Lexbase Droit privé n°528 du 23 mai 2013

Lexbase Droit privé - Édition n°528

Assurances

[Brèves] Action directe de la collectivité territoriale victime contre l'assureur

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 15 mai 2013, n° 357810, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5399KDC)

Lecture: 1 min

N7157BTA

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Le 25 Mai 2013

Une communauté de communes est en droit d'obtenir, par le biais de l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du Code des assurances (N° Lexbase : L4188H9Y), que la part de son préjudice résultant de l'inondation de la patinoire dont elle a la charge, non indemnisé dans le cadre du contrat d'assurance de dommages aux biens, à raison d'une franchise prévue par ce contrat, soit indemnisée par cet assureur en tant qu'assureur de responsabilité de la commune, propriétaire du bassin de rétention à l'origine du dommage. Telle est la solution qui se dégage d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 15 mai 2013 (CE 2° et 7° s-s-r., 15 mai 2013, n° 357810, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5399KDC). En l'espèce, pour juger que la communauté de communes ne pouvait demander à l'assureur de la commune l'indemnisation du préjudice restant à sa charge à raison de la franchise incluse dans son contrat d'assurance de dommages aux biens, la cour administrative d'appel s'était fondée sur ce que la première n'était pas partie au contrat d'assurance de responsabilité civile conclu par la seconde ; la décision est censurée par la Haute juridiction administrative qui rappelle que, par dérogation à l'effet relatif des contrats, l'article L. 124-3 du Code des assurances ouvre une action directe au bénéfice du tiers lésé contre l'assureur de responsabilité de l'auteur du préjudice qu'il allègue. Si l'assureur faisait valoir devant le Conseil d'Etat que la communauté de communes avait la possibilité d'émettre contre elle un titre exécutoire pour le recouvrement de la créance dont elle se prévalait et que, dès lors, elle n'était pas recevable a saisir le juge d'une telle action, le Haut conseil relève que la faculté d'émettre un titre exécutoire dont dispose une personne publique ne fait pas obstacle à ce qu'elle saisisse le juge de l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du Code des assurances, laquelle trouve son origine dans le contrat passé entre le responsable du dommage et son assureur.

newsid:437157

Assurances

[Brèves] Prescription de l'action dirigée contre l'assureur de responsabilité décennale

Réf. : Cass. civ. 3, 15 mai 2013, n° 12-18.027, FS-P+B (N° Lexbase : A5112KDP)

Lecture: 2 min

N7147BTU

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Le 29 Mai 2013

L'action dirigée contre l'assureur de responsabilité décennale doit être engagée dans le délai décennal, l'interruption de l'action en responsabilité décennale dirigée contre le responsable n'ayant aucun effet sur le cours de la prescription de l'action directe dirigée contre l'assureur de ce dernier ; tel est l'enseignement délivré par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 15 mai 2013 (Cass. civ. 3, 15 mai 2013, n° 12-18.027, FS-P+B N° Lexbase : A5112KDP). En l'espèce, en 1994, le syndicat des copropriétaires avait, sous la maîtrise d'oeuvre d'un architecte assuré par la société M., confié à la société E., assurée par la société A., les travaux de remise en état des façades de l'immeuble. Se plaignant de désordres, après réception fixée au 14 septembre 1995, le syndicat avait assigné en référé le 10 septembre 2004, l'architecte, l'entrepreneur et son assureur et obtenu la désignation d'un expert par ordonnance du 18 novembre 2004 avant d'assigner au fond, l'architecte, l'entrepreneur et son assureur le 26 février 2008 et l'assureur de l'architecte, le 5 mars 2009. Le syndicat faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris de déclarer prescrite son action à l'encontre de la société M., faisant valoir que l'action de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable, de sorte que la première ne saurait expirer avant la seconde et que l'interruption de l'action en responsabilité décennale dirigée contre le responsable a effet sur le cours de la prescription de l'action directe dirigée contre l'assureur de ce dernier (CA Paris, Pôle 4, 5ème ch., 25 janvier 2012, n° 10/10314 N° Lexbase : A3111IBT). En vain. Selon la Cour suprême, en ayant relevé que la réception des travaux était fixée au 14 septembre 1995, que le syndicat avait assigné l'architecte en référé-expertise le 10 septembre 2004 et la société M. sur le fondement de la garantie décennale le 5 mars 2009, la cour d'appel en avait exactement déduit que l'action du syndicat à l'égard de la société M. n'avait pas été diligentée dans les dix ans de la réception et qu'à défaut pour le syndicat d'avoir exercé son recours à l'encontre de l'assureur de l'architecte responsable, avant le 10 septembre 2006, son action était prescrite.

newsid:437147

Assurances

[Brèves] Obligations déclaratives de l'assuré en cours de contrat et pas seulement lors de la conclusion

Réf. : Cass. civ. 3, 15 mai 2013, n° 12-14.757, FS-P+B (N° Lexbase : A5146KDX)

Lecture: 1 min

N7146BTT

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Le 30 Mai 2013

L'assuré est obligé de déclarer, en cours d'exécution des travaux, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence d'aggraver les risques et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l'assureur lors de la conclusion du contrat. Tel est le principe rappelé et appliqué par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 15 mai 2013 (Cass. civ. 3, 15 mai 2013, n° 12-14.757, FS-P+B N° Lexbase : A5146KDX ; cf. un arrêt de la deuxième chambre civile en ce sens : Cass. civ. 2, 15 mai 2008, n° 07-13.508, F-P+B N° Lexbase : A5338D89). En l'espèce, les époux A. avaient confié la construction d'une maison individuelle à la société X., assurée auprès de la société M. et désormais placée en liquidation judiciaire ; des désordres étant apparus après réception, les époux A. avaient, après expertise amiable, assigné le constructeur, son liquidateur et son assureur en réparation de leurs préjudices. Pour écarter l'application de la réduction proportionnelle d'indemnité prévue par l'article L. 113-9 du Code des assurances (N° Lexbase : L0065AAN) -dont il résulte que l'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie n'entraîne pas la nullité du contrat d'assurance ; dans le cas où la constatation n'a lieu qu'après un sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement et exactement déclarés-, la cour d'appel de Toulouse (CA Toulouse, 14 novembre 2011, n° 10/05999 N° Lexbase : A8646H3M) avait retenu que l'obligation déclarative de l'assuré devait être appréciée à l'ouverture du chantier et non à une période postérieure et que les pièces produites n'établissaient pas que l'assuré avait manqué à son obligation au moment de l'ouverture du chantier. A tort, selon la Cour de cassation, qui énonce la règle précitée.

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Consommation

[Brèves] Rejet de la demande d'annulation du décret n° 2012-129 du 30 janvier 2012 relatif à la mise sur le marché des truffes et des denrées alimentaires en contenant

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 17 mai 2013, n° 358027, mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5400KDD)

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N7156BT9

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Le 23 Mai 2013

Par un arrêt rendu le 17 mai 2013, le Conseil d'Etat a rejeté la demande d'annulation du décret n° 2012-129 du 30 janvier 2012, relatif à la mise sur le marché des truffes et des denrées alimentaires en contenant (N° Lexbase : L9903IR9) (CE 9° et 10° s-s-r., 17 mai 2013, n° 358027, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5400KDD). On retiendra, notamment, de cette décision que, s'il était constant que les dispositions de l'article L. 112-7-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L8593IM9), qui constituent la base légale du décret du 30 janvier 2012 dont la Fédération française des industries d'aliments conservés demandait l'annulation, n'avaient pas été communiquées à la Commission européenne préalablement à l'adoption de l'article 4 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010, de modernisation de l'agriculture et de la pêche (N° Lexbase : L8466IMI), le Conseil d'Etat relève, qu'en revanche, les dispositions du décret lui-même avaient fait l'objet d'une telle communication, que le texte du projet était accompagné de celui de l'article L. 112-7-1 du Code de la consommation et qu'ainsi, à la date prévue pour l'entrée en vigueur du décret, l'ensemble des règles techniques relatives à la mise sur le marché des truffes avait été communiqué à la Commission, conformément à l'exigence résultant de l'article 8 de la Directive 98/34 du 22 juin 1998 (N° Lexbase : L9973AUW). Il suit de là que la fédération requérante n'était pas fondée à soutenir que l'application des dispositions de l'article L. 112-7-1 du Code de la consommation devrait être écartée comme contraires à cette Directive ; selon la Haute juridiction administrative, le défaut de communication de ces dispositions préalablement à l'adoption de l'article 4 de la loi du 27 juillet 2010 était, par ailleurs, sans incidence sur la régularité de la procédure d'adoption de son décret d'application.

newsid:437156

Contrats et obligations

[Brèves] Réponse de la Chambre mixte de la Cour de cassation à la problématique de l'interdépendance contractuelle

Réf. : Cass. mixte, 17 mai 2013, 2 arrêts, n° 11-22.768 (N° Lexbase : A4414KDT) et n° 11-22.927 (N° Lexbase : A4415KDU), P+B+R+I

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N7198BTR

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Le 24 Mai 2013

Par deux arrêts rendus le 17 mai 2013, la Chambre mixte de la Cour de cassation, ainsi qu'elle l'énonce dans son communiqué, apporte une réponse au problème essentiel et récurrent de l'interdépendance contractuelle, à l'origine d'un contentieux quantitativement important et d'appréciations jurisprudentielles parfois disparates (Cass. mixte, 17 mai 2013, 2 arrêts, n° 11-22.768 N° Lexbase : A4414KDT et n° 11-22.927 N° Lexbase : A4415KDU, P+B+R+I). Les deux espèces soumises portaient chacune sur un ensemble de contrats comprenant un contrat de référence (dans la première espèce, une convention de partenariat pour des diffusions publicitaires, dans la seconde, un contrat de télésauvegarde informatique) et un contrat de location financière du matériel nécessaire à l'exécution du premier contrat. Dans chaque espèce, un cocontractant unique, pivot de l'opération, s'était engagé avec deux opérateurs distincts : le prestataire de service, d'une part, le bailleur financier, d'autre part. A chaque fois, le contrat principal a été anéanti. Dans la première affaire, la cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 6 avril 2011, n° 09/22888 N° Lexbase : A0610HNW), retenant l'interdépendance des contrats, avait écarté la clause de divisibilité stipulée par les parties et a prononcé la résiliation du contrat de location. Dans la seconde affaire, la cour d'appel de Lyon (CA Lyon, 16 juin 2011, n° 10/01515 N° Lexbase : A9082H47), statuant comme cour de renvoi après une première cassation, avait écarté, au contraire, l'interdépendance des conventions. La Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a renvoyé les deux pourvois en Chambre mixte. La Cour de cassation vient préciser les éléments caractérisant l'interdépendance contractuelle, en qualifiant d'interdépendants, qualification soumise à son contrôle, les contrats concomitants ou successifs s'inscrivant dans une opération incluant une location financière. En outre, s'inspirant de la jurisprudence de la Chambre commerciale, elle juge que sont réputées non écrites les clauses de divisibilité contractuelle inconciliables avec cette interdépendance. La Chambre mixte rejette en conséquence le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris et casse l'arrêt de la cour d'appel de Lyon. Ainsi qu'elle l'indique dans son communiqué, par ces décisions, la Cour de cassation remplit pleinement son rôle normatif, de création prétorienne du droit, mais exerce aussi sa fonction régulatrice, visant à harmoniser la jurisprudence sur l'ensemble du territoire.

newsid:437198

Divorce

[Brèves] Fin de la pension alimentaire allouée pendant la procédure de divorce

Réf. : Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 12-11.516, F-P+B+I (N° Lexbase : A5106KDH)

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N7140BTM

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Le 23 Mai 2013

La pension alimentaire allouée pendant la procédure de divorce prend fin à la date à laquelle le divorce devient irrévocable, et donc, non pas à la date de l'arrêt se prononçant sur le divorce des époux, mais à l'issue du délai ouvert pour former un pourvoi contre la disposition de cet arrêt. Telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 15 mai 2013, au visa des articles 254 (N° Lexbase : L2623ABR) et 255 (N° Lexbase : L2624ABS) du Code civil, ensemble les articles 1121 (N° Lexbase : L1664H4E) et 1122 (N° Lexbase : L1665H4G) du Code de procédure civile, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 (N° Lexbase : L2150DYB) (Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 12-11.516, F-P+B+I N° Lexbase : A5106KDH ; cf. l’Ouvrage "Droit du divorce" N° Lexbase : E4655EUX). En l'espèce, un arrêt du 3 mars 2005 avait réduit le montant de la pension alimentaire accordée par une ordonnance de non conciliation du 27 novembre 2003 à Mme X pour la durée de l'instance en divorce. Après le prononcé du divorce des époux, par un arrêt du 28 juin 2007 ayant confirmé sur ce point le jugement du 9 juin 2005, des difficultés étaient nées pour la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux. Pour décider que M. Y était créancier de Mme X à hauteur d'une certaine somme au titre d'un trop versé de pension alimentaire, la cour d'appel avait retenu que, pour la période allant du mois de novembre 2003 au mois de juin 2007, date à laquelle le divorce avait été prononcé, une pension alimentaire mensuelle de 1 000 euros était due, soit 43 000 euros pour quarante trois mois. A tort, retient la Cour suprême, précisant que la pension alimentaire ne prenait fin qu'à l'issue du délai ouvert pour former un pourvoi contre la disposition de l'arrêt qui avait confirmé le jugement ayant prononcé le divorce des époux.

newsid:437140

Droit de la famille

[Textes] La loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe : enfin !

Réf. : Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (N° Lexbase : L7926IWH)

Lecture: 20 min

N7154BT7

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP

Le 30 Mai 2013

Le 17 mai 2013, la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a été à la fois validée par le Conseil constitutionnel (1) et promulguée par le Président de la République (2). Cette concomitance de dates traduit l'impatience du Gouvernement à satisfaire la promesse de campagne du candidat Hollande après un long et laborieux processus législatif (3) et à montrer sa volonté d'avancer sur ce sujet ô combien polémique. Il faut espérer que cette fermeté, ainsi que les mises au point du Conseil constitutionnel, mettront un terme aux tentatives parfois discutables des opposants à l'accès au mariage et à l'adoption des couples homosexuels pour remettre en cause ce qui constitue incontestablement une avancée vers l'égalité des droits.
La loi n° 2013-404, éclairée par la décision du Conseil constitutionnel, constitue indiscutablement un texte progressiste non seulement en ce qu'elle ouvre le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, mais encore parce qu'elle modifie ou précise certains points importants du droit de la famille, qu'il s'agisse du couple (I) ou de l'enfant (II).

I - Le couple

Ouverture du mariage aux couples de même sexe. C'est évidemment l'ouverture du mariage aux couples de même sexe qui constitue "le coeur" de la loi du 17 mai 2013. La nouvelle formulation de l'article 143 du Code civil selon lequel "le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe" est restée constante depuis le vote du texte en première lecture à l'Assemblée nationale (5).

Le Conseil constitutionnel a rejeté l'argument des parlementaires -inspiré par certains auteurs (6)- selon lequel cette ouverture du mariage aux couples de même sexe méconnaîtrait un prétendu principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFLR) selon lequel le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, en expliquant qu'en réalité un tel principe n'existait pas ! La première condition pour qu'existe un PFLR réside, en effet, dans le caractère fondamental du principe invoqué qui doit intéresser un domaine essentiel de la vie de la Nation, comme les droits et libertés fondamentaux, la souveraineté nationale ou l'organisation des pouvoirs publics. Or, selon le Conseil constitutionnel, "si la législation républicaine antérieure à 1946 et les lois postérieures ont, jusqu'à la loi déférée, regardé le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme, cette règle qui n'intéresse ni les droits et libertés, ni la souveraineté nationale, ni l'organisation des pouvoirs publics, ne peut constituer un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de 1946 ; qu'en outre, doit en tout état de cause être écarté le grief tiré de ce que le mariage serait naturellement' l'union d'un homme et d'une femme".

Le Conseil constitutionnel précise que les règles relatives au mariage relevant de l'état des personnes, l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S) confère au législateur la compétence pour fixer les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage. Autrement dit, si la définition du mariage était jusqu'à présent l'union d'un homme et d'une femme, rien n'interdit au législateur d'en changer... Le Conseil s'en remet ainsi à l'appréciation du législateur à laquelle il ne lui appartient pas de se substituer. De même qu'il avait affirmé, dans sa décision du 28 janvier 2011 (7), qu'il appartenait au seul législateur de définir le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme, il considère dans sa décision du 17 mai 2013 que le législateur est libre d'estimer que "la différence entre les couples formés d'un homme et d'une femme et les couples de personnes de même sexe, ne justifiait plus que ces derniers ne puissent accéder au statut et à la protection juridique attachés au mariage".

Mariages antérieurs. Le Conseil constitutionnel précise que l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe ne porte aucune atteinte aux droits acquis nés des mariages antérieurs. Quoique relevant de l'évidence, ce rappel n'est sans doute pas inutile pour certains opposants irréductibles aux mariages homosexuels...

Le texte contient, en outre, dans son article 21, une disposition originale prévoyant que "le mariage entre personnes de même sexe contracté avant l'entrée en vigueur de la présente loi est reconnu, dans ses effets à l'égard des époux et des enfants, en France", à condition qu'il satisfasse les conditions de fond du mariage. Le Conseil constitutionnel ne statue pas sur cette question comme s'il était saisi d'une loi de validation. La disposition contestée concerne en réalité les mariages entre personnes de même sexe célébrés à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2013. En effet, avant cette date, un mariage célébré à l'étranger entre un ressortissant français et un citoyen d'un Etat qui reconnaissait aux couples de même sexe le droit de se marier n'était pas reconnu par le droit français. Le Conseil constitutionnel, en réponse aux requérants qui prétendaient qu'une telle reconnaissance porterait atteinte à la sécurité juridique et n'était pas justifiée par un motif suffisant d'intérêt général, affirme que cette exception à la règle selon laquelle la validité d'un mariage s'apprécie au jour de sa célébration, ne porte atteinte à aucun droit acquis et relevait là encore de la compétence du législateur.

Mariage d'étrangers en France ou de français à l'étranger. Les nouveaux articles 202-1 et 202-2 du Code civil contenus dans l'article 1er de la loi qui permettaient de manière dérogatoire à une personne étrangère ayant sa résidence en France, de se marier sur notre territoire, avec une personne de même sexe, alors que sa loi personnelle interdit un tel mariage, ont subi les foudres des auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel qui invoquaient pêle-mêle l'atteinte à l'égalité, à la sécurité juridique et le risque de voir arriver en France de nombreux couples homosexuels étrangers voulant accéder à un mariage interdit dans leur pays, sans oublier le risque que le mariage homosexuel ne devienne une nouvelle forme de mariage naturalisant. A ce débordement d'arguments, le Conseil constitutionnel oppose la liberté du législateur de traiter différemment des situations différentes et reconnaît la possibilité qui était la sienne d'introduire un dispositif spécifique au profit des couples de même sexe de nationalité étrangère dont la loi personnelle prohibe le mariage. Il précise également, dans une petite leçon sur la séparation des pouvoirs dont les requérants pourraient utilement profiter, que "l'éventualité d'un détournement de la loi ou d'abus lors de son application n'entache pas celle-ci d'inconstitutionnalité ; qu'il appartient aux juridictions compétentes, de priver d'effet, et le cas échéant, de réprimer de telles pratiques". Il reste que la possibilité pour les époux de même sexe de déroger à la règle de conflit selon laquelle le mariage est régi par leur loi personnelle risque effectivement de "multiplier les mariages boiteux" qui seront reconnus dans l'Etat où ils ont été célébrés et pas dans l'Etat d'origine des époux (8). Sans doute est-ce le prix à payer pour permettre aux couples de même sexe de profiter des dispositions législatives favorables de leur Etat de résidence. Seront dans une situation similaire les époux, dont un au moins a la nationalité française, qui vivent dans un pays qui n'autorise pas le mariage entre deux personnes du même sexe et qui sont autorisés de manière dérogatoire, par la nouvelle loi, à se marier en France, dans la commune de leur dernière résidence, de celle de leurs parents ou même dans la commune de leur choix (9).

Nom des époux. La dernière version du texte contient, en outre, une disposition nouvelle relative au nom des époux qui n'est cependant que la consécration législative d'une règle coutumière. Le nouvel article 225-1 du Code civil dispose, en effet, que "chacun des époux peut porter, à titre d'usage, le nom de l'autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l'ordre qu'il choisit". Le législateur consacre ainsi pour tous les couples et pour chacun de leur membre, la possibilité déjà utilisée en pratique, surtout par les femmes, de porter à titre d'usage le nom de son conjoint, y compris en l'ajoutant au sien. Cette consécration comporte au moins l'intérêt d'éviter toute discussion sur la possibilité pour les couples de même sexe de bénéficier de la règle coutumière. On rappellera que l'article 264 du Code civil (N° Lexbase : L2829DZS), lui aussi désormais applicable aux couples de même sexe comme aux couples de sexe différent, prévoit qu'en cas de divorce l'époux perd en principe le droit d'utiliser le nom de son conjoint, sauf accord de celui-ci ou autorisation du juge fondée sur l'intérêt particulier que l'époux divorcé aurait à continuer de bénéficier de ce droit.

Dispositions de coordination. L'article 6-1 du Code civil affirme que le mariage emporte les mêmes effets, droits et obligations que les époux soient différents ou de même sexe. Seules quelques dispositions qui distinguaient encore les époux selon leur sexe sont modifiées ; il en va particulièrement ainsi de l'article 75 du Code civil relatifs à la cérémonie du mariage dans lequel l'expression "mari et femme" est remplacée par le mot "époux" (10) et de différents articles du Code de la Sécurité sociale dans lesquels la référence à la femme est remplacée par une référence à l'assuré.

II - L'enfant

La loi du 17 mai 2013 emporte également des conséquences essentielles en matière de filiation. Si l'effet principal du texte est d'ouvrir l'adoption aux couples de même sexe, celui-ci comporte également des modifications importantes quant aux effets de la filiation.

1° L'adoption par un couple de même sexe

L'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, conjuguée avec la règle de l'article 6-1 du Code civil qui confère au mariage les même effets que les époux soient de même sexe ou de sexe différent, aboutit incontestablement à permettre l'adoption par les couples de même sexe ainsi que l'adoption au sein de tels couples. Le Conseil consacre une part importante de sa décision à la question de la constitutionnalité de l'ouverture de l'adoption aux couples de personnes de même sexe. Plusieurs arguments, tous rejetés par le Conseil, étaient en effet présentés par les requérant pour la contester : certains tentaient de démontrer qu'en elle-même la possibilité pour un couple de même sexe d'adopter était contraire aux droits fondamentaux, et d'autres remettaient en question la cohérence de l'ensemble du droit de la filiation tel qu'il résultait de la loi nouvelle.

a. La constitutionnalité de l'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe

Compétence du législateur. A propos de l'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe aussi, le Conseil constitutionnel rappelle la compétence que le législateur tire de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S) au titre des règles relatives à l'état et à la capacité des personnes. Dès lors que celui-ci a estimé que "l'identité de sexe des adoptants ne constituait pas, en elle-même, un obstacle à l'établissement d'un lien de filiation adoptive", il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, pour l'établissement d'un lien de filiation adoptive, de la différence entre les couples de personnes de même sexe et les couples formés d'un homme et d'une femme. Le Conseil reprend le même raisonnement que celui qu'il avait suivi dans sa décision du 6 octobre 2010 (11) dans laquelle il laissait au législateur la responsabilité de décider qu'il ne fallait pas aligner le régime de l'adoption de l'enfant du concubin sur celui de l'adoption de l'enfant du conjoint, mais avec un résultat inverse !

Vie privée. A l'argument, quelque peu inattendu, selon lequel l'adoption d'un enfant par deux personnes de même sexe conduirait nécessairement à révéler l'orientation sexuelle des adoptants et la nature adoptive de la filiation et, partant, porterait atteinte à la protection de la vie privée et à l'égalité devant la loi, le Conseil constitutionnel répond logiquement "qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose ni que le caractère adoptif de la filiation soit dissimulé ni que les liens de parenté établis par la filiation adoptive imitent ceux de la filiation biologique". Il n'en reste pas moins évident que la loi du 17 mai 2013 emporte un changement notable de perception de l'adoption : désormais, l'adoption ne doit plus "singer la nature", puisqu'elle est le seule moyen d'établir à l'égard d'un enfant deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles. C'est en cela que la loi nouvelle traduit un choix de société avec lequel on peut ne pas être d'accord, mais qui n'est contraire à aucun droit ni aucune liberté fondamentale.

Exclusion d'un droit à l'enfant. Le Conseil constitutionnel affirme solennellement que l'ouverture de l'adoption aux couples de personnes de même sexe n'a "ni pour objet ni pour effet de reconnaître aux couples de personnes de même sexe un droit à l'enfant'" puisque ces derniers seront soumis, comme ceux qui sont formés d'un homme et d'une femme, à une procédure destinée à constater leur capacité à recueillir un enfant en vue de son adoption. On ne voit pas, en effet, en quoi l'adoption pourrait davantage constituer un droit à l'enfant pour les couples de même sexe que pour les couples de sexe différent...

Intérêt de l'enfant. La décision du Conseil constitutionnel a le mérite de conférer, de manière inédite, une valeur constitutionnelle au principe selon lequel l'adoption doit être conforme à l'intérêt de l'enfant, en se fondant sur le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 en vertu duquel "la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement" (12). Le Conseil considère que l'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe satisfait ce principe constitutionnel, notamment, grâce à l'article 353 du Code civil (N° Lexbase : L2869ABU) selon lequel l'adoption est prononcée par le tribunal si celle-ci est conforme à l'intérêt de l'enfant ; cette disposition est, en effet, applicable aux couples de même sexe comme aux couples de sexe différent.

Mais le Conseil constitutionnel se montre plus exigeant en vérifiant la conformité à la Constitution des articles L. 225-2 (N° Lexbase : L8971G97) et L. 225-17 (N° Lexbase : L8978G9E) du Code de l'action sociale et des familles relatifs à l'agrément pour adopter. Il justifie cet examen en affirmant que "la conformité d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ; qu'en l'espèce les dispositions contestées affectent le domaine des articles L. 225-2 et L. 225-17 du Code de l'action sociale et des familles". Or, ces dispositions ne prévoient pas que l'agrément lui-même doit être conforme à l'intérêt de l'enfant (13). Le Conseil constitutionnel émet donc une réserve d'interprétation en affirmant que "les dispositions relatives à l'agrément du ou des adoptants, qu'ils soient de sexe différent ou de même sexe, ne sauraient conduire à ce que cet agrément soit délivré sans que l'autorité administrative ait vérifié, dans chaque cas, le respect de l'exigence de conformité de l'adoption à l'intérêt de l'enfant qu'implique le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946". Ce n'est que sous cette réserve que les dispositions relatives à l'agrément sont déclarées conforme à la Constitution.

L'adoption par les couples de même sexe étant soumise aux mêmes conditions que l'adoption par les couples de sexe différent, et particulièrement au principe de conformité à l'intérêt de l'enfant, le Conseil constitutionnel considère que les droits de l'enfant ne sont pas moins protégés lorsqu'il est adopté par des parents de même sexe que lorsqu'il est adopté par des parents de sexe différent.

Droit de l'enfant à une filiation fondée sur l'altérité sexuelle. En ce qui concerne l'admission d'une filiation doublement maternelle ou doublement paternelle que permettra l'ouverture de l'adoption aux couples homosexuels, le Conseil constitutionnel rappelle, comme il l'a fait à propos de la différence de sexe dans le mariage, que "la tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu'un texte législatif qui la contredit sera contraire à la Constitution qu'autant que cette tradition aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République". Des différentes lois relatives à la filiation, le Conseil constitutionnel ne déduit aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République qui consacrerait le caractère bilinéaire de la filiation fondé sur l'altérité sexuelle. Il considère, en outre, qu'il n'existe aucun principe constitutionnel garantissant le droit de tout enfant de voir sa filiation concurremment établie à l'égard d'un père et d'une mère. Il refuse toutefois, conformément à sa jurisprudence constante, de se prononcer sur l'existence d'une incompatibilité de la filiation à l'égard de deux personnes de même sexe avec les dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant qui n'entre pas dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution.

b. La cohérence du droit de la filiation résultant de la loi nouvelle

Dans sa décision du 17 mai 2013, le Conseil constitutionnel écarte le grief d'inintelligibilité des textes relatifs à la filiation qui résulterait, selon les requérants, des dispositions de la loi nouvelle relatives à la filiation. De nombreux juristes avaient également dénoncé "l'incohérence d'une réforme qui n'irait pas assez loin pour certains et trop loin pour d'autres" (14). Comme le constate le commentaire de la décision aux Cahiers du Conseil constitutionnel (15), "pour répondre aux griefs, le Conseil s'est livré à une lecture explicative du texte dont il était saisi et de son impact sur le droit civil". Selon la décision du Conseil, le fait que les dispositions relatives à la filiation adoptive et ses effets soient applicables aux parents de même sexe comme aux parents de sexe différent, tandis que les dispositions relatives à la filiation dite "charnelle" ne sont applicables qu'aux couples de sexe différent, ne porte pas atteinte ni à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, ni au principe d'égalité.

Procréation médicalement assistée. Le Conseil précise ainsi que ni cet objectif, ni le principe d'égalité n'imposaient qu'en ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe, le législateur modifie la législation relative à la procréation médicalement assistée, les couples formés d'un homme et d'une femme atteints d'une stérilité pathologique étant, au regard de cette question, dans une situation différente de celle des couples de personnes de même sexe. Le Conseil affirme, en outre, que "les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier la portée des dispositions de l'article 16-7 du Code civil (N° Lexbase : L1695ABE) aux termes desquelles : toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle'".

Egalité de droits entre les enfants. Sur ce même terrain de l'égalité, le Conseil constitutionnel considère, en outre, que les dispositions de l'article 6-1 du Code civil ne font pas obstacle à l'application de la règle selon laquelle les enfants adoptés, que leurs parents soient de même sexe ou de sexe différent, bénéficieront des mêmes droits que ceux dont la filiation est légalement établie en application du titre VII du livre 1er du Code civil relatif à la filiation charnelle. En effet, la différence de traitement entre filiation adoptive et filiation charnelle porte sur l'établissement et la contestation de la filiation et non sur ses effets. Comme le relève le Conseil constitutionnel, l'exclusion des couples de même sexe du bénéficie du titre VII est justifiée par le fait que les dispositions de ce titre distingue entre filiation maternelle et filiation paternelle, ce qui par hypothèse est impossible pour un couple de même sexe. Ainsi précise-t-il qu'"en particulier au sein du couple de même sexe la filiation ne peut être établie par la présomption [de paternité] de l'article 312 du Code civil".

Cohérence d'ensemble. L'exclusion du titre VII du livre 1er permet finalement de conserver sa cohérence au droit de la famille résultant de la nouvelle loi. En effet, le Conseil constitutionnel constate, dans son considérant 43, que, "à l'exception des dispositions du titre VII du livre 1er du Code civil, les règles de droit civil, notamment celles relatives à l'autorité parentale, au mariage, aux régimes matrimoniaux et aux successions ne prévoient pas de différence entre l'homme et la femme s'agissant des relations du mariage, des conséquences qui en découlent et des conséquences relatives à l'établissement d'un lien de filiation". Il en déduit logiquement "qu'en prévoyant que le mariage ou la filiation emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe, sans supprimer les références qui dans ces textes désignent les père et mère ou le mari et la femme, l'article 6-1du Code civil ne rend pas ces règles inintelligibles". Le choix finalement opéré par le législateur de ne pas supprimer la référence aux père et mère est ainsi validé par le Conseil constitutionnel. En effet, alors que le projet de loi prévoyait de supprimer la différenciation sexuelle du mariage et de la parenté, dans toutes les dispositions du Code civil qui désignaient les parents (comme les époux, cf. supra) par des termes sexués, le texte final ne procède qu'aux coordinations indispensables dans les dispositions relatives aux actes de l'état civil et consacre dans l'article 6-1, une règle générale d'interprétation et d'application. Par ailleurs, l'article 13 de la loi autorise le Gouvernement, dans les conditions de l'article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L1298A9X) à prendre par voie d'ordonnance les mesures nécessaires pour adapter l'ensemble des dispositions législatives en vigueur à l'exception de celle du Code civil, afin de tirer les conséquences de l'application aux conjoints et parents de même sexe des dispositions applicables aux conjoints et parents de sexe différent.

Ainsi, la nouvelle physionomie du droit français de la filiation qui admet l'accès des couples de même sexe à la seule filiation adoptive à l'exclusion de la filiation dite "charnelle", qui est sans doute un des choix essentiels et les plus discutés du législateur de 2013, est validée par le Conseil constitutionnel, sans aucun doute à juste titre. Elle permet en effet d'ouvrir la voie de l'homoparenté sans, pour l'instant au moins, bouleverser l'ensemble du droit de la filiation, même si force est de constater que ce choix comporte l'inconvénient de favoriser, de fait, les couples de femmes qui auront plus facilement accès à l'homoparenté par la voie de l'adoption de l'enfant du conjoint.

2° Les dispositions relatives aux effets de la filiation

Le Conseil constitutionnel s'est également prononcé sur la question de l'adoption de l'enfant ayant déjà fait l'objet d'une adoption et sur les dispositions relatives au nom de famille.

a. L'adoption d'un enfant ayant déjà fait l'objet d'une adoption

Adoption de l'enfant adopté. Dès la première lecture à l'Assemblée nationale, il était prévu que l'article 345-1 du Code civil (N° Lexbase : L2854ABC) admette l'adoption plénière de l'enfant du conjoint "lorsque l'enfant a fait l'objet d'une adoption plénière par ce conjoint" ; de même, l'article 360 du Code civil (N° Lexbase : L2878AB9) permet que l'enfant ayant fait l'objet d'une adoption plénière ou d'une adoption simple puisse faire l'objet d'une adoption simple de la part du conjoint de l'adoptant. Cette faveur pour l'adoption de l'enfant du conjoint n'est certes pas réservée aux couples homosexuels ; toutefois, comme le fait remarquer le commentaire de la décision aux Cahiers du Conseil constitutionnel, elle devrait faciliter l'accès à l'établissement d'un double lien de filiation à l'égard d'un enfant pour ces couples qui ne peuvent procréer du fait de l'identité de sexe des conjoints. En réponse aux auteurs de la saisine qui prétendaient que la faveur ainsi faite à l'adoption de l'enfant du conjoint portait atteinte au principe d'égalité devant la loi, le Conseil constitutionnel considère qu'"en réservant cette possibilité à l'adoption de l'enfant du conjoint, le législateur a pris en compte, comme il lui était loisible de le faire, la différence entre les adoptions au sein du couple et les autres formes d'adoption". Autrement dit, encore une fois, la différence de situation justifie la différence de traitement. La loi du 17 mars 2013 accentue la spécificité de l'adoption de l'enfant du conjoint, ce qui n'est contraire à aucun principe fondamental et qui constitue une reconnaissance de la place du beau-parent, qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel.

Exercice de l'autorité parentale dans le cadre de l'adoption de l'enfant du conjoint. L'affirmation de l'exercice conjoint automatique de l'autorité parentale par le parent d'origine et l'adoptant dans le cadre de l'adoption de l'enfant du conjoint, instaurée en première lecture par l'Assemblée nationale, a en revanche été supprimée par la Commission des lois du Sénat, et n'a pas été reprise par la suite. Le principe reste, en vertu de l'article 365 alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L3826IR7), l'exercice unilatéral de l'autorité parentale par le parent d'origine et la possibilité d'un exercice en commun par déclaration conjointe avec l'adoptant au greffe du tribunal de grande instance (qui peut désormais être faite par courrier (16)).

Lien de l'enfant avec le conjoint de son parent. Toujours à propos des liens de l'enfant avec le conjoint ou concubin de son parent, le texte définitif consacre les relations avec l'enfant du tiers qui a résidé, de manière stable, avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et avec lequel il a noué des liens affectifs et stables. Toutefois, alors que dans le texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture cette innovation était contenue dans l'article 373-3, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L2906ABA), relatif à l'intervention d'un tiers dans l'autorité parentale, la loi du 17 mai 2013 en a fait une hypothèse particulière de relations entre l'enfant et un tiers dont le juge peut fixer les modalités, et contenue dans l'alinéa 2 de l'article 371-4 (N° Lexbase : L8335HWM), ce qui paraît plus logique (17). La version finale du texte prévoit que le fait de dissimuler au tribunal le maintien des liens entre l'enfant adopté et un tiers, décidé par le juge aux affaires familiales sur le fondement de l'article 371-4 du Code civil, constitue un dol au sens de l'article 353-2 alinéa 1er du Code civil (N° Lexbase : L2871ABX), ce qui permet la tierce opposition à l'encontre du jugement d'adoption. Il s'agit ainsi de permettre au tiers qui a vécu avec l'enfant et son père d'être consulté en cas d'adoption de l'enfant.

b. Le nom de famille

Désaccord des parents. Le nom de famille fait l'objet dans la loi du 17 mars 2013 d'une disposition appelée à s'appliquer à tous les enfants, quelle que soit la nature, adoptive ou non, de leur filiation. Dès le vote en première lecture par l'Assemblée nationale, la modification des règles d'attribution du nom de l'enfant, à l'origine cantonnée à l'enfant adopté, a, en effet, été généralisée. Désormais, lorsque les parents ne seront pas d'accord sur le nom que doit porter l'enfant, ce désaccord étant signalé par l'un d'eux à l'officier de l'état civil, l'enfant prendra le nom des deux parents accolés selon l'ordre alphabétique. Les auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel ont prétendu que la nouvelle rédaction de l'article 311-21 du Code civil modifie "les règles qui prévalent en matière de dévolution du nom de famille pour tenter de trouver une solution à l'établissement de filiations artificielles [sic.]" et qu'elle conduirait à une multiplication des noms de famille doubles et une disparition des noms patronymiques en fin d'alphabet. Même si ce dernier argument n'est pas totalement dénué de pertinence, les effets de la modification des règles de dévolution ne portent atteinte à aucune exigence constitutionnelle. Et si le régime de dévolution du nom est quelque peu différent selon qu'il s'agit d'une adoption ou d'une filiation "charnelle", le Conseil constitutionnel considère qu'elle est rendue nécessaire par la différence entre les formalités relatives à la dévolution du nom de l'enfant dans l'une et l'autre hypothèse.

Nom de l'adopté simple. Conformément à ce que prévoyait à l'origine le projet de loi, l'article 12 de la loi modifie l'article 363 du Code civil (N° Lexbase : L6482DIW) relatif au nom de l'adopté simple et subordonne l'ajout du nom de l'adoptant au consentement de l'adopté, s'il est majeur. Par ailleurs, dans le cadre de l'adoption de l'enfant du conjoint, l'adoptant pourra demander à ce que l'adopté conserve son nom d'origine.


(1) Cons. const., décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013 (N° Lexbase : A4431KDH).
(2) Loi n° 2013-404, JORF n° 0114 du 18 mai 2013, p. 8253, texte n° 3.
(3) Le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes du même sexe a été délibéré en Conseil des ministres le 7 novembre 2012. Il a été adopté par l'Assemblée nationale le 12 février 2013, puis par le Sénat le 12 avril 2013. Il a été adopté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale le 23 avril et soumis le même jour au Conseil constitutionnel par plus de 60 députés et plus de 60 sénateurs.
(4) Ne seront présentées ici que les dispositions qui ont fait l'objet de la décision du Conseil constitutionnel ou celles qui ont été ajoutées ou modifiées après le vote du texte par l'Assemblée nationale en première lecture et que nous avons déjà commentées : nos obs., L'accès des couples homosexuels au mariage et à l'adoption : première étape, Lexbase Hebdo n° 505 du 15 novembre 2012 - édition privée (N° Lexbase : N4458BTB).
(5) Nos obs., art. préc..
(6) L. Sertor, "Non, ils ne peuvent pas !" : D., 2012, p. 1321, réponse publiée par Félix Rome ; L. Candide, Le sexe, le mariage la filiation et les principes supérieurs du droit français, Gaz. Pal., 4 octobre 2012, n° 278, p. 7 ; F.-X Bréchot, La constitutionnalité du "mariage pour tous" en question, JCP éd. G, 2012, 1388 ; contra X. Dupré de Boulois, Le mariage homosexuel et l'agrégée des facultés de droit, Rev. Droits et libertés fondamentaux, 2012, chron. n° 23 ; D. Rousseau, Le "mariage pour tous" relève bien de la compétence du législateur ordinaire, Gaz. Pal., 13 décembre 2012, n° 348, p. 5. Alexandre Viala, "Un PFRLR contre le mariage gay ?", Revue des droits et libertés fondamentaux, 2013, chron. n° 4, 21 janvier 2013.
(7) Cons. const., décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011 (N° Lexbase : A7409GQH), RTDCiv., 2011, p. 326, obs. J. Hauser ; Dr. fam. 2011, comm. n° 32, R. ouedraogo ; AJ fam., 2011 p. 157, obs. F. Chénédé ; nos obs., Mariage et différence de sexe : dura lex sed lex, Lexbase Hebdo n° 429 du 24 février 2011 - édition privée (N° Lexbase : N4960BR7).
(8) H. Fulchiron, Le "mariage pour tous" en droit international privé : le législateur français à la peine..., Dr. fam., 2013, Etude n° 9.
(9) C. civ., nouv. art. 171-9.
(10) Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, art. 13.
(11) Cons. const., décision n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010 (N° Lexbase : A9923GAR) : JCP éd. G, 2010, p. 2158, obs. A. Gouttenoire et Ch. Radé ; RTDCiv., 2010, p. 776, obs. J. Hauser.
(12) Le Conseil constitutionnel avait examiné le grief tiré de l'atteinte à l'intérêt de l'enfant, sur le fondement du dixième aliéna du Préambule de 1946 dans sa décision du 9 novembre 1999 sur la loi relative au PACS : Cons. const., décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au pacte civil de solidarité (N° Lexbase : A8783ACB), cons. 77 et 78.
(13) Toutefois, l'article R. 225-4 du Code de l'action sociale et des familles, alinéa 1er (N° Lexbase : L2993HPK), dispose que "Avant de délivrer l'agrément, le président du conseil général doit s'assurer que les conditions d'accueil offertes par le demandeur sur les plans familial, éducatif et psychologique correspondent aux besoins et à l'intérêt d'un enfant adopté".
(14) Commentaire de la décision sur le site du Conseil constitutionnel qui cite Xavier Labbée, Le mariage homosexuel et l'union civile, JCP éd. G, n° 37, 10 septembre 2012, p. 1642 ; Etienne Dubuisson, Le mariage homosexuel et la place de la nature dans l'Homme, Recueil Dalloz, 15 novembre 2012, n° 39, p. 2618 et s. ; Elodie Mulon, Mariage pour tous, enfants pour tous ?, Gazette du Palais, 2-5 janvier 2013, n° 2 à 5, p. 3 et s. ; Alexis Posez, Le mariage pour tous ou l'impossible égalité, Recueil Dalloz, 15 novembre 2012, n° 39, p. 2616 et s. ; Aude Markovic, Les dommages pour tous du mariage de quelques-uns, Droit de la famille, janvier 2013, p. 18 et s.. ; Jean Hauser, Le projet de loi sur le mariage des personnes de même sexe - Le paradoxe de la tortue d'Achille, JCP éd. G, n° 44-45, 29 octobre 2012, p. 2000.
(15) Site du Conseil constitutionnel.
(16) Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011, relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles (N° Lexbase : L3703IRL).
(17) Nos obs., L'accès des couples homosexuels au mariage et à l'adoption : première étape, art. préc..

newsid:437154

État civil

[Brèves] Acquisition de nationalité : conséquences de l'irrégularité de l'extrait d'acte de naissance étranger

Réf. : Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 12-15.616, F-P+B+I (N° Lexbase : A3198KDS)

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N7138BTK

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Le 23 Mai 2013

L'irrégularité de l'acte de naissance d'un enfant étranger, ne permettant pas une identification certaine, fait obstacle à ce qu'un acte de reconnaissance établi par le père français produise tout effet acquisitif de nationalité ; c'est ce qu'il ressort d'un arrêt rendu le 15 mai 2013 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 12-15.616, F-P+B+I N° Lexbase : A3198KDS). En l'espèce, M. X, se disant né le 31 décembre 1988 à Ambodimanga (Madagascar) de Julia Y, née à Andapa vers 1969, de nationalité malgache, et de Raphaël Z, de nationalité française qui l'avait reconnu le 31 mars 2006 à Saint-Pierre de la Réunion, avait engagé une action déclaratoire pour voir dire qu'il était français par filiation paternelle. Il faisait grief à l'arrêt de rejeter sa demande et de constater son extranéité. En vain. Selon la Haute juridiction, la cour d'appel, qui a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'extrait d'acte de naissance dressé le 4 janvier 1989, produit aux débats par l'intéressé, avait été ajouté a posteriori en fin de registre de l'année 1988, présentait des différences d'écriture et d'encre avec les actes précédents et n'était pas signé par le déclarant et l'officier d'état civil contrairement aux prescriptions de la législation malgache, en a souverainement déduit que l'état civil de M. X, entaché d'irrégularité, ne permettait pas de l'identifier avec certitude, en sorte que la reconnaissance souscrite le 31 mars 2006 par M. Raphaël Z auprès de la mairie de Saint-Pierre de la Réunion ne pouvait produire aucun effet acquisitif de nationalité.

newsid:437138

Filiation

[Brèves] Caractère mensonger d'actes de reconnaissance de paternité

Réf. : Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 11-12.569, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3194KDN)

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N7139BTL

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Le 23 Mai 2013

Dans un arrêt du 15 mai 2013, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer dans une affaire où était soulevé le caractère mensonger d'actes de reconnaissance de paternité (Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 11-12.569, FS-P+B+I N° Lexbase : A3194KDN). En l'espèce, Jackie Z qui était décédé le 25 janvier 2003, s'était marié le 10 octobre 1986 avec Mme Y dont il avait eu trois enfants, J., né le 12 juillet 1981, L., née le 22 juillet 1983 à Madagascar et E., né le 20 février 1992 en Côte d'Ivoire. A l'occasion de la liquidation de sa succession, ceux-ci avaient appris que Jackie Z avait reconnu le 17 décembre 2002 à Epernay deux autres enfants, M. X, né le 13 avril 1985 et A. X, née le 22 décembre 1995, comme étant nés, en Côte d'Ivoire, de ses relations avec Mme X, de nationalité ivoirienne. Estimant que ces deux reconnaissances étaient mensongères, Mme Y, veuve Z, agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de son fils mineur ainsi que sa fille L. avaient assigné, le 11 juillet 2005, Mme X, en son nom personnel et ès qualités ainsi que M. X devant le TGI afin d'obtenir l'annulation de ces actes. Un jugement du 24 juillet 2008 avait annulé les deux actes de reconnaissance litigieux, dit que Jackie Z n'était pas le père de M. et A. et ordonné la mention du jugement sur les actes de reconnaissance annulés et les actes de naissance. Un arrêt avant dire droit avait annulé ce jugement et ordonné une expertise biologique de comparaison entre, d'une part, Mme Y et ses trois enfants, d'autre part, Mme X et ses deux enfants afin de déterminer si Jackie Z était susceptible d'être le père de M et A. Les consorts X faisaient grief à l'arrêt d'annuler les deux actes de reconnaissance souscrits le 17 décembre 2002 à Epernay. En vain. En premier lieu, la Haute juridiction retient qu'étant saisie d'une action en contestation de reconnaissance de paternité de chacun des enfants, la cour d'appel n'avait pas à faire application de l'article 311-14 du Code civil (N° Lexbase : L8858G9X), partant à rechercher si cette action était ouverte par la loi personnelle de la mère de ceux-ci. En second lieu, selon la Cour suprême, ayant relevé, d'abord, que les consorts X ne s'étaient pas présentés aux opérations d'expertise biologique, puis que Jackie Z qui était décédé le 25 janvier 2003 s'était marié le 10 octobre 1986 avec Mme Y dont il avait eu trois enfants avant de s'en séparer en 1997 pour partir en Côte d'Ivoire dont il était revenu en 2000 accompagné de Mme X, enfin, qu'il avait été en fonction en Côte d'Ivoire entre le 6 juin 1984 et le 31 mai 1985 et avait été affecté à Montpellier où il avait travaillé entre le 26 septembre 1994 et le 26 septembre 1996, la cour d'appel a estimé qu'il convenait de déduire de la défaillance des consorts X ajoutée à ces autres éléments de preuve qui lui étaient ainsi soumis que Jackie Z n'était pas le père de M. et A. et que les reconnaissances litigieuses étaient mensongères.

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Justice

[Evénement] La problématique de l'homologation des accords ou titres issus de la médiation dans le cadre de l'Union européenne - Compte-rendu de la réunion de la Commission ouverte Médiation du barreau de Paris du 23 avril 2013

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N7104BTB

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par Vincent Téchené, rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 23 Mai 2013

La Commission ouverte Médiation du barreau de Paris a tenu, le 23 avril 2013, une réunion sous la responsabilité de Maître Michèle Jaudel, avocat au barreau de Paris et déléguée du Bâtonnier à la médiation, qui a animé les débats. Lors d'un précédent colloque, qui s'était tenu le 25 octobre 2012, intitulé "Génération médiation - La justice change et vous ?", Jacques Biancarelli, conseiller d'Etat, délégué au droit européen, avait fait part de ses réflexions sur les problèmes soulevés par l'homologation de l'accord de médiation dans le cadre de l'Union européenne. Il avait alors identifié dix questions essentielles auxquelles il avait invité l'assistance à réfléchir. C'est donc pour tenter d'y répondre que Maître Jaudel a choisi comme thème de la conférence du 23 avril 2013 : "La problématique de l'homologation des accords ou titres issus de la médiation dans le cadre de l'Union européenne : transaction, accord de médiation, protocole d'accord et homologation par le juge en droit national et transfrontalier". Sont intervenus au cours de cette réunion deux éminents spécialistes de ces questions : Jacques Biancarelli et Catherine Chadelat, tous deux conseillers d'Etat. Les éditions juridiques Lexbase, présentes à cet évènement, vous proposent un compte-rendu des échanges qui s'y sont tenus, après un rappel des questions que Jacques Biancarelli avait posées lors de son allocution du 25 octobre 2012. 1 - Les questions posées par Jacques Biancarelli, lors de son intervention du 25 octobre 2012

Les 10 questions posées par Jacques Biancarelli étaient les suivantes :

1° Quelle est la marge d'appréciation d'un juge de l'Union européenne auquel il est demandé d'homologuer un titre ou un accord issu du processus de médiation qui s'est déroulé sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne : s'agit-il d'un simple coup de tampon ou, au contraire le juge homologateur peut-il exercer un certain contrôle sur l'accord et si oui jusqu'à quel point ?

2° Quelle est la portée exacte du syntagme qui figure à l'article 1er de la Directive 2008/52 (Directive du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale N° Lexbase : L2513IRI) et qui exclut la médiation des droits et obligations des parties dont elles ne peuvent disposer en vertu de la législation nationale applicable : s'agit-il de ce que l'on appelle, en droit français, les dispositions d'ordre public ou bien s'agit-il d'une autre acception plus étroite ou plus large de ce terme ?

3° Bien que la médiation soit interdite en droit pénal, le règlement de certains litiges en matière civile et commerciale peut dépendre du régime d'admissibilité de la preuve. A cet égard il existe une différence substantielle entre la majorité des Etats membre dont le système repose sur le droit romano-germanique et où prévaut le principe de liberté de la preuve, et les Etats membres de Common law. Dès lors, un juge peut-il refuser d'homologuer un accord de médiation au motif que les éléments de preuve qui ont permis d'y aboutir seraient considérés par lui comme non-admissibles ou non-recevables ?

4° Le juge de l'homologation pourrait-il exiger, avant de statuer, la communication de l'entier dossier du processus de médiation et comment, alors, garantir "effectivement" la confidentialité qui doit s'attacher à toute médiation ?

5° Comment s'opère l'articulation entre les titres ou accords issus d'un processus de méditation et le droit international privé et les Règlements européens dits "Rome I" (Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles N° Lexbase : L7493IAR et "Rome II" (Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles N° Lexbase : L0928HYZ) sur les obligations contractuelles et sur les obligations non-contractuelles ?

6° Quel est le bilan de l'application effective de la procédure participative ? Les Etats membres de l'Union ont-ils tous adopté cette procédure ? Est-elle plus efficace que les modes alternatifs de règlement des litiges plus anciens tels que la médiation ?

7° Le Code de conduite européen de mai 2004 a-t-il été actualisé et en quoi le code français de déontologie de la médiation tel que présenté publiquement le 5 février 2009 et la charte française de médiation de 2011 en diffèrent-ils ? Il y a-t'il une harmonisation suffisante en matière de déontologie ?

8° Quelles sont les solutions retenues par les autres Etats membres de contrôle de la qualité de la médiation ? Existe-t-il des procédures spécifiques, peut-être plus exigeantes, plus rigoureuses, pour le contrôle des médiations dites transfrontalières ?

9° Les dispositions en matière de recours effectif à la médiation, et notamment les exigences figurant en bas de la Directive 2008/52 sur la mise à disposition de moyens pour contacter concrètement des médiateurs et organismes de médiation, ont-elles été suivies d'effets ?

10° Les dispositions de l'article 10 de la Directive 2008/52 qui impose une obligation à la Commission européenne de mettre à la disposition du public des informations qui lui sont régulièrement transmises par les Etats membres ont-elles été respectées ?

2 - Les réponses apportées par Jacques Biancarelli et Catherine Chadelat

2.1 - Les incertitudes entourant la notion d'homologation

Dans ses propos liminaires, Catherine Chadelat avoue être partagée en ce qui concerne les effets du recours à la médiation car si la France est un pays pionnier en la matière, elle relève, en même temps, un manque réel d'attention de la part de certains acteurs de premiers plans. Les ambitions de la France ont été quelque peu déçues, les résultats obtenus dans le cadre de la Directive 2008/52 dont la France est à l'origine n'étant pas à la hauteur des efforts déployés, en raison du barrage de certains Etats membres. Au-delà de ce constat général, l'homologation, qui est au centre même du processus de médiation et qui est une condition du succès de ce mode alternatif de règlement des litiges car elle vient sécuriser l'accord, soulève de nombreuses interrogations. La notion même d'homologation est pleine d'incertitudes.

Ainsi, Catherine Chadelat estime, en ce qui concerne les litiges transfrontaliers, que l'article 6 de la Directive interpelle tout particulièrement. En effet, aux termes de ce dernier, le contenu d'un accord de médiation est rendu exécutoire, sauf si, en l'espèce, ce contenu est contraire au droit de l'Etat membre dans lequel la demande est formulée. Or, qu'est ce que le droit de l'Etat membre ? Doit-on considérer qu'il s'agit du noyau dur de l'Etat membre, qui est à peu près commun à l'ensemble des Etats démocratiques occidentaux et qui s'apparente à l'ordre public, ou que cette notion est plus vaste et regroupe un ensemble de règles matérielles, auquel cas les litiges transfrontaliers se trouvent face à une très grande incertitude quant à l'homologation de l'accord ?

En outre, la doctrine, par ses prises de positions très diverses sur le sujet, crée une véritable insécurité juridique. Si pour certains l'homologation n'est qu'un instrument rapide limité au contrôle de la légalité, pour d'autres l'office du juge homologateur doit aller au-delà. D'ailleurs dans l'avant-projet de loi "consommation" qui introduit entre autres l'action de groupe en France (ndlr : le texte a depuis été présenté en Conseil des ministres), un article prévoit que tout accord négocié au nom du groupe est soumis à l'homologation du juge, qui vérifie qu'il est conforme aux intérêts des consommateurs susceptibles d'y appartenir. Quel est dès lors l'intérêt du mécanisme de médiation, si dans le cadre de sa mission d'homologation, le juge revient sur le fond de l'affaire ?

En effet, pour Catherine Chadelat, le juge de l'homologation doit uniquement effectuer un contrôle de la légalité interne et externe de l'accord et non de son opportunité : il doit s'assurer, notamment, que la matière dans laquelle l'accord est intervenu n'est pas indisponible, que ce dernier n'est pas contraire à l'ordre public, que les garanties procédurales du contradictoire ont bien été respectées. Il est donc essentiel que le juge n'aille pas dans le fond du litige car de cela dépend la réussite de la médiation conventionnelle et judiciaire, et de sa compétitivité face à la "médiation maison".

Comme le rappelle Maître Michèle Jaudel, l'article 1534 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8349IRN) prévoit que la demande tendant à l'homologation de l'accord issu de la médiation est présentée au juge par requête de l'ensemble des parties à la médiation ou de l'une d'elles, avec l'accord exprès des autres. Il ressort, toutefois, qu'en pratique l'homologation est très rarement demandée et que le juge, dans bien des cas, limite son rôle à celui d'un bureau d'enregistrement. La rareté des cas dans lesquels l'homologation est demandée s'explique par plusieurs facteurs : d'abord, à moins que l'accord contienne une exécution successive, l'exécution de l'accord est concomitante à l'accord lui-même ; ensuite, l'exécution apparaît consubstantielle à la médiation. En effet, ce processus et l'accord qui en est issu supposent et permettent aux parties qui ont un différend de renouer le dialogue et de reprendre des relations qui ont été rompues. L'inexécution volontaire de l'accord de médiation annulerait donc tous les efforts accomplis par les parties.

2.2 - Marge d'appréciation du juge de l'homologation et articulation entre les titres ou accords issus d'un processus de méditation et le droit international privé

Jacques Biancarelli, pour répondre aux questions qu'il avait posées lors de son intervention du 25 octobre 2012, regroupe, d'abord, les questions 1° et 5°.

Questions

Quelle est la marge d'appréciation d'un juge de l'Union européenne auquel il est demandé d'homologuer un titre ou un accord issu du processus de médiation qui s'est déroulé sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne : s'agit-il d'un simple coup de tampon ou, au contraire le juge homologateur peut-il exercer un certain contrôle sur l'accord et si oui jusqu'à quel point ?

Comment s'opère l'articulation entre les titres ou accords issus d'un processus de méditation et le droit international privé et les Règlements européens dits "Rome I" (Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles) et "Rome II" (Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles) sur les obligations contractuelles et sur les obligations non-contractuelles ?

Réponse

L'article 6 de la Directive 2008/52 offre la possibilité aux parties de demander à une juridiction ou à une autre autorité compétente que leur accord issu d'une médiation soit rendu exécutoire. La seconde phrase du paragraphe 2 de cet article ajoute que cet accord est rendu exécutoire sauf si en l'espèce, soit ce contenu est contraire au droit de l'Etat membre dans lequel la demande est formulée, soit le droit de cet Etat membre ne prévoit pas la possibilité de le rendre exécutoire. Selon Jacques Biancarelli, il ressort de cette disposition que le rôle du juge ne peut en aucun cas s'analyser comme un rôle purement mécanique. En effet, lorsque les parties présenteront leur titre issu du processus de médiation qui s'est déroulé sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne, le juge saisi devra analyser le contenu des titres à l'aune de son droit national. Si celui-ci est conforme, le juge sera alors tenu d'homologuer.

Plus délicate est la question de la reconnaissance dans un Etat membre d'un jugement d'homologation prononcé dans un autre Etat membre. La réponse à cette question se trouve en fait dans le Règlement "Bruxelles I" (Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale N° Lexbase : L7541A8S) qui prévoit que les décisions rendues dans un Etat membre sont reconnues dans les autres Etats membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure (article 33). La doctrine très majoritaire estime qu'il convient d'entendre par décision, toute décision rendue par une juridiction d'un Etat membre, quelle que soit sa dénomination, arrêt, jugement, ordonnance, mandat d'exécution... A ce stade aucune révision sur le fond par le juge en charge de la reconnaissance de la décision n'est possible.

Finalement la marge de manoeuvre du juge de l'homologation est limitée ; il n'a pas, et c'est heureux, à vérifier le fond du différend.

Toutefois, le Règlement "Bruxelles I" prévoit quatre hypothèses dans lesquelles une décision étrangère ne pourra être homologuée (article 34) :

- la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat membre requis ;

- l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu'il puisse se défendre, à moins qu'il n'ait pas exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de le faire ;

- elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'Etat membre requis ;

- elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre Etat membre ou dans un Etat tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'Etat membre requis.

2.3 - Exclusion de la médiation dans certains domaines et régime d'admissibilité de la preuve

Jacques Biancarelli regroupe ensuite les questions 2° et 3°

Questions

Quelle est la portée exacte du syntagme qui figure à l'article 1er de la Directive 2008/52 (Directive du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale) et qui exclut la médiation des droits et obligations des parties dont elles ne peuvent disposer en vertu de la législation nationale applicable : s'agit-il de ce que l'on appelle, en droit français, les dispositions d'ordre public ou bien s'agit-il d'une autre acception plus étroite ou plus large de ce terme ?

Bien que la médiation soit interdite en droit pénal, le règlement de certains litiges en matière civile et commerciale peut dépendre du régime d'admissibilité de la preuve. A cet égard il existe une différence substantielle entre la majorité des Etats membre dont le système repose sur le droit romano-germanique et où prévaut le principe de liberté de la preuve, et les Etats membres de Common law. Dès lors, un juge peut-il refuser d'homologuer un accord de médiation au motif que les éléments de preuve qui ont permis d'y aboutir seraient considérés par lui comme non-admissibles ou non-recevables ?

Réponse

L'article 1er de la Directive 2008/52, relatif à l'objet et au champ d'application de celle-ci, prévoit dans son paragraphe 2 qu'elle s'applique dans les litiges relatifs aux matières civiles et commerciales. Mais à l'initiative du Conseil européenne (position commune du 28 février 2007) une exception a été ajoutée, de sorte que la médiation ne s'applique pas aux droits et obligations dont les parties ne peuvent disposer en vertu de la législation pertinente applicable. L'on se retrouve alors sur l'épineuse question qui consiste à savoir ce que sont les droits et obligation dont une personne dispose librement. La doctrine s'accorde à dire que les droits disponibles recouvrent les droits patrimoniaux (responsabilité, contrats, succession...) et les droits indisponibles, les droits extrapatrimoniaux (état des personnes et capacité, filiation, statut personnel sans compter l'ensemble des dispositions d'ordre public au sens strict du terme). Le considérant 10 de la Directive précise que les droits et obligations dont les parties ne peuvent disposer par elles-mêmes sont particulièrement fréquents en droit de la famille et en droit du travail.

Finalement cette question sera réglée par les règles de conflit de lois : quelle règle de conflit de loi sera mise en oeuvre pour déterminer si un droit est indisponible ou non et donc savoir si la médiation peut non porter sur cette matière ? La règle de conflit de loi adéquate qui déterminera la législation pertinente. Ainsi deux hypothèses peuvent se présenter pour qualifier les droits et obligations en cause :

- soit sera utilisée la lex fori (la loi du for saisi) si l'on considère qu'il s'agit d'une question de procédure ;

- soit sera utilisée la lex causae si l'on considère qu'il s'agit d'une question de fond.

En droit international privé, la Cour de cassation a toujours jugé que pour déterminer le caractère disponible ou indisponible d'un droit ou d'une obligation, il faut se référer à la loi du for (Cass. civ. 1, 26 mai 1999, n° 96-16.361 N° Lexbase : A5080AW3).

Pour savoir si le juge d'un Etat membre pourrait s'opposer à une homologation en invoquant une divergence entre les dispositions d'ordre public de l'Etat membre dans lequel il exerce ses fonctions et celles prévalant dans l'Etat membre où le processus de médiation a été conduit, l'article 6 de la Directive 2008/52 prévoit cette éventualité, dans la mesure où il dispose que l'accord de médiation est rendu exécutoire sauf si en l'espèce, soit ce contenu est contraire au droit de l'Etat membre dans lequel la demande est formulée. Quant à la marge de manoeuvre et au degré d'appréciation laissé au juge, il est, en l'absence de précédent, délicat d'y répondre. Toutefois, pour Jacques Biancarelli, doit ici prévaloir une interprétation téléologique, comme le fait traditionnellement la CJUE afin d'assurer ainsi l'effectivité de la Directive. Ainsi, un juge ne pourra refuser l'homologation d'un titre ou d'un accord de médiation qu'à la condition que son contenu soit manifestement contraire à une disposition d'ordre public entendu comme des principes de justice universels considérés dans l'opinion publique comme dotés d'une valeur absolue. A défaut la Directive perdrait son sens et sa portée.

Ces principes sont également valables concernant l'admissibilité de la preuve.

2.3 - Communication du dossier de médiation et confidentialité du processus

Jacques Biancarelli apporte ensuite une réponse à la question 4.

Question

Le juge de l'homologation pourrait-il exiger, avant de statuer, la communication de l'entier dossier du processus de médiation et comment, alors, garantir "effectivement" la confidentialité qui doit s'attacher à toute médiation ?

Réponse

Le juge de l'homologation ne pourrait pas, en principe exiger la communication de l'entier dossier du processus de médiation, avant de statuer sur la médiation.

Si l'accord de médiation a déjà été homologué par le juge de l'Etat membre d'origine, le juge de l'Etat membre requis n'a pas à demander la communication du dossier dès lors que la contrariété à l'ordre public s'identifie à la seule lecture de l'accord lui-même.

Si l'accord de médiation n'a pas été préalablement homologué et que les deux parties, ou l'une d'elle avec l'accord de l'autre, demandent l'homologation au juge d'un autre Etat membre que celui sur le territoire duquel le processus a été conduit, le juge requis ne pourrait demander la communication de l'entier dossier que pour des raisons d'ordre public ou pour la mise à exécution de cet accord. Dans ces deux cas, le juge semble pouvoir refuser l'homologation si la communication n'est pas effectuée, dès lors que la transmission est nécessaire à une pleine et entière homologation.

En ce qui concerne les éléments sensibles du dossier, notamment dans le cadre des médiations commerciales dans lesquelles peuvent être révélées des données tenant au secret des affaires (parts de marchés, brevets, stratégie commerciale,...), il convient de procéder comme devant les juridictions de l'Union européenne qui, depuis 1995, considèrent qu'il appartient aux avocats de chacune des parties d'indiquer au juge les données qu'il y a lieu de "caviarder", en cas de communication à l'audience. En effet ce qui est applicable au juge statuant au contentieux est applicable mutadis mutandis au juge saisi du processus de médiation. La confidentialité est un élément essentiel de ce MARL, qu'il convient de préserver.

Sur ce point Catherine Chadelat relève que l'article 7 de la Directive 2008/52 prévoit que la médiation doit être menée de manière à préserver la confidentialité et que sauf accord contraire des parties, ni le médiateur ni les personnes participant à l'administration du processus de médiation ne sont tenus de produire, dans une procédure judiciaire civile ou commerciale ou lors d'un arbitrage, des preuves concernant les informations résultant d'un processus de médiation ou en relation avec celui-ci. Cela vise notamment, les propos échangés et les déclarations recueillis. Toutefois, il existe des réserves, en particulier lorsque la divulgation du contenu de l'accord issu de la médiation est nécessaire pour mettre en oeuvre ou pour exécuter ledit accord, ce qui vise assurément son homologation. Néanmoins, la nécessité d'une transmission des pièces pour l'homologation ne devrait être que très marginale, selon Catherine Chadelat.

D'ailleurs, Jacques Biancarelli ajoute que le juge homologateur qui se permettrait de reprendre l'entier dossier pour rejuger en quelque sorte le fond de l'affaire ayant abouti à l'accord commettrait un détournement de procédure.

***

En guise de propos conclusifs, Jacques Biancarelli avoue être frappé par le décalage entre le discours et la réalité. Si les autorités publiques manifestent un grand intérêt pour les modes alternatifs de règlements des litiges, un constat d'inaction s'impose : l'ordonnance transposant la Directive 2008/52 n'est toujours pas ratifié, ce qui a pour conséquence, comme le rappelle Catherine Chadelat, de conférer à ses dispositions une simple valeur réglementaire ; la Chancellerie ne s'est dotée d'aucun outil statistique pour évaluer les requêtes en homologation et d'en tirer un bilan ; le SGG devait ouvrir un site internet permettant à tous les médiateurs de fédérer leurs actions par domaine de médiation, mais rien n'a été fait ; la France n'a jamais envoyé, comme elle devait le faire, les autorités compétentes correspondantes. Le désintérêt manifeste des pouvoirs publics est fort décevant quand l'on sait que la médiation est un outil qui permet d'économiser des deniers publics, d'accélérer le cours des procédures, de désengorger les prétoires. Pour Jacques Biancarelli, le fait que les médiateurs soient dispersés en un nombre très important d'associations ne favorise pas les choses. Fédérer ces associations, faire des propositions concrètes à la Chancellerie pour faire avancer les choses, tels sont les principaux objectifs que s'est assignée la Commission ouverte Médiation du barreau de Paris comme l'a rappelé, sa responsable, Michèle Jaudel, également Déléguée du Bâtonnier à la médiation au barreau de Paris, lequel a décrété l'année 2013, année de la médiation !

A l'issue de cette réunion, Monsieur le Conseiller Jacques Biancarelli a transmis son document de travail, que nous reproduisons in extenso : cf. .

newsid:437104

Contrats et obligations

[Brèves] Condition de mise en oeuvre de l'action paulienne

Réf. : Cass. civ. 1, 16 mai 2003, n° 12-13.637, F-P+B+I (N° Lexbase : A5067KDZ)

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N7142BTP

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Le 23 Mai 2013

Par un arrêt rendu le 16 mai 2013, la première chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à rappeler que la mise en oeuvre de l'action paulienne suppose que le créancier dispose d'un principe certain de créance avant l'intervention de l'acte argué de fraude, mettant ainsi en exergue l'une des principales conditions d'application des dispositions de l'article 1167 du Code civil (N° Lexbase : L1269ABM) (Cass. civ. 1, 16 mai 2003, n° 12-13.637, F-P+B+I N° Lexbase : A5067KDZ). En l'espèce, par lettre du 7 mars 2006, de ce que la direction de contrôle fiscal Ile de France Est allait, à l'occasion de la vérification de la comptabilité de la société S. dont M. X était le gérant et l'associé, procéder à un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle pour les années 2003 et 2004, les époux X avaient, suivant acte notarié du 15 juin 2006, consenti à leurs sept enfants une donation partage portant sur la nue-propriété d'un immeuble leur appartenant ; le trésorier de Melun, aux droits duquel se trouvait le comptable du service des impôts des particuliers de Melun ville, les avait assignés, ainsi que leurs enfants, sur le fondement de l'article 1167 du Code civil, en inopposabilité de l'acte de donation-partage. Pour accueillir cette demande, la cour d'appel avait retenu que le fait générateur de la créance fiscale réclamée aux époux X étant la perception de revenus pour les années 2003 et 2004, le Trésor public pouvait se prévaloir, antérieurement à l'acte de donation critiquée, d'une créance certaine en son principe puisque, d'une part, il avait mis en évidence, à la suite de la vérification de la situation fiscale de la société S., l'existence de revenus sociaux non mis en réserve ou incorporés au capital et qui, à ce titre, constituaient des revenus des associés et que, d'autre part, il existait des sommes portées sur les comptes bancaires des époux X dont l'origine était indéterminée. La décision est censurée par la Cour suprême, qui retient qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, les époux X avaient saisi les juridictions administratives d'une contestation de leur dette fiscale, en sorte que celle ci ne pouvait, au moment où elle statuait, être considérée comme certaine, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

newsid:437142

Pénal

[Brèves] Exécution des peines et recevabilité d'une demande de libération conditionnelle : qualification du récidiviste

Réf. : Cass. crim., 15 mai 2013, n° 13-82.623, F-P+B (N° Lexbase : A5100KDA)

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N7189BTG

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Le 23 Mai 2013

Il se déduit de la combinaison des articles 729, alinéa 3 (N° Lexbase : L6401ISU) et D. 150-2 (N° Lexbase : L8063G7R) du Code de procédure pénale que, lorsque plusieurs peines doivent être exécutées, est considéré comme récidiviste, pour la détermination du temps d'épreuve conditionnant la recevabilité d'une demande de libération conditionnelle, le condamné dont la peine prononcée pour des faits commis en récidive n'a pas encore été totalement exécutée. Telle est la solution énoncée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 15 mai 2013 (Cass. crim., 15 mai 2013, n° 13-82.623, F-P+B N° Lexbase : A5100KDA ; cf. l’Ouvrage "Droit pénal général" N° Lexbase : E9787EWE). En l'espèce, devant subir, du 26 septembre 2012 au 26 juillet 2013, la partie sans sursis d'une peine de trois ans d'emprisonnement, dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, prononcée par le tribunal correctionnel de Saintes, le 26 septembre 2012, pour vol aggravé en récidive, puis, du 26 juillet 2013 au 21 février 2014, trois peines d'un mois, trois mois et cinq mois d'emprisonnement prononcées, par jugement du tribunal correctionnel de Rochefort en date du 2 septembre 2008 et par jugements du tribunal correctionnel de Saintes en date des 18 septembre 2008 et 10 avril 2009, pour des délits n'ayant pas été commis en récidive, M. X a présenté, le 16 octobre 2012, une demande de placement sous surveillance électronique à laquelle il a, par la suite, substitué une demande de libération conditionnelle. Par jugement en date du 29 janvier 2013, le juge de l'application des peines l'a admis au bénéfice de la libération conditionnelle à partir du 19 avril 2013 et le procureur de la République a interjeté appel de cette décision. Pour confirmer le jugement, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que M. X peut prétendre à la libération conditionnelle à compter du 28 mars 2013. Or telle n'est pas la position de la Cour suprême qui censure l'arrêt au visa du principe précité : en prononçant ainsi, alors qu'à la date du 19 avril 2013, la peine prononcée pour des faits commis en état de récidive légale demeurait en cours d'exécution, et que la durée des peines accomplies par le condamné n'était pas au moins égale au double de la durée de celles restant à subir, l'ensemble desdites peines devant être considéré comme une peine unique pour l'application des dispositions relatives à la libération conditionnelle, la chambre de l'application des peines a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.

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Presse

[Brèves] Diffamation constituée par la publication d'écrits consistant dans le rappel de condamnations amnistiées

Réf. : Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-19.783, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5097KD7)

Lecture: 2 min

N7136BTH

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Le 23 Mai 2013

La publication d'écrits consistant dans le rappel de condamnations amnistiées est constitutive de diffamation. C'est ce qu'il ressort d'un arrêt rendu le 16 mai 2013 par la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-19.783, FS-P+B+I N° Lexbase : A5097KD7). En l'espèce, en décembre 2009, avaient été mis en ligne sur plusieurs sites internet différents articles diffusant une ancienne coupure de presse du journal "Le Petit Varois" du 11 novembre 1965 mettant en cause M. X et M. A. Dans le numéro de "Var Matin" daté du 5 décembre 2009, avait été publié un article faisant état de ces informations circulant sur le Web, dans lequel il était expliqué que "les deux compères s'étaient fait remarquer durant ce fameux été 1965 pour une affaire de siphonnage et plusieurs vols" et qu'ils avaient été condamnés par le tribunal correctionnel à un an de prison avec sursis et trois ans de mise à l'épreuve. M. X estimant ces propos attentatoires à son honneur et à sa considération avait fait assigner, le 10 février 2010, la société de presse, et le directeur de publication du journal "Var-Matin", aux fins de les voir condamnés pour diffamation publique envers un particulier. Pour accorder le bénéfice de la bonne foi aux auteurs de la diffamation, la cour d'appel avait estimé qu'il était légitime, pour les journalistes, de rendre compte à leurs lecteurs, d'un fait d'actualité, à savoir les nombreux articles, circulant sur des sites internet, relatifs aux agissements, dans leur jeunesse, de deux hommes publics, ayant obtenu par la suite des mandats municipaux et législatifs, puis exercé des fonctions ministérielles, que l'animosité personnelle n'était pas établie, qu'étaient produits des articles relatifs aux faits précités de 1965, ayant été diffusés sur cinq sites internet différents ainsi que des articles publiés dans "Le Petit Varois" et "Nice Matin" au sujet desquels n'était versée aucune pièce permettant d'en contester l'authenticité, qu'ils disposaient dès lors d'une base factuelle suffisante, qu'ils avaient interrogé des membres du cabinet de la victime et recueilli leur commentaire, que le ton de l'article était plutôt humoristique et bienveillant à l'égard de l'intéressé et de son camarade, rappelant que les faits avaient été amnistiés et précisant que "la prescription l'emporte pour ces faits datant de plus de 40 ans". Mais, selon la Cour suprême, si la circonstance que les écrits incriminés avaient eu pour objet de porter à la connaissance du public les agissements dans leur jeunesse de deux hommes politiques pouvait justifier, en cas de bonne foi de leur auteur, la diffamation, il ne saurait en être ainsi, sauf à violer l'article 10, alinéa 2, de la CESDH (N° Lexbase : L4743AQQ), ensemble les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7589AIW), lorsqu'elle consiste dans le rappel de condamnations amnistiées, lequel est interdit sous peine de sanction pénale.

newsid:437136

Droit privé général

[Brèves] Code de la consommation, Code du sport : abrogation de textes caducs, correction d'erreurs matérielles et modifications tendant à favoriser l'intelligibilité du droit

Réf. : Décret n° 2013-396 du 13 mai 2013 portant modification de décrets pris en application du livre II du Code de la consommation et du Code du sport (N° Lexbase : L7756IW8)

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N7158BTB

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Le 23 Mai 2013

A été publié au Journal officiel du 15 mai 2013, le décret n° 2013-396 du 13 mai 2013 portant modification de décrets pris en application du livre II du Code de la consommation et du Code du sport (N° Lexbase : L7756IW8).

newsid:437158

Procédure

[Brèves] De l'obligation de motivation de la décision de refus d'inscription d'un expert sur la liste dressée par une cour d'appel

Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, 2 arrêts, n° 12-60.632 (N° Lexbase : A5317KDB) et n° 13-60.047 (N° Lexbase : A5444KDY), F-P+B

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N7153BT4

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Le 23 Mai 2013

Il résulte de l'article 2, IV de la loi du 29 juin 1971, telle que modifiée par la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 (N° Lexbase : L6318ISS), que la décision de refus d'inscription d'un expert sur la liste dressée par une cour d'appel doit être motivée. Telle est la solution qui se dégage de deux arrêts rendus le 16 mai 2013, par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 16 mai 2013, 2 arrêts, n° 12-60.632 N° Lexbase : A5317KDB et n° 13-60.047 N° Lexbase : A5444KDY, F-P+B). En l'espèce, les experts avaient sollicité leur inscription initiale sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Chambéry dans la rubrique interprétariat-traduction. L'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel avaient rejeté leur demande. Les experts avaient formé un recours contre cette décision. Pour accueillir leur demande, la Cour de cassation relève que les procès-verbaux des assemblées générales ayant refusé les demandes d'inscription ne comportaient aucune motivation, les mentions figurant sur la lettre de notification de la décision ne pouvant suppléer cette absence de motivation ; il s'ensuit que les décisions attaquées devaient être annulées en ce qui concernait les intéressés.

newsid:437153

Procédure civile

[Jurisprudence] Prescription extinctive : deux applications de la loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile

Réf. : Cass. com., 3 avril 2013, n° 12-15.492, F-P+B (N° Lexbase : A6369KBI) ; Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.193, F-P+B+I (N° Lexbase : A9962KBL)

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N7102BT9

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par Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble, membre de l'Institut universitaire de France

Le 23 Mai 2013

La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 (N° Lexbase : L9102H3I) a réformé la prescription civile en unifiant un certain nombre de règles et principes issus de la jurisprudence. Les premières décisions faisant application de cette réforme arrivent devant la Cour de cassation et permettent à la Haute juridiction d'expliciter les termes de la loi et parfois d'y apporter des précisions. Les arrêts commentés ci-dessous abordent deux questions importantes relatives à la mise en oeuvre de cette loi. La première concerne l'application dans le temps des nouveaux délais de prescription. La loi du 17 juin 2008 a raccourci plusieurs délais de prescriptions. C'est le cas du délai de droit commun, qui passe de 30 à 5 ans, mais également du délai de prescription en matière commerciale, qui passe de 10 à 5 ans. Cette réduction des délais pose des difficultés d'application de la loi dans le temps, lorsque le point de départ de la prescription se situe avant l'entrée en vigueur de la loi. La seconde décision concerne la computation des délais et particulièrement l'interruption de la prescription. L'arrêt commenté aborde la question de l'impact des incidents d'instance sur l'interruption de la prescription. 1. Application dans le temps d'un nouveau délai de prescription réduit

Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt de la Chambre commerciale du 3 avril 2013 (Cass. com., 3 avril 2013, n° 12-15.492, F-P+B), le litige portait sur un bail commercial. L'une des parties agissait en responsabilité contre son cocontractant pour "détournement du droit au bail". Selon la cour d'appel, les faits qui constituaient le point de départ de la prescription se situaient en 2002 et 2003 et l'assignation interruptive de prescription était intervenue le 30 juillet 2009, soit plus de 5 années après.

En matière commerciale, la prescription extinctive était de 10 années jusqu'à la loi du 17 juin 2008, qui a procédé à une harmonisation des délais et diminué la prescription commerciale à 5 ans (1). La question de l'application dans le temps du nouveau délai se posait donc ici, puisque le fait générateur de responsabilité était antérieur à la loi nouvelle, mais que l'assignation était postérieure. Si l'on appliquait l'ancien délai (10 ans), la prescription n'était pas acquise au jour de l'assignation, mais la solution était inverse si l'on appliquait le nouveau délai (5 ans).

La cour d'appel avait opté pour le nouveau délai de 5 ans, en faisant ainsi une application immédiate de la loi nouvelle. Mais elle omettait de tenir compte des principes d'application de la loi dans le temps prévus depuis 2008 par le Code civil (2). L'article 2222 du Code civil (N° Lexbase : L7186IAE) aménage deux mécanismes d'application dans le temps des lois qui modifient un délai de prescription, selon que le délai est allongé ou réduit. L'alinéa 2 prévoit, ainsi, qu'"en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure".

La formule est complexe et tout l'intérêt de l'arrêt commenté réside précisément dans la mise en oeuvre de cette disposition. S'agissant du cas d'espèce, l'article 2222, alinéa 2, prévoit que l'ancien délai de 10 ans court avant l'entrée en vigueur de la loi (2008) et que le nouveau délai de 5 ans court à compter de cette entrée en vigueur. Toutefois, il est interdit d'additionner ces deux délais. En effet, l'article 2222, alinéa 2, précise que la durée totale de prescription ne peut excéder la durée de l'ancienne prescription (donc 10 ans).

Dans l'espèce étudiée, les faits qui ont donné naissance à la dette de responsabilité se sont déroulés au plus tard en 2003. Le délai de 10 ans a couru jusqu'en 2008 et lors de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la prescription n'était pas échue. A partir de 2008, un nouveau délai de 5 ans a couru et ce délai devait respecter la durée maximale de l'ancien délai (10 ans). Ce qui signifiait que la prescription était échue en 2013, comme on peut le montrer à travers un schéma.

Dans l'espèce étudiée, la cour d'appel avait, à tort, appliqué le délai de 5 ans dès le point de départ de la prescription en 2003 et constaté que la prescription était échue en 2009 (date de l'assignation). Cet arrêt est censuré au visa de l'article 2222 du Code civil (3) et la Cour de cassation affirme simplement "qu'en statuant ainsi, alors que la durée du délai de prescription prévu à l'article L. 110-4 I du Code de commerce a été réduite de dix à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

L'arrêt signe, donc, un retour à l'orthodoxie juridique, mais il montre également la complexité des règles d'application dans le temps des lois de prescription. En effet, le principe de l'application immédiate des lois de procédure est mal adapté aux lois de prescription. Dans le cas d'espèce, si l'on avait appliqué en 2008 le nouveau délai de 5 ans, il ne se serait pas agi d'une application immédiate, mais d'une rétroactivité. C'est pour cette raison que les principes énoncés à l'article 2222 du Code civil partagent le temps entre les deux délais. L'ancien délai s'écoule avant l'entrée en vigueur de la loi et le nouveau délai, après. Pour connaître la durée totale de la prescription, il faut combiner savamment ces deux délais sans que la durée totale ne dépasse le délai le plus long.

2. Effet de la radiation sur la computation d'un délai de prescription

La loi du 17 juin 2008 a eu le mérite de définir avec une certaine exhaustivité les règles de computation des délais de prescription. Plus particulièrement, l'article 2231 du Code civil prévoit que l'interruption de la prescription efface le délai écoulé et fait courir un nouveau délai identique à l'ancien.

Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt du 10 avril 2013 (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.193, F-P+B+I), la responsabilité d'un avocat était recherchée, car il ne s'était pas présenté à l'audience prud'homale concernant son client et n'avait pas sollicité une réinscription au rôle de l'affaire après sa radiation. La cour d'appel saisie de l'action en responsabilité contre l'avocat avait considéré que le préjudice subi par le client était caractérisé, puisque la radiation de l'affaire prud'homale avait mis fin à l'effet interruptif de prescription de l'action en justice et que le délai -qui avait recommencé à courir après cette radiation- était échu au jour de l'action en responsabilité contre l'avocat.

De façon indirecte, à travers une action en responsabilité contre un avocat, la Cour de cassation avait à définir l'impact de la radiation sur l'interruption de la prescription. L'article 2241 du Code civil (N° Lexbase : L7181IA9) énonce ainsi que la demande en justice interrompt le délai de prescription. Toutefois, l'article 2243 du même code (N° Lexbase : L7179IA7) prévoit que l'interruption de la prescription est "non avenue" si le demandeur laisse périmer l'instance. Dans l'espèce étudiée, l'instance n'était pas périmée, mais l'affaire avait simplement été radiée.

Péremption d'instance et radiation constituent deux incidents d'instance, mais seule la péremption d'instance est visée par l'article 2243 du Code civil. Par ailleurs, péremption et radiation ne produisent pas le même effet sur l'instance. Lorsque l'affaire est radiée, elle peut être rétablie sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné la radiation (C. pr. civ., art. 383 N° Lexbase : L2268H4R). La radiation n'est donc qu'une cause de suspension de l'instance (C. pr. civ., art. 377 N° Lexbase : L2241H4R). En revanche, la péremption a pour effet d'éteindre l'instance.

La cour d'appel avait pourtant fait jouer à la radiation le même effet que celui de la péremption d'instance sur la prescription civile. Elle avait ainsi jugé que "la radiation de l'instance a emporté reprise du cours de la prescription et que celle-ci étant désormais acquise, M. Y a définitivement perdu toute chance de remporter l'action engagée devant le conseil de prud'hommes de Bobigny". Les juges du second degré faisaient donc une interprétation extensive de l'article 2243 du Code civil, en considérant que l'interruption de prescription était "non avenue" en cas de radiation de l'affaire et, qu'en conséquence, la prescription reprenait son cours.

La Cour de cassation censure cette décision en affirmant clairement que "le cours de la prescription avait été interrompu par l'introduction de l'instance prud'homale et que la radiation de l'affaire était sans effet sur la poursuite de cette interruption".

La Haute juridiction livre ici une interprétation à la fois littérale et logique de l'article 2243 du Code civil (4). Seule la péremption -qui a pour effet d'éteindre l'instance- peut entraîner la disparition de l'effet interruptif de la demande en justice. La solution est dans la droite ligne de la jurisprudence qui juge que la prescription est interrompue durant toute la durée de l'instance, jusqu'au jugement définitif (5) ou jusqu'à ce que le litige trouve sa solution (Cass. civ. 1, 8 décembre 1976, n° 74-10.180 N° Lexbase : A6882CGY, Bull. civ. I, n° 392).

La radiation n'a donc pas d'effet sur l'interruption de la prescription. C'est l'apport qu'il faut retenir de cet arrêt important (6). En revanche, les plaideurs doivent rester attentifs à la règle de l'article 386 du Code civil (N° Lexbase : L2938ABG), qui indique que si aucune partie n'accomplit de diligence durant 2 ans, l'instance se périme. La radiation du rôle n'entraîne donc pas un effet définitif, à condition de ne pas laisser passer ce délai. La péremption est une suite lointaine de la radiation, lorsque la négligence des parties s'éternise.


(1) Cette prescription est calquée sur la nouvelle prescription de droit commun.
(2) Et que la loi du 17 juin 2008 s'est appliquée à elle-même au moyen d'une disposition transitoire (art. 26 de la loi).
(3) En réalité, il aurait dû être cassé au visa de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, car il s'agit de la disposition transitoire aménageant l'entrée en vigueur du nouveau délai de prescription commerciale. L'article 26 de la loi du 17 juin 2008 constitue donc une disposition spéciale au regard de l'article 2222 du Code civil. Toutefois, les deux articles expriment exactement la même règle. Cette inversion de texte ne change donc pas la solution.
(4) Bien que ce soit l'article 2244 du Code civil qui figure au visa ; on imagine par erreur.
(5) Cass. civ. 2, 29 janvier 1992, n° 90-17.243 (N° Lexbase : A3178ACP), Bull. civ. II, n° 40.
(6) Il a été rendu en formation plénière de chambre et bénéficie de la publication sur le site de la Cour de cassation.

newsid:437102

Procédure civile

[Brèves] Pouvoir souverain du juge chargé du contrôle des expertises de condamner une partie à la consignation d'une provision destinée à financer la réalisation des travaux de réparation, de remise en état et de dépollution de l'immeuble siège du sinistre

Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 11-28.060, F-P+B (N° Lexbase : A5051KDG)

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N7148BTW

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Le 23 Mai 2013

Il ressort d'un arrêt rendu le 16 mai 2013 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation que le juge chargé du contrôle des expertises dispose d'un pouvoir souverain pour condamner une partie à la consignation d'une provision destinée à financer, pour le compte de qui il appartiendra, la réalisation des travaux de réparation, de remise en état et de dépollution de l'immeuble siège du sinistre (Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 11-28.060, F-P+B N° Lexbase : A5051KDG). En l'espèce, un incendie ayant détruit les locaux donnés à bail commercial par la société A. à la société C., un juge des référés, à la demande de cette dernière et de son assureur, la société X., avait ordonné une mesure d'expertise judiciaire afin notamment de déterminer les causes de ce sinistre ; l'expert judiciaire ayant indiqué que la poursuite de sa mission nécessitait des travaux de déblaiement, de désamiantage et de démolition pour un montant de 355 044,56 euros, la société A. avait saisi le juge chargé du contrôle des expertises afin que la société C. et son assureur soient condamnés à verser cette somme à titre de consignation. Ces dernières faisaient grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises et de leur ordonner de consigner la somme de 355 044,56 euros correspondant au devis de désamiantage, déblaiement et démolition, faisant notamment valoir que la seule consignation que le juge chargé du contrôle de l'expertise peut ordonner porte sur la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qu'il appartient au juge de fixer une fois le rapport déposé. En vain. Selon la Cour suprême, ayant souverainement considéré que les dépenses, dont l'engagement conditionnait la poursuite des opérations d'expertise pour lesquelles la nouvelle consignation était ordonnée, relevaient des frais de l'expertise, c'est dans l'exercice du pouvoir laissé à sa discrétion que la cour d'appel a mis à la charge de la société C. et de son assureur le versement de la provision correspondante.

newsid:437148

Procédure civile

[Brèves] Respect du contradictoire : le juge doit répondre aux conclusions tendant au rejet des écritures adverses qui n'ont pas été signifiées en temps utile

Réf. : Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-19.078, F-P+B+I (N° Lexbase : A5216KDK)

Lecture: 1 min

N7144BTR

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Le 23 Mai 2013

Si les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si des conclusions et/ou des pièces ont été déposées en temps utile au sens de l'article 15 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1132H4P), ils se doivent de répondre à des conclusions qui en sollicitent le rejet, que ces dernières soient déposées avant ou après le prononcé de l'ordonnance de clôture. Tel est le rappel opéré par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 16 mai 2013 (Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-19.078, F-P+B+I N° Lexbase : A5216KDK ; déjà en ce sens, Cass. civ. 1, 20 juin 2012, n° 11-12.122, F-P+B+I N° Lexbase : A3099IPH ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E6892ETG). Aussi, ayant statué sur les prétentions respectives des parties en considération des "dernières conclusions déposées le 10 janvier 2012" par la société A. et M. Y, cette date étant, en tout cas, erronée dès lors que ces parties avaient successivement déposé des écritures et communiqué des pièces les 6 et 16 janvier 2012, sans répondre aux conclusions déposées devant elle par M. X, les 17 et 18 janvier 2012, tendant au rejet de ces écritures et pièces au motif qu'elles ne lui avaient pas été communiquées en temps utile pour lui permettre d'en prendre connaissance et d'y répondre avant l'ordonnance de clôture intervenue le 19 janvier, la cour d'appel a violé les articles 15, 16 (N° Lexbase : L1133H4Q) et 455 (N° Lexbase : L6565H7B) du Code de procédure civile.

newsid:437144

Procédure civile

[Brèves] Caducité de la déclaration d'appel en cas de dépassement du délai pour conclure : inapplication en cas de recours contre une ordonnance de référé

Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-19.119, F-P+B (N° Lexbase : A5179KD8)

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N7152BT3

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Le 23 Mai 2013

Les dispositions de l'article 908 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0162IPP) n'ont pas vocation à s'appliquer aux procédures fixées en application de l'article 905 (N° Lexbase : L0374IGX) s'agissant de l'appel d'une ordonnance de référé. Telle est la solution dégagée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 16 mai 2013 (Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-19.119, F-P+B N° Lexbase : A5179KD8 ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1380EUN et N° Lexbase : E1650EUN). En l'espèce, un assureur avait relevé appel d'une ordonnance de référé l'ayant condamné à payer une certaine somme à la société C. à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice de cette société consécutif à l'incendie de ses locaux. La société C. faisait grief à l'arrêt de dire dit n'y avoir lieu de constater la caducité de la déclaration d'appel. En vain. La Cour suprême approuve les juges d'appel ayant exactement retenu que les dispositions de l'article 908 du Code de procédure civile n'ont pas vocation à s'appliquer aux procédures fixées en application de l'article 905 s'agissant de l'appel d'une ordonnance de référé.

newsid:437152

Voies d'exécution

[Brèves] Du pouvoir du juge de l'exécution de déclarer un jugement non avenu

Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-15.101, F-P+B N° Lexbase : A5042KD4)

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N7149BTX

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Le 23 Mai 2013

Il ressort d'un arrêt rendu le 16 mai 2013 que le juge de l'exécution a le pouvoir de déclarer un jugement non avenu (Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-15.101, F-P+B N° Lexbase : A5042KD4). En l'espèce, M. G. avait saisi un juge de l'exécution à fin de constater, par application de l'article 478 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6592H7B), le caractère non avenu du jugement prononcé par un tribunal de grande instance le 25 octobre 2005 dans un litige l'opposant aux consorts G. Pour dire que la demande de M. G. excédait les pouvoirs du juge de l'exécution et les déclarer irrecevables, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait énoncé que le juge de l'exécution ne peut être saisi de difficultés en relation à un titre exécutoire qu'à l'occasion des contestations portant sur les mesures d'exécution forcée engagées ou opérées sur le fondement de ce titre (CA Aix-en-Provence, 25 novembre 2011, n° 10/19426 N° Lexbase : A7323H4Y). L'arrêt est censuré par la Cour suprême qui relève que la demande tendant à faire déclarer un jugement non avenu a pour objet de lui faire perdre son caractère de titre exécutoire (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1643EUE).

newsid:437149

Procédure pénale

[Brèves] La cotation erronée d'un réquisitoire supplétif entraîne-t-elle une nullité ?

Réf. : Cass. crim., 14 mai 2013, n° 12-81.023, FS-P+B (N° Lexbase : A5129KDC)

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N7184BTA

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Le 23 Mai 2013

Aux termes d'un arrêt rendu le 14 mai 2013, la Chambre criminelle de la Cour de cassation énonce que la cotation erronée d'un réquisitoire supplétif n'entraîne aucune nullité dès lors que le dossier n'est pas incomplet (Cass. crim., 14 mai 2013, n° 12-81.023, FS-P+B N° Lexbase : A5129KDC ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4360EUZ et N° Lexbase : E4400EUI). En l'espèce M. G. est décédé le 8 mai 2008, écrasé par le véhicule qu'il réparait. Suivant réquisitoire introductif, en date du 5 mars2009, une information a été ouverte contre personne non dénommée des chefs de dissimulation d'emploi salarié et d'homicide involontaire. Par réquisitoire supplétif, en date du 25 janvier 2010, l'information a été étendue aux chefs de travail dissimulé par dissimulation de salariés autres que la victime, faux et usage. Le 31 mai 2011, le magistrat instructeur a rendu à l'égard de M. M., une ordonnance portant non-lieu partiel s'agissant du délit d'homicide involontaire, et renvoi devant le tribunal correctionnel sous la prévention de travail dissimulé et, après requalification, de complicité d'usage de faux. La partie civile a interjeté appel de l'ordonnance de non-lieu. Le 27 septembre 2011, M. M. a adressé un mémoire à la chambre de l'instruction, pour solliciter, d'une part, l'annulation de l'ordonnance entreprise, motif pris de ce que le réquisitoire définitif ne lui avait pas été notifié, et, d'autre part, l'annulation de la procédure en raison d'une cotation erronée du réquisitoire supplétif. La chambre de l'instruction ayant rejeté les demandes et confirmé l'ordonnance entreprise, un pourvoi en cassation est formé, en vain. En effet, pour la Chambre criminelle, les dispositions de l'ordonnance du juge d'instruction portant renvoi devant le tribunal correctionnel ne sont pas soumises à la chambre de l'instruction, au sens de l'article 206 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3776IGX), et les droits de M. M. demeurent entiers devant la juridiction de jugement, auprès de laquelle l'intéressé pourra soulever le chef de nullité invoqué en application de l'article 385, alinéa 3, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3791AZG). Et surtout, la cotation erronée d'un réquisitoire supplétif ne saurait entraîner aucune nullité dans le cas où, comme en l'espèce, il n'est pas établi, ni même allégué que le dossier aurait été incomplet.

newsid:437184

Procédure pénale

[Brèves] Insuffisance ou défaut de motifs des jugements ou arrêts rendus en dernier ressort : la cassation est encourue

Réf. : Cass. crim., 14 mai 2013, n° 11-86.626, FS-P+B (N° Lexbase : A5105KDG)

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N7185BTB

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Le 23 Mai 2013

Aux termes d'un arrêt rendu le 14 mai 2013, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé, une fois encore, que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties et que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence, à défaut la cassation est encourue (Cass. crim., 14 mai 2013, n° 11-86.626, FS-P+B N° Lexbase : A5105KDG ; voir déjà, en ce sens, Cass. crim., 7 mars 2012, n° 11-88.739, F-P+B N° Lexbase : A3854IEH et cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2507EUE). En l'espèce, pour annuler les réquisitions tendant à l'exécution d'investigations destinées à déterminer les lignes téléphoniques attribuées à des journalistes et les facturations détaillées correspondant à ces lignes, ainsi que les actes en étant le support nécessaire, l'arrêt retient que ces réquisitions ont été prises, sans l'accord des journalistes, en violation de l'article 10 de la CESDH (N° Lexbase : L4743AQQ) et de l'article2 de la loi du 29 juillet 1881, dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 2010 (N° Lexbase : L7589AIW). Les juges ajoutent que lesdites réquisitions, qui avaient pour objet de porter atteinte au droit des journalistes concernés de ne pas révéler leurs sources, ont eu pour origine la dénonciation, par un particulier, de la simple probabilité de la commission d'un délit de violation du secret de l'instruction déduite de la succession à délai très rapproché d'un placement en garde à vue et d'informations parues dans la presse. Ils en concluent qu'en l'espèce, l'existence d'un impératif prépondérant d'intérêt public n'était pas avérée et que l'atteinte portée au secret des sources, à partir de simples suppositions des parties civiles, était disproportionnée. L'arrêt sera censuré au visa de l'article 593 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3977AZC) : en se déterminant par ces seuls motifs, d'une part, sans mieux s'expliquer sur l'absence d'un impératif prépondérant d'intérêt public alors que la violation du secret de l'instruction reprochée imposait de rechercher les auteurs de cette infraction ayant porté atteinte à la présomption d'innocence, d'autre part, sans caractériser plus précisément le défaut de nécessité et de proportionnalité des mesures portant atteinte au secret des sources des journalistes au regard du but légitime poursuivi, et enfin, en faisant à tort référence à l'obligation d'obtenir l'accord des journalistes pour procéder aux réquisitions litigieuses alors qu'un tel accord n'est nécessaire que si ces professionnels sont directement requis de fournir des informations, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision. Partant, la cassation est encourue.

newsid:437185

Procédure pénale

[Brèves] Requête en révision possible dès lors que des faits nouveaux apparaissent de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du prévenu

Réf. : Cass. crim., 15 mai 2013, n° 12-84.818, FS-P+I (N° Lexbase : A5299KDM)

Lecture: 1 min

N7187BTD

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Le 23 Mai 2013

Pour la neuvième fois seulement depuis 1945, la Cour de révision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation vient d'annuler les condamnations de deux hommes à vingt ans de réclusion pour meurtre (Cass. crim., 15 mai 2013, n° 12-84.818, FS-P+I N° Lexbase : A5299KDM ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2557EUA). En application de l'article 622, 4° du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3995AZY), la révision est possible lorsqu'après une condamnation vient à se produire ou se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné. En l'espèce, ont été établis des faits nouveaux ou inconnus de la juridiction de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de MM. X et Y, au sens de l'article 622, 4°, du Code de procédure pénale. Partant la Cour décide de faire droit à leur requête en révision, d'annuler la décision de condamnation et, dès lorsqu'il peut être procédé à de nouveaux débats contradictoires, de les renvoyer devant une cour d'assises autre que celle dont émane la décision contestée, ainsi que le prescrit l'article 625, alinéa 2, du code précité (N° Lexbase : L3296IQ7).

newsid:437187

Procédure pénale

[Brèves] Mineurs délinquants : si la procédure d'enquête de l'ordonnance de 1945 n'impose pas le respect des règles du Code de procédure pénale, le juge n'en est pas moins tenu de respecter les principes fondamentaux de la procédure pénale

Réf. : Cass. crim., 14 mai 2013, n° 12-80.153, FS-P+B (N° Lexbase : A5145KDW)

Lecture: 2 min

N7188BTE

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Le 23 Mai 2013

Aux termes d'un arrêt rendu le 14 mai 2013, la Chambre criminelle de la Cour de cassation énonce que si la procédure d'enquête de l'ordonnance de 1945 n'impose pas le respect des règles du Code de procédure pénale, le juge n'en est pas moins tenu de respecter les principes fondamentaux de la procédure pénale (Cass. crim., 14 mai 2013, n° 12-80.153, FS-P+B N° Lexbase : A5145KDW). En l'espèce, par ordonnance du juge des enfants, en date du 26 novembre 2009, Adrien T. a été renvoyé devant le tribunal pour enfants du chef de complicité du délit de vol aggravé commis par Rohan B.. Le tribunal a condamné le mineur à une mesure d'avertissement solennel par application de l'article 16-5° de l'ordonnance du 2 février 1945 (N° Lexbase : L4662AGR) et prononcé sur l'action civile. Le prévenu, ses parents, et le ministère public ont relevé appel de la décision. Pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt relève que si l'enquête par voie officieuse prévue par l'article 8, alinéa 2, de l'ordonnance du 2 février 1945 à laquelle peut procéder le juge des enfants n'impose pas le respect des formes prescrites par les articles 79 (N° Lexbase : L7249A4A) à 190 du Code de procédure pénale et en particulier celles de l'article 184 (N° Lexbase : L3770IGQ) relatives à l'ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement, ce magistrat n'en est pas moins tenu de respecter les principes fondamentaux de la procédure pénale. L'arrêt constate qu'en l'espèce, le juge des enfants, qui a accordé un report de l'audition initialement fixée au 19 novembre 2009 en vue d'une éventuelle mise en examen de Adrien T., a, à la lumière des écritures du prévenu et de la partie civile, interrogé le mineur, en présence de son avocat à l'audience du 26 novembre suivant, sur les éléments de la procédure et sa participation aux faits poursuivis et, par décision du même jour, au visa des pièces de la procédure et sur le fondement de charges suffisantes, a ordonné le renvoi du mineur devant le tribunal pour être jugé sur des faits juridiquement qualifiés et précisément décrits. La Cour de cassation approuve les juges d'appel d'en avoir déduit que le mineur, ayant bénéficié d'un accès à la procédure, du temps nécessaire à la préparation de sa défense et ayant pu s'expliquer tant par écrit qu'oralement lors de son interrogatoire, n'a pu se méprendre sur le sens et la portée de l'acte de renvoi devant la juridiction de jugement ainsi que sur la nature et la cause de l'accusation portée contre lui.

newsid:437188

Propriété

[Brèves] Indivision : aucune indemnité d'occupation n'est due aux héritiers par le conjoint survivant légataire ayant la jouissance de l'intégralité de la succession

Réf. : Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 11-24.217, F-P+B+I (N° Lexbase : A5210KDC)

Lecture: 2 min

N7141BTN

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Le 23 Mai 2013

Il ressort d'un arrêt rendu le 15 mai 2013, par la première chambre civile de la Cour de cassation, qu'aucune indemnité d'occupation n'est due à la fille héritière par le conjoint survivant légataire de la plus large quotité disponible, ayant opté pour le quart des biens en pleine propriété et les trois quarts en usufruit, ce dont il résulte qu'il n'existe aucune indivision en jouissance (Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 11-24.217, F-P+B+I (N° Lexbase : A5210KDC ; cf. en ce sens : Cass. civ. 1, 2 juin 1987, n° 85-16.269 N° Lexbase : A7529AA4). En l'espèce, Louis X était décédé le 2 décembre 2003, laissant pour lui succéder sa fille née d'un premier mariage, Mme Sylvie X, épouse Y, et son épouse séparée de biens, Mme Z. Par acte notarié, les époux X s'étaient consenti une donation réciproque de l'universalité des biens composant leur succession, dans lequel il était précisé qu'en présence de descendants, la donation serait réduite, au choix exclusif du conjoint survivant, à l'une des quotités disponibles permises entre époux. Des difficultés étant nées pour la liquidation et le partage de la succession, la cour d'appel avait, notamment, dit que Mme Z avait opté pour le quart des biens en pleine propriété et les trois quarts en usufruit et confirmé le jugement ayant mis à sa charge le paiement d'une indemnité pour l'occupation privative d'un immeuble. Pour condamner Mme Z à payer à Mme Y une indemnité d'occupation, la cour d'appel avait retenu que l'intéressée y était tenue en vertu de l'article 815-9 du Code civil (N° Lexbase : L9938HNE), dès lors que n'était pas remise en cause son attribution préférentielle de ce bien maintenu de son fait pendant plusieurs années en indivision. L'arrêt est censuré par la Cour de cassation au visa de l'article 815 du Code civil (N° Lexbase : L9929HN3). Selon la Haute juridiction, après avoir constaté qu'après le décès de son époux, Mme Z, donataire de la plus large quotité disponible entre époux, avait opté pour le quart des biens en pleine propriété et les trois quarts en usufruit, ce dont il résultait qu'il n'existait aucune indivision en jouissance entre elle et Mme Y, de sorte qu'aucune indemnité d'occupation ne pouvait être mise à sa charge, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

newsid:437141

Régimes matrimoniaux

[Brèves] Contribution aux charges du mariage : clause prévoyant que les époux ne sont assujettis à aucun compte entre eux

Réf. : Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 11-26.933, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3195KDP)

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N7091BTS

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Le 23 Mai 2013

Par un arrêt rendu le 15 mai 2013, la première chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur l'exécution de l'obligation de contribuer aux charges du mariage, alors que les époux, qui s'étaient mariés sous le régime de la séparation de biens, avaient prévu dans leur contrat de mariage une clause selon laquelle les époux ne seraient assujettis à aucun compte entre eux, ni à retirer quittance l'un de l'autre, les charges étant réputées avoir été réglées au jour le jour (Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 11-26.933, FS-P+B+I N° Lexbase : A3195KDP ; cf. l’Ouvrage "Droit des régimes matrimoniaux" N° Lexbase : E8758ETK). En l'espèce, après le prononcé de leur divorce, M. X avait, notamment, invoqué une créance au titre, d'une part, du remboursement de l'emprunt ayant servi à financer l'acquisition, en indivision, de deux maisons adjacentes et, d'autre part, du coût des travaux de réparation et d'aménagement de ces immeubles qu'ils avaient réunis en un seul. Il faisait grief à l'arrêt de rejeter sa demande. En vain. La Cour suprême approuve la cour d'appel qui, après avoir relevé, que l'immeuble indivis constituait le logement de la famille, a pu décider que le paiement des dépenses afférentes à l'acquisition et à l'aménagement de ce bien participait de l'exécution par le mari de son obligation de contribuer aux charges du mariage ; la portée de la présomption instituée par la clause de répartition de ces charges n'ayant pas été débattue devant les juges du fond, ceux-ci, qui, sans être tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, avaient constaté que, pendant toute la durée de la vie commune, le mari avait disposé de revenus confortables tandis que ceux de son épouse, qui avait travaillé de manière épisodique, avaient été beaucoup plus faibles et irréguliers, ont souverainement estimé que les paiements effectués par le mari l'avaient été en proportion de ses facultés contributives.

newsid:437091

Régimes matrimoniaux

[Brèves] Du pouvoir d'un époux d'encaisser sur son compte personnel le montant d'un chèque établi à son ordre et à celui de son conjoint pourvu que celui-ci l'ait endossé

Réf. : Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-12.207, F-P+B+I (N° Lexbase : A5140KDQ)

Lecture: 2 min

N7143BTQ

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Le 23 Mai 2013

Chacun des époux ayant, par application de l'article 221 du Code civil (N° Lexbase : L2391AB8), le pouvoir d'encaisser sur son compte personnel le montant d'un chèque établi à son ordre et à celui de son conjoint pourvu que celui-ci l'ait endossé, le paiement correspondant effectué par la banquier sur le compte personnel de l'époux ne peut être considéré comme indu au titre d'une action en répétition de l'indu (Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-12.207, F-P+B+I N° Lexbase : A5140KDQ ; cf. l’Ouvrage "Droit des régimes matrimoniaux" N° Lexbase : E8789ETP). En l'espèce, une banque avait porté au crédit du compte personnel de M. X un chèque d'un montant de 109 433,80 euros, représentant le produit de la vente d'un bien immobilier commun aux époux X, qui avait été émis à leur profit et endossé par chacun d'eux. M. X avait fait virer cette somme sur un compte ouvert à son nom dans les livres d'une banque située à l'étranger. Mme Y ayant, à la suite de son divorce, recherché la responsabilité de la banque, celle-ci lui avait, en vertu d'une transaction, versé la somme de 58 500 euros, puis avait agi en répétition de l'indu à l'encontre de M. X. Pour condamner M. X à verser à la banque la somme de 54 716,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2006, la cour d'appel, après avoir relevé que Mme Y était propriétaire de la moitié de la provision du chèque et que la banque n'avait fait qu'exécuter son obligation en lui versant la somme correspondante, avait retenu que cette dernière avait un droit, du seul fait du paiement à M. X, et indépendamment de tout bénéfice d'une quittance subrogative, à restitution de cette somme. A tort, selon la Haute juridiction, qui retient qu'en statuant ainsi, tout en constatant que chacun des époux avait, par application de l'article 221 du Code civil, le pouvoir d'encaisser sur son compte personnel le montant d'un chèque établi à son ordre et à celui de son conjoint pourvu que celui-ci l'ait endossé, ce dont il résultait que le paiement n'était pas indu, la cour d'appel a violé les articles 1376 (N° Lexbase : L1482ABI) et 1377 (N° Lexbase : L1483ABK) du Code civil.

newsid:437143

Responsabilité

[Brèves] Conditions d'application de l'article 706-3 du Code de procédure pénale relatif à la présentation d'une demande d'indemnisation devant la CIVI

Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-16.320, FS-P+B (N° Lexbase : A5010KDW)

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N7150BTY

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Le 23 Mai 2013

Dans un arrêt rendu le 16 mai 2013, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle les conditions d'application de l'article 706-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5612DYI) relatif à la présentation d'une demande d'indemnisation devant la CIVI, relatives à la nature du préjudice emportant indemnisation (Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-16.320, FS-P+B N° Lexbase : A5010KDW ; cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E0542EXD). En l'espèce, Mme G. avait été victime de 1971 à 1999 de la part de son père, décédé en 1999, de viols et sévices sexuels ; l'épouse de ce dernier, Mme U., avait été déclarée, par un arrêt du 18 avril 2008, coupable du délit d'abstention volontaire d'empêcher les crimes et délits commis par M. G. sur sa fille pour la période de temps non couverte par la prescription soit entre le 10 août 1998 et le 19 novembre 1999. Statuant sur l'action civile, la cour d'appel avait condamné Mme U. à payer à titre de dommages-intérêts la somme de 6 000 euros à Mme G.. Celle-ci avait saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions aux fins de réparation du préjudice moral résultant de l'infraction commise par Mme U.. Mme G. faisait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa requête sur le fondement de l'article 706-3 du Code de procédure pénale, et faisait valoir qu'aucun texte n'exclut l'infraction d'abstention volontaire d'empêcher un crime du champ d'application de l'article 706-3 du Code de procédure pénale, lequel vise tout fait volontaire ou non, présentant le caractère matériel d'une infraction. Mais, selon la Cour de cassation, les conditions d'application de l'article précité n'étaient tout simplement pas réunies, dès lors que Mme G. n'établissait pas avoir subi une incapacité temporaire totale de travail supérieure à un mois ou être en état d'incapacité permanente partielle résultant de l'infraction d'abstention volontaire d'empêcher un crime ou un délit contre l'intégrité d'une personne commise par Mme U..

newsid:437150

Responsabilité

[Brèves] Vente aux enchères : responsabilité du vendeur et du commissaire-priseur du seul fait, distinct de la contrefaçon, de présenter à la vente, sans la moindre réserve, un tableau dont l'authenticité est douteuse

Réf. : Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 11-14.434, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5245KDM)

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N7145BTS

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Le 23 Mai 2013

Il ressort d'un arrêt en date du 16 mai 2013, rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, que la responsabilité du vendeur et du commissaire-priseur peuvent être engagées du seul fait, distinct de la contrefaçon, de présenter à une vente aux enchères publiques, sans la moindre réserve, un tableau dont l'authenticité est douteuse (Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 11-14.434, FS-P+B+I N° Lexbase : A5245KDM ; cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E0329EXH). En l'espèce, M. X, titulaire du droit moral sur les oeuvres de Juan Gris, avait fait procéder à la saisie-contrefaçon d'un tableau intitulé "Nature morte aux flacons", propriété de Mme A et proposé à la vente aux enchères publiques organisée, le 19 décembre suivant, à Saint-Dié-des-Vosges, par Michel B, commissaire-priseur, et dont il contestait l'authenticité ainsi que celle du certificat de l'expert, en date du 21 décembre 1968, produit lors de cette vente. Il avait assigné Mme A et le commissaire-priseur en contrefaçon et en responsabilité civile pour atteinte au droit moral et à la réputation de l'artiste. Pour s'opposer à cette action, Mme A s'était prévalue de deux décisions pénales rendues, la première le 24 mars 1977 par le tribunal correctionnel de Paris et la seconde, le 12 janvier 1979 par la cour d'appel de Paris, renvoyant son père, qui lui avait transmis le tableau litigieux, des fins de la poursuite des chefs d'escroquerie et de fraude en matière artistique. Pour débouter M. L. de sa demande en dommages-intérêts formée à l'encontre de Mme A et du commissaire-priseur en réparation de l'atteinte à la réputation du peintre, la cour d'appel avait retenu que n'ayant pas invoqué l'existence d'élément nouveau depuis l'arrêt de la cour d'appel de Paris, l'intéressé n'avait pu rapporter la preuve de la fausseté du tableau "nature morte" attribué à Juan Gris. Mais, selon la Cour de cassation, en se déterminant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si la responsabilité de Mme L. et du commissaire-priseur n'était pas engagée à l'égard de M. Laurens, du seul fait, distinct de la contrefaçon, d'avoir présenté à la vente, sans la moindre réserve, un tableau dont l'authenticité douteuse était par ailleurs constatée en raison des opinions divergentes relevées, non contredites par un élément nouveau postérieur à l'arrêt du 12 janvier 1979, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) et de l'article 3 du décret du 3 mars 1981.

newsid:437145

Responsabilité médicale

[Brèves] Equipe plurimédicale et responsabilité

Réf. : Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-21.338, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5198KDU)

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N7183BT9

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Le 28 Mai 2013

L'obligation de tout médecin de donner à son patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science emporte, lorsque plusieurs médecins collaborent à l'examen ou au traitement de ce patient, l'obligation pour chacun d'eux, d'assurer un suivi de ses prescriptions afin d'assumer ses responsabilités personnelles au regard de ses compétences. Telle est la solution dégagée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 16 mai 2013 (Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-21.338, FS-P+B+I N° Lexbase : A5198KDU ; cf. l’Ouvrage "Droit médical" N° Lexbase : E0345EX3). En l'espèce, pour rejeter l'action en garantie de M. G., gynécologue obstétricien, condamné à réparer, à hauteur de 80 %, le préjudice subi par Mme C., victime, à la suite d'un accouchement le 18 décembre 1992, d'une phlébite cérébrale qu'il avait tardé à diagnostiquer, contre M. L., anesthésiste, la cour d'appel, statuant sur renvoi après cassation (Cass. civ. 1, 28 avril 2011, n° 10-16.230, F-D N° Lexbase : A5380HPX), a constaté, d'une part, que la pathologie était une suite de l'accouchement et non de l'anesthésie, et, d'autre part, que c'est M. G. qui assurait, en sa qualité de gynécologue obstétricien, le suivi de l'intéressée au sein du service de "suites des couches". Dès lors, elle en a déduit que le diagnostic de phlébite cérébrale, qui relevait de sa compétence, incombait à lui seul sans que l'on puisse admettre que ce diagnostic devait être posé par M. L. au seul motif que lui avaient alors été signalés ces maux, Mme C. restant sous la surveillance du médecin obstétricien seul compétent pour contrôler toutes les suites de l'accouchement, avec leurs conséquences éventuelles, partant, sous sa seule responsabilité au regard, notamment, du diagnostic qui devait être posé plus précocement. L'arrêt sera censuré au visa de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT), ensemble l'article 64 du Code de déontologie devenu l'article R. 4127-64 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9285GT3). En effet, en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'anesthésiste avait été appelé au chevet de la patiente en raison de la survenance de céphalées et lui avait prescrit un neuroleptique pour les soulager, de sorte qu'il lui incombait de s'informer de l'effet de ce traitement, notamment aux fins de déterminer, en collaboration avec le gynécologue obstétricien, si ces troubles étaient en lien avec l'anesthésie ou avec l'accouchement, ce qui aurait pu permettre un diagnostic plus précoce, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des textes susvisés.

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Successions - Libéralités

[Jurisprudence] Mise à disposition d'un logement par des parents au profit d'un de leurs enfants : le risque d'un rapport à leur succession s'éloigne

Réf. : Cass. civ. 1, 20 mars 2013, n° 11-21.368, F-D (N° Lexbase : A5812KAI)

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par Véronique Barabé-Bouchard, Maître de conférences HDR à la faculté de Droit et de Science politique de l'Université de Rennes 1

Le 24 Mai 2013

Mettre gratuitement à la disposition d'un enfant un logement qui leur appartient est pour de nombreux parents un acte parfaitement naturel, quelle qu'en soit par ailleurs la justification : poursuite d'études, raisons professionnelles ou économiques, entraide familiale, commodité de la situation de l'immeuble, proximité de la résidence des parents qui leur assure une présence rassurante, entretien et occupation d'un immeuble vacant, anticipation sur un projet de transmission du bien au bénéficiaire, parfois même raisons fiscales, pour alléger l'imposition des parents propriétaires au titre de l'ISF (1), les explications sont aussi diverses que les situations et si l'enfant hébergé gracieusement y trouve évidemment son compte, l'intérêt de l'opération pour les parents, voire pour les autres enfants, peut être tout aussi incontestable. Pour autant, derrière la banalité de cette pratique très souvent informelle, naissent aussi fréquemment des revendications patrimoniales qui seront mises au jour lors du règlement de la succession des parents propriétaires. Les frères et soeurs du bénéficiaire de cette mise à disposition gratuite auront alors tôt fait d'y voir l'avantage économique ainsi octroyé à l'heureux élu, avantage d'autant plus jalousé que cette jouissance aura perduré pendant de nombreuses années et qu'eux-mêmes auront pendant la même période acquitté des loyers ou des remboursements d'emprunt souvent élevés. Ils ne manqueront pas alors dans le même temps, de faire valoir le prétendu appauvrissement qui en est résulté pour leurs parents et donc, par voie de conséquence, pour la masse successorale qu'ils ont à se partager, dès lors que le logement pouvait être loué à un tiers et procurer ainsi des revenus supplémentaires à ses propriétaires.

Sur le fondement de l'article 843 du Code civil (N° Lexbase : L9984HN4), leur revendication à l'encontre du bénéficiaire de cette jouissance gratuite prendra alors la forme d'une demande de rapport à la succession de cet avantage indirect dont il a bénéficié avec pour conséquence, si elle est accueillie, de diminuer ses droits dans la succession à due concurrence, voire si la capitalisation de cet avantage excède ses droits successoraux, de l'obliger à indemniser la succession pour la différence.

L'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 20 mars 2013 témoigne une nouvelle fois de cette situation propice à l'éclosion d'un litige familial lors du décès des parents propriétaires et permet de faire le point sur les évolutions récentes de la jurisprudence en la matière.

En l'occurrence, des parents respectivement décédés en 1996 et 1998 avaient procédé à une donation-partage d'immeubles entre deux de leurs trois enfants en 1993. L'un des gratifiés y avait été alloti d'une maison d'habitation qu'il occupait déjà avec sa famille depuis 1981, tandis que l'autre recevait un terrain et que le troisième ne recevait aucun lot. S'ensuivit une liquidation conflictuelle des successions parentales qui, devant la Cour de cassation, se cristallisait sur deux points.

Le premier, bien qu'il ait justifié à lui seul la censure de la cour d'appel de Rennes, ne mérite pas d'amples développements. Il a trait à la demande de rapport des biens transmis à l'occasion de la donation-partage, demande curieusement accueillie par les magistrats du fond, alors que l'une des spécificités de ce partage d'ascendants est précisément d'exclure tout rapport des lots définitivement et irrévocablement acquis aux gratifiés à la date de l'acte, comme le rappelle le présent arrêt rendu sur ce point au visa des articles 1075 (N° Lexbase : L0222HPW) et 1076 (N° Lexbase : L0228HP7) du Code civil. Il s'ensuivait qu'en dehors de la formation de la masse de calcul de la quotité disponible et des opérations d'imputation destinées à vérifier l'absence d'atteinte à la réserve héréditaire, opérations qui conduisent à une évaluation des biens litigieux au décès, la valeur de ceux-ci était pour le reste définitivement fixée à la date de la donation-partage, soit en 1993, et ne pouvait en aucun cas être réévaluée à la date de la jouissance divise fixée en 2008, comme l'avait retenu la juridiction rennaise. Puisque la propriété des biens donnés et partagés est irrémédiablement acquise aux gratifiés à la date de l'acte, il en va en effet tout autant des plus-values qu'ils peuvent prendre ultérieurement.

C'est donc la réponse apportée par la Cour de cassation à la revendication principale de certains des héritiers qui justifie à elle seule les présentes observations.

L'essentiel du litige s'était effectivement noué à l'occasion de la demande de rapport de l'avantage retiré de la jouissance gratuite de la maison accordée pendant douze années à celui des héritiers qui en était ensuite devenu propriétaire par l'acte de donation-partage consenti en 1993. La cour d'appel de Rennes, confirmant en cela les juges du premier degré, avait ordonné le rapport de cet avantage évalué à la somme de 53 000 euros. Elle est sur ce point encore censurée par la Cour de cassation pour violation de la loi, sur un moyen relevé d'office par la Haute juridiction, dans les conditions de l'article 1015 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L5884IA8).

La cassation est prononcée au visa de deux textes : l'article 843 du Code civil d'une part, qui prescrit le rapport par chaque héritier de "tout ce qu'il a reçu du défunt par donations entre vifs, directement ou indirectement". L'article 894 du même code (N° Lexbase : L0035HPY) d'autre part, qui définit la donation entre vifs comme "l'acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte". A leur suite, un attendu de principe rappelle que "seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession".

Cette décision s'inscrit donc parfaitement dans la lignée du revirement jurisprudentiel intervenu sur cette question du rapport des avantages indirects à l'occasion de quatre arrêts rendus le 18 janvier 2012 (2). On peut y déceler toutefois un infléchissement supplémentaire qui pourrait bien écarter d'avantage encore, le spectre de telles demandes de rapport à l'occasion des règlements successoraux.

1. Plus de rapport des avantages indirects non constitutifs de donations véritables

En statuant au visa des deux dispositions précitées, en rappelant que seule une libéralité est rapportable et en insistant sur les deux éléments indispensables à la constatation d'une telle libéralité, à savoir l'appauvrissement du donateur et son intention libérale, la Cour de cassation ne laisse planer aucune ambiguïté sur sa volonté de mettre définitivement un terme aux dérives d'une jurisprudence qu'elle avait elle-même initiée en 1997 et renforcée en 2005. Pour bien saisir le sens et la portée de la présente décision, il est en effet nécessaire de la situer dans ce contexte jurisprudentiel.

Analysant la mise à disposition gratuite d'un logement au profit d'un héritier comme un abandon de loyers qui auraient du être perçus par les parents, celle-ci peut alors être considérée comme une donation portant sur des fruits ou des revenus consentie à l'enfant bénéficiaire.

Jusqu'en 1997, cette donation de fruits était traditionnellement dispensée de rapport pour deux raisons essentielles, dont l'une semble resurgir aujourd'hui (3) : la première est que, lorsque les parents donnent la pleine propriété d'un bien, le donataire est dispensé par l'article 856 du Code civil (N° Lexbase : L9997HNL), de rapporter les fruits qu'il en retire jusqu'au décès du donateur. Ainsi, en raisonnant par analogie, on avait pu en déduire que lorsque les parents ne donnent pas le bien lui-même mais seulement ses fruits, cet abandon devait lui-même être dispensé de rapport. La seconde tient à l'absence d'appauvrissement véritable du donateur qui néglige de percevoir des revenus qu'il aurait autrement dépensés. Il s'ensuit alors que seuls les prélèvements opérés sur le capital seraient susceptibles de constituer des donations et donc d'être rapportables, tandis que ceux effectués sur les revenus en seraient exonérés.

Abandonnant cette analyse traditionnelle par un arrêt de principe du 14 janvier 1997 (4), la Cour de cassation avait alors décidé, dans le même contexte que celui de la présente décision, que tout comme les libéralités en capital, celles portant sur des fruits pourraient être rapportées à la succession du parent propriétaire du logement, car l'article 843 du Code civil "n'opère aucune distinction selon que le défunt a donné un bien ou seulement les fruits de celui-ci". Ce principe du rapport des libéralités portant sur des fruits a d'ailleurs été inscrit dans l'article 851 du Code civil (N° Lexbase : L9992HNE), à l'occasion de la réforme des successions intervenue le 23 juin 2006 (5).

Cet important arrêt de 1997, en opérant ce revirement, levait l'obstacle de principe à la formulation de telles revendications entre héritiers mais maintenait néanmoins en place le garde-fou de la nécessité, pour les demandeurs, d'apporter la preuve d'une véritable donation, dans ses deux éléments constitutifs, objectif et subjectif.

Cette sauvegarde avait toutefois cédé à l'occasion d'une décision ultérieure du 8 novembre 2005 (6), décidant que "même en l'absence d'intention libérale établie, le bénéficiaire d'un avantage indirect en doit compte à ses cohéritiers". C'était là détacher la notion d'avantage indirect, de celle de donation, et permettre aux cohéritiers de demander le rapport de l'avantage tiré de la jouissance gratuite d'un logement par l'un des leurs, sur la seule preuve de l'absence de paiement d'un loyer ou de toute autre contrepartie, indépendamment des motivations parentales et de l'équilibre réel de l'opération.

Le présent litige, à l'instar de beaucoup d'autres, avait prospéré sur ce terreau favorable et on ne s'étonnera donc pas qu'une telle demande ait été accueillie par la cour d'appel de Rennes statuant sur cette affaire le 22 mars 2011.

Si elle est ici censurée sur ce point, c'est qu'opérant un nouveau revirement par quatre arrêts du 18 janvier 2012 (7), la Cour de cassation, vraisemblablement consciente de la multiplication des litiges familiaux auxquels conduisait cette illusoire recherche d'une égalité objective, décidait de re-coupler la notion d'avantage indirect à celle de donation indirecte, pour ne laisser de chances de prospérer qu'aux demandes de rapports portant sur de véritables libéralités.

C'est ainsi que dans les quatre décisions précitées, la Cour de cassation rappelait avec insistance aux juges du fond, qu'une demande de rapport ne peut être accueillie que s'il y a libéralité véritable et qu'il ne peut y avoir véritable libéralité que si l'intention libérale du disposant est démontrée.

La filiation entre la présente décision et le revirement opéré en 2012 est donc directe et incontestable.

Ainsi désormais, et de manière parfaitement justifiée, les héritiers qui demandent le rapport de l'avantage retiré par l'un des leurs, de la mise à disposition gratuite d'un logement appartenant à leurs parents, devront comme le rappelle l'arrêt, démontrer l'appauvrissement subi par ces derniers, aussi bien que l'intention d'en gratifier le bénéficiaire, avec toutes les difficultés probatoires qu'ils pourront rencontrer pour caractériser cet élément psychologique ténu et fugace. On sait en effet combien il est délicat, en théorie comme en pratique, de distinguer un simple acte de service gratuit inspiré par la bienveillance, l'affection, ou le sentiment de s'acquitter d'un devoir moral envers un enfant, de l'acte libéral qui réalise l'abandon conscient et délibéré d'une authentique valeur patrimoniale à son profit. Pourtant, seul le second sera susceptible d'être rapporté, au gré de la perception de l'acte que pourront en avoir les juges du fond, dont l'appréciation en la matière est souveraine (8).

C'est ainsi que la mise à disposition gratuite d'un logement formalisée par un contrat de prêt à usage conclu en bonne et due forme, devrait en principe échapper à toute demande de rapport, en rendant visible l'absence de volonté de gratifier, au profit de celle de rendre un simple service. Tandis que la jouissance gratuite accordée de manière informelle, comme c'est le cas dans la plupart des hypothèses rencontrées en pratique, pourrait en fonction des circonstances, être regardée ou non comme une donation rapportable, si la preuve de l'intention libérale des parents propriétaires peut être apportée.

Certains (9) regretteront l'incertitude qui découle de ce retour à la double exigence probatoire de l'élément matériel et de l'élément intentionnel de la libéralité, les autres (10) au contraire, se féliciteront de ce retour à l'orthodoxie juridique confirmé par cette décision et de la souplesse qu'elle introduit finalement dans le traitement successoral de ces arrangements familiaux.

Ceci étant, cet arrêt du 20 mars 2013 ne peut, à notre sens, être considéré comme la réitération pure et simple de la solution posée par les quatre décisions du 18 janvier 2012.

Il s'inscrit, en effet, également dans une autre tendance qui semble s'esquisser et qui tend à repousser les demandes de rapport des avantages divers consentis à un héritier, en jouant aussi sur l'élément matériel de la donation. Il s'agirait alors de restreindre la notion d'appauvrissement, pour tendre à la cantonner aux prélèvements effectués sur le capital en excluant ceux réalisés sur les revenus.

2. Vers une restriction de la notion d'appauvrissement aux prélèvements effectués sur le capital ?

Contrairement à de précédentes affaires où, pour repousser la qualification de libéralité rapportable, le bénéficiaire de la mise à disposition du logement invoquait l'existence de contreparties dont ils s'était acquitté vis-à-vis de ses parents propriétaires de l'immeuble, soit par la prise en charge de certains frais leur incombant (réparations, charges, impositions...) (11), soit par des services importants qu'il leur avait rendus (12), le défendeur en l'occurrence revendiquait expressément des impayés de loyers à leur endroit afin de bénéficier de la prescription quinquennale de l'action en paiement.

Faute de pouvoir justifier de l'existence d'un bail et surtout parce qu'il ne s'agissait pas d'une action en paiement des loyers, mais d'une demande de rapport d'une libéralité à la succession, l'argument était évidemment voué à l'échec. Il est toutefois symptomatique de la reconnaissance d'un appauvrissement subi par les parents propriétaires, assumé par l'enfant hébergé gracieusement et finalement assimilable à un aveu.

Pour autant, celui-ci ne se retourne pas contre son auteur puisque la Cour de cassation censure la décision qui prescrivait le rapport de cet avantage, au motif que ni l'intention libérale, ni "l'appauvrissement des donateurs n'avaient été constatés".

Cet appauvrissement, revendiqué par l'enfant, avait pourtant été évalué par la juridiction du fond à 53 000 euros pour les douze années d'occupation du bien. La méthode d'évaluation de cet avantage tiré de la mise à disposition gracieuse d'un immeuble d'habitation a d'ailleurs été fixée par la Cour de cassation elle-même (13) et prescrit de multiplier la valeur locative du bien, à l'époque de l'occupation et non à celle du partage (14), par le nombre d'années de jouissance.

Abstraction faite de la question de l'intention libérale, la constatation d'un appauvrissement avait donc bien été faite par la cour d'appel, que ne venait atténuer ou supprimer aucune contrepartie assumée par le bénéficiaire ou aucune obligation alimentaire ou d'entretien qui aurait pesé sur les parents et dont le logement gracieux de cet enfant aurait été une modalité d'exécution. La cour d'appel avait d'ailleurs relevé que la maison mise à la disposition de cet enfant, était bien indépendante de celle de ses parents et qu'il ne s'agissait donc pas d'un hébergement à leur domicile qui lui aurait permis d'invoquer la dispense de rapport édictée par l'article 852 du Code civil (N° Lexbase : L9993HNG) pour les frais de nourriture et d'entretien, selon un principe par ailleurs clairement affirmé par la Haute juridiction (15).

Si malgré ces circonstances de l'espèce, aucun appauvrissement n'est constaté selon les termes employés par l'arrêt, on peut s'interroger d'une part, sur ce qui pourrait être désormais considéré comme un appauvrissement véritable, d'autre part sur les justifications de cette solution.

Sous ses deux formes, la question peut vraisemblablement trouver des éléments de réponse dans une décision de la Cour de cassation du 1er février 2012 (16). Confrontée une fois encore à une demande de rapport formulée par des cohéritiers à l'encontre de leur frère qui avait bénéficié de la part de leur père de versements d'environ 540 euros par mois pendant plus de dix ans, ce qui représentait au total près de 74 000 euros et 45 % de l'actif successoral, la Haute juridiction avait approuvé le rejet de cette prétention, au motif, notamment, que les sommes versées étaient prélevées sur les revenus du disposant dont elles représentaient une faible part, ce dont on pouvait déduire que "ces sommes constituaient des frais d'entretien, représentant l'expression d'un devoir familial, sans pour autant entraîner un appauvrissement significatif du disposant...".

Outre la référence à la manifestation d'un devoir familial d'entretien, qui peut également expliquer que des parents mettent gratuitement un logement à la disposition de leur enfant, on retiendra ici que ce n'est pas tant la capitalisation des versements qui doit être la mesure de l'appauvrissement de leur auteur, que la proportion entre leur montant périodique et celui des revenus sur lesquels ils sont prélevés.

On relèvera surtout la distinction implicite instaurée par cette décision, entre l'appauvrissement ordinaire, normal, qui ne justifie pas que le bénéficiaire soit tenu d'en rendre compte à la succession et l'appauvrissement considéré au contraire comme significatif, qui pourra donner lieu à rapport parce qu'il rompt véritablement l'égalité entre les cohéritiers.

On en reviendrait, donc, peu ou prou, à l'idée traditionnelle qui, avant le revirement opéré en 1997, fondait la dispense de rapport des libéralités portant sur des fruits ou sur des revenus : les revenus étant destinés à être dépensés, leur amoindrissement par des prélèvements ou par la renonciation à la perception de revenus supplémentaires (des loyers en l'occurrence), n'appauvrissent pas leur titulaire et ne justifient pas un rapport puisque la masse successorale n'en est pas pour autant amputée.

Ce retour à la solution classique serait néanmoins tempéré par la perte de son caractère inéluctable : avant 1997, les donations prélevées sur des fruits et revenus ou constituées par la non-perception de loyers, étaient par principe exclues du rapport pour les raisons indiquées. Désormais, les avantages directs ou indirects le seraient à nouveau, tant que la perte ou le manque à percevoir resteraient raisonnables, proportionnés aux revenus des parents et ne viendraient pas diminuer leur capital ou grever leurs ressources de manière significative.

L'esprit de l'assurance vie qui subordonne le droit à récompense de la communauté ou l'obligation au rapport pour les primes acquittées, à leur caractère manifestement exagéré au regard des facultés du souscripteur, pourrait bien avoir inspiré cette solution équilibrée. Si cette orientation était confirmée, elle présenterait l'avantage de limiter encore un peu plus les risques de contestation des arrangements familiaux initiés par les parents, tout en préservant au mieux leur liberté fondamentale de décider à leur gré de l'affectation de leurs revenus, liberté qui passe aussi par celle de renoncer à la perception de loyers potentiels.


(1) Par une donation d'usufruit.
(2) Cass. civ. 1, 18 janvier 2012, 4 arrêts, n° 09-72.542 (N° Lexbase : A8693IA9), n° 10-27.325 (N° Lexbase : A8696IAC), n° 10-25.685 ([LXB=A8695IAB ]), n° 11-12.863 (N° Lexbase : A8698IAE), FS-P+B+I.
(3) Voir infra, seconde partie.
(4) Cass. civ. 1, 14 janvier 1997, n° 94-16.813 (N° Lexbase : A9935ABL), Bull. civ. I, n° 22 ; D., 1997, 607, nos obs. ; JCP éd. G, 1998, I, 133, obs. R. Le Guidec ; JCP éd. N, 1998, I, 356, chron. Barthe ; Defrénois, 1997, 113, note Malaurie.
(5) Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, portant réforme des successions et des libéralités (N° Lexbase : L0807HK4).
(6) Cass. civ. 1, 8 novembre 2005, n° 03-13.890, P+B (N° Lexbase : A5927DL4), Bull. civ. I, n° 409 ; JCP éd. N, 2006, 1220, notre étude ; JCP éd. G, 2008, I, 108, n° 8, obs. R. Le Guidec.
(7) Cass. civ. 1, 18 janvier 2012, 4 arrêts, préc. ; JCP éd. N, 2012, 1187, notre étude; ibid. 1188, note Y. Delecraz ; JCP éd. G, 2012, 513, note F. Sauvage ; RTDCiv., 2012, p. 353, note M. Grimaldi ; Dr. fam., 2012, obs. B. Beignier.
(8) Cass. Req., 9 décembre 1913 ; DP, 1919, 1, p. 29.
(9) F. Sauvage, note préc..
(10) Notamment, en ce sens, M. Grimaldi, Retour sur les donations de fruits et de revenus, in Mélanges Champenois, éd. Defrénois, 2012, p. 431 et s..
(11) Cass. civ.1, 30 janvier 2013, n° 11-25.386, F-D (N° Lexbase : A6213I4U).
(12) Voir, par ex., CA Paris, 16 janvier 2003, Gaz. Pal., 2003, n° 130, p.19, obs. H. Vray.
(13) Cass. civ. 1, 8 novembre 2005, préc..
(14) Cass. civ.1, 26 septembre 2012, n° 11-14.033, F-D (N° Lexbase : A6213I4U).
(15) Cass. civ.1, 3 mars 2010, n° 08-20.428, F-P+B (N° Lexbase : A6490ES8) ; JCP éd. N, 2010, 1184, nos obs..
(16) Cass. civ. 1, 1er février 2012, n° 10-25.546, F-P+B+I (N° Lexbase : A6689IBD), JCP éd. G, 2012, 512, note J.-B. Donnier, Dr. fam., 2012, n° 72, obs.B. Beignier ; RTDCiv., 2012, p. 352, note M. Grimaldi.

newsid:437195

Successions - Libéralités

[Brèves] Rapport des libéralités : avantage indirect constitué par une dette non remboursée

Réf. : Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 12-11.577, F-P+B+I (N° Lexbase : A3196KDQ)

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N7097BTZ

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Le 23 Mai 2013

Dans un arrêt rendu le 15 mai 2013, la première chambre civile de la Cour de cassation apporte quelques précisions en matière de rapport des libéralités ; on en retiendra que le défaut de remboursement d'une dette constitue un avantage indirect rapportable à condition que la dette ne soit pas prescrite ; s'agissant de la charge de la preuve, c'est aux cohéritiers qu'il appartient de prouver l'existence, au jour de l'ouverture des successions, des dettes en cause (Cass. civ. 1, 15 mai 2013, n° 12-11.577, F-P+B+I N° Lexbase : A3196KDQ). En l'espèce, Maurice X était décédé le 22 avril 1982 tandis que son épouse, Elisabeth Y, était décédée le 28 juin 2006. Ils laissaient leurs sept enfants, dont M. André-Marie X, à qui ses frères et soeurs, les consorts X, avaient demandé le rapport de diverses sommes. Tout d'abord, pour constater que M. André-Marie X avait reçu en avancement d'hoirie la somme principale de 213 403,17 euros et dire qu'il devait rapport de cette somme, la cour d'appel avait retenu que, sur les sommes dues par M. André-Marie X en application de l'article 843 du Code civil (N° Lexbase : L9984HN4) à l'indivision successorale, la prescription extinctive n'avait commencé à courir qu'au décès du dernier de ses parents, de sorte qu'elle n'était pas intervenue le 11 septembre 2007, date des premières écritures des consorts X par lesquelles ils avaient revendiqué le rapport de ces sommes. La décision est censurée, au visa des articles 843, 2262 (N° Lexbase : L7209IAA) et 2277 (N° Lexbase : L7196IAR) du Code civil, par la Cour suprême qui estime qu'en se déterminant ainsi, sur le fondement du rapport des donations, en considérant que constituait un avantage indirect rapportable le défaut de paiement des sommes réclamées au titre d'une reconnaissance de dette du 13 juillet 1962 et de fermages de 1966, sans rechercher si ces dettes étaient prescrites au jour de l'ouverture des successions, comme le soutenait le débiteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. De même, sur le terrain de la charge de la preuve, la cour d'appel avait retenu qu'il appartenait à M. André-Marie X de rapporter la preuve du remboursement de la dette reconnue le 13 juillet 1962, preuve non rapportée en appel, de sorte que ce non-paiement constituait un avantage indirect dont il avait bénéficié de la part de ses parents, de même que le montant des fermages de 1966 dont il ne démontrait pas le paiement. A tort. La Cour suprême retient, au visa de l'article 1315 du Code civil (N° Lexbase : L1426ABG) qu'il appartenait à ses cohéritiers qui en demandaient le rapport, de prouver l'existence, au jour de l'ouverture des successions, des dettes envers leurs auteurs dont ils se prévalaient.

newsid:437097

Voies d'exécution

[Brèves] Saisie immobilière : appel contre le jugement d'adjudication

Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-18.938, F-P+B (N° Lexbase : A5088KDS)

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Le 23 Mai 2013

Seul le jugement d'adjudication qui statue sur une contestation est susceptible d'appel de ce chef ; une demande de subrogation dans les poursuites constitue une telle contestation. Telle est la solution dégagée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 16 mai 2013 (Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-18.938, F-P+B N° Lexbase : A5088KDS). En l'espèce, sur des poursuites de saisie immobilière, engagées par la société F. à l'encontre de la société E., un juge de l'exécution avait, par jugement du 7 avril 2011, après avoir fait droit à une demande de subrogation dans les poursuites présentée par un syndicat des copropriétaires, prononcé l'adjudication de ce bien. A la suite d'une surenchère, l'adjudication sur surenchère avait été prononcée le 16 juin 2011. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par la société E. contre le jugement d'adjudication du 7 avril 2011, la cour d'appel de Bordeaux avait retenu que ce jugement avait été prononcé à l'issue de la procédure d'enchères prévue par la loi sans que le juge de l'exécution ait eu à statuer sur une quelconque contestation (CA Bordeaux, 7 mars 2012, n° 11/5287 N° Lexbase : A5088KDS). La décision est censurée, au visa de l'article 88 du décret du 27 juillet 2006, devenu R. 322-60 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2479ITY), ensemble l'article 10 du même décret, devenu R. 311-9 du même code (N° Lexbase : L2395ITU), par la Cour suprême qui relève que le jugement d'adjudication avait accueilli la demande du syndicat des copropriétaires tendant à être subrogé dans les poursuites, de sorte qu'il était susceptible d'appel.

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Voies d'exécution

[Brèves] Du pouvoir du juge de l'exécution de déclarer un jugement non avenu

Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-15.101, F-P+B N° Lexbase : A5042KD4)

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N7149BTX

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Le 23 Mai 2013

Il ressort d'un arrêt rendu le 16 mai 2013 que le juge de l'exécution a le pouvoir de déclarer un jugement non avenu (Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-15.101, F-P+B N° Lexbase : A5042KD4). En l'espèce, M. G. avait saisi un juge de l'exécution à fin de constater, par application de l'article 478 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6592H7B), le caractère non avenu du jugement prononcé par un tribunal de grande instance le 25 octobre 2005 dans un litige l'opposant aux consorts G. Pour dire que la demande de M. G. excédait les pouvoirs du juge de l'exécution et les déclarer irrecevables, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait énoncé que le juge de l'exécution ne peut être saisi de difficultés en relation à un titre exécutoire qu'à l'occasion des contestations portant sur les mesures d'exécution forcée engagées ou opérées sur le fondement de ce titre (CA Aix-en-Provence, 25 novembre 2011, n° 10/19426 N° Lexbase : A7323H4Y). L'arrêt est censuré par la Cour suprême qui relève que la demande tendant à faire déclarer un jugement non avenu a pour objet de lui faire perdre son caractère de titre exécutoire (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1643EUE).

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