Lexbase Affaires n°340 du 30 mai 2013

Lexbase Affaires - Édition n°340

Bancaire

[Brèves] Dérogations au monopole bancaire en faveur de certaines opérations : le cas du cautionnement complément indissociable d'un contrat d'approvisionnement exclusif

Réf. : CA Montpellier, 7 mai 2013, n° 12/01373 (N° Lexbase : A0865KDE)

Lecture: 1 min

N7258BTY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437258
Copier

Le 30 Mai 2013

Si l'article L. 511-5 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9481DYS) interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel dont celles définies à l'article L. 519-3 (N° Lexbase : L2278INP), l'article L. 511-7 du même code (N° Lexbase : L1172IWC) prévoit, toutefois, que cette interdiction ne fait pas obstacle à ce qu'une entreprise, quelle que soit sa nature, puisse, dans l'exercice de son activité professionnelle, consentir à ses contractants des délais et avances de paiement. Ainsi, une société, exerçant l'activité de brasseur, qui n'est pas un établissement de crédit peut réaliser une opération de crédit dès lors que celle-ci n'est pas une opération purement financière mais constitue le complément indissociable d'un contrat d'approvisionnement exclusif entrant dans le champ de son activité habituelle. Tel est bien le cas, en l'espèce, de l'engagement de caution solidaire d'une société en garantie d'un prêt consenti par un établissement de crédit à son cocontractant, en contrepartie d'un contrat de fourniture exclusive de bière. Dès lors est infirmé le jugement du tribunal de commerce qui a considéré que la société caution, qui exerçait un recours à l'égard du dirigeant de la société débitrice principale, caution solidaire du prêt qu'elle avait remboursé, sollicitait le paiement d'une créance résultant de son intervention en qualité d'intermédiaire en opérations de banque, dans des conditions contraires à l'article L. 519-3 du Code monétaire et financier, et l'a en conséquence déboutée. Telle est la solution énoncée par la cour d'appel de Montpellier dans un arrêt du 7 mai 2013 (CA Montpellier, 7 mai 2013, n° 12/01373 N° Lexbase : A0865KDE ; cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E1262AH9).

newsid:437258

Baux commerciaux

[Brèves] Sur l'exception d'inexécution opposée par le preneur au bailleur

Réf. : Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 11-26.095, FS-P+B (N° Lexbase : A9181KDE)

Lecture: 1 min

N7283BTW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437283
Copier

Le 30 Mai 2013

L'existence d'infiltrations d'eau de pluie en toiture de nature à troubler la jouissance paisible des lieux et dont les réparations incombaient au bailleur ne justifie pas le non-paiement total des loyers dès lors que l'activité du preneur peut se poursuivre dans les lieux loués. Tel est l'un des enseignements d'un arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2013 (Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 11-26.095, FS-P+B (N° Lexbase : A9181KDE ; sur cet arrêt lire également N° Lexbase : N7284BTX sur la compensation des dommages et intérêts dus réciproquement entre un bailleur et un preneur). En l'espèce, par acte du 14 janvier 2004, un nu-propriétaire et un usufruitier avaient donné à bail de vingt-quatre mois des locaux à usage commercial. Le preneur les a assignés en référé aux fins d'obtenir la remise en état du local. Le juge des référés a saisi, en application de l'article 811 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0699H4N), le tribunal de grande instance devant lequel chacune des parties a sollicité la résiliation du bail aux torts de son co-contractant et l'allocation de diverses sommes. Le paiement du loyer est l'une des deux obligations principales du locataire (C. civ., art. 1728 N° Lexbase : L1850AB7). Il ne peut se soustraire à cette obligation, à moins d'une impossibilité totale d'exploiter les lieux loués conformément à leur destination (Cass. civ. 3, 31 octobre 1978, n° 77-11.355 N° Lexbase : A7303AGL ; Cass. civ. 3, 25 juin 2003, n° 01-15.364, inédit N° Lexbase : A9748C8K ; Cass. civ. 3, 21 novembre 1990, n° 89-16189, publié au bulletin N° Lexbase : A7878AGU). L'arrêt du 23 mai 2013 constitue un rappel de cette solution. La Cour de cassation approuve, en effet, les juges du fond (CA Toulouse, 14 juin 2011, n° 09/04590 N° Lexbase : A5017H39) d'avoir estimé que le non-paiement des loyers n'était pas justifié dès lors que l'activité avait pu se poursuivre, même si le preneur subissait des troubles de jouissance (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E8558AG3).

newsid:437283

Baux commerciaux

[Brèves] Sur la compensation des dommages et intérêts dus réciproquement entre un bailleur et un preneur

Réf. : Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 11-26.095, FS-P+B (N° Lexbase : A9181KDE)

Lecture: 2 min

N7284BTX

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437284
Copier

Le 04 Juin 2013

La compensation entre des créances réciproques de dommages et intérêts du bailleur et du preneur ne peut être rejetée sans liquider préalablement les préjudices résultant, pour le bailleur, de la rupture du bail aux torts du preneur, et, pour le preneur, de ces troubles de jouissance. Tel est l'un des enseignements d'un arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2013 (Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 11-26.095, FS-P+B (N° Lexbase : A9181KDE ; sur cet arrêt lire également N° Lexbase : N7283BTW sur l'exception d'inexécution opposée par le preneur au bailleur). En l'espèce, par acte du 14 janvier 2004, un nu-propriétaire et un usufruitier avaient donné à bail de vingt-quatre mois des locaux à usage commercial. Le preneur les a assignés en référé aux fins d'obtenir la remise en état du local. Le juge des référés a saisi, en application de l'article 811 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0699H4N), le tribunal de grande instance devant lequel chacune des parties a sollicité la résiliation du bail aux torts de son co-contractant et l'allocation de diverses sommes. La demande du preneur tendant à voir les bailleurs condamnés à lui régler des dommages et intérêts pour troubles de jouissance ayant été rejetée (CA Toulouse, 14 juin 2011, n° 09/04590 N° Lexbase : A5017H39), il s'est pourvu en cassation. Pour rejeter cette demande, les juges du fond ont estimé que, compte tenu de l'absence d'insalubrité des locaux et des interventions tout de même diligentées par le gestionnaire, l'arriéré de loyers ne pouvait se compenser en intégralité avec le préjudice lié au trouble de jouissance car cela reviendrait à accorder quatre années d'occupation gratuite et que seule la créance indemnitaire pour troubles locatifs du locataire peut être considérée comme compensée avec l'indemnité qu'elle doit pour la rupture du bail à ses torts. Au visa de l'article 1290 du Code civil (N° Lexbase : L1400ABH), la Cour de cassation censure les juges du fond. Ce texte dispose que "la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives". Les juges du fond auraient dû préalablement liquider le préjudice des bailleurs lié à la rupture du bail aux torts du preneur et celui du preneur pour les troubles de jouissance avant de constater la compensation (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E9110AKM).

newsid:437284

Baux commerciaux

[Brèves] Sur les conditions du droit du preneur au remboursement de travaux incombant au bailleur

Réf. : Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 11-29.011, FS-P+B (N° Lexbase : A9201KD7)

Lecture: 1 min

N7285BTY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437285
Copier

Le 06 Juin 2013

Sauf urgence, le bailleur ne doit rembourser au preneur les travaux dont il est tenu que s'il a été préalablement mis en demeure de les réaliser et, qu'à défaut d'accord, le preneur a obtenu une autorisation judiciaire de se substituer à lui (Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 11-29.011, FS-P+B N° Lexbase : A9201KD7). En l'espèce, par acte du 5 avril 1995, le preneur à bail à construction d'un terrain, avait donné à bail commercial divers locaux à une société. Le preneur avait fait exécuter des travaux de reprise des fondations et avait ensuite assigné le bailleur en remboursement de ces travaux, ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts. Il a été débouté de sa demande par les juges du fond (CA Besançon, 5 octobre 2011, n° 10/02351 N° Lexbase : A2716H7Q), approuvés par la Cour de cassation par l'arrêt rapporté, en raison du fait que la reprise des fondations avait été organisée sans que le bailleur ait été associé au constat des désordres, à l'identification de leurs causes et au choix ainsi qu'à la mise en oeuvre des travaux nécessaires, sans que l'urgence ne soit, en outre, établie. Le preneur aurait dû, préalablement à l'exécution de ces travaux et même si la charge de ces derniers incombait en principe au bailleur, le mettre préalablement en demeure de les exécuter et à défaut d'accord, solliciter une autorisation judiciaire. Cette solution avait déjà été posée par la Cour de cassation (v. par ex., Cass. civ. 3, 11 janvier 2006, n° 04-20.142, FS-P+B N° Lexbase : A3462DM8 ; sur lequel lire N° Lexbase : N3285AKU) au visa de l'article 1144 du Code civil (N° Lexbase : L1244ABP ; cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E3591AG4).

newsid:437285

Baux commerciaux

[Brèves] Sur l'étendue de l'engagement de la caution en présence d'un bail dérogatoire

Réf. : Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 11-17.071, FS-P+B (N° Lexbase : A9221KDU)

Lecture: 2 min

N7286BTZ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437286
Copier

Le 30 Mai 2013

En présence d'un acte de cautionnement visant un bail dérogatoire et les cessions éventuelles de ce bail, ainsi que le renouvellement exprès ou tacite dudit bail et les conventions d'occupation qui lui succéderaient, l'engagement de la caution, non professionnelle du droit, ne peut être étendu au bail commercial de neuf ans qui a fait suite à ce bail dérogatoire. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2013 (Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 11-17.071, FS-P+B N° Lexbase : A9221KDU ; sur cet arrêt lire également N° Lexbase : N7287BT3 sur les conditions de la création d'un bail commercial à l'issue d'un bail dérogatoire à l'égard du copreneur non exploitant). En l'espèce, par acte du 9 décembre 2002, un propriétaire de locaux commerciaux les avait donnés à bail de 24 mois. Deux personnes physiques s'étaient portées cautions solidaires et conjointes par acte séparé du même jour. Les locaux n'avaient pas été libérés à l'issue du bail. Par acte des 7 et 8 juin 2007, le locataire avait délivré congé pour le 8 décembre 2007. Le propriétaire l'a assigné, ainsi que les cautions, en paiement d'un arriéré locatif. Ses demandes à l'encontre des cautions ayant été rejetées (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 2 février 2011, n° 09/15671 N° Lexbase : A9546GSD), le propriétaire s'est pourvu en cassation. La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle retient que les juges du fond ont à juste titre estimé que la caution ne pouvait être tenue des obligations nées du bail dérogatoire faisant suite à un bail commercial (C. com., art. L. 145-5 N° Lexbase : L2320IBK), dès lors que l'acte de cautionnement visait en caractères gras le bail du 9 décembre 2002 et les cessions éventuelles de ce bail avec l'accord de la bailleresse, ainsi que le renouvellement exprès ou tacite dudit bail et les conventions d'occupation qui lui succéderaient. Il en résultait l'absence de volonté claire et non équivoque de la caution d'étendre son engagement au bail commercial de neuf ans qui pouvait succéder à un bail dérogatoire. Cependant, dans sa motivation, la Cour de cassation souligne que la caution n'était pas une professionnelle du droit et qu'elle n'était pas nécessairement informée de ce qu'à l'issue du bail du 9 décembre 2002, un bail commercial d'une durée de neuf ans se substituait au bail dérogatoire en cas de maintien dans les lieux du preneur sans opposition de la bailleresse, sans possibilité d'un nouveau bail de courte durée (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E9074A79).

newsid:437286

Baux commerciaux

[Brèves] Sur les conditions de la création d'un bail commercial à l'issue d'un bail dérogatoire à l'égard du copreneur non exploitant

Réf. : Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 11-17.071, FS-P+B (N° Lexbase : A9221KDU)

Lecture: 2 min

N7287BT3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437287
Copier

Le 31 Mai 2013

Tous les cotitulaires d'un bail dérogatoire qui se maintiennent dans les locaux dans lesquels un fonds de commerce est exploité sont liés par le bail soumis au statut qui naît de la loi, qu'ils soient ou non personnellement exploitants du fonds. Tel est l'enseignement inédit d'un arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2013 (Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 11-17.071, FS-P+B N° Lexbase : A9221KDU sur cet arrêt lire également N° Lexbase : N7286BTZ sur l'étendue de l'engagement de la caution en présence d'un bail dérogatoire). En l'espèce, par acte du 9 décembre 2002, un propriétaire de locaux commerciaux les avait donnés à bail de 24 mois à deux preneurs. Les locaux n'avaient pas été libérés à l'issue du bail. Par acte des 7 et 8 juin 2007, les locataires avaient délivré congé pour le 8 décembre 2007. Le propriétaire les a assignés en paiement d'un arriéré locatif. Ses demandes à l'encontre de l'un des cotitulaires du bail ayant été rejetées, le propriétaire s'est pourvu en cassation. Les juges du fond (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 2 février 2011, n° 09/15671 N° Lexbase : A9546GSD) avaient retenu que l'un des preneurs, en tant que signataire en son nom personnel d'un bail dérogatoire au statut lui conférant la possibilité d'exploiter dans les lieux en son nom personnel une activité commerciale, avait bien eu la qualité de locataire à ce bail dérogatoire. Toutefois, toujours selon les juges du fond, à l'expiration de ce bail, ce preneur ne pouvait, dès lors que s'opérait, dans le cas de maintien sans opposition du bailleur, un bail soumis au statut exigeant l'exploitation par le preneur d'un fonds lui appartenant dans les lieux, conserver cette qualité qu'à la condition d'exploiter personnellement et effectivement un fonds dans les lieux loués. Or, tel n'avait pas été le cas, le fonds exploité étant le fonds de l'autre copreneur. Cette solution est censurée par la Cour de cassation qui précise que tous les cotitulaires du bail dérogatoire qui se maintiennent dans les locaux dans lesquels un fonds de commerce est exploité sont liés par le bail soumis au statut qui naît de la loi, qu'ils soient ou non personnellement exploitants du fonds (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E2318AEL).

newsid:437287

Baux commerciaux

[Brèves] Sur la procédure en fixation du loyer en renouvellement : absence d'obligation de notifier un mémoire après expertise devant le tribunal de grande instance

Réf. : Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 12-14.009, FS-P+B (N° Lexbase : A9111KDS)

Lecture: 1 min

N7288BT4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437288
Copier

Le 30 Mai 2013

La procédure applicable devant le tribunal de grande instance saisi à titre accessoire d'une demande en fixation du prix du bail renouvelé étant la procédure en matière contentieuse applicable devant cette juridiction et non la procédure spéciale sur mémoire en vigueur devant le seul juge des loyers commerciaux, il ne peut être fait grief au bailleur de n'avoir pas déposé de mémoire après expertise. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2013 (Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 12-14.009, FS-P+B N° Lexbase : A9111KDS). Si en principe le président du tribunal de grande instance, statuant en tant que juge des loyers, est compétent pour connaître d'une action en fixation du loyer en renouvellement ou en révision, le tribunal de grande instance est également compétent à titre accessoire (C. com., art. R. 145-23 N° Lexbase : L0053HZY), par exemple lorsque, comme dans l'espèce rapportée, il existe une contestation sur la date d'effet du renouvellement. La Cour de cassation avait précisé, à propos d'une demande en révision du loyer formée accessoirement devant le tribunal de grande instance saisi à titre principal d'une question relevant de sa compétence, que cette demande devait être instruite suivant les règles applicables devant cette juridiction, et non pas suivant la procédure spéciale en vigueur devant le juge des loyers commerciaux (Cass. civ. 3, 27 novembre 2002, n° 01-12.775, publié N° Lexbase : A1262A4I). L'obligation de notifier un mémoire préalable à la saisine du juge (C. com., art. R. 145-23 N° Lexbase : L0053HZY) ou après expertise (C. com., art. 145-31 N° Lexbase : L0061HZB) n'aurait ainsi pas vocation à s'appliquer dans ce cas, ce que confirme l'arrêt du 23 mai 2013 dans cette dernière hypothèse (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E0186A8E).

newsid:437288

Droit financier

[Jurisprudence] Lien de causalité et exonération de l'obligation de résultat du prestataire de services d'investissement, des questions encore en suspens

Réf. : Cass. com., 26 mars 2013, n° 12-13.631, F-P+B (N° Lexbase : A2809KBN)

Lecture: 9 min

N7245BTI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437245
Copier

par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

Le 30 Mai 2013

"La faute est d'abord une notion morale, saisie par l'évidence, immédiatement ressentie par tous, sauf dans les cas limites ou pour des consciences tordues" (1). La formule célèbre laisse, en exergue de sa consonance éthique, un espace d'incertitude, pour les "cas limites", espace qui entoure, à l'évidence, l'affaire dont vient de connaître la Chambre commerciale de la Cour de cassation.
Deux époux, co-titulaires de comptes titres ouverts en 2000 auprès d'une société prestataire de services d'investissement (PSI), réalisent des opérations sur le marché à règlement mensuel, désormais service à règlement différé. Ces opérations ayant donné lieu à des pertes, apparaît une insuffisance de couverture qui va atteindre au 14 septembre 2007, la somme de 708 817,91 euros. Le PSI ayant assigné les époux en paiement, ces derniers lui reprocheront d'avoir manqué à son obligation de liquidation des positions non-couvertes. La cour d'appel de Douai, constatant que les époux, informés en permanence de la situation de leurs comptes, recevant du PSI, par ailleurs, plusieurs lettres recommandées les enjoignant de couvrir le débit, avaient décidé de reporter la liquidation de leurs positions, proposant de reconstituer progressivement la couverture, les condamne à payer, après compensation, la somme de 335 669,68 euros.
Un pourvoi en cassation ayant été formé, la question posée au juge du droit était de savoir si la faute commise par les investisseurs permettait d'exonérer le PSI de sa responsabilité. La Chambre commerciale de la Cour de cassation va répondre, au visa des articles 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT) et, ensemble, de l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2557DKW), dans sa rédaction applicable à l'époque, que le PSI est tenu "de liquider les positions de son client lorsque ce dernier n'a pas, le lendemain du dernier jour de la liquidation mensuelle, remis les titres ou les fonds nécessaires à la livraison des instruments financiers achetés, une telle liquidation d'office devant également avoir lieu lorsque les positions du donneur d'ordre ont été reportées et que celui-ci n'a pas, avant la même date, réglé son solde débiteur et constitué ou complété la couverture afférente à l'opération de report".

Elle casse ainsi l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 27 janvier 2011, précisant que la faute imputée aux époux investisseurs "n'aurait pu être commise en l'absence de celle de la société".

L'arrêt constitue donc une confirmation de la jurisprudence de 2008 qui avait consacré un revirement quant à l'analyse de la responsabilité du PSI, modifiant, notamment, ses conditions de mise en jeu (I). Ce dernier arrêt, toutefois, n'avait pas clairement posé les suites à donner au régime d'exonération applicable à l'intermédiaire, laissant ainsi ouvertes nombre d'interrogations auxquelles l'arrêt commenté ne permet qu'imparfaitement de répondre (II).

I - Les conditions de mise en jeu de la responsabilité du PSI

Se trouvait ainsi posée, incidemment, une question relative à la responsabilité du PSI. Cette question, toutefois, comportait deux volets distincts, figurant explicitement dans le visa. Le premier concernait la responsabilité spécifique du prestataire telle que résultant du non-respect des dispositions de l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier dans sa rédaction applicable avant le 1er novembre 2007 (A), le second, l'étendue de sa responsabilité contractuelle (B).

A - La responsabilité contractuelle du prestataire face aux règles professionnelles

La responsabilité du PSI est un domaine sensible, notamment dans le cadre des relations contractuelles que ce dernier entretient avec les investisseurs. Confronté à la complexité d'opérations dont le particulier mesure parfois mal les conséquences, le juge a dû modeler la responsabilité du professionnel afin d'accroître la sécurité de petits épargnants.

Ainsi qu'a pu le souligner un observateur avisé de l'évolution de la jurisprudence, Avocat général à la Cour de cassation, il s'est agi pour le juge, ces dernières années, de "s'adapter à l'évolution des comportements, notamment le dynamisme commercial des prestataires de services financiers qui ont déplacé l'épargne vers des produits plus sophistiqués, plus complexes et plus risqués mais aussi une plus grande autonomie des clients dans la gestion de leur épargne, notamment par l'accès à la bourse en ligne qui a fait apparaître un risque moins maîtrisé par le professionnel et mal mesuré par l'usager" (2).

A ce titre, les opérations sur le marché à terme (devenu depuis le service à règlement différé) constituaient un domaine particulièrement sensible de l'activité des PSI, ces intermédiaires étant confrontés à la difficulté que nombre d'investisseurs non expérimentés éprouvaient à mesurer les risques financiers encourus. Le juge du droit, ainsi, qui décidait, jusqu'à une période récente (3), que "l'obligation" de couverture était édictée dans l'intérêt de l'intermédiaire et de la sécurité du marché, va opérer un revirement de jurisprudence à l'occasion d'un arrêt du 26 février 2008 (4). Dès lors, la Chambre commerciale va imposer une nouvelle analyse, décidant que l'obligation de couverture est édictée tant dans l'intérêt de l'opérateur et de la sécurité du marché que dans celui du donneur d'ordre.

Cette solution, rapidement confirmée par les arrêts ultérieurs, devait, au surplus être immédiatement suivie de précisions concernant, cette fois -dans un domaine proche (une obligation de couverture était également en question)-, l'exonération du PSI. Dans un arrêt du 4 novembre 2008, commenté à l'époque dans ces colonnes (5), à propos de l'inexécution d'obligations liées à la réception-transmission d'ordres via internet, la Chambre commerciale décidera que le PSI ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité en se retranchant derrière des impératifs techniques et, ce, au visa des articles 1147 du Code civil et ensemble, l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier (6).

B - Une responsabilité contractuelle fondée sur une obligation de résultat

Sous l'égide d'un tel visa, l'analyse de l'obligation renvoyait implicitement, à l'hypothèse de l'inexécution d'une obligation de résultat. L'article 1147 du Code civil établit, en effet, que "le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée".

Pour mémoire, on renverra à l'analyse de Demogue (7) qui, le premier, imposa une "distinction suivant l'objet de l'obligation, selon que l'obligation est de résultat ou de moyen. L'idée fondamentale consiste à examiner ce que le débiteur a promis, ce que le créancier peut raisonnablement attendre" (8). Cette distinction, particulièrement importante pour mesurer les conditions de mise en jeu de la responsabilité (la faute n'a pas à être démontrée pour les obligations de résultat), n'en est pas moins essentielle pour établir les causes de son exonération : en principe, le débiteur de l'obligation inexécutée ne peut se dégager par la démonstration de son absence de faute.

Il demeure qu'en dehors de la clarté apparente du visa, l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier, tel qu'applicable à l'époque (le même fondement que l'espèce examinée aujourd'hui), semblait établir, à l'inverse, qu'une obligation de moyens pesait sur le PSI. Le texte disposait, en effet, que le prestataire : "est tenu d'exercer son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de ses clients et de l'intégrité du marché, ainsi que de se conformer à toutes les réglementations applicables [...]". La rédaction du texte semblait imposer, de la sorte, des obligations assez lâches, s'appuyant, au surplus, sur des termes qui fixent, en théorie, l'étendue de l'obligation de moyens, en référence au standard du "bon père de famille" qui délimite, dans ce cas précis, l'appréciation de la faute.

Nous avions déjà eu l'occasion de souligner cette contradiction entre les deux textes servant de support à la décision : l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier et sa référence conjointe ("ensemble" précisait l'arrêt) à l'article 1147 du Code civil. La doctrine, sur ce point, était demeurée prudente se contentant de constater que, selon des termes consacrés, la Cour de cassation avait, par ce moyen, fait entrer la réglementation professionnelle (déontologique en l'espèce ?) "dans le champ contractuel" (9). Pour autant, ce glissement de la réglementation au champ du contrat ne permettait pas d'expliquer la contradiction textuelle entre, d'une part, la prudence ("le soin") et la diligence qui renvoient à l'obligation de moyens traditionnellement attachée à l'article 1137 du Code civil (N° Lexbase : L1237ABG) et, d'autre part, la référence paradoxale à l'article 1147. Sans doute faut-il y voir, à notre sens, la manifestation des limites inhérentes à l'utilisation du droit commun des contrats et à son inadaptation aux opérations boursières. Si le recours aux dispositions du Code civil semble, en effet, indispensable car il permet de replacer le droit des marchés financiers dans une grille d'analyse intelligible (10), il n'en offre pas moins que des justifications parcellaires qui souvent doivent s'effacer devant les impératifs de sécurité des transactions.

II - Les incertitudes quant à l'exonération de la responsabilité

Ainsi dépourvus du prisme d'analyse qu'offre le droit commun, les acteurs des marchés risquent de ne pas pouvoir prétendre à la sécurité juridique constamment appelée de leurs voeux. Le PSI, confronté au respect d'une obligation de résultat depuis l'arrêt de 2008, n'est pas encore fixé sur les causes d'exonération qui lui seraient possible d'invoquer (A) et l'espèce commentée en renvoyant, apparemment, à la seule question de la causalité (B) ne semble pas permettre d'approfondir la réflexion sur la question.

A - L'hypothèse de l'exonération de l'obligation de résultat par la preuve de l'absence de faute

La question, épineuse, du régime d'exonération applicable à la responsabilité contractuelle du PSI avait déjà été soulevée, à propos de l'arrêt du 4 novembre 2008 (11). Nous avions pu souligner, à cette époque, que le revirement jurisprudentiel ne paraissait pas achevé, dans le sens où la rédaction de l'arrêt laissait la voie ouverte à un éventuel élargissement des causes d'exonération du débiteur de l'obligation de résultat. La conjonction, en effet, d'un texte renvoyant à des "obligations" professionnelles suggérant l'existence d'une obligation de moyens et d'un autre, l'article 1147 du Code civil qui signale l'existence d'une obligations de résultat, pouvait laisser penser que le PSI se trouvait débiteur d'une obligation de résultat "allégée" (12), dont il aurait pu "se dégager en se contentant de rapporter la preuve qu'il n'a pas commis de faute" (13).

Cette interprétation de l'arrêt de 2008 aurait permis, nous semblait-il, de conserver toute sa cohérence à l'évolution jurisprudentielle. D'abord, quant à la résolution du paradoxe -apparent- contenu dans son visa et, ensuite, quant au respect de la rédaction choisie par le juge du droit, qui semblait alors laisser la porte ouverte à un large champ d'exonération. En effet, dans l'espèce de 2008, la Chambre commerciale n'avait fait que poser le principe de l'existence d'une obligation de résultat du PSI. La question de l'existence ou non d'une obligation allégée, quand bien même l'investisseur avait manifestement commis des fautes dans l'affaire en cause, n'y était pas tranchée.

L'arrêt du 26 mars 2013 aurait, ainsi, pu donner l'occasion, compte tenu des faits de l'espèce, d'apporter des précisions sur le régime d'exonération. Le comportement des époux, qui n'avaient pas reconstitué la couverture en dépit des rappels réitérés du PSI, pouvait, en effet, être considéré comme fautif. Si l'obligation de résultat était "allégée", l'intermédiaire aurait, alors, sans doute pu s'exonérer, partiellement au moins, pour la partie de la faute incombant à son cocontractant.

Telle n'est cependant pas l'analyse du juge du droit qui relève bien la faute des époux investisseurs mais précise que cette dernière n'aurait pu "être commise en l'absence de celle de la société" (14).

B - Une solution d'espèce fondée sur une analyse de la causalité

Il est à se demander, à la lecture attentive de l'arrêt si le visa de l'article 1147 du Code civil n'emporte pas, en définitive, une double signification. Si, en référence aux travaux de Demogue, le renvoi à cette disposition du Code civil signale aujourd'hui l'existence d'une obligation de résultat à la charge du débiteur, il convient de souligner que cette lecture, qui nous apparaît désormais classique, n'est que le fruit d'une interprétation tardive du Code civil. Bien avant l'analyse de Demogue, l'article 1147 a servi de base à un autre raisonnement : la transposition du régime de responsabilité civile à celui de la responsabilité contractuelle. A ce titre, les dispositions ayant servi de fondement à cette transposition ont permis d'établir qu'à l'instar du régime de responsabilité expressément prévu à l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), l'inexécution d'obligations conventionnelles n'entraînait la responsabilité du débiteur de l'obligation inexécutée du contrat qu'au constat de la réunion d'une faute, d'un dommage, ou d'un lien de causalité, ce dernier ressortant assez distinctement des dispositions de l'article 1151 du même code (N° Lexbase : L1252ABY) (15).

Dans l'espèce commentée, la question de l'exonération se trouve donc éludée, contournée apparemment -mais sur ce point la prudence doit encore rester de mise- par les exigences de mise en oeuvre des principes de la causalité. En substance, le juge du droit se contente de relever, sans rechercher de cause d'exonération, que la faute des époux était bien établie mais qu'elle n'avait été rendue possible qu'en raison de l'existence de celle, antérieure, du PSI.

L'arrêt se fonde, de la sorte, sur la théorie de la causalité adéquate, dite également générique, celle qui postule que la relation est à rechercher dans la cause prépondérante, celle sans laquelle il est "évident que l'effet ne se serait pas produit" (16). En l'espèce, l'absence de liquidation des positions par le PSI avait certainement eu pour conséquence de dégrader les positions des époux investisseurs. Ainsi, le préjudice était né de l'absence de liquidation, incontestablement assimilable à une faute née du non-respect de la réglementation, ce qui rendait le PSI responsable du dommage.

L'hypothétique existence d'une obligation de résultat allégée ne sera pas, cette fois encore, véritablement tranchée. On peut douter, d'ailleurs, qu'en dépit d'un fondement textuel qui renvoie (faute ?) explicitement au seul soin et à la diligence (l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier), la solution consistant à admettre l'exonération du PSI par la preuve de l'absence de faute puisse emporter l'adhésion du juge du droit. Là où des intérêts majeurs sont en jeu, à savoir ceux de l'opérateur, de la sécurité du marché et du donneur d'ordre, nul doute que les Hauts magistrats ne se décident, en définitive, pour une limitation drastique des causes d'exonération du professionnel.


(1) Ph. Malaurie, L. Aynès, Ph. Stoffel-Muck, Les obligations, Defrénois, 3ème éd., 2007, n° 49.
(2) R. Bonhomme, Responsabilité et gestion du risque financier, RDBF, n° 6, novembre 2010, étude 31, n° 4.
(3) Cass. com., 8 juillet 2003 , n° 00-18.941, F-P+B+I (N° Lexbase : A0884C9M), Bull. civ. IV, n° 118 ; F. Leplat, Obligation de couverture et responsabilité de l'intermédiaire, Lexbase Hebdo n° 83 du 28 août 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N8492AAR).
(4) Cass. com., 26 février 2008, n° 07-10.761, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A0700D73).
(5) Cass. com., 4 novembre 2008, n° 07-21.481, F-P+B+I (N° Lexbase : A1577EBZ) ; nos obs., Il pèse sur le prestataire de services d'investissement une obligation de résultat quant à la mise en oeuvre des systèmes électroniques de transmission d'ordres, Lexbase Hebdo n° 328 du 27 novembre 2008 - édition privée (N° Lexbase : N7631BH4).
(6) En l'espèce, l'accès direct de l'investisseur aux services boursiers via internet ne pouvait exonérer le PSI d'exiger la couverture des opérations.
(7) Demogue, Traité des obligations, tome V, n° 1237.
(8) F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, 9ème éd., 2005, n° 577.
(9) En ce sens : R. Bonhomme, Responsabilité et gestion du risque financier, préc., n° 33.
(10) Cf. dans des domaines proches, la mise en oeuvre du droit commun des contrats à travers des justifications fondées sur le régime du mandat et ou de l'erreur : A.-C. Muller, Inexécution d'une obligation professionnelle, sanction civile, RDBF, mars 2012, comm. 66.
(11) nos obs. in Lexbase Hebdo n° 328 du 27 novembre 2008 - édition privée, préc. note 5.
(12) G. Viney, La responsabilité : conditions, LGDJ, 1982, n° 534, p. 640.
(13) F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, Les obligations, préc., n° 580.
(14) L'effet de cette décision, en définitive semble correspondre à la logique qui présidait à l'arrêt du 4 novembre 2008 qui refusait au PSI la faculté de se retrancher derrière des impératifs techniques pour s'exonérer de sa responsabilité.
(15) F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Les obligations, préc., n° 592.
(16) Ibid, op. cit., loc. cit.

newsid:437245

Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Distinction créances antérieures/créances postérieures : fait générateur de la créance de remboursement d'un crédit immobilier

Réf. : Cass. com., 23 avril 2013, n° 12-14.906, FS-P+B (N° Lexbase : A6929KCM)

Lecture: 6 min

N7219BTK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437219
Copier

par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 13 Juin 2013

Sous l'empire des dispositions issues de la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT) comme sous l'empire des dispositions antérieures, les créanciers antérieurs au jugement d'ouverture d'une procédure collective doivent déclarer leur créance au passif de la procédure (C. com., art. L. 622-24 N° Lexbase : L3455ICX ; C. com., art. L. 621-43, anc. N° Lexbase : L6895AI9). Alors que l'obligation de déclaration ne visait, pour les procédures ouvertes avant le 1er janvier 2006, que ces créanciers antérieurs, la loi de sauvegarde a modifié la règle en imposant à certains créanciers postérieurs au jugement d'ouverture de déclarer leurs créances. Il s'agit, pour ce qui concerne les procédures de sauvegarde et de redressement (C. com. art. L. 631-14 N° Lexbase : L2453IEL qui renvoie à C. com., art. L. 622-17), des créances que l'article L. 622-17, I (N° Lexbase : L3493ICD) n'intègre pas dans le périmètre des créances bénéficiant du traitement préférentiel, c'est-à-dire celles qui ne sont pas nées "régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période". Il s'agit, pour la procédure de liquidation, des créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité dûment autorisé ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant ce maintien de l'activité, étant entendu qu'en cas de conversion en liquidation judiciaire d'une procédure de sauvegarde ou de redressement, bénéficient également de ce traitement, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire mentionnées au I de l'article L. 622-17 (C. com., art. L. 641-13 N° Lexbase : L3405IC4). Tout cela est désormais bien connu. Si cette obligation de déclarer certaines créances postérieures a donc quelque peu altérer l'importance de la détermination du caractère antérieur ou postérieur d'une créance, elle n'en demeure pas moins essentielle pour déterminer le sort réservé au créancier (notamment le point de départ du délai de deux mois imparti au créancier pour déclarer sa créance qui varie selon que la créance est antérieure ou postérieure non méritante). Aussi, la Cour de cassation est-elle régulièrement amenée à préciser ou à rappeler le fait générateur de certaines créances pour déterminer s'il s'agit ou non d'une créance soumise à l'obligation de déclaration. Tel était bien le cas dans un arrêt rendu par sa Chambre commerciale le 23 avril 2013 et promis aux honneurs du Bulletin.

En l'espèce, un débiteur a été mis en liquidation judiciaire le 20 juillet 2007. Par acte notarié du 5 novembre 2007, ce dernier et son épouse ont acquis un bien immobilier au moyen de deux prêts consentis par un établissement de crédit (la caisse) suivant offres préalables acceptées le 20 décembre 2006. Par deux ordonnances du 17 mars 2010, le juge-commissaire a rejeté les créances déclarées par la caisse au titre de ces prêts. En appel, la cour d'Aix-en-Provence infirme ces deux ordonnances et admet donc les créances de la caisse au passif de la liquidation judiciaire (CA Aix-en-Provence, 15 septembre 2011, n° 10/06757 N° Lexbase : A8455H7B). Le débiteur forme en conséquence un pourvoi contre cet arrêt. La Chambre commerciale rejette le pourvoi énonçant que "l'origine et la naissance d'une créance de remboursement d'un crédit immobilier dont l'offre a été acceptée se situent à la même date, de sorte qu'il est sans incidence sur la solution du litige que la cour d'appel se soit déterminée en considération de l'origine plutôt que de la naissance des créances de la caisse".

La loi de sauvegarde des entreprises a procédé à une modification terminologique en ce qui concerne les notions de créances antérieures et de créances postérieures. Alors que sous la loi de 1985 (loi n° 85-98, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises N° Lexbase : L7852AGW), la créance antérieure était la créance qui "a son origine" antérieurement au jugement d'origine (C. com., art L. 621-43), la loi du 26 juillet 2005 lui a substitué la notion de créance qui "née" antérieurement à ce même jugement. Au lendemain de la réforme, l'une des questions les plus débattues par la doctrine fut donc de savoir si ce changement terminologique devait ou non avoir des conséquences sur la détermination des créances antérieures et des créances postérieures. En d'autres termes, le législateur a-t-il entendu déplacer le curseur ? Si lors des travaux parlementaires, il a été précisé, dans l'excellent rapport de Xavier Roux, que "ces deux termes ne correspondent pas au même cas" (1), la grande majorité des auteurs les plus éminents (2) s'accordait à dire que la substitution du terme "née" à l'expression "a son origine" n'est que formelle et qu'elle ne doit emporter aucune conséquence jurisprudentielle, de sorte que les solutions acquises devaient perdurer. Une doctrine minoritaire, tout aussi éminente, s'était un temps fait l'écho d'une autre théorie : celle selon laquelle l'origine se situerait avant la naissance, l'origine s'entendant de "l'élément causal" qu'il conviendrait de distinguer de la naissance, équivalant à "l'accession à la vie juridique" (3). Les juges du fond se sont rangés à la première analyse, majoritaire. Ainsi la cour d'appel de Versailles, dans l'un des premiers arrêts remarqués sur la question, a considéré que "la cour [...] estime devoir appliquer aux nouveaux textes la même interprétation que celle donnée aux anciens textes" (4), de sorte qu'en l'espèce elle juge que la créance de recours de la caution prend naissance à la date de souscription de l'engagement, continuant à appliquer une solution précédemment dégagée par la Cour de cassation (5).

Récemment la Chambre commerciale de la Cour de cassation a adopté une position similaire (6). En effet, en jugeant que la créance de l'acquéreur née du défaut de conformité de la chose vendue a son origine au jour de la conclusion de la vente, elle reconduit sous l'empire des dispositions nouvelles, une solution consacrée antérieurement à l'application de la loi du 26 juillet 2005 pour la garantie des vices cachés (7).

Par l'arrêt rapporté du 23 avril 2013, la Cour de cassation affirme clairement sa position sur la question : l'origine et la naissance d'un crédit immobilier se situent à la même date et le fait que la cour d'appel se soit déterminée en fonction de l'origine, critère antérieur à la loi de sauvegarde pourtant applicable à l'espèce, au lieu de la naissance, est sans incidence sur la solution du litige. Il semblerait donc acquis que, pour la Haute juridiction, les solutions dégagées antérieurement à la loi de sauvegarde doivent être reconduites pour les procédures ouvertes après le 1er janvier 2006.

En conséquence, la Cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir retenu que constitue une créance antérieure pouvant être admise au passif d'une procédure collective, la créance de remboursement du crédit immobilier consenti suivant des offres acceptées antérieurement au jugement d'ouverture, quand bien même l'acquisition du bien est faite par acte postérieur audit jugement. Elle reprend le principe qu'elle avait énoncé dans un arrêt du 11 février 2004 selon lequel "la créance de remboursement d'un crédit immobilier dont l'offre a été acceptée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective a son origine antérieurement au jugement d'ouverture et doit dès lors être déclarée" (8). Cette jurisprudence n'est que le prolongement en droit des entreprises en difficulté de l'analyse que fait la Haute juridiction des contrats de prêt dans lequel le prêteur est un professionnel. Il faut, en effet, rappeler qu'un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 27 mai 1998 avait déjà posé en principe que "les prêts régis par les articles L. 312-7 (N° Lexbase : L6769ABC) et suivants du Code de la consommation n'ont pas la nature de contrat réel", règle dont il découle que le contrat prend effet par la seule acceptation de l'offre (9). La première chambre civile, par un arrêt en date du 28 mars 2000, a finalement posé en principe que "le prêt consenti par un professionnel du crédit n'est pas un contrat réel" (10), ce que la Haute juridiction a réaffirmé à de nombreuses reprises (11). Aussi bien le prêt consenti par un professionnel du crédit n'est plus un contrat réel mais un contrat consensuel (12) ; en revanche, le prêt qui n'est pas consenti par un établissement de crédit demeure un contrat réel supposant la remise de la chose (13).

Appliqués au dommaine du droit des entreprises en difficulté, notamment en ce qui concerne le fait de savoir si une créance de prêt est ou non une créance antérieure, ces principes imposent donc d'opérer la même distinction : soit il s'agit d'un prêt qui n'est pas octroyé par un professionnel du crédit, et dans ce cas le fait générateur de la créance de ce contrat réel est la remise des fonds prêtés. Si cette remise est opérée avant le jugement d'ouverture, la créance de remboursement est une créance antérieure devant être déclarée au passif de la procédure dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (C. com., art. R. 622-24 N° Lexbase : L0896HZ9) ; dans le cas contraire, il s'agira d'une créance postérieure et il conviendra de déterminer s'il s'agit d'une créance bénéficiant du traitement préférentiel, non soumise à déclaration, ou d'une créance ne répondant pas aux critères du traitement préférentiel (cf. supra) et devant alors être déclarée, s'agissant d'un contrat à exécution successive, pour la totalité des sommes échues et à échoir, sur la base d'une évaluation, dans un délai de deux mois à compter de la première échéance impayée (C. com., art. R. 622-22, al. 2 N° Lexbase : L0894HZ7). Enfin, si le prêt est octroyé par un professionnel du crédit, la créance de remboursement sera une créance antérieure si l'acceptation de l'offre est antérieure au jugement d'ouverture et auquel cas elle devra être déclarée dans les deux mois de sa publication au BODACC, peu important, comme en l'espèce, que les fonds aient été remis après ledit jugement.

Cet état du droit, ainsi reconduit par l'arrêt du 23 avril 2013, les créanciers et leurs conseils doivent bien l'avoir à l'esprit pour s'assurer de participer aux dividendes et aux répartitions et mettre toutes les chances de leur côté pour récupérer leur dû.


(1) Rapport n° 2095 par Xavier de Roux, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 11 février 2005
(2) F. Pérochon, Les créanciers postérieurs et la réforme du 26 juillet 2005, Gaz. proc. coll., 2005, n° sp. 7-8 septembre 2002, p. 57 et s. sp. p. 58 n° 11 ; P.-H. Roussel Galle, Entreprises en difficulté, LexisNexis, éd. 2012, n° 287.
(3) C. Régnault-Moutier, Act. proc. coll., 2005/16, n° 203, P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Actions, 2012/2013, n° 441.09.
(4) CA Versailles, 13ème ch., 21 février 2008, n° 07/03747 (N° Lexbase : A1648D9W) ; D., 2008, AJ 1053, note A. Lienhard.
(5) Cass. com., 16 juin 2004, n° 01-17.199, FS-P+B (N° Lexbase : A7318DCZ) ; P.-M. Le Corre, Du fait générateur de la créance de remboursement détenue par la caution, Lexbase Hebdo n° 129 du 15 juillet 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N2336AB7) ; D., 2004, AJ p. 2046, Act. proc. coll., 2004/15, n° 185, note D. Legeais, JCP éd. E, 2005, chron. 31, p. 32, n° 15, obs. M. Cabrillac, RD banc. et fin., 2004/5, p. 326, n° 200, obs. D. Legeais et 2004/6, p. 410, n° 244, obs. F.-X. Lucas, RTDCom., 2004, p. 812, note A. Martin-Serf, RTDCiv., 2004, p. 758, n° 2, obs. P. Crocq, Gaz. Pal., 1 au 3 août 2004, p. 12, note P.-M. Le Corre.
(6) Cass. com., 2 octobre 2012, n° 10-25.633, F-P+B (N° Lexbase : A9634ITY) ; nos obs., Le fait générateur de la créance de réparation née d'une délivrance non-conforme, Lexbase Hebdo n° 316 du 15 novembre 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N4493BTL) ; Dalloz actualité, 12 octobre 2012, obs. A. Lienhard.
(7) Cass. com., 8 juin 1999, n° 96-18.840 (N° Lexbase : A8043AGY) ; Cass. com., 18 février 2003, n° 00-13.257, F-D (N° Lexbase : A1815A7D).
(8) Cass. com., 11 février 2004, n° 01-11.654, FS-P+B (N° Lexbase : A2660DB7).
(9) Cass. civ. 1, 27 mai 1998, n° 96-17.312 (N° Lexbase : A2780ACX) ; D., 1999, Jur. p. 194, note M. Bruschi ; ibid. Somm. p. 28, obs. M.-N. Jobard-Bachellier ; ibid. 2000, Somm. p. 50, obs. J.-P. Pizzio ; v., sur la question, D. Mazeaud, Droit commun du contrat et droit de la consommation, Nouvelles frontières, in Mélanges J. Calais-Aulois, Dalloz, 2004, p. 697, n° 27.
(10) Cass. civ. 1, 28 mars 2000, n° 97-21.422 (N° Lexbase : A3516AUR), JCP éd. G, 2000, II, 10296, concl. J. Sainte-Rose, note S. Piédelièvre.
(11) Cass. civ. 1, 27 novembre 2001, n° 99-10.633, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2833AX9), JCP éd. G, 2002, II, 10050, note S. Piédelièvre ; Cass. civ. 1, 5 juillet 2006, n° 03-21.142, FS-P+B (N° Lexbase : A3616DQY), D., 2007 p. 50, note J. Ghestin ; Cass. com., 7 avril 2009, n° 08-12.192, FS-P+B (N° Lexbase : A1097EGQ).
(12) Sur cette qualification, s'agissant des contrats conclus entre professionnels et consommateurs, voir not. L. Aynès, in Le droit du crédit au consommateur, p. 63.
(13) Cass. civ. 1, 7 mars 2006, n° 02-20.374, FS-P+B (N° Lexbase : A4939DNA), Contrats, conc., consom., 2006, n° 128, obs. L. Leveneur, JCP éd E, 2006, jur. 2195, note S. Piédelièvre ; Cass. civ. 1, 19 juin 2008, n° 06-19.753, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2147D9E), JCP éd. G, 2008, IV, 2313.

newsid:437219

Entreprises en difficulté

[Brèves] Défaut d'autorité de la décision ouvrant la procédure de conciliation quant à la date de cessation des paiements

Réf. : Cass. com., 22 mai 2013, n° 12-18.509, F-P+B (N° Lexbase : A9165KDS)

Lecture: 1 min

N7252BTR

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437252
Copier

Le 05 Juin 2013

La décision ouvrant la procédure de conciliation n'a pas, en cas d'échec, autorité de chose jugée quant à la date de cessation des paiements, de sorte que la cour d'appel, en décidant que l'ouverture de la procédure de conciliation n'empêchait pas le report de la date de cessation des paiements, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 631-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L3375ICY). Tel est le principe énoncé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mai 2013 (Cass. com., 22 mai 2013, n° 12-18.509, F-P+B N° Lexbase : A9165KDS). En l'espèce, une société a, le 15 juillet 2009, bénéficié d'une procédure de conciliation. A la suite de l'échec de celle-ci, elle a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, le 2 novembre 2009 et le 15 février 2010. La date de cessation des paiements a été provisoirement fixée au 20 octobre 2009. La société a formé un pourvoi en cassation reprochant à la cour d'appel d'avoir reporté la date de cessation des paiements au 1er janvier 2009. La Chambre commerciale énonçant la solution précitée rejette le pourvoi. Elle relève, en effet, que l'arrêt d'appel constate que le bilan de la société pour l'exercice clos au 31 décembre 2008 fait apparaître des dettes fiscales et sociales pour 124 265 euros, des dettes fournisseurs et comptes rattachées pour 660 390 euros, dont certaines, à concurrence de 222 300 euros, étaient exigibles avant le 1er janvier 2009, tandis que les disponibilités représentent seulement un montant de 35 513 euros. L'arrêt d'appel relève encore que la société n'a pas bénéficié de moratoires de la part de ses créanciers. Aussi, en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir que dès le 1er janvier 2009 la société n'était plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel a légalement justifié sa décision (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E8100ET8).

newsid:437252

Entreprises en difficulté

[Brèves] Modalités procédurales de la cession forcée des parts sociales détenues par un dirigeant de la personne morale débitrice

Réf. : Cass. com., 22 mai 2013, n° 12-15.305, F-P+B (N° Lexbase : A9153KDD)

Lecture: 2 min

N7253BTS

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437253
Copier

Le 30 Mai 2013

Selon l'article L. 631-19-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3432IC4), lorsque le redressement de l'entreprise le requiert, le tribunal, sur la demande du ministère public, peut subordonner l'adoption du plan de redressement au remplacement d'un ou plusieurs dirigeants ou ordonner à cette fin et dans les mêmes conditions, la cession des parts sociales détenues par un ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait. Il s'ensuit que la demande du ministère public tendant à la cession forcée des parts sociales du dirigeant doit être faite dans les formes et délais prescrits par l'article R. 631-34-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L9355ICH). Telle est la solution énoncée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mai 2013 (Cass. com., 22 mai 2013, n° 12-15.305, F-P+B N° Lexbase : A9153KDD). En l'espèce, une société ayant deux associés et co-gérants a été mise en redressement judiciaire le 16 mars 2010. Chaque associé a proposé un plan de continuation prévoyant la cession des parts de l'autre. Un jugement du 18 janvier 2011 a arrêté un plan de continuation et ordonné la cession à l'un des associés des parts détenues par l'autre. Pour ordonner cette cession, la cour d'appel a retenu que le premier alinéa de l'article L. 631-19-1 du Code de commerce prévoit seulement que la cession forcée des parts sociales d'un dirigeant peut être décidée par le tribunal sur la demande du ministère public sans qu'aucun texte réglementaire d'application de cette disposition législative n'exige que cette demande soit écrite, l'article R. 631-34-1 du même code ne réglementant, selon la cour, que la procédure d'éviction d'un ou plusieurs dirigeants. La cour a ainsi constaté que le ministère public a, à l'audience, demandé au tribunal de faire droit à la demande de cession forcée des parts (CA Reims, 10 janvier 2012, n° 11/00250 N° Lexbase : A7003II9). Mais énonçant le principe précité, la Cour régulatrice casse l'arrêt des seconds juges dès lors qu'en statuant ainsi, ils ont violé les articles L. 631-19-1 et R. 631-34-1 du Code de commerce. Or, le tribunal ne peut être saisi à cette fin que par une requête du ministère public indiquant les faits de nature à motiver cette demande (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E1577EUX).

newsid:437253

Entreprises en difficulté

[Brèves] Une demande de restitution de fonds ne peut être formée par voie de revendication

Réf. : Cass. com., 22 mai 2013, n° 11-23.961, FS-P+B (N° Lexbase : A9081KDP)

Lecture: 1 min

N7254BTT

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437254
Copier

Le 01 Juin 2013

Une demande de restitution de fonds ne peut être formée par voie de revendication, la seule voie ouverte au créancier d'une somme d'argent étant de déclarer sa créance à la procédure collective de son débiteur. Telle est la solution énoncée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mai 2013 (Cass. com., 22 mai 2013, n° 11-23.961, FS-P+B N° Lexbase : A9081KDP). En l'espèce une société (la débitrice), exerçant l'activité d'agence de voyages, a souscrit, le 1er mai 1995, un contrat qui l'habilitait à vendre des billets d'avion pour le compte notamment de plusieurs compagnies aériennes. La société débitrice ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 30 octobre 2008 et 26 mars 2009, les compagnies aériennes ont saisi le juge-commissaire d'une demande en restitution des sommes versées à la société débitrice au titre des billets émis pour leur compte durant la période du 1er septembre au 21 octobre 2008. Déboutées par les juges d'appel (CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 28 juin 2011, n° 10/04932 N° Lexbase : A1500HWH), les compagnies aériennes ont formé un pourvoi en cassation au soutien duquel elles faisaient notamment valoir que des biens fongibles peuvent faire l'objet d'une revendication à condition qu'ils soient individualisés et identifiables et qu'il en va en particulier ainsi s'agissant de sommes d'argent appartenant à autrui que le débiteur n'a jamais détenues qu'à titre précaire et à charge de les restituer, faute que de tels biens fussent jamais entrés dans son patrimoine. Mais énonçant le principe précité, la Cour régulatrice rejette le pourvoi et confirme la solution des juges du fond .

newsid:437254

[Brèves] Appréciation du caractère disproportionné du cautionnement consenti au profit d'un professionnel

Réf. : Cass. com., 22 mai 2013, n° 11-24.812, F-P+B (N° Lexbase : A9082KDQ)

Lecture: 1 min

N7250BTP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437250
Copier

Le 30 Mai 2013

Dans un arrêt du 22 mai 2013, la Chambre commerciale est venue préciser les modalités d'appréciation de la disproportion du cautionnement (Cass. com., 22 mai 2013, n° 11-24.812, F-P+B N° Lexbase : A9082KDQ). D'une part, elle rappelle que la disproportion s'apprécie lors de la conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l'engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de chaque caution (cf. pour l'énoncé de cette solution, dans le cadre d'un cautionnement non-soumis à l'article L. 341-4 du Code de la consommation N° Lexbase : L8753A7C, Cass. com., 13 septembre 2011, n° 10-18.323, F-D N° Lexbase : A7521HXT). D'autre part, elle énonce, pour la première fois à notre connaissance, que la disproportion doit être appréciée en prenant en considération l'endettement global de la caution y compris celui résultant d'engagements de caution. En l'espèce, deux époux et leur fils se sont rendus cautions solidaires envers un établissement bancaire du remboursement d'un prêt consenti à une société. Cette dernière ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a déclaré sa créance et a assigné les cautions en paiement. Le fils lui a opposé la disproportion de son engagement. La cour d'appel de Limoge écarte la disproportion en retenant, d'abord, que le prêt était garanti par deux autres engagements de caution souscrits par ses parents qui étaient solvables, ensuite que les engagements de caution qu'il a souscrits par ailleurs ne pouvaient être pris en considération, dès lors qu'ils ne correspondaient qu'à des dettes éventuelles (CA Limoges, 28 juin 2011, n° 10/00662 N° Lexbase : A2770HWI). Mais énonçant les deux principes rappelés ci-dessus la Cour de cassation casse doublement l'arrêt d'appel, dans les deux cas au visa de l'article L. 341-4 du Code de la consommation (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E8923BXR).

newsid:437250

Propriété intellectuelle

[Evénement] Les exceptions en droit d'auteurs - Compte-rendu de la réunion de la Commission ouverte Propriété intellectuelle du barreau de Paris du 15 mai 2013

Lecture: 36 min

N7221BTM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437221
Copier

par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 30 Mai 2013

La Commission ouverte Propriété intellectuelle du barreau de Paris (COMPI) a tenu, le 15 mai 2013, une réunion sous la responsabilité de Maître Fabienne Fajgenbaum, avocat au barreau de Paris. A cette conférence, organisée en collaboration avec l'IRPI, qui avait pour thème "Les exceptions en droit d'auteurs", sont intervenus Pierre Sirinelli, Professeur à l'Université Paris I (Panthéon-Sorbonne), Benoît Galopin, Docteur en droit, juriste à l'IRPI et Maître Josée-Anne Benazeraf, avocat à la cour. Présentes à cette occasion, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de retrouver le compte-rendu de cette réunion.

Comme le relève Maître Fajgenbaum dans ses propos introductifs, le sujet abordé par cette conférence est une nouvelle fois en prise directe avec l'actualité la plus proche, puisqu'elle s'est tenue deux jours après la remise du rapport Lescure sur l'acte II de l'exception culturelle, le 13 mai 2013, et le jour même de la communication du Conseil des ministres sur les suites de la mission confiée à M. Lescure.

  • Présentation des exceptions à usage public en droit d'auteur français, par Benoît Galopin, Docteur en droit, juriste à l'IRPI (à partir de ses travaux : Les exceptions à usage public en droit d'auteur français, Thèse, Université Paris 11, 5 mai 2011)

Si les principes dégagés par la loi de 1957 (loi n° 57-298 du 11 mars 1957, sur la propriété littéraire et artistique N° Lexbase : L6924IQI) sont restés relativement stables, depuis environ une dizaine d'années le sujet connaît de nombreux bouleversements :

- la transposition législative (loi n° 2006-961 du 1er août 2006, relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information N° Lexbase : L4403HKB) de la Directive du 22 mai 2001 (Directive (CE) 2001/29 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information N° Lexbase : L8089AU7), au terme d'un processus législatif complexe et riche d'enseignements sur le processus d'élaboration de la loi ;

- une importante décision du Conseil constitutionnel relative à cette loi de transposition (Cons. const., 27 juillet 2006, décision n° 2006-540 DC N° Lexbase : A5780DQ7) ;

- sur le fond, une multiplication de exceptions avec ce que cela implique en terme d'interprétation judiciaire ;

- l'apparition de phénomènes nouveaux, comme la régulation des exceptions vis-à-vis de la technique ou l'insertion des critères économiques du triple test dans la loi française.

Les systèmes d'exception n'étant pas les mêmes partout dans le monde, Benoît Galopin a commencé par présenter les différences existant entre les systèmes de copyright et les systèmes de droit continental, dont fait partie le droit français. Schématiquement les premiers sont plus fermés quant aux droits et plus ouverts quant aux exceptions, l'exemple le plus typique étant bien entendu la clause de fair use.

L'intervenant a ensuite dressé un bref panorama historique des exceptions en droit français qui sont, pour la plupart, issues de la jurisprudence antérieure à la loi du 11 mars 1957, laquelle les a donc inscrites dans le marbre de la loi.

Circonscription du sujet : la notion d'exception

Afin de circonscrire le sujet, il est essentiel de définir au premier chef la notion d'exception et de la distinguer des notions voisines de limite et de limitation, alors que de nombreux textes internationaux accolent souvent ces termes (ex. : Traité de l'OMPI, Directive du 22 mai 2001). La législateur français, pour sa part, n'emploie pas les termes "exception", "limitation" ou "limite" mais une une périphrase : "l'auteur ne peut interdire [...]" (C. prop. intell., art. L. 122-5 N° Lexbase : L4190IRM). C'est donc essentiellement sur la doctrine qu'il convient de s'appuyer pour définir les différents termes, cette dernière étant elle-même très divisée sur la question.

Benoît Galopin retient donc que l'exception retranche au droit des actes précisément et limitativement définis. C'est en cela que les exceptions se distinguent des limites externes ou internes qui correspondent aux actes ne remplissant pas l'ensemble des conditions d'admission du monopole. Dès lors, dans le cadre des limites, on se situe en-dehors du champ des droits exclusifs, alors que dans le cadre des exceptions on se situe dans une situation qui est retranchée expressément à l'intérieur même du champ des droits exclusifs.

Il convient, en outre, de retenir que l'existence d'une compensation est dans incidence sur la qualification d'exception ; une exception peut ainsi être compensée sans perdre sa nature même si les termes de licence non-volontaire ou de licence légale sont alors employés. Le droit de l'Union européenne est en ce sens, puisque la Directive du 22 mai 2001 dresse une seule et même liste des exceptions laissant au législateur national le choix d'accorder ou non une compensation. Le droit français prévoit de telles compensations, par exemple pour l'exception pour copie privée ou l'exception pour l'enseignement et la recherche.

Au vu de l'ensemble de ces critères, Benoît Galopin a été amené à proposer la définition suivante : "l'exception est le retranchement d'un ou plusieurs actes précisément énumérés des droits exclusifs de l'auteur, ce dernier pouvant percevoir ou non une compensation à ce titre".

Une fois cette définition donnée, il convenait, pour Benoît Galopin, de choisir entre un traitement de l'ensemble des exceptions ou de certaines d'entre-elles. Choisir de ne traiter que les exceptions à usage public, c'est imposer assez naturellement. En effet, d'une part, une frange non négligeable de la doctrine estime que les exceptions à usage privé (copie privée, représentation dans le cercle de famille, reproduction provisoire et transitoire), puisqu'elles ne réalisent pas la communication au public, ne sont pas de réelles exceptions mais des limites naturelles au monopole. Si l'on suit cette analyse, le fait de ne traiter que les exceptions à usage public embrasse l'ensemble des exceptions au droit d'auteur. D'autre part, même s'il est estimé que les exceptions à usage privé sont bien des exceptions au droit d'auteur, leurs particularités sont telles qu'elles peinent à s'insérer dans toute tentative de classification relative aux exceptions. Au final, le choix de traiter l'ensemble des exceptions dans la même étude aurait contraint à la rédaction de développements dérogatoires au risque de nuire à la cohérence du sujet.

1 - La création des exceptions par le législateur

Les bornes internationales et constitutionnelles au pouvoir créateur du législateur

La création des exceptions à usage public revient au législateur qui devra opérer une balance des intérêts.

Toutefois, le pouvoir du législateur en la matière est relativement limité. La Convention de Berne et les Traités internationaux s'avérant assez peu contraignants, c'est l'Union européenne, et notamment la Directive du 22 mai 2001, dont l'un des objectifs est l'harmonisation des systèmes d'exceptions entre les Etats membres, qui pose les principales bornes pour le législateur. Dans cette Directive, la liberté du législateur est à la fois encadrée et surveillée.

Elle est encadrée par une liste exhaustive d'exceptions qui pourrait laisser penser qu'il s'agit là d'une limite très restrictive à la liberté du législateur. En réalité, il n'en est rien pour quatre raisons.

En premier lieu, cette liste est très longue (21 exceptions), de sorte qu'il est peu probable qu'un législateur qui souhaiterait transposer une exception ne la trouve pas dans cette liste. Ceci étant, il convient de remarquer que les revendications en matière d'exceptions tendent à se faire de plus en plus diverses, comme l'a récemment démontrée la revendication pour les oeuvres orphelines, ou la prise en compte d'un certain nombre d'usages numériques, tel que le datamining.

En deuxième lieu, la Directive contient une clause balais, permettant aux Etats de créer des exceptions qui ne se situeraient pas dans la liste : "lorsqu'il s'agit d'une utilisation dans certains autres cas de moindre importance pour lesquels des exceptions ou limitations existent déjà dans la législation nationale, pour autant que cela ne concerne que des utilisations analogiques et n'affecte pas la libre circulation des marchandises et des services dans la Communauté, sans préjudice des autres exceptions et limitations prévues" (Directive 2001/29, art 5.3, o)). En droit français l'exception liée à la préservation du patrimoine culturel, qui existait antérieurement à la loi de transposition, peut, par exemple, se revendiquer de cet alinéa.

En troisième lieu, la mesure n'est pas si restrictive car tout ou presque est facultatif dans la liste de la Directive : le choix de transposer ou non une exception, une seule étant obligatoire ; le choix des modalités de la transposition, puisque le législateur peut ne pas reprendre les termes employés par la Directive pour autant que la modification est en faveur de l'auteur ; et dans l'immense majorité des cas, le choix d'octroyer ou non une compensation.

En quatrième lieu, enfin, la licéité de la transposition effectuée est faiblement contrôler en pratique par le Conseil constitutionnel alors même qu'il est censé, en principe, mener un contrôle sur la compatibilité d'une loi avec les dispositions d'une Directive communautaire qu'elle n'a pas pour objet de transposer en droit interne. Ainsi de réelles exceptions ont pu être insérées dans la législation française sans être censurées par les Sages de la rue de Montpensier, comme celle en faveur du dépôt légal prévue par l'article L. 132-4 du Code du patrimoine (N° Lexbase : L2983HP8).

La liberté du législateur est, par ailleurs, surveillée dans la mesure où les textes internationaux prévoient que les exceptions doivent correspondre à certains cas spéciaux, ne pas porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre, ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur (appelé le test des trois étapes ou triple test).

Il existe, en outre, des bornes fondamentales directement issues de la qualification de droit de propriété du droit d'auteur adoptée tant par la CEDH que par le Conseil constitutionnel. En effet, dès lors que le droit d'auteur est un droit de propriété, les exceptions qui y sont apportées doivent elles aussi se voir attribuer une qualification au plan fondamental, en miroir par rapport au droit auquel elles dérogent. Cette qualification est celle de restriction à un droit de propriété. Or le fait de les qualifier de restriction à un droit de propriété correspond à un régime bien particulier au plan supralégislatif, à savoir que leur création est soumise à un triple contrôle de légalité, de finalité au regard de l'intérêt général et de proportionnalité.

La balance des intérêts

La notion de balance ou de pesée des intérêts est un concept flou que la doctrine française rechigne à s'approprier. Cette notion se dédouble :

- la balance de l'intérêt général qui suppose de maintenir un certain équilibre entres les grandes catégories d'intérêts à l'oeuvre dans les systèmes de droit d'auteur. Il s'agit pour le législateur de ne pas déséquilibrer le droit d'auteur par la création massive de toute une série d'exceptions ;

- la balance des intérêts particuliers qui consiste pour le législateur, une fois qu'il a choisi d'intégrer une exception dans le droit national, de s'assurer qu'elle s'inscrira dans le système ainsi appréhendé et assurera elle-même l'équilibre des différents intérêts qui ont présidé à son insertion.

En termes de politique législative, le point d'équilibre approprié à chacune des exceptions sera fixé en fonction d'un certain nombre de critères, le principal étant son fondement.

Le fondement des exceptions est souvent étudié afin d'opérer une classification des exceptions, même si un tel exercice est loin de relever de l'évidence. On peut, d'abord, identifier les exceptions fondées sur des libertés fondamentales, qui se divisent elles-mêmes entre :
- d'une part, les exceptions fondées sur la liberté de création, comprenant notamment, en droit positif, les courtes citations, l'analyse, la revue de presse, la parodie ou l'arrière-plan ;
- d'autre part, les exceptions fondées sur la liberté d'information, comme la revue de presse ou la nouvelle exception en faveur de l'information par voie de presse (C. prop. intell., art. L. 122-5, 9°).

Il existe, ensuite, des exceptions fondées sur les finalités culturelles et sociales. Cette préoccupation imprègne la loi du 1er août 2006, puisque pas moins de quatre exceptions peuvent être rattachées à cette catégorie : deux sont consacrées à la sauvegarde et à la préservation des biens culturels (exception permettant le dépôt légal et celle en faveur des bibliothèques, musée et services d'archives) ; deux sont consacrées à la diffusion et la transmission de la culture (exception en faveur de l'enseignement et de la recherche et exception en faveur d'un handicap).

En termes de technique législative, une fois le point d'équilibre ainsi évalué, le législateur va devoir rédiger l'exception et moduler son régime. Il dispose pour ce faire d'une palette de techniques.

- Toute d'abord, le style rédactionnel employé. Ainsi plus l'exception sera rédigée de façon détaillée et précise, plus il sera difficile pour le juge d'adopter une interprétation large et accueillante de l'exception. C'est le cas de la loi du 1er août 2006 ;

- Ensuite, le contenu des précisions. Elles peuvent d'abord être qualitatives. Le législateur pourra ainsi préciser la finalité de l'exception, comme c'est le cas pour les analyses et courtes citations qui doivent être justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'oeuvre à laquelle elles sont incorporées. Il pourra également préciser la nature de l'oeuvre, les droits exclusifs auxquels il est porté atteinte ou bien encore les bénéficiaires potentiels de l'exception (exception en faveur des handicapés). Les précisions peuvent également être quantitatives, matériellement à travers l'ampleur de l'emprunt autorisé, ou temporellement à travers la durée de l'exploitation autorisée.

- Enfin, la compensation. Malgré la marge de manoeuvre importante laissée au législateur national par l'Union européenne en la matière, le législateur français avait peu recours à la compensation. La loi de 2006 rectifie quelque peu cet état de fait, bien qu'il reste difficile de systématiser les hypothèses de recours à la compensation. Par ailleurs, les modalités de compensations prévues par le législateur de 2006 restent assez floues.

2 - La mise en oeuvre des exceptions

L'application par le juge

Deux grandes étapes rythment le travail du juge dans son application : après avoir constaté la réunion des conditions générales d'application des exceptions, il se livre à un travail d'interprétation des conditions propres à chacune d'entre-elles.

Parmi les conditions générales d'application des exceptions, la condition fondatrice du système en droit français est la prévision légale de l'exception qui peut être traduite par l'expression "pas d'exception sans texte". Toutefois, à la marge, des exceptions prétoriennes subsistent. C'est le cas de l'exception d'arrière-plan, récemment confirmée dans un arrêt assez remarqué dans lequel la Cour de cassation retient que la présentation accessoire "devait être regardée comme l'inclusion fortuite d'une oeuvre constitutive d'une limitation au monopole d'auteur, au sens de la Directive 2001/29 CE du 22 mai 2001, telle que le législateur a, selon les travaux préparatoires, entendu la transposer en considération du droit positif" (Cass. civ. 1, 12 mai 2011, n° 08-20.651, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A1192HRL).

C'est également le cas de l'exception issue de la jurisprudence "Microfor" (Ass. plén., 30 octobre 1987, n° 86-11.918, publié N° Lexbase : A5844CKN) qui a permis la création d'un index documentaire comprenant les titres et les brefs résumés des articles repris en se fondant sur l'exception de courte citation qui n'aurait pas dû, dans sa conception classique, s'appliquer à cette hypothèse. La pérennité de cette jurisprudence peut être contestée mais elle n'a pas été contredite pour autant.

Benoît Galopin relève deux autres conditions d'application des exceptions.

La première est le respect du droit moral, dans la mesure où les exceptions ne s'appliquent qu'aux droits patrimoniaux de l'auteur. Il s'agit toutefois d'une condition à géométrie variable selon la prérogative concernée. En effet, si le droit de divulgation est respecté, puisque les exceptions de l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle supposent une divulgation préalable, il connaît une dérogation à l'article L. 331-4 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L1776H38) qui pose l'exception de sécurité publique ou de procédure judiciaire (ex. : divulgation de journaux intimes en justice). S'agissant du droit de paternité, dès lors que le 3° de l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle impose expressément d'indiquer le nom de l'auteur et la source pour un certain nombre d'exceptions (courte citation, revue de presse, enseignement et recherche...), se pose la question de savoir si cette condition doit être respectée pour les autres exceptions. En ce qui concerne, ensuite, le droit au respect de l'intégrité de l'oeuvre, la condition de respect du droit moral est ici beaucoup plus souple puisque cette prérogative est nécessairement malmenée par les exceptions qui impliquent une modification ou une imputation assez importante de l'oeuvre, telles que la parodie ou la citation.

La seconde condition identifiée est celle de licéité de l'accès à l'oeuvre. Elle est consacrée expressément pour les oeuvres utilitaires (ex : logiciels) mais n'était nullement mentionnée pour les exceptions de l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle. Toutefois, la licéité de la source a récemment fait son apparition pour ces exceptions en ce qui concerne l'exception pour copie privée, la loi de 2011 imposant son respect (loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011, relative à la rémunération pour copie privée N° Lexbase : L4174IRZ).

L'interprétation des exceptions s'effectue traditionnellement de manière stricte en droit d'auteur français, à la fois en application du droit commun (exceptio est strictissimae interpretationis), et du droit spécial qui impose le respect du principe de faveur de l'auteur. Cette interprétation stricte s'appliquera tant aux notions cadres privilégiées par la loi de 1957 qu'aux textes plus analytiques adoptés depuis. Ce principe a été abondamment critiqué en doctrine en ce qu'il paralyserait l'adaptabilité du système mais aussi et surtout parce qu'il aurait des conséquences néfastes au niveau législatif au motif que le législateur adopterait des dispositions irréfléchies pour contrecarrer cette interprétation trop stricte. Si aucune de ces critiques ne justifie, aux yeux de Benoît Galopin, l'abandon de ce principe, force est de constater, selon lui, qu'il a parfois été appliqué de façon trop absolue. Il conviendrait certainement de l'adapter et de privilégier, certes une application stricte des exceptions, mais dans toute leur raison d'être. Pour identifier cette raison d'être de l'exception, le juge peut procéder à une interprétation exégétique des textes, c'est-à-dire se référer à l'intention du législateur lorsqu'il a édicté la norme, mais également à la lumière du fondement des exceptions. Un tel travail de la part du juge français devrait faire évoluer plus favorablement la jurisprudence française, parfois "jusqu'au-boutiste", qui prévaut notamment en matière de citation d'oeuvre d'art graphique, en refusant toute citation d'oeuvre dès lors qu'elle est intégralement reproduite, ce qui empêche, par exemple, la reproduction d'une vignette de bande-dessinée.

La régulation des exceptions

L'impact numérique est venu mettre l'accent sur certaines insuffisances de ce système d'application des exceptions par le juge en posant la délicate question de l'articulation des exceptions avec les droits exclusifs auxquels elles dérogent. D'un côté, certaines exceptions ont fait montre, sous l'ère numérique, d'une nocivité qui était jusqu'alors insoupçonnée, au point de menacer l'existence même des droits exclusifs auxquels elles dérogent. D'un autre côté, les ayants droit se sont vus octroyer des possibilités radicalement nouvelles de contrôle sur l'usage qui est fait des oeuvres à travers deux outils mis à leur disposition : le contrat et la technique. Ces possibilités nouvelles ont engendré la crainte d'une surréservation qui mettrait à mal cet espace de liberté que sont les exceptions légales. Dès lors, les méthodes classiques d'application des exceptions ne permettent pas de résoudre cette équation. C'est pourquoi il est apparu nécessaire de faire appel à de nouveaux outils comme la régulation, entendue comme une modalité particulière de prise en compte par le système juridique des faits techniques, technologiques et économiques et de leur incidence sur le système juridique permettant l'articulation entre des intérêts divergents mais d'une valeur a priori équivalente, ou des droits opposés mais d'une force normative égale.

Conscient des insuffisances d'un cadre législatif trop rigide lorsqu'il s'agit d'assurer l'articulation des droits exclusifs et des exceptions, le législateur de 2006 s'est déchargé de la question de la régulation sur deux autorités : d'une part, une AAI (l'Autorité de régulation des mesures techniques qui est devenue ensuite Hadopi, chargée d'assurer l'effectivité des exceptions vis-à-vis de la technique) et, d'autre part, le juge auquel est dévolu un nouveau rôle afin de garantir l'innocuité des exceptions au plan économique grâce au test des trois étapes.

La garantie des exceptions vis-à-vis de la technique impliquait donc de se poser la question du caractère impératif des exceptions à usage public : est-il possible de porter atteinte à une exception par le contrat ? La question n'étant réglée ni par la loi, ni par la jurisprudence, le débat est pour l'heure essentiellement doctrinal. De nombreux arguments conduisent Benoît Galopin à considérer que c'est à une véritable règle d'ordre public que l'on a à faire, la principale justification étant, bien entendu, que les exceptions visent à satisfaire l'intérêt public et que les parties ne peuvent prétendre substituer leur appréciation de l'intérêt public à celle du législateur. Dès lors que l'on a reconnu un tel caractère d'ordre public aux exceptions, il convient d'en tirer les conséquences qui s'imposent et prévoir des mécanismes qui garantissent que les parties n'y contreviendront pas. Aucun mécanisme n'existe en ce qui concerne le contrat ; mais des garanties existent dans le champ des mesures techniques de protection. Néanmoins, le régime de la garantie tel qu'il est transposé en droit français n'est pas pleinement satisfaisant : seules certaines exceptions sont garanties et selon un critère que l'on peine à appréhender.

Le régime de la garantie en droit français est donc très complexe et de nombreuses zones d'oeuvre demeurent.

Ensuite, il était traditionnellement considéré que la rédaction législative des exceptions et leur interprétation stricte par le juge suffisaient à garantir l'innocuité des exceptions pour les ayants droit. La perspective a évolué récemment, de sorte qu'il est apparu nécessaire de mettre en place des mécanismes qui garantissent l'innocuité des exceptions. Le principal est le test des trois étapes (C. prop. intell, art. L. 122-5, dernier al.). Le fait d'avoir inscrit ce mécanisme dans la loi semble opportun puisqu'il assure la sécurité juridique en permettant au justiciable d'avoir connaissance d'un outil qui pourrait de toute façon lui être opposé en vertu de l'effet direct des Traité internationaux et des Directives. De nombreuses questions subsistent en revanche quant à l'interprétation à donner au triple test. Face à l'interprétation traditionnelle qui conduit à en faire un outil contre les exceptions au seul service des ayants droit, une partie de la doctrine a proposé des interprétations intermédiaires du triple test qui aboutissent à le neutraliser voire le renverser au bénéfice des bénéficiaires d'exceptions. Si l approche d'ouverture qui conduit à instaurer une sorte de fair use européen doit, selon Benoît Galopin, être repoussée, la jurisprudence ne s'est pas encore prononcée sur l'interprétation à donner au triple test. Les critères du triple test renouvellent l'approche économique des exceptions en droit français, ce qui n'est pas sans poser des questions sur l'office du juge qui doit alors mener des études économiques d'ampleur. Par ce mécanisme, le droit français se trouve rapproché, non pas du fair use mais du fair dealing, système que connaissent notamment le Royaume-Uni et le Canada.

En conclusion, au terme de son étude, il est apparu à Benoît Galopin que le système français porte en lui les possibilités d'amélioration nécessaires à sa pérennité et à son acceptation sociale.

  • Les exceptions au droit d'auteur et le rapport "Lescure", par Pierre Sirinelli, Professeur à l'Université Paris I (Panthéon-Sorbonne)

A la lecture du rapport "Lescure", un premier constat s'impose : le traitement des exceptions y est plutôt marginal. On peut être surpris par cette relative discrétion, dans la mesure où les exceptions ne sont rien d'autre que la vision du droit d'auteur en négatif et sont souvent révélatrices de la marge de manoeuvre que l'on accorde aux utilisateurs ou aux nouveaux créateurs ou recréateurs d'oeuvres. Ceci est d'autant plus surprenant que le sujet est particulièrement d'actualité, comme en témoignent les colloques récemment organisés par la Hadopi et le Sénat sur le devenir des exceptions dans l'Union européenne, et surtout la communication récente de la Commission européenne qui a précisé suivre le dossier de très près pour une éventuelle réouverture de la Directive du 22 mai 2001. Il était donc légitime de s'attendre à ce que le rapport "Lescure" ouvre le débat pour permettre au Gouvernement d'adopter sa position officielle sur les exceptions. La question sera en fait abordée au sein du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique qui rendra son rapport, en principe, à la fin de l'année 2013.

Néanmoins, Pierre Sirinelli relève qu'en définitive, au sein du rapport "Lescure", la problématique des zones de liberté laissées aux utilisateurs est noyée dans une problématique beaucoup plus large, la construction du droit d'auteur n'étant pas univoque.

Le C du rapport intitulé "Protection et adaptation des droits de propriété intellectuelle" est ainsi divisé en trois grand axes :
- "Réorienter la lutte contre le piratage en direction de la contrefaçon lucrative" ;
- "Adapter le droit de la propriété intellectuelle aux usages numériques" ; et
- "Faciliter l'accès aux métadonnées".

L'axes qui intéresse la conférence est donc le deuxième et se divise lui-même en trois thèmes :
- "Moderniser les exceptions au droit d'auteur" ;
- "Protéger et valoriser le domaine public numérique" ;
- "Mieux reconnaître les licences libres".

Le point de départ de la réflexion qui a guidé ce travail est que les usages numériques transforment profondément les rapports entre les utilisateurs, les industries culturelles et les publics. Le cadre juridique existant ne serait donc pas adapté à ce mode de création ou de diffusion des oeuvres. Pour y remédier, si le rapport ne le mentionne pas tel quel, il s'agirait, dans le fond, de légaliser les rapports culturels non-marchands en leurs fournissant un cadre juridique approprié. Jusqu'à présent, le droit d'auteur est mis en oeuvre et opposable, dès lors que l'oeuvre rencontre un public. Or, la conception qui est présente dans le rapport est celle de clientèle, de sorte que le droit d'auteur ne serait opposable que si l'oeuvre rencontre une clientèle et s'effacerait dans les autres circonstances.

Selon le rapport, les principes fondamentaux du droit d'auteur conservent à l'ère numérique toute leur pertinence mais leurs modalités d'application doivent être adaptées aux nouveaux usages et aux opportunités qu'ils offrent. Pour rendre effective ces adaptations, le champ des exceptions est alors exploré, car elles sont considérées comme le lieu de l'équilibre entre le droit des créateurs et le droit des publics. Pour Pierre Sirinelli, trois axes semblent se dégager :
- une exception pour les oeuvres transformatrices ;
- des exceptions destinées à favoriser la diffusion des oeuvres et la transmission de la culture en direction des publics méritant une attention spécifique ;
- une réflexion sur la compensation des usages non soumis à autorisation.

Une exception pour les oeuvres transformatrices

Concernant les oeuvres qui protègent la liberté de création (fiche C-9), le rapport part du constat suivant : le numérique, par la facilité d'utilisation et de transformation qu'il offre, permet à de nombreuses personnes de s'emparer d'une oeuvre pour réaliser des remix ou des mashup, c'est-à-dire une oeuvre transformatrice, plus connue sous le terme d'oeuvre dérivée. Il s'agit d'une oeuvre qui emprunte à une oeuvre première et apporte à son tour une création originale lui conférant une protection par le droit d'auteur. Le statut de l'oeuvre dérivée est connu : l'auteur de l'oeuvre seconde doit solliciter l'autorisation de l'ayant droit de l'oeuvre première, faute de quoi il est considéré comme un contrefacteur. Cet état de fait est déploré par le rapport "Lescure" qui pointe du doigt la complexité d'obtention de l'autorisation de l'auteur de l'oeuvre originelle, notamment en présence d'une multiplicité des ayants droit. En outre, les accords passés entre les sociétés de gestion collective des droits et les sites de types web 2.0 (Youtube, Dailymotion) ne permettent pas de couvrir de tels usages car ils concernent les droits de reproduction et de représentation et non les droits d'adaptation. Face à cette situation, deux voies se présentent :

de lege lata, il est suggéré (i) d'encourager le recours aux licences libres, (ii) de faciliter l'accès aux métadonnées pour rendre plus aisée l'identification des ayants droit et le recueil de leurs autorisations, et (iii) d'étendre les accords conclus entre les sociétés de gestion collective et les plateformes communautaires afin d'y inclure, dans des limites à définir, les contenus créés par les utilisateurs ;

de lege feranda, il est proposé de clarifier le statut de ces oeuvres transformatives sur le constat judicieux que les exceptions "à la française" sont parfois excessivement fermées, notamment celle de parodie ou de courte citation.

Les exceptions destinées à favoriser la diffusion des oeuvres et la transmission de la culture en direction des publics méritant une attention spécifique

Deux exceptions sont ici concernées : l'exception pédagogique et l'exception pour les handicapés.

Concernant l'exception pédagogique, le rapport "Lescure" tire un constat largement partagé : l'exception légale pédagogique, reposant sur des accords sectoriels complexes, prête à confusion. En outre, l'enchevêtrement de dispositions spécifiques conduit les enseignants désireux de tirer parti des opportunités pédagogiques offertes par le numérique à se situer, souvent, aux marges du droit de la propriété littéraire et artistique.

Cette exception telle qu'elle est définie par la loi de 2006 présente de nombreuses malfaçons :
- la notion d'extrait serait définie de façon trop pointilleuse ;
- le champ de l'exception est retreint aux oeuvres couvertes par les accords sectoriels passés entre les ministères compétents et les représentants des titulaires de droit, ce qui exige de vérifier au cas pas cas ;
- les oeuvres réalisées pour l'édition numérique de l'écrit sont exclues du champ de l'exception ;
- l'exception est paralysée lorsque l'extrait d'oeuvre est utilisé à des fins ludiques ou récréatives, quand la frontière entre activités pédagogiques et activités ludiques ou récréatives est de plus en plus difficile à tracer.

Entre temps, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République a vu le jour et prévoit, en son article 55, la réintégration des oeuvres réalisées pour une édition numérique de l'écrit dans le champ de l'exception pédagogique, c'est-à-dire en les sortant de l'exception, via une modification de l'article L. 122-5 du Code la propriété intellectuelle. Le rapport "Lescure" approuve cette option et fait certaines propositions pour nourrir ce projet de loi, notamment la mise en place d'un cadre de gestion unique pour toutes les utilisations d'oeuvres à des fins d'enseignement et de recherche et la mise à disposition par les enseignant des ressources numériques qu'ils produisent sous licence Creative Commons.

Concernant ensuite l'exception handicap, le rapport "Lescure" part d'un constat simple : les personnes souffrant d'un handicap se heurtent souvent à des difficultés techniques et économiques. La chaîne de transformation qui va des fichiers sources fournis par les éditeurs jusqu'aux ressources adaptées est particulièrement complexe, ce qui contribue à expliquer la faible proportion d'ouvrages adaptés aux personnes atteintes de handicap. Les éditeurs fournissent leurs fichiers essentiellement en format .pdf, peu adapté à une transcription rapide et efficace.

Le rapport propose ainsi essentiellement (i) de garantir la fourniture aux organismes transcripteurs de fichiers répondant à des standards non seulement ouverts mais également adaptables, permettant la production de fichiers adaptés aux contraintes des personnes handicapées ; (ii) de soutenir les investissements des organismes agréés dans les technologies de conversion ; et (iii) d'encourager la mutualisation des outils ainsi développés et de créer une base unifiée, accessible aux organismes agréés et aux particuliers, recensant l'ensemble des ouvrages adaptés.

L'exception copie privée

Si le rapport ne traite pas expressément de cette exception, elle apparaît en clair-obscur, dans la mesure où le texte remis le 13 mai 2013 s'intéresse à la rémunération pour copie privée et aux mesures techniques de protection (MTP).

Fondamentalement, le rapport ne s'intéresse donc pas aux conditions de mise en oeuvre de l'exception pour copie privée, peut-être en raison de l'intervention du législateur sur cette question en 2011, qui a notamment inscrit dans la loi la licéité de la source. Il est néanmoins surprenant qu'il ne se soit pas saisi de cette question, en particulier pour pointer du doigt le décalage du système français avec celui des autres Etats européens. Si le caractère très restrictif de l'exception pour copie privée à la française n'est pas pour autant en contravention avec les prescriptions de la Directive de 2001, puisque, comme l'a fort justement rappelé Benoît Galopin, aucune des 21 exceptions ne doit obligatoirement être transposée dans les lois nationales, il n'en demeure pas moins qu'il pose, selon Pierre Sirinelli, de véritables problèmes. Il en est notamment ainsi de l'exigence de l'identité entre copiste et usager. L'Allemagne, par exemple, ne connaît pas une telle condition et tolère la copie privée lorsque le copiste effectue l'opération à titre gratuit sur demande de l'usager. Or, en France, l'arrêt "Ranou Graphie" Cass. civ. 1, 7 mars 1984, n° 82-17.016 N° Lexbase : A0557AAU) pose non seulement l'identité entre usager et copiste, mais va même jusqu'à considérer que le copiste est le gardien du matériel, de sorte que la disjonction entre l'utilisateur du matériel, usager de la copie, et le gardien du matériel, copiste, fait tomber l'opération sous la qualification de contrefaçon. Si l'Union européenne devait revenir sur les exceptions au droit d'auteur comme cela a été annoncé, il est fort à parier que cette jurisprudence, très protectrice des intérêts des auteurs et des ayants droit, ne perdurerait pas.

Il est donc regrettable que le rapport "Lescure" ne se soit pas emparé de cette question.

Ceci étant, il s'intéresse au cloud, mais, contrairement à ce que certains pensaient, il préconise de prendre en considération les usages du cloud sur le matériel de destination finale et d'y appliquer une redevance afin de compenser la perte induite par ce schéma. De la sorte, il ne propose pas d'assujettir les services du cloud, mais seulement les usages finaux.

La compensation due en cas de copie privée est réaffirmée, en dépit d'une contestation des fabricants de matériel ; l'option contraire n'était pas possible dans la mesure où la Directive de 2001 impose une telle compensation aux Etats transposant dans leurs droits nationaux cette exception. Bien que le système fasse l'objet de nombreuses critiques et que ces contestations se soient traduites par l'annulation de plusieurs décisions relatives aux barèmes, la mission "Lescure" considère qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause les fondamentaux du système actuel : d'une part, si le rapport reconnaît que la méthode de calcul des barèmes est complexe et peut encore être améliorée, elle lui paraît globalement robuste et, d'autre part, le paritarisme de la commission est adapté à sa mission d'évaluation contradictoire d'un préjudice. Il préconise néanmoins une légère évolution dans le mode de fixation de la rémunération pour copie privée. Cette dernière représente environ 200 millions d'euros versés par les fabricants de matériel aux sociétés de gestion collective des droits. Or, selon les fabricants, cette somme est largement supérieure au préjudice réellement subi par les auteurs qu'ils évaluent aux mieux à 50 millions d'euros.

Consciente de cette problématique, la Commission "Lescure" propose d'objectiviser l'évaluation du préjudice. Actuellement, les données économiques du marché permettent d'estimer les revenus qui auraient été générés en l'absence de copie privée. Un pourcentage de 15 % est appliqué aux estimations brutes, ce taux étant censé refléter le manque à gagner réel lié aux possibilités de copie, mais n'est basé sur aucune étude scientifique. Le rapport préconise donc que des études économiques soient menées pour établir un ratio plus juste, en adéquation avec le réel préjudice subi par les ayants droit.

En outre, la mission propose de confier l'adoption des barèmes au Gouvernement, sous la forme d'un décret pris sur avis conforme de l'actuelle Commission copie privée : en cas d'accord au sein de la Commission à la majorité de ses membres, le Gouvernement serait tenu de reprendre le barème proposé ; en revanche, à défaut d'accord, les barèmes seraient fixés par le Gouvernement, au vu des positions exprimées par les différentes parties. Il est, par ailleurs, proposé d'élargir la composition de la Commission afin d'y introduire des experts issus des ministères principalement concernés (par exemple deux représentants du ministère de la Culture, un du ministère chargé de l'Industrie, et un du ministère chargé de la Consommation).

En parallèle, le rapport envisage la création d'une nouvelle "taxe" versée aux ayants droit, taxe qui serait prélevée sur tous les appareils connectés à raison de 1 % du prix de vente et payée par les fabricants et les importateurs. L'assiette de cette nouvelle rémunération serait beaucoup plus large que la rémunération pour copie privée puisqu'elle viserait tous les appareils qui permettent de stocker ou de lire. La transformation des usages devrait en effet se traduire, à terme, par un moindre recours à la copie des oeuvres sur des supports physiques, au profit d'un accès direct en ligne (streaming). Inéluctablement, le mécanisme sur lequel repose la mise en oeuvre de la copie privée pourrait donc s'avérer obsolète, en raison de la transformation des usages, de sorte que la manne représentée par la rémunération payée en compensation devrait connaître une baisse substantielle. Ainsi, au fur et à mesure que la rémunération pour copie privée connue aujourd'hui baisserait, la nouvelle rémunération adossée à l'ensemble des matériels connectés augmenterait, pour que la masse des deux permette de pérenniser le système et assure aux ayants droit un maintien des sommes qui leur sont versées en compensation de cette exception.

Enfin, le rapport fait part, à juste titre selon Pierre Sirinelli, de ses préoccupations sur les conséquences et l'influence des mesures techniques de protection sur le bénéfice de l'exception et l'interopérabilité. En effet, les MTP font parfois obstacle à la mise en oeuvre effective des exceptions au droit d'auteur, leur caractère aveugle pouvant les empêcher de faire la différence entre les actes interdits par la loi ou les titulaires de droits et les actes autorisés en vertu d'une exception légale au droit exclusif. Parmi toutes les exceptions au droit d'auteur, l'exception de copie privée est celle dont la conciliation avec les mesures techniques de protection soulève le plus de difficultés. Son effectivité reste mal assurée, notamment en raison des moyens inadaptés dont bénéficie la Hadopi pour remplir sa mission. Outre le transfert des compétences de la Hadopi au CSA, le rapport "Lescure" propose donc de permettre au régulateur de s'autosaisir, de le doter d'un pouvoir d'instruction permettant l'accès à toutes les informations utiles et de compléter le pouvoir réglementaire par des instruments de droit souple (guides de bonnes pratiques, recommandations).

Les silences du rapport "Lescure"

Pierre Sirinelli regrette, au premier chef, le silence du rapport "Lescure" sur une étude d'ensemble des exceptions et de leur raison d'être. Cette réflexion sera menée au niveau européen bien que le calendrier annoncé par la Commission soit difficilement tenable compte tenu de l'achèvement de son mandat au printemps 2014. Ceci étant, elle a invité les Etats à réfléchir sur cette possible évolution du droit des exceptions. Cette évolution doit passer, certes, par une meilleure harmonisation, mais aussi par une plus grande flexibilité du système.

En témoigne, les récentes affaires en droit de l'internet dans lesquelles ont été tranchées des questions de droit applicable en raison de considérations vaguement internationales (affaires "Google" pour l'essentiel). L'enjeu est réel puisqu'en dépend la désignation soit de la loi française et donc d'un système très protecteur, soit de la loi américaine et donc du fair use. Or ces deux systèmes juridiques sont totalement opposés : l'exception de fair use (art. 107 de la loi américaine) repose ainsi sur quatre conditions mais aucun cas spécial. Pour déterminer si l'usage particulier qui serait fait d'une oeuvre constitue un usage loyal, les éléments à considérer comprendront :
- le but et le caractère de l'usage, notamment s'il est de nature commerciale ou éducative et sans but lucratif ;
- la nature de l'oeuvre protégée ;
- le volume et l'importance de la partie utilisée en rapport à l'ensemble de l'oeuvre protégée ;
- l'incidence de cet usage sur le marché potentiel ou sur la valeur de l'oeuvre protégée.

Au contraire, l'application du droit français soumettra l'utilisateur de l'oeuvre protégée à trois barrages successifs :
- identifier si l'utilisation qui est faite de l'oeuvre relève d'une des catégories d'exceptions listées par le droit français ;
- vérifier que l'utilisation remplit les conditions pour que l'exception à laquelle elle correspond puisse s'appliquer ;
- appliquer le test des trois étapes.

L'utilisateur ou l'opérateur accusé de contrefaçon de droit d'auteur, cherchera donc à se voir appliquer le droit américain, plus favorable à ses intérêts. Dans la première affaire "Google", le TGI de Paris a ainsi retenu que le droit américain s'appliquait et a donc effectué un raisonnement de fair use pour en conclure que Google n'était pas contrefacteur (TGI Paris, 20 mai 2008, n° 05/12117 N° Lexbase : A2891D9X). En appel, la cour (CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 26 janvier 2011, n° 08/13423 N° Lexbase : A5707GRS) a, au contraire, retenu qu'en vertu des règles de droit international privé, le droit applicable était le droit français mais elle a considéré que ce n'était pas le droit d'auteur qui était applicable au litige mais la "LCEN" (loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique N° Lexbase : L2600DZC). Or ce texte prévoit des poches d'irresponsabilité, en particulier pour les hébergeurs, statut dont relève Google selon la cour d'appel.

Dans des affaires similaires, les juridictions allemandes et belges ont rendu des solutions radicalement différentes. Ainsi, le 29 avril 2009, la Cour fédérale allemande, confrontée au même problème, retient, certes que la loi allemande sur le droit d'auteur est applicable, mais que Google n'est pas responsable dès lors que le titulaire du droit (un peintre dont les oeuvres étaient reproduites) pouvait utiliser la technique de l'opt-out pour empêcher la copie. En s'abstenant de le faire, le juge allemand estime qu'il a donné un consentement implicite à la reproduction de ses oeuvres.
Les juges belges, dans une décision du 5 mai 2011, appliquent encore un autre raisonnement : ils considèrent que la loi belge sur le droit d'auteur est applicable et condamne Google, rejetant le moyen de l'opt-out qui avait abouti deux ans plus tôt devant le juge allemand.

Pour Pierre Sirinelli, cet état du droit en Europe démontre qu'au-delà de l'harmonisation des exceptions, ce sont toutes les poches de liberté qu'il convient d'envisager dans le cadre d'une éventuelle réforme du système au niveau européen.

  • Analyse de l'arrêt "Oracle" (CJUE, 3 juillet 2012, aff. C-128/11 N° Lexbase : A1914IQX), ou la création d'une nouvelle exception par la CJUE, par Josée-Anne Benazeraf, avocat à la cour

La société de droit américain Oracle développe et commercialise des logiciels essentiellement professionnels dans le monde entier. Son système de commercialisation repose sur des contrats de licence non-cessibles avec ses clients, en vertu desquels ils peuvent télécharger les logiciels et leurs mises à jour sur le site d'Oracle. Un litige est survenu en Allemagne où une société commercialisait des licences d'occasion, permettant à ses clients de télécharger le logiciel. Oracle a introduit une action devant les juridictions allemandes pour faire cesser ces pratiques qu'elle considérait comme portant atteinte à son droit de reproduction. La Cour suprême allemande a posé une question préjudicielle devant la CJUE qui, dans son arrêt du 3 juillet 2012, à jugé que droit de distribution de la copie d'un programme d'ordinateur est épuisé par le premier téléchargement effectué avec l'accord du titulaire du droit, ce qui permet la revente ultérieure de la copie à des tiers, à condition que l'acquéreur initial ait lui-même supprimé sa copie ou l'ait rendue inutilisable. Cette décision est, selon Josée-Anne Benazeraf, la porte ouverte au développement d'un marché en ligne des logiciels d'occasion, en apparence aux seuls logiciels, dès lors que la CJUE prend soin de motiver sa décision en appliquant la Directive 2009/24 du 23 avril 2009 propre aux logiciels (N° Lexbase : L1676IES) que la Cour qualifie de lex specialis au regard de la Directive 2001/29.

Or, le droit de distribution est le droit de vendre un objet, qui jusqu'alors devait être tangible (CD, DVD, etc.). Seul le droit de distribution s'épuise alors que le droit de reproduction et de communication au public ne s'épuisent pas. Dès le départ, il est donc difficile de comprendre le lien entre le droit de distribution et les faits de l'espèce, puisque, la société Oracle ne vendait pas d'objet mais cédait des licences à ses clients, de même que le revendeur ne revendait pas d'objet mais bien des licences d'occasion.

Pour aboutir à la qualification de vente, qui seule permettait l'application du droit de distribution, la Cour fait une sorte de package du droit de licence et du droit de télécharger le logiciel. En substance, elle estime que le contrat de licence permettant, moyennant le paiement d'un prix, d'acquérir le droit de télécharger une copie du logiciel et de l'utiliser pour une durée illimitée, l'ensemble doit être qualifié de vente de cette copie, vente qui relève du droit de distribution. Ce droit est épuisé puisque la vente a été effectuée avec l'accord du titulaire des droits. La CJUE balaye au passage tout une série d'objections qui lui étaient opposées par la société Oracle, mais aussi par les différents Gouvernements et la Commission qui étaient intervenus et avaient pris position pour Oracle.

Ainsi, le fait de mettre à disposition du public aux fins de téléchargement en ligne est traditionnellement considéré comme relevant du droit de communication au public qui est défini de manière très large par l'article 3 de la Directive 2001/29. La Cour retient, sur ce point, que l'existence d'un transfert du droit de propriété transforme l'"acte de communication au public", en un acte de distribution. Autrement dit, en présence d'une vente, l'acte de communication au public disparaît pour laisser place uniquement au droit de distribution.

De même, il est considéré que le droit de distribution s'applique exclusivement aux objets tangibles, tel qu'il en résulte du considérant 28 de la Directive 2001/29 et du Traite de l'OMPI. Or, pour la CJUE, en application du droit spécial de la Directive 2009/24, le législateur aurait eu, en matière de logiciel, une volonté différente. Surtout, pour la Cour, le mode de transmission en ligne est l'équivalent fonctionnel de la remise d'un support matériel, en sorte que le principe d'égalité de traitement suppose de réserver le même sort aux deux modes de distribution, c'est-à-dire l'épuisement du droit.

Le troisième argument balayé tout aussi facilement par la Cour, concerne un principe que l'on croyait tout aussi fermement établi, selon lequel la mise à disposition en ligne est une prestation de service et non une vente. Or, l'épuisement ne s'applique pas à la prestation de service, notamment en ligne, tel que cela ressort du considérant 29 de la Directive 2001/29. La Cour ne s'embarrassant pas des textes, estime que cette limite n'a pas lieu d'être au nom du principe de libre circulation des oeuvres, qui au passage change de nature puisque jusqu'alors la terminologie employée était celle de libre circulation des marchandises.

Après avoir apprécié la relation entre le titulaire des droits et le premier acquéreur, se posait donc la question de savoir si l'acquéreur de licences d'occasion peut, par l'effet de l'épuisement du droit de distribution, être considéré comme un "acquéreur légitime", au sens de l'article 5, paragraphe 1, de la Directive 2009/24. Ce texte prévoit une exception aux droits exclusifs et notamment au droit de reproduction puisqu'il énonce que certains actes ne sont pas soumis à l'autorisation de l'auteur du programme, lorsqu'une telle reproduction est nécessaire pour permettre à l'acquéreur légitime d'utiliser le programme d'ordinateur d'une manière conforme à sa destination, y compris pour corriger des erreurs. Pour la CJUE, dès lors que le droit de distribution est épuisé, l'acquéreur d'occasion est un acquéreur légitime. Mais la Cour pose ici une condition : que l'acquéreur initial ait lui-même rendu sa copie inutilisable. Pour Josée-Anne Benazeraf, ce raisonnement manque de logique. En effet, la Cour n'avait pas besoin de poser cette condition, puisque, pour elle, le droit de reproduction a été exercé en amont, dans les rapports entre le titulaire des droits et le premier acquéreur, et en aval, l'acquéreur n'a pas à obtenir d'autorisation conformément à l'article 5, paragraphe 1 de la Directive 2009/24.

L'ajout de cette condition par la Cour pourrait donc s'expliquer par deux raisons. Tout d'abord, une raison de bon sens : la CJUE ne peut pas encourager la multiplication des copies, fut-ce au nom du sacro-saint principe de libre circulation des oeuvres. Ensuite, la principale raison à laquelle répond cette condition serait de créer une illusion selon laquelle il n'y aurait qu'une seule copie du logiciel qui circulerait entre les mains des acquéreurs successifs, comme dans l'univers des biens matériels. Or, en l'occurrence, il ne s'agit là que d'une fiction, dès lors que dans l'univers numérique l'existence d'une seule copie est impossible : le premier acquéreur télécharge une première copie et le second acquéreur une autre copie, et ce, que l'acquéreur initial ait détruit ou non la sienne. On a donc bien à faire à deux actes de reproduction successifs.

Pour Josée-Anne Benazeraf, la Cour a, de la sorte, inventé une nouvelle exception au droit de reproduction qui serait la suivante : "le titulaire du droit ne peut pas s'opposer à la réalisation d'une nouvelle copie si celle de l'acquéreur initial a été supprimée ou a été rendue inutilisable".

En outre, à l'opinion d'Oracle et de certains Gouvernements dans cette affaire, qui objectaient qu'il ne pouvait y avoir d'acquéreur légitime dès lors que le contrat de licence faisait expressément interdiction de revendre, la Cour répond que retenir cet argument reviendrait à priver d'effet utile la notion d'épuisement du droit de distribution. Autrement dit, pour permettre au droit de distribution de jouer son effet utile, c'est-à-dire pour garantir la libre circulation des oeuvres dans l'environnement numérique, le droit de reproduction doit aussi s'effacer tout comme le droit d'exécution publique au bénéfice du seul droit de distribution qui s'épuise à la première vente.

Pour Josée-Anne Benazeraf, le raisonnement qui aboutit à cette solution choquante est biaisé dès le début, dès la qualification de la relation entre le titulaire des droits et l'acquéreur initial. En effet, la société Oracle ne vend pas une copie d'un fichier numérique mais autorise seulement son client à en faire une reproduction. La notion de copie immatérielle est donc totalement trompeuse. En effet ce qui est immatériel dans l'opération de téléchargement ce n'est pas la copie mais le processus de transmission de l'oeuvre qui permet en aval à l'utilisateur, si le service l'y autorise, à effectuer une copie. Aussi, la Cour commet-elle ici, à dessein, un abus de langage ou un raccourci, qui lui permet allègrement de gommer ce processus de transmission interactif, qui seul est immatériel, pour ne retenir que l'aboutissement du processus : la copie réalisée par l'utilisateur.

Cette solution est à rapprocher de celle de la Cour de New-York du 30 mars 2012 qui, dans l'affaire "Capitol Records LLC vs. Redigi Inc", a adopté une position diamétralement opposée concernant la revente de fichier MP3 d'occasion, puisqu'elle a considéré que cette revente sans l'accord du titulaire des droits constituait une violation des droits exclusifs de reproduction et de distribution que ce dernier détenait sur un certain nombre de fichiers MP3. 

newsid:437221

Propriété intellectuelle

[Jurisprudence] En matière de MP3, les Etats-Unis et l'Europe ne sont pas au même diapason juridique

Réf. : United States District Court - Southern District of New York, 30 mars 2013, "Capitol Records LLC vs. Redigi Inc"

Lecture: 12 min

N7270BTG

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437270
Copier

par Antoine Casanova, avocat à la cour, Cabinet Danièle Véret

Le 30 Mai 2013

Depuis l'avènement du format MP3 dans le grand public, la consommation de la musique a profondément changé. Elle est désormais prise dans un mouvement qui tend irrémédiablement vers un délaissement des supports physiques au profit des supports numériques et donc immatériels. De nombreux opérateurs économiques proposent désormais leur service de consommation de musique sous format numérique, notamment l'incontournable plateforme iTunes, exploitée par la société Apple Inc.
La société Redigi Inc (ci-après "Redigi"), société de droit américain, a lancé sa plateforme éponyme courant 2011 aux Etats-Unis. Redigi a récemment annoncé son expansion au marché européen. La particularité de cette plateforme est qu'elle permet aux internautes de mettre en vente et d'acheter à prix réduit des fichiers MP3 qui ont déjà fait l'objet d'une première acquisition sur une plateforme de téléchargement légal, telle qu'iTunes (1). La société Redigi entendait donc créer un marché secondaire pour les fichiers MP3 et ainsi reproduire dans le monde numérique le traditionnel marché de l'occasion des supports physiques. Les maisons de disque ne sont absolument pas favorables au développement d'un marché secondaire des fichiers MP3 dans la mesure où elles ne perçoivent aucune redevance pour ces opérations de revente de fichiers MP3 "d'occasion".
Selon Redigi, le logiciel soutenant sa plateforme (dénommé "Media Manager") permet, d'une part, de s'assurer que seuls des fichiers MP3 téléchargés légalement seront échangés sur sa plateforme (2) et, d'autre part, qu'un fichier MP3 mis en vente sur la plateforme par un internaute est supprimé du disque dur de l'internaute en question (3). Selon les explications fournies par Redigi à la Cour de New York, une fois le MP3 vendu, il est transféré sur son serveur (dénommé "Cloud Locker") et ensuite transféré sur le disque dur de l'acheteur.
La société Capitol Records (ci-après "Capitol Records") est une maison de disque américaine, filiale de l'ex major du disque EMI Group (4). Capitol Records est titulaire des Copyrights pour un certain nombre d'enregistrements musicaux offerts à la vente sur la plateforme exploitée par Redigi. En janvier 2012, Capitol Records, estimant que la revente sans son consentement d'enregistrements musicaux dont elle détenait les droits de propriété intellectuelle sur la plateforme exploitée par Redigi était une violation de ses droits exclusifs de reproduction et de distribution desdits enregistrements, introduisit une action à l'encontre de Redigi. Dès le mois de février 2012, Capitol Records fit une demande (dénommée "preliminary injunction") visant à ce que l'arrêt du service proposé par Redigi soit ordonné de façon provisoire le temps de l'instruction de l'affaire au fond. Cette demande fut cependant rejetée par la Cour de New York au motif que Capitol Records ne rapportait pas la preuve que la poursuite du service proposé par Redigi lui causerait un dommage irréparable ("irreparable harm" dans la décision).

Au fond, l'action de Capitol Records visait à faire reconnaître que la plateforme exploitée par Redigi constituait à la fois une violation des droits exclusifs de reproduction et de distribution qu'elle détenait sur un certain nombre de MP3 offerts à la vente. En défense, Redigi entendait se prévaloir respectivement de l'exception de fair use et de l'exception de first sale. Seule la défense touchant à la first sale doctrine sera traitée ici dans la mesure où l'exception de fair use a été écartée par la Cour de New York pour des motifs très classiques qui n'appellent aucune remarque particulière.

La first sale doctrine (5) est l'équivalent de ce que le droit français et le droit européen connaissent sous le nom de "l'épuisement du droit" et qui consiste à considérer qu'une fois que la première vente d'une copie d'une oeuvre a été effectuée ou autorisée par l'auteur ou ses ayants droit, son droit lui permettant de contrôler la revente de l'exemplaire de l'oeuvre en question est épuisé (6). Que ce soit au regard du droit américain, du droit européen ou du droit français, l'existence d'un marché dit "d'occasion" des exemplaires d'une oeuvre protégée n'est possible que du fait de la reconnaissance d'une limite au pouvoir du titulaire des droits de contrôler la distribution des exemplaires de son oeuvre.

La question principale posée à la Cour de New York était donc de savoir si l'exception de first sale était applicable à des fichiers MP3, soit des exemplaires immatériels d'une oeuvre protégée par le Copyright ou bien si cette exception devait être cantonnée au monde physique et donc seulement au cas de revente d'exemplaires matériels d'une oeuvre protégée. La problématique posée à la Cour de New York ne se limitait toutefois pas seulement à cette question puisqu'en effet, Capitol Records se plaignait également d'une violation de son droit exclusif de reproduction. Or, comme la Cour de New York le rappelle dans sa décision, la first sale doctrine est une exception qui ne concerne que le seul droit exclusif de distribution (7).

La frontière n'est pas si étanche car, à bien lire la décision rendue par la Cour de New York, l'interprétation retenue de la notion de reproduction influe directement sur l'applicabilité de la first sale doctrine. La Cour de New York assimile le transfert d'un fichier numérique par internet à un acte de reproduction (I), ce qui la conduira à refuser d'appliquer la first sale doctrine à des copies numériques d'une oeuvre protégée par un Copyright (II).

La Cour de New York adopte ainsi une position qui semble diamétralement opposée à celle retenue par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt de grande chambre en date du 3 juillet 2012 (III).

I - Le transfert d'un fichier MP3 implique nécessairement un acte de reproduction

Le Copyright Act opère une nette distinction entre les différents droits exclusifs dont peut se prévaloir le titulaire des droits sur une oeuvre telle qu'un morceau de musique.

Comme le droit français, le Copyright Act reconnait au titulaire d'un Copyright un droit de reproduction et un droit de représentation. Cependant, à l'instar du droit communautaire, le Copyright Act reconnaît expressément et de façon autonome un droit de distribution, ce qui n'est pas le cas du droit français (8). Il convient toutefois de rappeler que si le Code de la propriété intellectuelle français ne reconnaît pas expressément l'existence autonome d'un droit de distribution appartenant à l'auteur, ce dernier existe tout de même au travers du droit de reproduction (9).

Capitol Records reprochait à Redigi une violation de ses droits exclusifs de reproduction, de distribution et de représentation. L'analyse de la décision de la Cour de New York montre que c'est l'interprétation retenue quant à la notion de reproduction d'un bien numérique qui déterminera la position de la Cour quant à l'application de la first sale doctrine. La frontière entre droit de reproduction et droit de distribution n'est donc pas totalement étanche.

Capitol Records avançait que le service mis en place par la société Redigi conduisait à une violation de son droit exclusif de reproduction pour les fichiers MP3 dont elle était investie d'un Copyright. Dans sa décision, la Cour de New York analyse donc le processus opératoire du service proposé par Redigi afin de déterminer si ce dernier implique ou non un acte de reproduction des fichiers MP3. La Cour conclut que le processus opératoire du service proposé par Redigi implique nécessairement que soit effectuée, à un moment donné, une opération consistant à reproduire le fichier MP3.

Pour sa défense, Redigi faisait valoir que le processus utilisé par son service n'impliquait pas une réelle reproduction du fichier MP3 vendu mais un simple transfert de celui-ci du disque dur du vendeur à celui de l'acheteur, puisqu'au terme du processus de transfert, le fichier MP3 était effacé du disque dur du vendeur.

Selon la Cour de New York, cet argument n'est pas recevable pour contester l'existence d'une reproduction. Selon elle, le droit de reproduction est nécessairement impliqué lorsqu'une oeuvre protégée est incorporée dans un nouvel objet matériel après un transfert par internet. Il convient de préciser que lorsque la Cour parle ici de "nouvel objet matériel" ("new material object" dans la décision), ce qui a priori peut paraître très surprenant s'agissant de fichiers MP3, elle vise en réalité le support physique de la mémoire où le fichier MP3 sera enregistré après son transfert, soit le disque dur (10). Ainsi, selon la Cour de New York, au regard du droit de reproduction tel que défini par le Copyright Act, il importe peu que le processus technologique mis en place par Redigi aboutisse à ce que le fichier MP3 vendu par l'internaute soit supprimé au terme du transfert (11).

Pour la Cour de New York il n'y pas de transfert d'un seul et même fichier MP3 mais une opération qui consiste à transférer le MP3 sur le serveur de Redigi avant de le supprimer du disque dur du vendeur. Le fichier MP3 est ensuite une nouvelle fois transféré depuis le serveur de Redigi vers le disque dur de l'acheteur avant d'être supprimé du serveur de Redigi.

La Cour de New York retient donc une vision technique de la notion d'acte de reproduction dans laquelle seul compte le fait, qu'au terme du processus, un nouveau fichier MP3 est nécessairement créé sur le disque dur de l'acheteur du MP3 en question. Cette création d'un nouveau fichier numérique contenant l'oeuvre matérialise un acte de reproduction de la copie originale de l'oeuvre protégée par le Copyright. Par conséquent, dans la mesure où l'existence d'une reproduction des oeuvres protégées par le Copyright était reconnue et que cette opération n'avait pas été autorisée par Capitol Records, il s'agissait, selon la Cour, d'une violation du droit exclusif de reproduction appartenant à cette dernière.

La reconnaissance de l'existence d'un acte de reproduction va également servir de fondement au rejet de l'application de la first sale doctrine.

II - Le cantonnement de la first sale doctrine au monde physique

Selon la section 109 du titre 17 de l'USC, le propriétaire d'un exemplaire particulier (dénommée "a particular copy") d'une oeuvre protégée par un Copyright peut, sans l'autorisation du titulaire du Copyright relatif à l'oeuvre, vendre ou disposer de cet exemplaire. Ainsi, une fois que le titulaire d'un Copyright sur une oeuvre a introduit un exemplaire de cette oeuvre dans le commerce en le vendant, il épuise son droit lui permettant de contrôler la distribution de l'exemplaire en question (12). Cependant, pour que la fisrt sale doctrine puisse s'appliquer il est nécessaire que la copie de l'oeuvre protégée remise en vente soit la même que celle ayant fait l'objet du premier acte de vente.

Redigi faisait valoir que son service ne faisait que permettre la revente par internaute d'un MP3 légalement acheté une première fois sur une plateforme de téléchargement légale (iTunes en l'occurrence) et que, par conséquent, un premier acte de vente ayant eu lieu, Capitol Records avait épuisé son droit de contrôle sur la distribution sur le fichier MP3 en question. La défense de Redigi reposait donc sur la démonstration que le processus opératoire de son service, pris dans son ensemble, revenait au transfert d'un unique et même fichier MP3 du disque dur du vendeur vers celui de l'acheteur.

Or, la Cour de New York n'a pas suivi cette interprétation de l'opération, puisqu'elle a considéré que le processus suivi par le service proposé par Redigi conduisait, à son terme, à la création d'un nouveau fichier MP3 sur le disque dur de l'acheteur. Par conséquent, pour la Cour de New York, ce n'est pas le même fichier MP3 qui est l'objet du premier acte de vente et de l'acte de revente sur la plateforme de Redigi. La Cour considère donc que ce nouveau fichier ne peut pas être considéré comme l'exemplaire particulier de l'oeuvre protégée ("particular copy") visé par la section 109 du titre 17 de Copyright Act et rejette par conséquent l'application de la first sale doctrine.

Compte tenu du fait que, pour la Cour de New York, le transfert via internet d'un fichier numérique conduit toujours à la création d'un nouveau fichier numérique, il faut en déduire que l'exception de first sale ne peut trouver à s'appliquer qu'en présence d'une revente de copies matérielles de l'oeuvre protégée par un Copyright. Par son interprétation de la notion de reproduction, la Cour de New York cantonne donc le jeu de la first sale doctrine au monde physique. Dans sa décision, la Cour de New York affirme ainsi que "the first sale doctrine is limited to material items".

Il est intéressant de noter qu'en refusant de considérer que la first sale doctrine puisse s'appliquer au monde physique, la Cour de New York n'a pas suivi le mouvement de la jurisprudence américaine qui, ces dernières années, a marqué une certaine tendance à élargir le champ d'application de cette exception au droit exclusif de reproduction. La jurisprudence américaine a ainsi, dernièrement, abandonné sa conception restrictive relative à l'application de la first sale doctrine lorsque le premier acte de vente a eu lieu en dehors du territoire des Etats-Unis. En effet, à l'origine, pour que la first sale doctrine puisse trouver à s'appliquer il était nécessaire que le premier acte de vente ait été effectué sur le territoire des Etats-Unis (13).

Or, par une décision en date du 19 mars 2013, la Cour Suprême des Etats-Unis a abandonné cette position. Elle a ainsi élargi les possibilités d'application de la first sale doctrine, en jugeant que cette exception au droit de distribution du titulaire du Copyright pouvait s'appliquer dès lors qu'un premier acte de vente de l'exemplaire de l'oeuvre protégée avait eu lieu, peu important le territoire sur lequel ce premier acte de vente avait eu lieu (14).

Par cette limitation de l'application de la first sale au monde physique, le droit américain adopte surtout une solution qui apparaît diamétralement opposée à celle retenue par la CJUE dans son arrêt "Oracle" du 3 juillet 2012 (15).

III - Une position en conflit avec l'Europe

En droit européen, il était traditionnellement considéré que la théorie de l'épuisement du droit, soit l'équivalent de la first sale doctrine, n'était applicable qu'en matière de supports matériels et non en matière de biens immatériels. Cette interprétation de la théorie de l'épuisement des droits remonte à l'arrêt de la CJCE "Deutsche Grammophon" du 8 juin 1971 (16).

Par un arrêt en date du 3 juillet 2012, il semble que la CJUE ait mis un terme définitif à cette conception traditionnelle et qu'il faille désormais considérer que la théorie de l'épuisement des droits puisse être appliquée même dans le cas de supports immatériels.

Il s'agissait d'une affaire opposant la société Oracle qui édite et distribue des logiciels de banques de données, à une société allemande, UsedSoft, qui commercialise des licences "d'occasion" de nombreux logiciels, notamment ceux de la société Oracle. Oracle, considérant qu'il s'agissait d'une violation de son droit exclusif de distribution des logiciels dont elle détenait les droits de propriété intellectuelle avait assigné la société UsedSoft devant les juridictions allemandes.

La juridiction allemande saisie de cette affaire a posé plusieurs questions préjudicielles à la CJUE, notamment celle consistant à savoir si, au sens de la Directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur (N° Lexbase : L1676IES), le droit de distribution relatif à un logiciel devait être considéré comme épuisé "lorsque l'acquéreur a réalisé la copie, avec l'autorisation du titulaire du droit, en téléchargeant le programme sur un support informatique au moyen d'internet".
Selon la CJUE, il "est indifférent, dans une situation telle que celle en cause au principal, que la copie du programme d'ordinateur a été mise à la disposition du client par le titulaire du droit concerné au moyen d'un téléchargement à partir du site internet de ce dernier ou au moyen d'un support matériel tel qu'un CD-ROM ou un DVD".
La CJUE relève "qu'il ne ressort pas de l'article 4, paragraphe 2, de la Directive 2009/24 que l'épuisement du droit de distribution des copies de programmes d'ordinateur, visé à cette disposition, soit limité aux copies de programmes d'ordinateur se trouvant sur un support matériel, tel qu'un CD-ROM ou un DVD" et qu'au contraire la disposition se réfère à la "vente d'une copie d'un programme d'ordinateur" sans aucune autre précision.
En conséquence, selon la CJUE, la Directive ne fait "aucune distinction en fonction de la forme matérielle ou immatérielle de la copie en cause" de sorte "qu'il y a lieu de considérer que l'épuisement du droit de distribution prévu par l'article 4, paragraphe 2, de la Directive 2009/24 concerne à la fois les copies de programme d'ordinateur qui, à l'occasion de leur première vente, ont été téléchargées au moyen d'Internet, sur l'ordinateur du premier acquéreur".

La décision de la CJUE a été rendue au visa de la Directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 qui est spécifique aux logiciels, de sorte qu'il convient de rester prudent quant à l'appréciation de la portée exacte de cette décision.

Cependant, d'une part, un logiciel, est protégé par le droit d'auteur, comme tous les autres types d'oeuvres et, d'autre part, il ne présente pas de particularité justifiant un traitement différent quant à l'épuisement du droit de distribution.

De plus, dans son arrêt la CJUE explique que limiter l'application du principe d'épuisement du droit aux seules copies matérielles reviendrait à permettre au titulaire de droit "d'exiger, à l'occasion de chaque revente, une nouvelle rémunération alors que la première vente de la copie concernée aurait déjà permis audit titulaire d'obtenir une rémunération appropriée", ce qui "irait au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver l'objet spécifique de la propriété intellectuelle en cause".

Or, cette motivation est parfaitement transposable à tous les types d'oeuvre, de sorte qu'il apparaît difficile d'imaginer que la CJUE limitera sa solution aux seuls programmes d'ordinateur et qu'elle ne l'étendra pas à tous les types d'oeuvres, notamment les morceaux de musique.

Il semble donc que les Etats-Unis et l'Europe aient désormais une vision diamétralement opposée sur la question de l'épuisement du droit de distribution relatif à une oeuvre protégée dès lors qu'il s'agit d'une copie immatérielle de l'oeuvre. L'existence de cette opposition pourrait être source d'une certaine tentation de forum shopping de la part des sociétés désireuses d'éditer un service visant à la revente d'exemplaires immatériels d'oeuvres protégées par le Copyright. Ainsi, si la société Redigi venait à transférer son activité sur un territoire de l'Union Européenne où la théorie de l'épuisement du droit s'applique même en présence d'une copie immatérielle de l'oeuvre protégée, le service qu'elle proposerait serait considéré comme légal. De plus, internet ne connaissant pas les frontières, elle pourrait parfaitement proposer son service au public américain.

Dans un tel cas, Capitol Records, comme toute maison de disque américaine, ne disposerait d'aucune action efficace pour tenter de faire stopper le service proposé par Redigi. En effet, il devrait selon, la Convention de Berne de 1886 être fait application de la lex rei sitae, soit si la société Redigi était implantée au sein de l'Union européenne, une loi qui permettrait à la société Redigi de se prévaloir de la jurisprudence de la CJUE et ainsi de faire jouer utilement en défense l'exception tirée de l'épuisement du droit de distribution des fichiers MP3 dont elle permet la revente sur sa plateforme.

Comme il l'a été indiqué plus haut, Redigi vient d'annoncer qu'elle envisageait d'étendre son service à l'Europe. Vu la position de la Cour de New York, il serait opportun pour Redigi de faire l'inverse et de transférer son service dans l'Union européenne puis de l'étendre ensuite aux Etats-Unis.


(1) L'offre de Redigi est décrite dans la décision de la District Court of New York de la manière suivante : "Redigi's website invites users to sell their legally acquired digital music files, and buy used digital music from others at a fraction of the price currently available on iTunes'".
(2) La décision de la District Court of New York expose à cet effet : "Once installed, Media Manager analyzes the user's computer to build a list of digital music files eligible for sale. A file is eligible only if it was purchased on iTunes or from another ReDigi user; misic downloaded from a CD or other file-sharing website is ineligible for sale".
(3) Dans sa decision, la District Court of New York note : "At the end of the process, the digital music file is located in the Cloud Locker and not on the user's computer. [...] Moreover, Media Manager deletes any additional copies of the file on the user's computer and connected devices".
(4) La société EMI Group a récemment fait l'objet d'un rachat par une major du disque : la société Universal Music et son activité d'édition musicale a, quant à elle, était rachetée par la société Sony Music.
(5) L'exception dite de first sale prévue par le Copyright Act et a été codifiée et figure dans le United States Code (USC), à la section 109 du titre 17 qui est relatif au Copyright. L'USC 17 section 109 expose que "the owner of a particular copy or phonorecord lawfully made under this title, or any person authorized by such owner, is entitled, without the authority of the copyright owner, to sell or otherwise dispose of the possession of that copy or phonorecord".
(6) L'article L. 122-3-1 du Code de la propriété intellectuelle français (N° Lexbase : L2840HPU) transpose l'article 4 de la Directive 2001/29 du 22 mai 2001 (N° Lexbase : L8089AU7) et dispose que "dès lors que la première vente d'un ou des exemplaires matériels d'une oeuvre a été autorisée par l'auteur ou ses ayants droit sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la vente de ces exemplaires de cette oeuvre ne peut plus être interdite dans les Etats membres de la Communauté européenne et les Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen".
(7) La Southern District Court of New York expose ainsi "As an initial matter, it should be noted that the first sale defense, is by its own terms limited to assertions of the distribution right".
(8) Ainsi, selon la section 106 du titre 17 du Copyright Act le droit de distribution se définit comme "the exclusive right to distribute copies or phonorecords of the copyrighted work to the public by sale or other transfer of ownership", ce qui peut se traduire par "le droit exclusif de distribuer des copies ou des enregistrements sonores du travail protégé un copyright par vente au public ou tout autre transfert de propriété".
(9) Selon la doctrine traditionnelle, le droit de distribution serait implicitement inclus dans le droit de reproduction en vertu de du droit reconnu à l'auteur de contrôler la destination des exemplaires reproduits de son oeuvre : v., notamment, Cass. civ. 1, 1er mars 1988, deux arrêts, n° 86-18.038, inédit (N° Lexbase : A7505CK8) et n° 86-17.417, inédit (N° Lexbase : A7504CK7).
(10) Dans sa décision, la Cour de New York expose : "the reproduction right is necessarily implicated when a copyrighted work is embodied in a new material object, and because digital music files must be embodied in a new material objet following their transfer over the Internet, the Court determines that the embodiment of a digital music file on new hard disk is a reproduction within the meaning of the Copiright Act".
(11) La Cour de New York expose ainsi : "It is beside the point that the original phonorecord no longer exists. It matters only that a new phonorecord has been created".
(12) Voir notamment Supreme Court of the United States, 9 mars 1998, 523 U.S. 135, "Quality King Distributors Inc., v. L'anza Research International Inc".
(13) Voir sur ce point la décision de United Sates Court of Appeals for the 9th District, 3 septembre 2008, 541 F. 3d 982, "Omega SA v. Costco Wholescale Corp".
(14) Voir Supreme Court of the United States, 19 mars 2013, 11-697, "Kirtsaeng v. John Wiley & sons". Il convient de rappeler que la Cour Suprême a également examiné l'affaire "Omega SA v. Costco Wholescale Corp" sur cette question, mais que la décision avait abouti à un partage des voix des juges et donc à une confirmation de la décision de la Court of Appeals for the 9th District précitée.
(15) CJUE, 3 juillet 2012, aff. C-128/11, sur laquelle, lire not. l'intervention de J.-A. Benazeref, in Les exceptions en droit d'auteurs - Compte-rendu de la réunion de la Commission ouverte Propriété intellectuelle du barreau de Paris du 15 mai 2013, Lexbase Hebdo n° 340 du 30 mai 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N7221BTM).
(16) CJCE, 8 juin 1971, aff. C-78/70 (N° Lexbase : A6685AU7).

newsid:437270

Sociétés

[Brèves] Possibilité pour le juge d'instruction de saisir un élément d'actif d'une SCI pour garantir la peine de confiscation à laquelle ses associés sont susceptibles d'être condamnés pour des faits de blanchiment

Réf. : Cass. crim., 23 mai 2013, n° 12-87.473, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8189KDN)

Lecture: 2 min

N7211BTA

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437211
Copier

Le 30 Mai 2013

Le 23 mai 2013, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que la personnalité morale dont jouit une société civile immobilière régulièrement immatriculée, qui lui confère un patrimoine propre, distinct de celui des associés, ne fait pas obstacle à la saisie par un juge d'instruction d'un élément de son actif afin de garantir la peine de confiscation à laquelle des associés, qui détiennent de façon indivise 99,55 % de son capital, sont susceptibles d'être condamnés, pour des faits de blanchiment (Cass. crim., 23 mai 2013, n° 12-87.473, FS-P+B+I N° Lexbase : A8189KDN). Selon le communiqué relatif à cet arrêt, la Chambre criminelle a ainsi fait application, pour la première fois, des dispositions de la loi du 27 mars 2012 (loi n° 2012-409, de programmation relative à l'exécution des peines N° Lexbase : L6318ISS), qui a modifié les articles 131-21, alinéa 6, du Code pénal (N° Lexbase : L6432ISZ) et 706-148 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6433IS3), afin de permettre au juge d'instruction, pour les infractions les plus graves, de saisir non seulement les biens dont les personnes mises en examen sont propriétaires mais également ceux dont elles ont la libre disposition, quelle qu'en soit la nature. En affirmant, en l'espèce, que les personnes susceptibles d'être mises en examen du chef de blanchiment devaient être regardées comme ayant la libre disposition de l'actif net social résultant de la vente d'un immeuble de cette société, en raison du nombre de parts qu'elles détenaient de façon indivise (99,55), qui leur conférait le droit de décider de l'affectation de cet élément de l'actif, la Chambre criminelle, selon l'intention du législateur de 2012, ne s'arrête pas à l'écran de la personnalité morale de la société afin d'appréhender les véritables intéressés à l'affaire. Faisant application des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 411-3, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L7928HNX), qui l'autorise à mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu'ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d'appliquer la règle de droit proposée, la Chambre criminelle a cassé sans renvoi l'arrêt de la chambre de l'instruction qui avait infirmé la décision de saisie du juge d'instruction (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E1155AWP).

newsid:437211

Sociétés

[Brèves] Le défaut de signature du procès-verbal de délibération de l'assemblée des associés par le gérant ne fait l'objet d'aucune sanction

Réf. : CA Bordeaux, 14 mai 2013, n° 11/03856 (N° Lexbase : A2472KDW)

Lecture: 1 min

N7256BTW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437256
Copier

Le 30 Mai 2013

Selon l'article R. 223-24 du Code de commerce (N° Lexbase : L9730ICD -l'arrêt mentionne à tort l'arrêt R. 224-24-), "les procès verbaux (de l'assemblée des associés) sont établis et signés par les gérants et, le cas échéant , par le président de séance; les dispositions des articles R. 221-3 (N° Lexbase : L0087HZA) et R. 221-4 (N° Lexbase : L0088HZB) leurs sont applicables". Cet article R. 223-24, alinéa 3, ne saurait être détaché des articles L. 223-25 (N° Lexbase : L3180DYG) et L. 223-29 (N° Lexbase : L5854AIN) du Code de commerce selon lesquels le gérant peut être révoqué par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales ; ce qui est le cas en l'espèce. L'absence de signature du procès-verbal de délibération par le gérant ne fait l'objet d'aucune sanction, de sorte que cette irrégularité ne saurait conduire à ôter toute valeur probante à ce procès-verbal ce d'autant que le gérant révoqué ne conteste pas le bien fondé des griefs formulés à son encontre lors de cette assemblée générale et que sa qualité de gérant révoqué explique son absence de signature au bas du procès-verbal. En conséquence, ce procès-verbal de délibération validant l'existence d'une assemblée générale des associés le révoquant, il ne peut être soutenu par cet ancien gérant, qui n'en demande pas la nullité, que celle-ci ne s'est pas réunie. Telle est la solution énoncée par la cour d'appel de Bordeaux dans un arrêt du 14 mai 2013 (CA Bordeaux, 14 mai 2013, n° 11/03856 N° Lexbase : A2472KDW ; cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E6049A3G).

newsid:437256

Sociétés

[Brèves] Responsabilité du gérant de SARL pour des fautes détachables de ses fonctions et responsabilité du liquidateur amiable pour défaut de constitution de provision

Réf. : CA Douai, 15 mai 2013, n° 12/03062 (N° Lexbase : A2699KDC)

Lecture: 1 min

N7257BTX

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437257
Copier

Le 30 Mai 2013

La responsabilité personnelle du dirigeant suppose la démonstration d'une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement. Tel n'est pas le cas des erreurs de conception et de réalisation des travaux confié à une SARL qui caractérisent des fautes de l'entreprise et non des fautes personnelles du gérant, séparables de sa fonction, de nature à engager sa responsabilité personnelle. Il en va de même de l'absence de souscription d'assurance de garantie décennale pour l'activité de charpentier dont relevait la réalisation des planchers concernée par les désordres. Par ailleurs, en présence d'une ordonnance de référé ordonnant une mesure d'expertise judiciaire, sans même l'assortir d'une provision au profit de la SCI, qui engage la responsabilité de l'ancien gérant de la SARL et de son liquidateur amiable, dont l'existence même de la créance indemnitaire à l'égard de la SARL était à ce stade incertaine, ne revêt pas un caractère fautif susceptible d'engager sa responsabilité envers la SCI le fait pour le liquidateur amiable de ne pas avoir constitué de provision dans la perspective d'une éventuelle condamnation ultérieure de l'intéressée alors que la société disposait d'une assurance responsabilité décennale couvrant plusieurs activités dont l'examen pouvait laisser croire à une personne néophyte en matière d'assurance qu'elle garantirait les dommages constatés, ce qu'avait d'ailleurs fait valoir le liquidateur au cours des opérations d'expertise à l'adresse du maître de l'ouvrage. Est donc infirmé le jugement de première instance, en ce qu'il consacre la responsabilité concurrente de l'ancien gérant et du liquidateur et les condamne au paiement de diverses indemnités en faveur de la SCI. Telle est la solution énoncée par la cour d'appel de Douai dans un arrêt du 15 mai 2013 (CA Douai, 15 mai 2013, n° 12/03062 N° Lexbase : A2699KDC ; cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E7037A87 et N° Lexbase : E3317A8D).

newsid:437257

Surendettement

[Brèves] Inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers des décisions relatives au traitement du surendettement en Polynésie française

Réf. : Ordonnance n° 2013-421 du 23 mai 2013, relative à l'inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers des décisions relatives au traitement du surendettement en Polynésie française (N° Lexbase : L8245IWB)

Lecture: 1 min

N7251BTQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437251
Copier

Le 30 Mai 2013

La Polynésie a adopté une loi de pays relative à la mise en place d'une commission de surendettement sur le modèle des commissions existant en métropole. Les décisions des commissions ainsi que les éventuels recours contre ces décisions sont enregistrés au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, tenu par la Banque de France. Cette inscription implique, en Polynésie française, d'étendre les dispositions figurant à l'article L. 333-4 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1284IWH). Tel est l'objet d'une ordonnance publiée au Journal officiel du 24 mai 2013 (ordonnance n° 2013-421 du 23 mai 2013, relative à l'inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers des décisions relatives au traitement du surendettement en Polynésie française N° Lexbase : L8245IWB). L'article 1er complète les dispositions de l'article L. 334-7 de Code de la consommation (N° Lexbase : L8305IWI), relatives au traitement du surendettement en Polynésie française par l'ajout des éléments permettant d'inscrire dans le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, tenu par la Banque de France, les informations suivantes :
- la saisine de la commission de surendettement et les mesures du plan conventionnel de redressement proposées par elle ;
- la reconnaissance de la situation de surendettement par le tribunal de première instance, saisi sur un recours en matière de recevabilité d'une demande adressée à la commission ;
- les décisions prises par le tribunal de première instance en matière de rétablissement personnel.
Cet article indique également que ces informations sont transmises à la Banque de France par l'agence de l'Institut d'émission d'outre-mer, qui est en charge de la mission de suivi du surendettement des particuliers dans sa zone de compétence. L'article précise enfin la durée maximum d'inscription au fichier de ces informations : elle est conservée pendant toute la durée de l'exécution du plan conventionnel, sans pouvoir excéder huit ans.

newsid:437251

Transport

[Brèves] Conformité à la Constitution des dispositions relatives à la composition du conseil de surveillance des grands ports maritimes outre-mer

Réf. : Cons. const., 22 mai 2013, décision n° 2013-313 QPC (N° Lexbase : A6091KDX)

Lecture: 1 min

N7194BTM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437194
Copier

Le 30 Mai 2013

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 février 2013, par le Conseil d'Etat (CE 2° et 7° s-s-r., 22 février 2013, n° 364280 N° Lexbase : A5343I8E) d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Chambre de commerce et d'industrie de région des îles de Guadeloupe et les autres chambres de commerce et d'industrie des départements d'outre-mer. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 5312-7 du Code des transports (N° Lexbase : L7047INC), dans sa rédaction résultant de l'article L. 5713-1-1 du même code (N° Lexbase : L2558ISK) créé par l'article 1er de la loi n° 2012-260 du 22 février 2012, portant réforme des ports d'outre-mer relevant de l'Etat et diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports (N° Lexbase : L2445ISD). Les dispositions contestées, applicables aux grands ports maritimes de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion, prévoient une composition du conseil de surveillance de ces grands ports maritimes différente de celle du conseil de surveillance des grands ports maritimes de métropole. Elles prévoient un avis des collectivités territoriales et de leurs groupements pour la nomination de personnalités qualifiées élues par les chambres de commerce et d'industrie au conseil de surveillance de ces grands ports maritimes. Dans une décision du 22 mai 2013, le Conseil constitutionnel (Cons. const., 22 mai 2013, décision n° 2013-313 QPC N° Lexbase : A6091KDX) a jugé ces dispositions conformes à la Constitution. Il a relevé que le législateur a entendu, d'une part, prendre en compte la spécificité du mode de gestion de ces ports antérieur à la loi du 22 février 2012, et, d'autre part, assurer une représentation accrue des collectivités territoriales au sein du conseil de surveillance et leur accorder une influence particulière. Compte tenu de la situation géographique des départements d'outre-mer, ces ports occupent une place particulière dans leur réseau de transports et leur économie générale. Dès lors, le Conseil a jugé que ces circonstances constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution (N° Lexbase : L1343A9M), des "caractéristiques et contraintes particulières" de nature à les justifier.

newsid:437194

Transport

[Brèves] Domaine d'application de la fraude ou de l'infidélité faisant échec à prescription annale et détermination des charges de carburant, à défaut de stipulations contractuelles les identifiant

Réf. : Cass. com., 22 mai 2013, n° 11-27.352, FS-P+B (N° Lexbase : A9097KDB)

Lecture: 2 min

N7255BTU

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/8214639-edition-n-340-du-30052013#article-437255
Copier

Le 30 Mai 2013

Sont soumises à la prescription annale de l'article L. 133-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L4810H9Z), sauf au cas de fraude ou d'infidélité, toutes les autres actions auxquelles le contrat de transport peut donner lieu. Dès lors, la fraude ou l'infidélité peuvent faire échec à la prescription annale des actions auxquelles peuvent donner lieu le contrat de transport, aussi bien que celles qui naissent de l'article 1269 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2147H4B). Par ailleurs, à défaut de stipulations contractuelles identifiant les charges de carburant, celles-ci doivent, à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 5 janvier 2006 (loi n° 2006-10 N° Lexbase : L6671HES), être déterminées, au jour de chaque commande de transport passée en exécution du contrat-cadre liant les parties, par référence au prix du gazole publié par le comité national routier et à la part des charges de carburant dans le prix du transport, telle qu'établie dans les indices synthétiques de ce comité, ce prix étant révisé de plein droit en appliquant aux charges de carburant la variation de l'indice gazole depuis la date de la commande, et non pas des mois de janvier à avril 2005, jusqu'à celle de sa réalisation. Telles sont les précisions apportées par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mai 2013 (Cass. com., 22 mai 2013, n° 11-27.352, FS-P+B N° Lexbase : A9097KDB). En l'espèce une société, voiturier, a réalisé des transports à la demande d'une société, commissionnaire de transport, les parties étant convenues d'une clause d'indexation tarifaire incluant le prix du gazole selon courriers des 21 et 23 juin 2005. Estimant cette indexation insuffisante, le voiturier a fait assigner en paiement, par acte du 11 mars 2008, devant le juge des référés la société commissionnaire qui a opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription annale de l'article L. 133-6 du Code de commerce. Par ordonnance de référé du 18 avril 2008, l'affaire a été renvoyée au fond. C'est dans ce contexte que la société commissionnaire faisait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement du 22 janvier 2009 en ce qu'il avait rejeté sa demande tendant à voir acquise la prescription annale. Enonçant le premier principe précité, la Cour de cassation approuve donc l'arrêt d'appel. Mais sur le pourvoi incident formé par le voiturier, énonçant le second principe précité, la Cour casse, au visa des articles L. 3222-1 (N° Lexbase : L7638IN9) et L. 3222-2 (N° Lexbase : L7637IN8) du Code des transports, l'arrêt d'appel qui a retenu que l'indice initial était la moyenne de l'indice retenu par l'expert pour les mois de janvier à avril 2005, dès lors, selon les juges d'appel, que c'est à compter du 23 juin 2005 que s'est concrétisée la volonté commune des parties de changer le mode de tarification de prix fixe en prix révisable, de sorte que les indices pertinents à prendre en compte comme indice de départ sont ceux existant au1er juin 2005.

newsid:437255

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus