phrase du paragraphe 2 de cet article ajoute que cet accord est rendu exécutoire sauf si en l'espèce, soit ce contenu est contraire au droit de l'Etat membre dans lequel la demande est formulée, soit le droit de cet Etat membre ne prévoit pas la possibilité de le rendre exécutoire. Selon Jacques Biancarelli, il ressort de cette disposition que le rôle du juge ne peut en aucun cas s'analyser comme un rôle purement mécanique. En effet, lorsque les parties présenteront leur titre issu du processus de médiation qui s'est déroulé sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne, le juge saisi devra analyser le contenu des titres à l'aune de son droit national. Si celui-ci est conforme, le juge sera alors tenu d'homologuer.
Plus délicate est la question de la reconnaissance dans un Etat membre d'un jugement d'homologation prononcé dans un autre Etat membre. La réponse à cette question se trouve en fait dans le Règlement "Bruxelles I" (Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale N° Lexbase : L7541A8S) qui prévoit que les décisions rendues dans un Etat membre sont reconnues dans les autres Etats membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure (article 33). La doctrine très majoritaire estime qu'il convient d'entendre par décision, toute décision rendue par une juridiction d'un Etat membre, quelle que soit sa dénomination, arrêt, jugement, ordonnance, mandat d'exécution... A ce stade aucune révision sur le fond par le juge en charge de la reconnaissance de la décision n'est possible.
Finalement la marge de manoeuvre du juge de l'homologation est limitée ; il n'a pas, et c'est heureux, à vérifier le fond du différend.
Toutefois, le Règlement "Bruxelles I" prévoit quatre hypothèses dans lesquelles une décision étrangère ne pourra être homologuée (article 34) :
- la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat membre requis ;
- l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu'il puisse se défendre, à moins qu'il n'ait pas exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de le faire ;
- elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'Etat membre requis ;
- elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre Etat membre ou dans un Etat tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'Etat membre requis.
2.3 - Exclusion de la médiation dans certains domaines et régime d'admissibilité de la preuve
Jacques Biancarelli regroupe ensuite les questions 2° et 3°
Questions
2° Quelle est la portée exacte du syntagme qui figure à l'article 1er de la Directive 2008/52 (Directive du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale) et qui exclut la médiation des droits et obligations des parties dont elles ne peuvent disposer en vertu de la législation nationale applicable : s'agit-il de ce que l'on appelle, en droit français, les dispositions d'ordre public ou bien s'agit-il d'une autre acception plus étroite ou plus large de ce terme ?
3° Bien que la médiation soit interdite en droit pénal, le règlement de certains litiges en matière civile et commerciale peut dépendre du régime d'admissibilité de la preuve. A cet égard il existe une différence substantielle entre la majorité des Etats membre dont le système repose sur le droit romano-germanique et où prévaut le principe de liberté de la preuve, et les Etats membres de Common law. Dès lors, un juge peut-il refuser d'homologuer un accord de médiation au motif que les éléments de preuve qui ont permis d'y aboutir seraient considérés par lui comme non-admissibles ou non-recevables ?
Réponse
L'article 1er de la Directive 2008/52, relatif à l'objet et au champ d'application de celle-ci, prévoit dans son paragraphe 2 qu'elle s'applique dans les litiges relatifs aux matières civiles et commerciales. Mais à l'initiative du Conseil européenne (position commune du 28 février 2007) une exception a été ajoutée, de sorte que la médiation ne s'applique pas aux droits et obligations dont les parties ne peuvent disposer en vertu de la législation pertinente applicable. L'on se retrouve alors sur l'épineuse question qui consiste à savoir ce que sont les droits et obligation dont une personne dispose librement. La doctrine s'accorde à dire que les droits disponibles recouvrent les droits patrimoniaux (responsabilité, contrats, succession...) et les droits indisponibles, les droits extrapatrimoniaux (état des personnes et capacité, filiation, statut personnel sans compter l'ensemble des dispositions d'ordre public au sens strict du terme). Le considérant 10 de la Directive précise que les droits et obligations dont les parties ne peuvent disposer par elles-mêmes sont particulièrement fréquents en droit de la famille et en droit du travail.
Finalement cette question sera réglée par les règles de conflit de lois : quelle règle de conflit de loi sera mise en oeuvre pour déterminer si un droit est indisponible ou non et donc savoir si la médiation peut non porter sur cette matière ? La règle de conflit de loi adéquate qui déterminera la législation pertinente. Ainsi deux hypothèses peuvent se présenter pour qualifier les droits et obligations en cause :
- soit sera utilisée la lex fori (la loi du for saisi) si l'on considère qu'il s'agit d'une question de procédure ;
- soit sera utilisée la lex causae si l'on considère qu'il s'agit d'une question de fond.
En droit international privé, la Cour de cassation a toujours jugé que pour déterminer le caractère disponible ou indisponible d'un droit ou d'une obligation, il faut se référer à la loi du for (Cass. civ. 1, 26 mai 1999, n° 96-16.361 N° Lexbase : A5080AW3).
Pour savoir si le juge d'un Etat membre pourrait s'opposer à une homologation en invoquant une divergence entre les dispositions d'ordre public de l'Etat membre dans lequel il exerce ses fonctions et celles prévalant dans l'Etat membre où le processus de médiation a été conduit, l'article 6 de la Directive 2008/52 prévoit cette éventualité, dans la mesure où il dispose que l'accord de médiation est rendu exécutoire sauf si en l'espèce, soit ce contenu est contraire au droit de l'Etat membre dans lequel la demande est formulée. Quant à la marge de manoeuvre et au degré d'appréciation laissé au juge, il est, en l'absence de précédent, délicat d'y répondre. Toutefois, pour Jacques Biancarelli, doit ici prévaloir une interprétation téléologique, comme le fait traditionnellement la CJUE afin d'assurer ainsi l'effectivité de la Directive. Ainsi, un juge ne pourra refuser l'homologation d'un titre ou d'un accord de médiation qu'à la condition que son contenu soit manifestement contraire à une disposition d'ordre public entendu comme des principes de justice universels considérés dans l'opinion publique comme dotés d'une valeur absolue. A défaut la Directive perdrait son sens et sa portée.
Ces principes sont également valables concernant l'admissibilité de la preuve.
2.3 - Communication du dossier de médiation et confidentialité du processus
Jacques Biancarelli apporte ensuite une réponse à la question 4.
Question
4° Le juge de l'homologation pourrait-il exiger, avant de statuer, la communication de l'entier dossier du processus de médiation et comment, alors, garantir "effectivement" la confidentialité qui doit s'attacher à toute médiation ?
Réponse
Le juge de l'homologation ne pourrait pas, en principe exiger la communication de l'entier dossier du processus de médiation, avant de statuer sur la médiation.
Si l'accord de médiation a déjà été homologué par le juge de l'Etat membre d'origine, le juge de l'Etat membre requis n'a pas à demander la communication du dossier dès lors que la contrariété à l'ordre public s'identifie à la seule lecture de l'accord lui-même.
Si l'accord de médiation n'a pas été préalablement homologué et que les deux parties, ou l'une d'elle avec l'accord de l'autre, demandent l'homologation au juge d'un autre Etat membre que celui sur le territoire duquel le processus a été conduit, le juge requis ne pourrait demander la communication de l'entier dossier que pour des raisons d'ordre public ou pour la mise à exécution de cet accord. Dans ces deux cas, le juge semble pouvoir refuser l'homologation si la communication n'est pas effectuée, dès lors que la transmission est nécessaire à une pleine et entière homologation.
En ce qui concerne les éléments sensibles du dossier, notamment dans le cadre des médiations commerciales dans lesquelles peuvent être révélées des données tenant au secret des affaires (parts de marchés, brevets, stratégie commerciale,...), il convient de procéder comme devant les juridictions de l'Union européenne qui, depuis 1995, considèrent qu'il appartient aux avocats de chacune des parties d'indiquer au juge les données qu'il y a lieu de "caviarder", en cas de communication à l'audience. En effet ce qui est applicable au juge statuant au contentieux est applicable mutadis mutandis au juge saisi du processus de médiation. La confidentialité est un élément essentiel de ce MARL, qu'il convient de préserver.
Sur ce point Catherine Chadelat relève que l'article 7 de la Directive 2008/52 prévoit que la médiation doit être menée de manière à préserver la confidentialité et que sauf accord contraire des parties, ni le médiateur ni les personnes participant à l'administration du processus de médiation ne sont tenus de produire, dans une procédure judiciaire civile ou commerciale ou lors d'un arbitrage, des preuves concernant les informations résultant d'un processus de médiation ou en relation avec celui-ci. Cela vise notamment, les propos échangés et les déclarations recueillis. Toutefois, il existe des réserves, en particulier lorsque la divulgation du contenu de l'accord issu de la médiation est nécessaire pour mettre en oeuvre ou pour exécuter ledit accord, ce qui vise assurément son homologation. Néanmoins, la nécessité d'une transmission des pièces pour l'homologation ne devrait être que très marginale, selon Catherine Chadelat.
D'ailleurs, Jacques Biancarelli ajoute que le juge homologateur qui se permettrait de reprendre l'entier dossier pour rejuger en quelque sorte le fond de l'affaire ayant abouti à l'accord commettrait un détournement de procédure.
***
En guise de propos conclusifs, Jacques Biancarelli avoue être frappé par le décalage entre le discours et la réalité. Si les autorités publiques manifestent un grand intérêt pour les modes alternatifs de règlements des litiges, un constat d'inaction s'impose : l'ordonnance transposant la Directive 2008/52 n'est toujours pas ratifié, ce qui a pour conséquence, comme le rappelle Catherine Chadelat, de conférer à ses dispositions une simple valeur réglementaire ; la Chancellerie ne s'est dotée d'aucun outil statistique pour évaluer les requêtes en homologation et d'en tirer un bilan ; le SGG devait ouvrir un site internet permettant à tous les médiateurs de fédérer leurs actions par domaine de médiation, mais rien n'a été fait ; la France n'a jamais envoyé, comme elle devait le faire, les autorités compétentes correspondantes. Le désintérêt manifeste des pouvoirs publics est fort décevant quand l'on sait que la médiation est un outil qui permet d'économiser des deniers publics, d'accélérer le cours des procédures, de désengorger les prétoires. Pour Jacques Biancarelli, le fait que les médiateurs soient dispersés en un nombre très important d'associations ne favorise pas les choses. Fédérer ces associations, faire des propositions concrètes à la Chancellerie pour faire avancer les choses, tels sont les principaux objectifs que s'est assignée la Commission ouverte Médiation du barreau de Paris comme l'a rappelé, sa responsable, Michèle Jaudel, également Déléguée du Bâtonnier à la médiation au barreau de Paris, lequel a décrété l'année 2013, année de la médiation !
A l'issue de cette réunion, Monsieur le Conseiller Jacques Biancarelli a transmis son document de travail, que nous reproduisons in extenso : cf. .
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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Réf. : Cass. civ. 1, 16 mai 2003, n° 12-13.637, F-P+B+I (N° Lexbase : A5067KDZ)
Lecture: 2 min
N7142BTP
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : Cass. crim., 15 mai 2013, n° 13-82.623, F-P+B (N° Lexbase : A5100KDA)
Lecture: 2 min
N7189BTG
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-19.783, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5097KD7)
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N7136BTH
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : Décret n° 2013-396 du 13 mai 2013 portant modification de décrets pris en application du livre II du Code de la consommation et du Code du sport (N° Lexbase : L7756IW8)
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N7158BTB
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, 2 arrêts, n° 12-60.632 (N° Lexbase : A5317KDB) et n° 13-60.047 (N° Lexbase : A5444KDY), F-P+B
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N7153BT4
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : Cass. com., 3 avril 2013, n° 12-15.492, F-P+B (N° Lexbase : A6369KBI) ; Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.193, F-P+B+I (N° Lexbase : A9962KBL)
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N7102BT9
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par Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble, membre de l'Institut universitaire de France
Le 23 Mai 2013
Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt de la Chambre commerciale du 3 avril 2013 (Cass. com., 3 avril 2013, n° 12-15.492, F-P+B), le litige portait sur un bail commercial. L'une des parties agissait en responsabilité contre son cocontractant pour "détournement du droit au bail". Selon la cour d'appel, les faits qui constituaient le point de départ de la prescription se situaient en 2002 et 2003 et l'assignation interruptive de prescription était intervenue le 30 juillet 2009, soit plus de 5 années après.
En matière commerciale, la prescription extinctive était de 10 années jusqu'à la loi du 17 juin 2008, qui a procédé à une harmonisation des délais et diminué la prescription commerciale à 5 ans (1). La question de l'application dans le temps du nouveau délai se posait donc ici, puisque le fait générateur de responsabilité était antérieur à la loi nouvelle, mais que l'assignation était postérieure. Si l'on appliquait l'ancien délai (10 ans), la prescription n'était pas acquise au jour de l'assignation, mais la solution était inverse si l'on appliquait le nouveau délai (5 ans).
La cour d'appel avait opté pour le nouveau délai de 5 ans, en faisant ainsi une application immédiate de la loi nouvelle. Mais elle omettait de tenir compte des principes d'application de la loi dans le temps prévus depuis 2008 par le Code civil (2). L'article 2222 du Code civil (N° Lexbase : L7186IAE) aménage deux mécanismes d'application dans le temps des lois qui modifient un délai de prescription, selon que le délai est allongé ou réduit. L'alinéa 2 prévoit, ainsi, qu'"en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure".
La formule est complexe et tout l'intérêt de l'arrêt commenté réside précisément dans la mise en oeuvre de cette disposition. S'agissant du cas d'espèce, l'article 2222, alinéa 2, prévoit que l'ancien délai de 10 ans court avant l'entrée en vigueur de la loi (2008) et que le nouveau délai de 5 ans court à compter de cette entrée en vigueur. Toutefois, il est interdit d'additionner ces deux délais. En effet, l'article 2222, alinéa 2, précise que la durée totale de prescription ne peut excéder la durée de l'ancienne prescription (donc 10 ans).
Dans l'espèce étudiée, les faits qui ont donné naissance à la dette de responsabilité se sont déroulés au plus tard en 2003. Le délai de 10 ans a couru jusqu'en 2008 et lors de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la prescription n'était pas échue. A partir de 2008, un nouveau délai de 5 ans a couru et ce délai devait respecter la durée maximale de l'ancien délai (10 ans). Ce qui signifiait que la prescription était échue en 2013, comme on peut le montrer à travers un schéma.
Dans l'espèce étudiée, la cour d'appel avait, à tort, appliqué le délai de 5 ans dès le point de départ de la prescription en 2003 et constaté que la prescription était échue en 2009 (date de l'assignation). Cet arrêt est censuré au visa de l'article 2222 du Code civil (3) et la Cour de cassation affirme simplement "qu'en statuant ainsi, alors que la durée du délai de prescription prévu à l'article L. 110-4 I du Code de commerce a été réduite de dix à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la cour d'appel a violé le texte susvisé".
L'arrêt signe, donc, un retour à l'orthodoxie juridique, mais il montre également la complexité des règles d'application dans le temps des lois de prescription. En effet, le principe de l'application immédiate des lois de procédure est mal adapté aux lois de prescription. Dans le cas d'espèce, si l'on avait appliqué en 2008 le nouveau délai de 5 ans, il ne se serait pas agi d'une application immédiate, mais d'une rétroactivité. C'est pour cette raison que les principes énoncés à l'article 2222 du Code civil partagent le temps entre les deux délais. L'ancien délai s'écoule avant l'entrée en vigueur de la loi et le nouveau délai, après. Pour connaître la durée totale de la prescription, il faut combiner savamment ces deux délais sans que la durée totale ne dépasse le délai le plus long.
2. Effet de la radiation sur la computation d'un délai de prescription
La loi du 17 juin 2008 a eu le mérite de définir avec une certaine exhaustivité les règles de computation des délais de prescription. Plus particulièrement, l'article 2231 du Code civil prévoit que l'interruption de la prescription efface le délai écoulé et fait courir un nouveau délai identique à l'ancien.
Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt du 10 avril 2013 (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.193, F-P+B+I), la responsabilité d'un avocat était recherchée, car il ne s'était pas présenté à l'audience prud'homale concernant son client et n'avait pas sollicité une réinscription au rôle de l'affaire après sa radiation. La cour d'appel saisie de l'action en responsabilité contre l'avocat avait considéré que le préjudice subi par le client était caractérisé, puisque la radiation de l'affaire prud'homale avait mis fin à l'effet interruptif de prescription de l'action en justice et que le délai -qui avait recommencé à courir après cette radiation- était échu au jour de l'action en responsabilité contre l'avocat.
De façon indirecte, à travers une action en responsabilité contre un avocat, la Cour de cassation avait à définir l'impact de la radiation sur l'interruption de la prescription. L'article 2241 du Code civil (N° Lexbase : L7181IA9) énonce ainsi que la demande en justice interrompt le délai de prescription. Toutefois, l'article 2243 du même code (N° Lexbase : L7179IA7) prévoit que l'interruption de la prescription est "non avenue" si le demandeur laisse périmer l'instance. Dans l'espèce étudiée, l'instance n'était pas périmée, mais l'affaire avait simplement été radiée.
Péremption d'instance et radiation constituent deux incidents d'instance, mais seule la péremption d'instance est visée par l'article 2243 du Code civil. Par ailleurs, péremption et radiation ne produisent pas le même effet sur l'instance. Lorsque l'affaire est radiée, elle peut être rétablie sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné la radiation (C. pr. civ., art. 383 N° Lexbase : L2268H4R). La radiation n'est donc qu'une cause de suspension de l'instance (C. pr. civ., art. 377 N° Lexbase : L2241H4R). En revanche, la péremption a pour effet d'éteindre l'instance.
La cour d'appel avait pourtant fait jouer à la radiation le même effet que celui de la péremption d'instance sur la prescription civile. Elle avait ainsi jugé que "la radiation de l'instance a emporté reprise du cours de la prescription et que celle-ci étant désormais acquise, M. Y a définitivement perdu toute chance de remporter l'action engagée devant le conseil de prud'hommes de Bobigny". Les juges du second degré faisaient donc une interprétation extensive de l'article 2243 du Code civil, en considérant que l'interruption de prescription était "non avenue" en cas de radiation de l'affaire et, qu'en conséquence, la prescription reprenait son cours.
La Cour de cassation censure cette décision en affirmant clairement que "le cours de la prescription avait été interrompu par l'introduction de l'instance prud'homale et que la radiation de l'affaire était sans effet sur la poursuite de cette interruption".
La Haute juridiction livre ici une interprétation à la fois littérale et logique de l'article 2243 du Code civil (4). Seule la péremption -qui a pour effet d'éteindre l'instance- peut entraîner la disparition de l'effet interruptif de la demande en justice. La solution est dans la droite ligne de la jurisprudence qui juge que la prescription est interrompue durant toute la durée de l'instance, jusqu'au jugement définitif (5) ou jusqu'à ce que le litige trouve sa solution (Cass. civ. 1, 8 décembre 1976, n° 74-10.180 N° Lexbase : A6882CGY, Bull. civ. I, n° 392).
La radiation n'a donc pas d'effet sur l'interruption de la prescription. C'est l'apport qu'il faut retenir de cet arrêt important (6). En revanche, les plaideurs doivent rester attentifs à la règle de l'article 386 du Code civil (N° Lexbase : L2938ABG), qui indique que si aucune partie n'accomplit de diligence durant 2 ans, l'instance se périme. La radiation du rôle n'entraîne donc pas un effet définitif, à condition de ne pas laisser passer ce délai. La péremption est une suite lointaine de la radiation, lorsque la négligence des parties s'éternise.
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Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 11-28.060, F-P+B (N° Lexbase : A5051KDG)
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Réf. : Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-19.078, F-P+B+I (N° Lexbase : A5216KDK)
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N7144BTR
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Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-19.119, F-P+B (N° Lexbase : A5179KD8)
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Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-15.101, F-P+B N° Lexbase : A5042KD4)
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Réf. : Cass. crim., 14 mai 2013, n° 12-81.023, FS-P+B (N° Lexbase : A5129KDC)
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Réf. : Cass. crim., 14 mai 2013, n° 11-86.626, FS-P+B (N° Lexbase : A5105KDG)
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Réf. : Cass. crim., 15 mai 2013, n° 12-84.818, FS-P+I (N° Lexbase : A5299KDM)
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Réf. : Cass. crim., 14 mai 2013, n° 12-80.153, FS-P+B (N° Lexbase : A5145KDW)
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Réf. : Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 11-24.217, F-P+B+I (N° Lexbase : A5210KDC)
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Réf. : Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 11-26.933, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3195KDP)
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Réf. : Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-12.207, F-P+B+I (N° Lexbase : A5140KDQ)
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Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-16.320, FS-P+B (N° Lexbase : A5010KDW)
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Réf. : Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 11-14.434, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5245KDM)
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Réf. : Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-21.338, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5198KDU)
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Le 28 Mai 2013
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Réf. : Cass. civ. 1, 20 mars 2013, n° 11-21.368, F-D (N° Lexbase : A5812KAI)
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par Véronique Barabé-Bouchard, Maître de conférences HDR à la faculté de Droit et de Science politique de l'Université de Rennes 1
Le 24 Mai 2013
Sur le fondement de l'article 843 du Code civil (N° Lexbase : L9984HN4), leur revendication à l'encontre du bénéficiaire de cette jouissance gratuite prendra alors la forme d'une demande de rapport à la succession de cet avantage indirect dont il a bénéficié avec pour conséquence, si elle est accueillie, de diminuer ses droits dans la succession à due concurrence, voire si la capitalisation de cet avantage excède ses droits successoraux, de l'obliger à indemniser la succession pour la différence.
L'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 20 mars 2013 témoigne une nouvelle fois de cette situation propice à l'éclosion d'un litige familial lors du décès des parents propriétaires et permet de faire le point sur les évolutions récentes de la jurisprudence en la matière.
En l'occurrence, des parents respectivement décédés en 1996 et 1998 avaient procédé à une donation-partage d'immeubles entre deux de leurs trois enfants en 1993. L'un des gratifiés y avait été alloti d'une maison d'habitation qu'il occupait déjà avec sa famille depuis 1981, tandis que l'autre recevait un terrain et que le troisième ne recevait aucun lot. S'ensuivit une liquidation conflictuelle des successions parentales qui, devant la Cour de cassation, se cristallisait sur deux points.
Le premier, bien qu'il ait justifié à lui seul la censure de la cour d'appel de Rennes, ne mérite pas d'amples développements. Il a trait à la demande de rapport des biens transmis à l'occasion de la donation-partage, demande curieusement accueillie par les magistrats du fond, alors que l'une des spécificités de ce partage d'ascendants est précisément d'exclure tout rapport des lots définitivement et irrévocablement acquis aux gratifiés à la date de l'acte, comme le rappelle le présent arrêt rendu sur ce point au visa des articles 1075 (N° Lexbase : L0222HPW) et 1076 (N° Lexbase : L0228HP7) du Code civil. Il s'ensuivait qu'en dehors de la formation de la masse de calcul de la quotité disponible et des opérations d'imputation destinées à vérifier l'absence d'atteinte à la réserve héréditaire, opérations qui conduisent à une évaluation des biens litigieux au décès, la valeur de ceux-ci était pour le reste définitivement fixée à la date de la donation-partage, soit en 1993, et ne pouvait en aucun cas être réévaluée à la date de la jouissance divise fixée en 2008, comme l'avait retenu la juridiction rennaise. Puisque la propriété des biens donnés et partagés est irrémédiablement acquise aux gratifiés à la date de l'acte, il en va en effet tout autant des plus-values qu'ils peuvent prendre ultérieurement.
C'est donc la réponse apportée par la Cour de cassation à la revendication principale de certains des héritiers qui justifie à elle seule les présentes observations.
L'essentiel du litige s'était effectivement noué à l'occasion de la demande de rapport de l'avantage retiré de la jouissance gratuite de la maison accordée pendant douze années à celui des héritiers qui en était ensuite devenu propriétaire par l'acte de donation-partage consenti en 1993. La cour d'appel de Rennes, confirmant en cela les juges du premier degré, avait ordonné le rapport de cet avantage évalué à la somme de 53 000 euros. Elle est sur ce point encore censurée par la Cour de cassation pour violation de la loi, sur un moyen relevé d'office par la Haute juridiction, dans les conditions de l'article 1015 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L5884IA8).
La cassation est prononcée au visa de deux textes : l'article 843 du Code civil d'une part, qui prescrit le rapport par chaque héritier de "tout ce qu'il a reçu du défunt par donations entre vifs, directement ou indirectement". L'article 894 du même code (N° Lexbase : L0035HPY) d'autre part, qui définit la donation entre vifs comme "l'acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte". A leur suite, un attendu de principe rappelle que "seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession".
Cette décision s'inscrit donc parfaitement dans la lignée du revirement jurisprudentiel intervenu sur cette question du rapport des avantages indirects à l'occasion de quatre arrêts rendus le 18 janvier 2012 (2). On peut y déceler toutefois un infléchissement supplémentaire qui pourrait bien écarter d'avantage encore, le spectre de telles demandes de rapport à l'occasion des règlements successoraux.
1. Plus de rapport des avantages indirects non constitutifs de donations véritables
En statuant au visa des deux dispositions précitées, en rappelant que seule une libéralité est rapportable et en insistant sur les deux éléments indispensables à la constatation d'une telle libéralité, à savoir l'appauvrissement du donateur et son intention libérale, la Cour de cassation ne laisse planer aucune ambiguïté sur sa volonté de mettre définitivement un terme aux dérives d'une jurisprudence qu'elle avait elle-même initiée en 1997 et renforcée en 2005. Pour bien saisir le sens et la portée de la présente décision, il est en effet nécessaire de la situer dans ce contexte jurisprudentiel.
Analysant la mise à disposition gratuite d'un logement au profit d'un héritier comme un abandon de loyers qui auraient du être perçus par les parents, celle-ci peut alors être considérée comme une donation portant sur des fruits ou des revenus consentie à l'enfant bénéficiaire.
Jusqu'en 1997, cette donation de fruits était traditionnellement dispensée de rapport pour deux raisons essentielles, dont l'une semble resurgir aujourd'hui (3) : la première est que, lorsque les parents donnent la pleine propriété d'un bien, le donataire est dispensé par l'article 856 du Code civil (N° Lexbase : L9997HNL), de rapporter les fruits qu'il en retire jusqu'au décès du donateur. Ainsi, en raisonnant par analogie, on avait pu en déduire que lorsque les parents ne donnent pas le bien lui-même mais seulement ses fruits, cet abandon devait lui-même être dispensé de rapport. La seconde tient à l'absence d'appauvrissement véritable du donateur qui néglige de percevoir des revenus qu'il aurait autrement dépensés. Il s'ensuit alors que seuls les prélèvements opérés sur le capital seraient susceptibles de constituer des donations et donc d'être rapportables, tandis que ceux effectués sur les revenus en seraient exonérés.
Abandonnant cette analyse traditionnelle par un arrêt de principe du 14 janvier 1997 (4), la Cour de cassation avait alors décidé, dans le même contexte que celui de la présente décision, que tout comme les libéralités en capital, celles portant sur des fruits pourraient être rapportées à la succession du parent propriétaire du logement, car l'article 843 du Code civil "n'opère aucune distinction selon que le défunt a donné un bien ou seulement les fruits de celui-ci". Ce principe du rapport des libéralités portant sur des fruits a d'ailleurs été inscrit dans l'article 851 du Code civil (N° Lexbase : L9992HNE), à l'occasion de la réforme des successions intervenue le 23 juin 2006 (5).
Cet important arrêt de 1997, en opérant ce revirement, levait l'obstacle de principe à la formulation de telles revendications entre héritiers mais maintenait néanmoins en place le garde-fou de la nécessité, pour les demandeurs, d'apporter la preuve d'une véritable donation, dans ses deux éléments constitutifs, objectif et subjectif.
Cette sauvegarde avait toutefois cédé à l'occasion d'une décision ultérieure du 8 novembre 2005 (6), décidant que "même en l'absence d'intention libérale établie, le bénéficiaire d'un avantage indirect en doit compte à ses cohéritiers". C'était là détacher la notion d'avantage indirect, de celle de donation, et permettre aux cohéritiers de demander le rapport de l'avantage tiré de la jouissance gratuite d'un logement par l'un des leurs, sur la seule preuve de l'absence de paiement d'un loyer ou de toute autre contrepartie, indépendamment des motivations parentales et de l'équilibre réel de l'opération.
Le présent litige, à l'instar de beaucoup d'autres, avait prospéré sur ce terreau favorable et on ne s'étonnera donc pas qu'une telle demande ait été accueillie par la cour d'appel de Rennes statuant sur cette affaire le 22 mars 2011.
Si elle est ici censurée sur ce point, c'est qu'opérant un nouveau revirement par quatre arrêts du 18 janvier 2012 (7), la Cour de cassation, vraisemblablement consciente de la multiplication des litiges familiaux auxquels conduisait cette illusoire recherche d'une égalité objective, décidait de re-coupler la notion d'avantage indirect à celle de donation indirecte, pour ne laisser de chances de prospérer qu'aux demandes de rapports portant sur de véritables libéralités.
C'est ainsi que dans les quatre décisions précitées, la Cour de cassation rappelait avec insistance aux juges du fond, qu'une demande de rapport ne peut être accueillie que s'il y a libéralité véritable et qu'il ne peut y avoir véritable libéralité que si l'intention libérale du disposant est démontrée.
La filiation entre la présente décision et le revirement opéré en 2012 est donc directe et incontestable.
Ainsi désormais, et de manière parfaitement justifiée, les héritiers qui demandent le rapport de l'avantage retiré par l'un des leurs, de la mise à disposition gratuite d'un logement appartenant à leurs parents, devront comme le rappelle l'arrêt, démontrer l'appauvrissement subi par ces derniers, aussi bien que l'intention d'en gratifier le bénéficiaire, avec toutes les difficultés probatoires qu'ils pourront rencontrer pour caractériser cet élément psychologique ténu et fugace. On sait en effet combien il est délicat, en théorie comme en pratique, de distinguer un simple acte de service gratuit inspiré par la bienveillance, l'affection, ou le sentiment de s'acquitter d'un devoir moral envers un enfant, de l'acte libéral qui réalise l'abandon conscient et délibéré d'une authentique valeur patrimoniale à son profit. Pourtant, seul le second sera susceptible d'être rapporté, au gré de la perception de l'acte que pourront en avoir les juges du fond, dont l'appréciation en la matière est souveraine (8).
C'est ainsi que la mise à disposition gratuite d'un logement formalisée par un contrat de prêt à usage conclu en bonne et due forme, devrait en principe échapper à toute demande de rapport, en rendant visible l'absence de volonté de gratifier, au profit de celle de rendre un simple service. Tandis que la jouissance gratuite accordée de manière informelle, comme c'est le cas dans la plupart des hypothèses rencontrées en pratique, pourrait en fonction des circonstances, être regardée ou non comme une donation rapportable, si la preuve de l'intention libérale des parents propriétaires peut être apportée.
Certains (9) regretteront l'incertitude qui découle de ce retour à la double exigence probatoire de l'élément matériel et de l'élément intentionnel de la libéralité, les autres (10) au contraire, se féliciteront de ce retour à l'orthodoxie juridique confirmé par cette décision et de la souplesse qu'elle introduit finalement dans le traitement successoral de ces arrangements familiaux.
Ceci étant, cet arrêt du 20 mars 2013 ne peut, à notre sens, être considéré comme la réitération pure et simple de la solution posée par les quatre décisions du 18 janvier 2012.
Il s'inscrit, en effet, également dans une autre tendance qui semble s'esquisser et qui tend à repousser les demandes de rapport des avantages divers consentis à un héritier, en jouant aussi sur l'élément matériel de la donation. Il s'agirait alors de restreindre la notion d'appauvrissement, pour tendre à la cantonner aux prélèvements effectués sur le capital en excluant ceux réalisés sur les revenus.
2. Vers une restriction de la notion d'appauvrissement aux prélèvements effectués sur le capital ?
Contrairement à de précédentes affaires où, pour repousser la qualification de libéralité rapportable, le bénéficiaire de la mise à disposition du logement invoquait l'existence de contreparties dont ils s'était acquitté vis-à-vis de ses parents propriétaires de l'immeuble, soit par la prise en charge de certains frais leur incombant (réparations, charges, impositions...) (11), soit par des services importants qu'il leur avait rendus (12), le défendeur en l'occurrence revendiquait expressément des impayés de loyers à leur endroit afin de bénéficier de la prescription quinquennale de l'action en paiement.
Faute de pouvoir justifier de l'existence d'un bail et surtout parce qu'il ne s'agissait pas d'une action en paiement des loyers, mais d'une demande de rapport d'une libéralité à la succession, l'argument était évidemment voué à l'échec. Il est toutefois symptomatique de la reconnaissance d'un appauvrissement subi par les parents propriétaires, assumé par l'enfant hébergé gracieusement et finalement assimilable à un aveu.
Pour autant, celui-ci ne se retourne pas contre son auteur puisque la Cour de cassation censure la décision qui prescrivait le rapport de cet avantage, au motif que ni l'intention libérale, ni "l'appauvrissement des donateurs n'avaient été constatés".
Cet appauvrissement, revendiqué par l'enfant, avait pourtant été évalué par la juridiction du fond à 53 000 euros pour les douze années d'occupation du bien. La méthode d'évaluation de cet avantage tiré de la mise à disposition gracieuse d'un immeuble d'habitation a d'ailleurs été fixée par la Cour de cassation elle-même (13) et prescrit de multiplier la valeur locative du bien, à l'époque de l'occupation et non à celle du partage (14), par le nombre d'années de jouissance.
Abstraction faite de la question de l'intention libérale, la constatation d'un appauvrissement avait donc bien été faite par la cour d'appel, que ne venait atténuer ou supprimer aucune contrepartie assumée par le bénéficiaire ou aucune obligation alimentaire ou d'entretien qui aurait pesé sur les parents et dont le logement gracieux de cet enfant aurait été une modalité d'exécution. La cour d'appel avait d'ailleurs relevé que la maison mise à la disposition de cet enfant, était bien indépendante de celle de ses parents et qu'il ne s'agissait donc pas d'un hébergement à leur domicile qui lui aurait permis d'invoquer la dispense de rapport édictée par l'article 852 du Code civil (N° Lexbase : L9993HNG) pour les frais de nourriture et d'entretien, selon un principe par ailleurs clairement affirmé par la Haute juridiction (15).
Si malgré ces circonstances de l'espèce, aucun appauvrissement n'est constaté selon les termes employés par l'arrêt, on peut s'interroger d'une part, sur ce qui pourrait être désormais considéré comme un appauvrissement véritable, d'autre part sur les justifications de cette solution.
Sous ses deux formes, la question peut vraisemblablement trouver des éléments de réponse dans une décision de la Cour de cassation du 1er février 2012 (16). Confrontée une fois encore à une demande de rapport formulée par des cohéritiers à l'encontre de leur frère qui avait bénéficié de la part de leur père de versements d'environ 540 euros par mois pendant plus de dix ans, ce qui représentait au total près de 74 000 euros et 45 % de l'actif successoral, la Haute juridiction avait approuvé le rejet de cette prétention, au motif, notamment, que les sommes versées étaient prélevées sur les revenus du disposant dont elles représentaient une faible part, ce dont on pouvait déduire que "ces sommes constituaient des frais d'entretien, représentant l'expression d'un devoir familial, sans pour autant entraîner un appauvrissement significatif du disposant...".
Outre la référence à la manifestation d'un devoir familial d'entretien, qui peut également expliquer que des parents mettent gratuitement un logement à la disposition de leur enfant, on retiendra ici que ce n'est pas tant la capitalisation des versements qui doit être la mesure de l'appauvrissement de leur auteur, que la proportion entre leur montant périodique et celui des revenus sur lesquels ils sont prélevés.
On relèvera surtout la distinction implicite instaurée par cette décision, entre l'appauvrissement ordinaire, normal, qui ne justifie pas que le bénéficiaire soit tenu d'en rendre compte à la succession et l'appauvrissement considéré au contraire comme significatif, qui pourra donner lieu à rapport parce qu'il rompt véritablement l'égalité entre les cohéritiers.
On en reviendrait, donc, peu ou prou, à l'idée traditionnelle qui, avant le revirement opéré en 1997, fondait la dispense de rapport des libéralités portant sur des fruits ou sur des revenus : les revenus étant destinés à être dépensés, leur amoindrissement par des prélèvements ou par la renonciation à la perception de revenus supplémentaires (des loyers en l'occurrence), n'appauvrissent pas leur titulaire et ne justifient pas un rapport puisque la masse successorale n'en est pas pour autant amputée.
Ce retour à la solution classique serait néanmoins tempéré par la perte de son caractère inéluctable : avant 1997, les donations prélevées sur des fruits et revenus ou constituées par la non-perception de loyers, étaient par principe exclues du rapport pour les raisons indiquées. Désormais, les avantages directs ou indirects le seraient à nouveau, tant que la perte ou le manque à percevoir resteraient raisonnables, proportionnés aux revenus des parents et ne viendraient pas diminuer leur capital ou grever leurs ressources de manière significative.
L'esprit de l'assurance vie qui subordonne le droit à récompense de la communauté ou l'obligation au rapport pour les primes acquittées, à leur caractère manifestement exagéré au regard des facultés du souscripteur, pourrait bien avoir inspiré cette solution équilibrée. Si cette orientation était confirmée, elle présenterait l'avantage de limiter encore un peu plus les risques de contestation des arrangements familiaux initiés par les parents, tout en préservant au mieux leur liberté fondamentale de décider à leur gré de l'affectation de leurs revenus, liberté qui passe aussi par celle de renoncer à la perception de loyers potentiels.
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Réf. : Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 12-11.577, F-P+B+I (N° Lexbase : A3196KDQ)
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Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-18.938, F-P+B (N° Lexbase : A5088KDS)
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Le 23 Mai 2013
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