Réf. : CJUE, 28 mai 2013, aff. C-239/12 P (N° Lexbase : A9966KDH)
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Le 06 Juin 2013
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Le 06 Juin 2013
Lexbase : Quels sont les principaux intérêts que présente le crowdfunding ?
Hubert de Vauplane : Le crowdfunding répond avant tout à une logique de financement de proximité. Pour se faire, il s'agit de mobiliser l'épargne pour financer des projets de croissance. Les français ont toujours été, parmi les occidentaux, ceux disposant d'un taux d'épargne important. Avec la crise, ils puisent dans cette épargne pour ajuster leur budget courant mais, dans le même temps, ils continuent d'augmenter cette épargne. Une bonne partie de cet argent ne circule donc pas dans le circuit économique car il reste dans les "bas de laine", même si une partie finance indirectement l'économie, celle investie en assurance vie ou livret A.
Ces sommes aujourd'hui gelées ou bloquées peuvent ainsi servir à financer des projets sur lesquels les internautes se sentent proches, soit géographiquement, soit culturellement, soit sociologiquement. En effet, le principe du crowdfunding repose sur les cercles de confiance. C'est parce que, d'abord et avant tout, ma famille et mes amis les plus proches vont financer mon projet que les amis de ce premier cercle vont eux aussi se mobiliser à leur tour. Et dès lors que ces deux premiers cercles ont apporté une part déjà significative du financement, le troisième cercle, celui de la communauté d'internautes va naturellement se mobiliser. Le plus dur dans une campagne de levée de fonds de la finance participative est de mobiliser ses deux premiers cercles. Sans ceux-ci, l'échec du projet est presque inévitable.
Lexbase : Son essor est-il une bonne chose et son développement est-il selon vous inéluctable ?
Hubert de Vauplane : Son essor répond à un besoin des citoyens de proximité avec leur environnement économique. Les internautes participant à des projets de finance participative sont plus prêts à le faire qu'à mobiliser leur épargne sur des produits sur lesquels ils ne se sentent pas proches.
La finance participative n'a pas vocation à remplacer le financement bancaire mais à le compléter.
La finance participative présentent des caractéristiques différentes par rapport à la finance traditionnelle : tout d'abord, un libre accès des internautes aux projets ; ensuite un choix direct du projet par le contributeur (personne ne le conseille) ; enfin une transparence et une traçabilité de l'affectation des sommes tout au long de la vie du projet.
Il est aujourd'hui difficile pour un porteur de projet, souvent personne physique avec peu d'expérience, de convaincre son banquier de lui prêter de l'argent pour le lancement de son projet. En mobilisant ses cercles proches, le porteur de projet peut convaincre le banquier de la solidité de son business plan. L'idée est simple : si pour une somme de 100 euros le porteur de projet en a déjà financé 30, 50 ou 60 euros via une plateforme de crowdfunding, il lui sera plus facile de convaincre son banquier de financer le reste.
Mais attention ! La finance participative n'est pas la réponse miracle à la faible croissance économique. Elle ne vise que des projets de taille réduite, voire modeste. Aujourd'hui en France, les financements de projets via des dons dépassent rarement la somme totale de 20 000 euros ; ceux via le prêt 100 000 euros, et enfin ceux via l'investissement en capital tournent autour de 200 000 à 300 000 euros, ce qui est déjà une somme importante. De leur côté, les internautes n'investissent pas les mêmes sommes selon la typologie des opérations : environ 50 euros par opération de don ; 200 euros par opération de prêt et plutôt 1 000 euros ou plus pour les investissements. On voit ainsi que derrière ces chiffres, le profil de risque et donc d'investissement n'est pas le même. Si je suis prêt à donner 50 euros, c'est que je n'attends aucun retour financier. Si je prête 200 euros, j'attends au moins d'être remboursé du capital ; si j'investi 1 000 euros, j'espère pouvoir retirer un profit.
Comme on le voit, la logique de la rétribution n'est pas la même. Dans le don, l'attente est essentiellement émotive, sentimentale mais pas financière : je donne une somme et comme dans tout don, je n'attends pas de retour de cette somme. En revanche, tout retour émotionnel (place de concert du groupe financé, dédicace du livre financé, pot de miel du producteur porteur du projet...) favorise la réussite du projet. Quand je prête 200 euros, tout dépend si je prête avec ou sans intérêts. Dans le premier cas, je reste dans une logique de retour émotionnel mais j'attends un remboursement en capital. Dans le second cas, ma démarche se rapproche plus de celle d'un investisseur désireux de placer une somme d'argent à un taux de rendement attractif. Enfin, quand j'investi 1 000 euros, je suis prêt à les perdre mais dans la mesure où j'agis comme un investisseur avisé et que j'ai diversifié mes placements, j'escompte sur mes différents placements qu'au moins certains d'entre eux me rapporteront 3, 5, 10 fois la mise.
Lexbase : De lege lata, quelles sont les principales règles applicables à chaque typologie de crowdfunding (don, prêt, prise de participation) ? Pourquoi ce cadre légal apparaît-il inadapté ?
Hubert de Vauplane : Le crowdfuding s'est développé en France comme à l'étranger en dehors de toute réglementation spécifique, même si très tôt, et selon le type d'activité, les plateformes ont dû tenir compte de certaines contraintes réglementaires. La force de la finance participative est dans l'engagement qu'il génère par rapport au projet, au lien direct qu'il crée entre la communauté des contributeurs et les porteurs de projets. En ce sens il s'insère mal dans le cadre réglementaire existant qui est organisé par typologie de financement.
La réglementation distingue les catégories suivantes :
- don, contreparties symboliques et contreparties (pré-achat) ;
- prêt non rémunéré ;
- prêt rémunéré ;
- instruments financiers.
C'est ce cadre qui n'est pas adapté ou mal adapté au développement de la finance participative.
Lexbase : Quelles évolutions de ce cadre juridique vous semblent, alors, nécessaires ?
Hubert de Vauplane : La réglementation bancaire et financière repose sur la présence d'intermédiaires agrées et spécialisés par type d'activité : assureurs, banques, gestionnaires d'actifs, entreprises d'investissement, IOB. Chacun de ces statuts correspond à une activité, laquelle fait l'objet d'une réglementation précise et détaillée, le plus souvent organisant un monopole quant à son exercice. L'idée est que des intermédiaires régulés protègent l'épargne et les consommateurs. Ce type d'approche réglementaire limite dans son essence même la possibilité pour de nouveaux acteurs d'apparaître et de proposer des services proches mais différents dans leur fondement. Tel est le cas pour le financement en direct par des personnes physiques de projets. Dit autrement, l'intermédiation (bancaire ou financière) est un verrou qu'il est difficile de faire bouger. Or, dans le contexte économique qui est celui de beaucoup de pays comme la France, toute liberté nouvelle dans le financement de l'économie ne peut que favoriser la croissance. C'est donc bien vers une désintermédiation qu'il convient d'aller.
Toute évolution du cadre réglementaire devra tenir compte de la spécificité de la finance participative si l'on veut favoriser son développement. Cette réglementation devra intégrer les trois fonctions suivantes de toute plateforme de finance participative :
- la diffusion d'informations sur les projets aux internautes ;
- la collecte/conservation/affectation et gestion des flux financiers de retours ;
- la délégation d'instruction des contributeurs aux plateformes.
A cet égard, il convient d'adapter la réglementation bancaire en matière de services de paiement, de monnaie électronique, d'exception au monopole bancaire pour les opérations de prêts, mais aussi en matière d'offre au public d'instruments financiers. Plus globalement, la dimension "démarchage financier" devra être modifiée pour faciliter le développement de cette nouvelle activité.
On le voit, les chantiers sont lourds. Certains sont complexes du fait de la contrainte européenne qui oblige à modifier les textes au niveau des 27 Etats membres (bientôt 28, la Croatie devenant un Etat membre le 1er juillet 2013). D'autres sont plus légers dès lors qu'il s'agit de mesures nationales, voire d'interprétation de la règle de droit par les autorités de régulation françaises.
La question qui se pose est de savoir s'il faut "encadrer" toutes les activités de finance participative dans un "statut" ou seulement certaines d'entre-elles, celles qui se rapprochent le plus d'activités bancaires ou financières. Concrètement, doit-on laisser à part les activités de dons ?
L'une des idées qui commence à se faire jour réside dans la création d'un nouveau statut, celui d'Etablissement de finance participative qui, un peu à l'image du couteau suisse, permettrait aux plateformes de demander un agrément à l'AMF ou l'ACP selon le type d'activités exercées.
Lexbase : La mise en place d'un code de déontologie propre au crowdfunding vous apparaît-elle indispensable ?
Hubert de Vauplane : Non, cela ne me paraît pas être la bonne approche.
(1) Source : E. Lederer, Les Echos, article du 16 mai 2013 ; Ph. Brochen, Libération, article du 24 février 2013.
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Réf. : Cass. civ. 1, 29 mai 2013, n° 11-24.278, FS-P+B (N° Lexbase : A9624KE8)
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Le 07 Juin 2013
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Réf. : Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 11-29.011, FS-P+B (N° Lexbase : A9201KD7)
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par Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"
Le 07 Juin 2013
La répartition des charges de travaux entre bailleur et preneur est envisagée par le Code civil.
S'agissant du bailleur, l'article 1719 du Code civil (N° Lexbase : L8079IDL) dispose qu'il "est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations".
L'article 1720 de ce code (N° Lexbase : L1842ABT) précise également que "le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce" et qu'il "doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives".
L'article 1754 du Code civil (N° Lexbase : L1887ABI) dispose que "les réparations locatives ou de menu entretien dont le locataire est tenu, s'il n'y a clause contraire, sont celles désignées comme telles par l'usage des lieux". Ces réparations sont énumérées, de manière non exhaustive, par ce même texte (cf. l'utilisation de l'expression "entre autres").
L'article 1755 du Code civil (N° Lexbase : L1888ABK) prévoit, enfin, que "aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure" (voir également, au moment de la restitution des locaux, l'article 1730 du Code civil N° Lexbase : L1852AB9).
Dans une certaine limite, les parties à un bail sont libres d'aménager la charge des travaux, les dispositions précitées étant essentiellement supplétives.
En l'espèce, et compte tenu de la nature des désordres qui ont rendu les travaux nécessaires (reprise des fondations), ces derniers devaient incomber en principe au bailleur et ce, quelles que soient les clauses du contrat. La Cour de cassation a en effet précisé que "si le bailleur peut mettre à la charge du preneur, par une clause expresse du bail, l'obligation de prendre en charge les travaux rendus nécessaires par la vétusté, il ne peut, en raison de l'obligation de délivrance à laquelle il est tenu, s'exonérer de l'obligation de procéder aux travaux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l'immeuble" (Cass. civ. 3, 9 juillet 2008, n° 07-14.631, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5449D9P). Or, dans l'arrêt rapporté, la structure de l'immeuble était en cause.
Toutefois, le débat n'a pas porté frontalement sur ce point, la question posée étant celle de savoir si le preneur pouvait, sur le principe, solliciter le remboursement de travaux qu'il avait effectué et qu'il estimait incomber au bailleur. Conformément au droit commun des obligations contractuelles, les manquements du bailleur à son obligation d'exécuter les travaux peut entraîner soit la résolution du contrat, soit l'exécution forcée, ainsi que sa condamnation, dans l'une et l'autre des hypothèses, à réparer le préjudice subi par le preneur du fait de ses manquements. A certaines conditions, mais il s'agit peut être ici d'un aspect du droit à réparation, le preneur peut-être autorisé à suspendre le règlement des loyers.
2 - Sur la réparation du préjudice subi : l'exécution pécuniaire
En principe, "toute obligation de faire [...] se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur" (C. civ., art. 1142 N° Lexbase : L1242ABM) et "le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution [...]" (C. civ., art. 1147 N° Lexbase : L1248ABT).
Le bailleur qui n'exécute pas les travaux découlant de ses obligations devra indemniser le preneur de l'intégralité des préjudices qu'il a subis du fait de cette inexécution (v., par ex., Cass. civ. 3, 23 mars 2005, n° 03-18.671, FS-D N° Lexbase : A4168DHT ; Cass. civ. 3, 14 octobre 2009, n° 08-10.955 [LXB=A0826EM] ; Cass. civ. 3, 13 juillet 2010, n° 09-15.409, F-D N° Lexbase : A6786E44 ; Cass. civ. 3, 14 février 2012, n° 11-10.451, F-D N° Lexbase : A8579ICQ).
Le preneur aura droit à cette indemnisation également lorsqu'il sollicite la résolution (Cass. civ. 3, 30 avril 2003, n° 01-14.890, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A7549BSE) ou la résiliation du bail aux torts du bailleur (Cass. civ. 3, 21 mars 2001, n° 99-14.462, FS-D N° Lexbase : A1190ATA), l'article 1184, alinéa 2 du Code civil (N° Lexbase : L1286ABA) prévoyant expressément que "la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix [...] d'en demander la résolution avec dommages et intérêts".
Les dommages et intérêts sont parfois accordés sous forme de réduction de loyer (Cass. civ. 1, 9 février 1965, n° 62-10.478 N° Lexbase : A9523AH8 ; Cass. civ. 3, 11 février 2004, n° 02-20.184, FS-D N° Lexbase : A2770DB9).
L'article 1146 du Code civil (N° Lexbase : L1246ABR), situé dans la section relative aux "dommages et intérêts résultant de l'inexécution de l'obligation", dispose que "les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu'il a laissé passe". Il a toutefois été admis que le droit à des dommages et intérêts compensatoires n'était pas nécessairement subordonné à une mise en demeure d'avoir à exécuter les travaux (Cass. civ., 5 janvier 1938, S. 1938. 1. 108, D.H. 1938. 97, cité in Encyclopédie Dalloz, Responsabilité contractuelle, G. Légier, n° 200), à tout le moins lorsqu'il est établi que le bailleur n'ignorait pas les désordres constitutifs d'un manquement à ses obligations (CA Douai, 29 septembre 2011, n° 10/05709 N° Lexbase : A7029H7H). Il paraît, en effet, difficile d'accepter de condamner un bailleur à régler des dommages et intérêts au preneur s'il n'avait pas connaissance des désordres et qu'il n'a pas été en mesure d'y mettre un terme. Les dommages et intérêts ne sont, en outre, que compensatoires et l'exécution par le bailleur des travaux devrait apparaître comme en étant le premier remède. Il a toutefois été jugé que dès lors que "l'inexécution des obligations est acquise et est susceptible d'avoir causé un préjudice aux contractants, ceux-ci sont en droit de solliciter des dommages et intérêts malgré l'absence de mise en demeure" (CA Bordeaux, 8 mars 2012, n° 10/07656 N° Lexbase : A3991IEK).
Cependant, dans un arrêt récent et inédit, la Cour de cassation a censuré les juges du fond qui avaient accordé des dommages et intérêts à un preneur en raison du préjudice subi du fait d'infiltrations "sans préciser si le preneur avait vainement mis en demeure le bailleur de procéder aux réparations nécessaires" (Cass. civ. 3, 27 novembre 2012, n° 11-24.722, F-D N° Lexbase : A8629IXU ; cf. également, dans une hypothèse où la demande d'indemnisation intervenait alors que le bail était résilié, Cass. civ. 3, 22 février 2005, n° 04-10.792, F-D N° Lexbase : A8806DGA).
3 - Sur l'exception d'inexécution
Le preneur sera fondé à invoquer une exception d'inexécution et à suspendre le règlement de ses loyers (Cass. civ. 3, 13 juillet 2010, n° 09-15.409, F-D N° Lexbase : A6786E44), tant que le trouble subsiste (Cass. civ. 3, 29 janvier 2002, n° 00-16.734 N° Lexbase : A8924AXS), mais à la condition que l'impossibilité d'utiliser les locaux soit totale (Cass. civ. 3, 31 octobre 1978, n° 77-11.355 N° Lexbase : A7303AGL ; Cass. civ. 3, 6 novembre 2001, n° 99-14.404, F-D N° Lexbase : A0625AXG ; Cass. civ. 3, 25 juin 2003, n° 01-15.364, FS-D N° Lexbase : A9748C8K).
4 - Sur la résolution ou la résiliation du contrat
Le preneur peut également solliciter la résiliation ou la résolution judiciaire.
L'article 1184, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L1286ABA) dispose en effet que "la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts".
En matière de bail, l'article 1741 Code civil N° Lexbase : L1863ABM rappelle cette règle générale : "le contrat de louage se résout [...] par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements". Le bail étant un contrat synallagmatique à exécution successive, la résiliation judiciaire n'opère pas pour le temps où le contrat a été régulièrement exécuté, à moins d'une absence d'exécution ou en cas exécution imparfaite dès l'origine qui entraîne dans ces derniers cas l'anéantissement rétroactif du contrat (Cass. civ. 3, 30 avril 2003, n° 01-14.890, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A7549BSE). L'absence d'exécution par le bailleur de travaux lui incombant pourra justifier, si le manquement est suffisamment grave, la résiliation du bail aux torts du bailleur (Cass. civ. 3, 21 mars 2001, n° 99-14.462, FS-D N° Lexbase : A1190ATA ; Cass. civ. 3, 23 janvier 2007, n° 05-13.384, F-D N° Lexbase : A6780DTB).
Il a été précédemment expliqué que la résiliation judiciaire du bail aux torts du bailleur peut également être assortie d'une condamnation au règlement de dommages et intérêts au profit du preneur. En outre, dans l'hypothèse où le bail serait résolu, pour un manquement constitué dès l'origine, le bailleur sera tenu de restituer les loyers perçus (Cass. civ. 3, 25 novembre 2009, n° 08-16.734, FS-D N° Lexbase : A1541EPR). Le locataire devrait se trouvait cependant concomitamment débiteur d'une indemnité d'occupation.
5 - Sur l'exécution forcée : la réparation en nature
5.1 - Sur la possibilité d'obtenir l'exécution forcée
Bien que l'article 1142 du Code civil puisse être interpréter comme limitant la sanction d'une obligation de faire à des dommages et intérêts, l'article 1184, alinéa 2, du Code civil prévoit expressément que "la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible". Il a été jugé, dans un arrêt ancien, que l'obligation de délivrance n'avait pas de caractère personnel et que l'exécution forcée de cette obligation était possible (Cass. soc., 20 juin 1963, publié).
Le bailleur peut ainsi être condamné à exécuter ou faire exécuter les travaux qui lui incombent (Cass. civ. 3, 8 novembre 2011, n° 10-26.816, F-D N° Lexbase : A8841HZH), voire même reconstruire l'un des bâtiment loué dès lors qu'il est à l'origine de sa destruction, rendue nécessaire en raison de l'absence d'exécution de travaux dont il avait la charge (Cass. civ. 3, 25 janvier 2006, n° 04-18.672, FS-P+B N° Lexbase : A5549DMH).
Il doit être noté que la demande du preneur aux fins d'exécution de travaux est irrecevable faute d'intérêt à agir après la résiliation du bail (Cass. civ. 3, 16 octobre 2007, n° 06-16.996, F-D N° Lexbase : A8079DYU).
5.2 - Sur l'exécution des travaux par le preneur aux dépens du bailleur
Une autre option est offerte au preneur, notamment en cas d'urgence, à savoir celle de faire procéder aux travaux, à ses frais avancés, et d'en solliciter ultérieurement le remboursement au bailleur. Au visa de l'article 1144 du Code civil (N° Lexbase : L1244ABP), la Cour de cassation subordonne cette faculté à deux conditions cumulatives (Cass. civ. 3, 20 mars 1991, n° 89-19.866 N° Lexbase : A4651ACA ; Cass. civ. 3, 5 mars 1997, n° 95-16.017 N° Lexbase : A0532ACP ; Cass. civ. 3, 11 janvier 2006, n° 04-20.142, FS-P+B N° Lexbase : A3462DM8 ; Cass. civ. 3, 9 novembre 2010, n° 09-69.762, F-D [LXB=9060GGN]) :
- la mise en demeure préalable du bailleur d'avoir à effectuer les travaux ;
- l'obtention d'une décision de justice autorisant le preneur à effectuer les travaux en l'absence d'accord du bailleur.
L'arrêt rapporté rappelle cette double condition, tout en y apportant expressément une exception. Il ressort en effet de cette décision qu'en cas d'urgence, le preneur pourra faire exécuter les travaux et en obtenir le remboursement auprès du bailleur, même s'il n'a pas mis le bailleur préalablement en demeure de les exécuter et qu'il n'a pas obtenu d'autorisation judiciaire (voir déjà en ce sens, Cass. civ. 3, 12 juin 2001, n° 99-21.127, inédit N° Lexbase : A5793ATQ ; Cass. civ. 3, 9 novembre 2010, n° 09-69.762, F-D, préc. et Cass. civ. 3, 8 novembre 2011, n° 10-15.937, F-D N° Lexbase : A8826HZW). Dans ce cas, le juge devra vérifier si les travaux ont été effectués de "la façon la plus économique" (Cass. civ. 3, 12 juin 2001, n° 99-21.127, préc.).
Si le preneur exécute les travaux sans avoir mis préalablement en demeure le bailleur de l'exécuter et sans avoir obtenu une autorisation judiciaire, la sanction est particulièrement sévère puisqu'il ne pourra obtenir le remboursement des frais qu'il aura exposés et qui incombaient pourtant in fine au bailleur
Ces solutions ont été rendues, dans certains arrêts, au visa de l'article 1144 du Code civil qui dispose que "le créancier peut aussi, en cas d'inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l'obligation aux dépens du débiteur. Celui-ci peut être condamné à faire l'avance des sommes nécessaires à cette exécution". Si l'emploi du verbe "pouvoir" laisse suggérer qu'il ne s'agit que d'une faculté, cette dernière ne porte que sur le droit même du créancier de faire procéder à l'exécution à ses frais avancés. Si le preneur décide de faire procéder aux travaux aux dépens du bailleur, il devra, s'il veut en obtenir le remboursement, obtenir une autorisation judiciaire. L'exigence d'une mise en demeure préalable, si elle peut se justifier, n'est en revanche pas prévue par l'article 1144 du Code civil, l'article 1146 de ce code ne l'imposant par ailleurs que pour les dommages et intérêts. Les frais avancés par le preneur peuvent cependant s'analyser en un préjudice et la demande de remboursement en une demande de réparation, justifiant ainsi la nécessité d'une mise en demeure.
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Réf. : CA Poitiers, 21 mai 2013, n° 12/00237 (N° Lexbase : A6824KD4)
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N7388BTS
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Le 06 Juin 2013
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Réf. : Cass. com., 28 mai 2013, n° 11-26.423, FS-P+B (N° Lexbase : A9454KEU)
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N7383BTM
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Le 08 Juin 2013
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Réf. : Cass. com., 28 mai 2013, n° 12-14.049, F-P+B (N° Lexbase : A9564KEX)
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N7393BTY
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Le 12 Juin 2013
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Réf. : Cass. com., 23 avril 2013, n° 12-18.453, F+P+B (N° Lexbase : A6835KC7)
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N7373BTA
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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR à la Faculté de Droit de Nancy (Université de Lorraine, Institut François Gény, EA 1138, Nancy)
Le 06 Juin 2013
I - Le capital social non libéré n'est pas de l'actif disponible
Etre ou ne pas être en cessation des paiements ? Cette question demeure fondamentale en dépit de la volonté du législateur de maintenir la définition de cette notion énoncée par de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW), lors de la réforme opérée par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150HGT) (5). Toutefois, à la suite de certaines décisions rendues par la Chambre commerciale de la Cour de cassation (6), cette formulation a été "renforcée" par l'ordonnance de réforme n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 (N° Lexbase : L2777ICT), en se référant aux notions de réserve de crédit et de moratoires. La prise en compte de la réserve de crédit dont dispose le débiteur a donc été formalisée à cette époque, bien qu'en pratique, elle soit prise en compte depuis bien longtemps (7) pour apprécier la situation financière d'un débiteur avant de prononcer l'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire.
Tout d'abord, la créance de capital social non libéré a une nature juridique particulière, comme l'a relevé la Cour de cassation, car il s'agit d'une créance de la société contre les associés, confirmant ainsi l'analyse opérée par la doctrine. En effet, les apports en numéraire peuvent, dans certaines sociétés, et notamment la société par actions simplifiée (8), comme dans la présente affaire, ne pas être totalement libérés lors de la constitution de la société. Pour autant, l'apport est un élément constitutif de la société, c'est la prestation promise par tout associé, matérialisant l'obligation fondamentale à la charge de ce dernier (9), même si cette affirmation doit être aujourd'hui nuancée pour les sociétés constituées avec un capital social symbolique (10). Par conséquent, l'apport est une obligation de l'associé à l'égard de la société, et non envers les autres associés, qui pour un apport en numéraire prend la forme d'une obligation de payer une somme d'argent (11). Pour cette raison, lorsque l'apport en numéraire n'est pas libéré intégralement lors de la constitution de la société, la créance de la fraction de capital social non libéré est détenue par la société envers un ou plusieurs associés, selon le cas. Telle est bien la situation dans cette affaire, car il apparaît que le capital social non libéré de la société débitrice s'élevait à 2 200 500 euros au jour de la déclaration de cessation des paiements.
Reste alors à savoir si cette créance de la personne morale contre les associés peut être ou non qualifiée d'actif disponible au sens de l'article L. 631-1 du Code de commerce. La loi ne donne pas de définition de cette notion (12), cette rubrique juridique étant complétée par la jurisprudence au fur et à mesure des affaires soumises aux juridictions du fond et à la Cour de cassation. Toutefois, doctrine et jurisprudence s'accordent pour considérer que constituent l'actif disponible les liquidités qui permettent de faire face aux dettes exigibles, autrement dit tous les actifs monétaires ainsi que les valeurs immédiatement réalisables. Cependant, la cessation des paiements étant une notion de droit, l'actif disponible ne peut être assimilé à l'actif circulant du bilan comptable du débiteur (13). Pour cette raison, constituent de l'actif disponible le solde créditeur des comptes ouverts auprès des établissements bancaires, ainsi que les effets de commerce et les valeurs mobilières qui ne sont pas cotées sur un marché à terme. A l'opposé les créances à recouvrer ne constituent pas de l'actif disponible sauf si le paiement est en cours, car il s'agit alors de rentrées financières certaines et immédiates (14).
Tels sont les critères qu'il convient de retenir pour apprécier la créance de la société à l'égard des associés et donc pour répondre à la question posée à la Cour de cassation : s'agit-il ou non d'une créance permettant d'obtenir des rentrées financières dans un bref délai et de manière certaine ? La cour d'appel répond par la négative, en précisant que l'inscription de cette créance dans la trésorerie de la société suppose la mise en oeuvre d'une action en recouvrement intentée par le dirigeant de la personne morale. En outre, rien ne permet de considérer que cette action permette un recouvrement immédiat de cette créance et que les associés débiteurs ne s'y opposent pas, ou bien qu'ils soient en mesure d'exécuter leur obligation de payer. Dans ces conditions, les critères précédemment énoncés ne sont pas remplis, et ce, d'autant plus que rien n'est indiqué quant à l'existence d'une quelconque action intentée par le représentant légal de la société en vue d'obtenir la libération du capital social souscrit par les associés au moyen d'un apport en numéraire. L'analyse effectuée par les juges du fond doit être pleinement approuvée : la créance de capital social non libéré ne peut être assimilé à de l'actif disponible.
Cette créance ne peut davantage être qualifiée de réserve de crédit. En effet, selon la jurisprudence, celle-ci peut être définie comme des liquidités supplémentaires accordées à court terme au débiteur pour lui permettre de faire face de façon conjoncturelle à un passif exigible (15). Ces liquidités sont en pratique accordées au moyen de concours bancaires, tels que des facilités de caisse ou une avance en compte courant. De même, il convient de prendre en compte les crédits fournisseurs qui constituent une réserve de crédit accordée par l'un des fournisseurs d'un débiteur lui permettant également de faire face au passif exigible (16). Or, dans la présente affaire, la créance de capital social non libéré ne répond pas à ces conditions. Par conséquent, elle ne peut être qualifiée de réserve de crédit. La situation aurait été différente si les comptes courants des associés avaient un solde cumulé permettant de faire face aux dettes exigibles de la société.
II - Le passif exigible et l'absence de réserve de crédit
L'arrêt rendu le 23 avril 2013 doit ainsi être approuvé quant à la qualification de la créance de capital social non libéré au regard de la notion de cessation des paiements, et tout spécialement de l'actif disponible. Pour le reste, il reprend une formulation déjà utilisée pour répondre au pourvoi de l'associé.
En effet, la Cour de cassation précise que la cour d'appel "n'avait pas à rechercher si la totalité du passif exigible était exigé dès lors qu'il n'était pas allégué que le débiteur bénéficiait d'une autre réserve de crédit". Une telle formulation a été précédemment utilisée par la Cour régulatrice dans un arrêt du 15 février 2011 (17) afin de "faire face" -ou contrecarrer- à une interprétation erronée opérée par certains praticiens, il y a une quinzaine d'années (18). Par la suite, la Cour de cassation n'a eu de cesse de rappeler qu'il importe peu que le passif exigible soit effectivement exigé pour déterminer si la cessation des paiements d'un débiteur est ou non caractérisée (19). Ainsi, la simple inaction du créancier ne peut être qualifiée de moratoire affectant l'exigibilité des dettes du débiteur. Dans le cas contraire, le moratoire entraîne un report du terme de la dette, l'excluant du périmètre de la cessation des paiements, pour avoir "perdu" momentanément son exigibilité, ce qui conduit la doctrine à considérer que le moratoire est en quelque sorte un passif exigible en moins (20).
Ainsi, il importe, pour déterminer si la société est en cessation des paiements, de prendre en compte la totalité du passif exigible, diminué des dettes pour lesquelles le débiteur a obtenu un moratoire de la part de ses créanciers. Autrement formulé le passif exigible est la somme algébrique des dettes échues et de celles exigibles mais "moratoriées". Afin d'éviter l'ouverture de la procédure collective, l'associé avait prétendu que les juges du fond auraient dû vérifier que la totalité du passif était exigée par les créanciers. Or, dans cette affaire, il semble que la société débitrice n'avait aucun actif disponible, de sorte qu'il était inutile de distinguer entre les dettes sociales dès lors qu'il en existait au moins une à laquelle la société ne pouvait faire face. En effet, une seule créance suffit à caractériser la cessation des paiements d'un débiteur, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une analyse approfondie, dette par dette, pour déterminer s'il y a, ou non, cessation des paiements.
(1) Cass. com., 19 décembre 2006, n° 05-14.816, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A9941DSY), Bull. civ. IV, n° 254; D., 2007, p.157, obs. A. Lienhard ; D., 2007, 1321, note I. Orsini ; JCP éd. G, 2007, II, 10076, note D. Cholet ; JCP éd. G, 2007, I, 179, n° 8, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker ; Procédures, 2007, Comm. 43, obs. F.-X. Lucas ; Bull. Joly Sociétés, 2007, 467, note P. Cagnoli et J. Vallansan ; Dr. Sociétés, 2007, comm. 22, obs. H. Lécuyer ; ibid., comm. 24, obs. F.-X. Lucas, P.-M. Le Corre, in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté, Lexbase Hebdo n° 244 du 18 janvier 2007 - édition privée (N° Lexbase : N7781A93) ; Cass. com. 26 juin 2010, Procédures, 2010, n° 338, note R. Perrot.
(2) Cass. civ. 3, 15 janvier 1975, n° 73-12.016, publié (N° Lexbase : A5074CHE), Bull. civ. III, n° 18 ; Cass. com., 15 juillet 1975, n° 74-12.308, publié (N° Lexbase : A5897CHU) Bull. civ. IV, n° 207 ; Cass. civ. 2, 16 juin 1977, n° 76-10.051, publié (N° Lexbase : A6987CIM), Bull. civ. II, n° 137 ; Cass. civ. 3, 29 mars 2000, n° 98-18.520, publié (N° Lexbase : A5522AWG), Bull. civ. III, n° 76 ; Cass. civ. 3, 20 février 2002, n° 00-14.845, FS-P+B (N° Lexbase : A0452AYE), Bull. Joly Sociétés, 2002. 816, note J.-P. Garçon ; Cass. com., 23 mai 2006, n° 04-20.149, F-P+B ([LXB=A7424DPND]), D., 2006., p. 1742, obs. A. Lienhard.
(3) Cass. com., 15 juill. 1975, préc..
(4) CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 15 septembre 2011, n° 11/04265 (N° Lexbase : A1251H7H).
(5) D. Tricot, La cessation des paiements, une notion stable, Gaz. Pal., 2005, p. 1009 ; Ch. Lebel, Etre ou ne pas être en cessation des paiements, Gaz. Pal., 2005, p. 2934.
(6) Tout spécialement à propos des moratoires accordés par les créanciers du débiteur : Cass. com., 18 mars 2008, n° 06-20.510, FS-P+B N° Lexbase : A4748D7Y), D., 2008, p. 982, obs. A. Lienhard ; Gaz. Pal., 27-29 juillet 2008, p. 31, nos obs.; Dr. & patr., juillet-août, 2008, n° 114, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ; Rev. proc. coll., 2008, comm.. 114, obs. B. Saintourens,
(7) F. Arbellot, La notion de "réserves de crédit" en droit des entreprises en difficulté, JCP éd. E, 2012, 1102, spéc. n° 4, qui précise que la réserve de crédit a été consacrée, dans ce domaine, par un arrêt de la Cour de cassation du 17 décembre 1902 !
(8) C. com., art L. 225-3 (N° Lexbase : L5874AIE), par renvoi de C. com., art. L. 227-1 (N° Lexbase : L2477IBD).
(9) A. Viandier, La notion d'associé, LGDJ, 1978, Bibl. Droit privé, T. 156, préf. F. Terré, spéc. n° 154 et s. ; H. Blaise, L'apport en société, thèse Rennes 1953, n° 6
(10) Th. Massart, La société sans apport, Etudes de droit privé, Mél. offerts à P. Didier, Economica 2008, p. 289.
(11) M. Buchberger, Le contrat d'apport, Essai sur la relation entre la société et son associé, éd. Panthéon-Assas, 2011, préf. M. Germain, spéc. n° 58 et s..
(12) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz-Action 2012-2013, spéc. n° 221.11
(13) G. Berthelot, La cessation des paiements, une notion déterminante et perfectible, JCP éd. E, 2008, 2232, spéc. n° 8.
(14) J. Cl. com., Fasc 2155 n° 21 par C. Regnault-Moutier et J. Vallansan.
(15) F. Arbellot, préc. note 7, spéc. n° 6.
(16) Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-10.055, F-D (N° Lexbase : A7097DK3), Gaz. Pal., éd. spéc. Proc. coll., 2006/1, p. 11, n° 1, nos obs..
(17) Cass. com., 15 février 2011, n° 10-13.625, F-P+B (N° Lexbase : A1643GX7), Bull. civ. IV, n° 23 ; JCP éd. E, 2011, 1280, nos obs. ; D., 2011, p. 591, note A. Lienhard ; Bull. Joly Entreprises en difficulté, juillet 2011, p. 176, n° 88, note V. Martineau.
(18) Cass. com., 28 avril 1998, n° 95-21.969 (N° Lexbase : A2895AGC), D. Aff., 1998, 1487, obs. A. L. ; JCP éd. E, 1998, n° 161, p. 28, obs. Ph. Pétel.
(19) D. Tricot, préc. note 5, ce dernier considérant que l'on avait fait trop de cas d'une décision non publiée et sortie de son contexte (à propos de l'arrêt précité Cass. com., 28 avril 1998)
(20) F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 9ème éd., LGDJ, 2012, n° 344.
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Réf. : Cass. civ. 1, 29 mai 2013, n° 11-28.819, F-P+B (N° Lexbase : A9671KEW)
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Le 06 Juin 2013
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Réf. : CA Poitiers, 21 mai 2013, n° 12/02578 (N° Lexbase : A7064KDY)
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Le 07 Juin 2013
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Réf. : Cass. civ. 1, 29 mai 2013, n° 12-16.583, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3721KEK)
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Le 06 Juin 2013
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Réf. : Cass. civ. 1, 29 mai 2013, n° 12-14.041, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3720KEI)
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Le 06 Juin 2013
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Réf. : Cass. civ. 1, 29 mai 2013, n° 12-16.583, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3721KEK)
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Le 11 Juin 2013
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Réf. : Cass. com., 14 mai 2013, n° 11-22.845, FS-P+B (N° Lexbase : A4983KDW)
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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique (Université Toulouse I Capitole)
Le 06 Juin 2013
L'affaire rapportée concerne un administrateur, de surcroît président du conseil d'administration et directeur général d'une société anonyme, qui a été destitué de ses fonctions d'administrateur au cours d'une assemblée d'actionnaires réunie le 30 juin 2008, sans que cette question ait été mentionnée à l'ordre du jour. L'intéressé a fait assigner la société en paiement de dommages-intérêts au motif, outre de l'inobservation du principe de la contradiction, de l'existence de circonstances vexatoires ayant accompagné la révocation.
Débouté semble-t-il en première instance, le dirigeant révoqué l'a été également par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 31 mai 2011 (CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 31 mai 2011, n° 10/16540 N° Lexbase : A1075HTY). Pour rejeter ses prétentions, cette juridiction avait relevé, d'une part, que cet administrateur avait obtenu des suspensions de séance (1) dont la durée totale dépassait trois heures, afin de lui permettre de contacter des tiers et de rédiger un communiqué ; d'autre part, que la question de sa révocation n'avait été mise au vote qu'après qu'il eut présenté ses observations écrites et orales, le principe de la contradiction supposant seulement que l'intéressé fût mis en situation de présenter celles-ci préalablement à la décision de destitution.
Bien qu'incontestable en elle-même, la mise en oeuvre de la faculté de révocation peut tout de même fonder une action en réparation. Certes, le dirigeant discrétionnairement révocable, en l'occurrence un administrateur, en même temps président et directeur général d'une société anonyme, ne peut invoquer le préjudice causé par l'éviction du mandat social, mais il peut s'appuyer sur le caractère abusif de la mise en oeuvre du droit de révocation. C'est donc le comportement fautif des auteurs de la mesure qui est pris en considération (2). Il donne lieu à l'application du principe général de droit commun en matière de responsabilité civile qui fait appel à la notion de faute (3).
En matière d'abus du droit de révocation, parmi les différents exemples susceptibles d'être donnés, la jurisprudence retient surtout l'inobservation du principe du contradictoire, c'est-à-dire la privation du dirigeant du droit de présenter sa défense, autrement dit, de tous moyens de s'expliquer sur la mesure prise à son encontre (4). Cela a été particulièrement le cas dans un arrêt de principe par lequel la juridiction suprême a jugé irrégulière la révocation d'un directeur général à la date de la lettre de notification en dehors du conseil d'administration par le seul fait du président, sans que l'intéressé ait été en position de présenter préalablement ses observations. Elle a considéré que la prétendue faute lourde, cause de destitution du dirigeant, a été impropre à le priver du droit de se faire entendre par le conseil d'administration, avant que cet organe se soit prononcé sur la mesure envisagée (5).
Les tribunaux tiennent compte également des allégations injurieuses ou vexatoires, ainsi que des propos désobligeants à l'encontre du dirigeant évincé, d'autant plus qu'ils s'accompagnent d'une publicité susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation (6). Il s'agit notamment du fait de demander au dirigeant de remettre les clés de l'entreprise, dès la fin de l'assemblée qui l'a révoqué (7), surtout quand la décision a été prise brutalement, au vu et au su du personnel, en faisant appel à un huissier de justice et à la police et en l'ébruitant dans le milieu professionnel (8), ou quand la suppression des outils de travail de l'intéressé, dès la révocation de son seul mandat de président-directeur général d'une des sociétés du groupe, l'ont empêché d'exercer dans les mêmes locaux les autres mandats sociaux dont il se trouvait encore investi (9).
La Haute juridiction a auparavant souligné la différence entre le motif et les circonstances de la révocation, entre le défaut de juste motif et l'abus du droit de révoquer. L'absence de faute de gestion ne suffit pas à caractériser cet abus. Les juges n'ont pas à contrôler la valeur du motif qu'il appartient au seul organe compétent d'apprécier, mais seulement à vérifier si les circonstances de la révocation ont porté atteinte à l'honneur et à la réputation du dirigeant social, sous réserve pour ce dernier d'apporter la preuve de ces circonstances.
Dans l'affaire examinée, les juges du fond, en l'occurrence ceux de la cour d'appel de Paris, auraient dû relever des éléments propres à révéler à la fois le non-respect du principe de la contradiction et les circonstances injurieuses et vexatoires de la révocation nuisibles à son honneur et à sa dignité. Ce ne fût pas le cas, selon la Cour de cassation investie de la mission de contrôler les motifs invoqués par la juridiction de seconde instance à l'appui de son dispositif. Le juge du droit considère que le juge des faits ne peut "statuer par voie de simple affirmation", et se contenter d'affirmer que les moyens et arguments des actionnaires s'appuyaient sur "des faits objectivement exacts", sans préciser les éléments relatifs à cette affirmation. Faute de cela, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) et L. 225-105 (N° Lexbase : L8827INA) du Code de commerce.
Dans le présent arrêt, en plus de l'assignation de la société, le dirigeant concerné a fait assigner aux fins de paiement de dommages-intérêts un des actionnaires et six autres (les actionnaires majoritaires) à qui il reproche de s'être rendus coupables d'un abus de droit en agissant de manière déloyale.
Sa demande, rejetée par la cour d'appel de Paris, l'est également par la Cour de cassation, cette dernière approuvant la première d'avoir statué en ce sens. L'intéressé n'a effectivement pas rapporté la preuve d'un agissement caractérisant une volonté malveillante ou l'intention de lui nuire de la part des actionnaires majoritaires.
Cette décision peut être rapprochée d'une autre, précédemment rendue à propos d'un gérant de SARL révoqué par une assemblée générale convoquée par les associés majoritaires, sans respecter le délai minimal de convocation. Fort de cette irrégularité l'ayant privé d'une participation à l'assemblée, ce dirigeant prétendait qu'elle traduisait une intention vexatoire de ces associés et réclamait leur condamnation à lui verser des dommages et intérêts. Sa demande avait été repoussée car, bien qu'irrégulière dans sa forme, sa révocation reposait sur un juste motif et non sur le dessein de lui nuire, de sorte qu'aucune faute personnelle ne pouvait être reprochée aux associés (10).
Reste à savoir en quoi peut consister la faute personnelle des associés dans la procédure de révocation d'un dirigeant de société. Elle résulte de la combinaison de deux éléments : l'un, objectif, qui est l'atteinte portée aux dispositions légales ou jurisprudentielles ; l'autre, subjectif, qui est l'intention de nuire ou la volonté malveillante avec pour toile de fond un climat de mésentente entre les associés. Il s'ensuit un rapprochement de l'abus du droit de révoquer de la part des associés majoritaires avec l'abus de majorité proprement dit, étant donné leur fondement commun de la théorie générale de l'abus de droit sanctionné par l'article 1382 du Code civil, mais dont il se distingue en raison de leur domaine d'application. En effet, l'abus de majorité se caractérise par une décision prise par la majorité dans leur intérêt exclusif, au détriment de la minorité, et contraire à l'intérêt social (11). Dès lors, cet abus s'inscrit seulement dans le cadre des relations entre associés, les majoritaires abusant de leur situation de prééminence au dépens des minoritaires, tout en nuisant à la société. En revanche, l'intention de nuire peut avoir un domaine d'application plus étendu : elle peut être invoquée à l'encontre des associés par le dirigeant révoqué qui, n'étant pas nécessairement investi de la qualité d'associé, ne saurait se prévaloir d'un abus de majorité. L'intention de nuire qui est le critère de la faute personnelle (12), a généralement pour unique objectif de porter préjudice au dirigeant mis en cause, sans que le fonctionnement de la société n'en soit nécessairement altéré, pourvu que ce dirigeant soit remplacé par un autre au moins aussi compétent que lui.
II - La libre révocabilité d'un administrateur
Hormis, l'abus de droit né d'un comportement prétendument déloyal, l'action en dommages-intérêts intentée contre les actionnaires majoritaires se fonde sur la méconnaissance des stipulations d'un pacte d'actionnaires auquel il a été lui-même partie. Ce grief met en cause le principe de la libre révocabilité des administrateurs, lequel soulève deux questions : l'une de forme, l'autre de fond.
En ce qui concerne la première, celle de forme, la jurisprudence avait déjà admis sous l'empire de la loi du 24 juillet 1867 la possibilité de voter la révocation d'un administrateur même si elle n'était pas prévue à l'ordre du jour, soit parce qu'une clause statutaire n'imposait pas une telle inscription (13), soit à l'occasion d'un incident de séance. Dans cette dernière hypothèse, la plus fréquente, cela signifiait que la révocation pouvait être prononcée en cours d'assemblée après un débat contradictoire en présence d'un événement grave et inattendu justifiant l'urgence d'une pareille décision (14).
Il convenait tout de même que l'incident de séance fût caractérisé (15). Autrement dit, si un "incident" pouvait être à l'origine d'une révocation non inscrite à l'ordre du jour, encore fallait-il qu'il fût imprévu au point de rendre nécessaire et urgente la mesure de destitution.
A propos du président du conseil d'administration, l'article 90, alinéa 3 de la loi du 24 juillet 1966 (N° Lexbase : L6202AGS), dont les dispositions ont été reprises par l'article L. 225-47, alinéa 3, un Code de commerce (N° Lexbase : L5918AIZ), s'est contenté de prévoir une révocation susceptible d'intervenir "à tout moment". Pour les administrateurs, l'article 160, alinéa 3, devenu l'article L. 225-105, alinéa 3, après avoir énoncé que l'assemblée ne peut délibérer sur une question non inscrite à l'ordre du jour, précise qu'"en toutes circonstances" elle peut révoquer un ou plusieurs d'entre eux et procéder à leur remplacement.
Certes, l'inscription de la révocation d'un administrateur à l'ordre du jour d'une assemblée signale la notion d'abus de droit, comme le dit bien la Chambre commerciale en l'espèce (16) ; néanmoins, elle exprime également et, peut-être davantage, la notion de libre révocabilité, du fait que la destitution d'un dirigeant peut intervenir en dehors de cette inscription. Toujours est-il que la Cour de cassation ne manque pas d'évoquer cette question de forme inhérente à l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée, sans toutefois s'y appesantir dans la mesure où elle n'est pas discutée par les parties au litige.
Toute différente est la question de fond qui se situe au coeur du débat, avec celle de l'abus de droit de la révocation, préalablement analysée ; elle relève du caractère d'ordre public du droit des actionnaires de révoquer les administrateurs. A ce sujet, l'article 90, alinéa 3 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l'article L. 225-18, alinéa 3, du Code de commerce (N° Lexbase : L5746ISM), a implicitement réaffirmé le principe de nullité de toute interdiction ou restriction de la liberté de révocation antérieurement posé par l'article 41 de la loi du 24 juillet 1867. Selon ce texte, "toute nomination intervenue en violation des dispositions précédentes est nulle" ; dès lors "est nulle une nomination intervenue, soit en application des dispositions statutaires portant atteinte à la révocabilité, soit en exécution d'une convention hors statuts comportant semblable entorse au principe" (17).
Comme pour tout dirigeant éventuellement révocable pour juste motif (18), la révocation discrétionnaire d'un administrateur constitue une prérogative absolue susceptible d'être exercée nonobstant toute convention contraire, sans délai, sans justification et sans aucune compensation financière (19). Eu égard au caractère d'ordre public du principe de la libre révocabilité, aucune stipulation statutaire ne saurait y déroger (20) ou instaurer des conditions différentes de celles prescrites par la loi, notamment de majorité ou de quorum. Pareillement, s'exposerait à la nullité un accord particulier entre actionnaires qui aurait pour effet d'entraver d'une quelconque façon la liberté de révoquer un dirigeant.
Plusieurs accords de cette nature peuvent être cités : une convention mettant une obligation à la charge de la société (21) ; l'engagement de lui allouer une indemnité en cas de révocation ou de lui consentir un contrat de travail (22) ou de le réintégrer à l'intérieur du groupe en cas de cessation du mandat (23) ; un accord autorisant le dirigeant évincé à céder ses actions (24) ; une convention instituant une période de préavis (25) ; un protocole d'accord selon lequel une société acquéreuse des parts d'une autre société s'engage en cas de révocation du président de cette dernière, à racheter celles-ci au double de leur valeur au jour de la cession (26).
Pour autant, a été reconnu valable par la Cour de cassation l'engagement unilatéral pris par la société avant l'entrée en fonction du dirigeant révoqué (27), notamment l'indemnité convenue alors que l'intéressé n'était pas encore mandataire social (28). Cela été également le cas d'une convention prévoyant une répartition des sièges d'administrateurs entre deux groupes d'associés, excepté l'hypothèse où la société comprenant un nombre très réduit d'actionnaires se trouverait dans l'impossibilité pratique de procéder à la révocation (29).
S'agissant de la présente affaire, tout comme la demande en dommages et intérêts fondée sur le comportement déloyal des actionnaires majoritaires, celle relative à la méconnaissance des dispositions invoquées du pacte d'actionnaires n'est pas accueillie en raison du caractère illicite de celui-ci.
En effet, n'est pas licite toute stipulation ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la libre révocabilité d'un administrateur de société anonyme. Or, a pour conséquence de limiter le droit de révocation à tout moment par l'assemblée des actionnaires, l'interprétation de l'administrateur révoqué selon laquelle la destitution doit être autorisée par le conseil d'administration. Il en résulte une restriction du droit de l'assemblée générale des actionnaires de révoquer à tout moment un administrateur et la déduction par la cour d'appel de Paris approuvée par la Cour de cassation, que n'est pas fondée la demande de l'administrateur visant à mettre en oeuvre la responsabilité des actionnaires à la suite de l'inobservation de cette convention.
Conclusion
Il n'a pas échappé aux lecteurs de l'actuelle décision de justice que la destitution par l'assemblée des actionnaires des fonctions de l'administrateur a indirectement privé le dirigeant de ses attributions à la fois de président du conseil d'administration et de directeur général. En effet, ils n'ignorent pas que le président en même temps directeur général est élu parmi les personnes physiques du conseil d'administration (30). Par conséquent, il a suffi à l'assemblée de le révoquer en tant qu'administrateur pour que de fait, il ait perdu également les fonctions que le conseil d'administration lui a confiées.
Tout au plus, l'administrateur révoqué peut demeurer au sein de la société en qualité d'actionnaire s'il la détenait déjà, notamment parce qu'elle était exigée pour être membre de ce conseil (31). S'il s'était simplement agi de le priver de ses fonctions de président et de directeur général, la mesure de destitution aurait été adoptée par le conseil d'administration (32), au lieu de l'assemblée générale des actionnaires.
(1) T. com. Paris, ord. réf., 26 avril 1999, JCP éd. G, 1999, II, 10115, note J.-J. Daigre ; JCP éd. E, 1999, n° 29, p. 1237, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain, relatif à la possibilité pour le juge des référés de suspendre certains éléments de l'ordre du jour, répondant par la négative, au motif que l'ordre du jour ne peut être modifié suivant l'article 160 de la loi du 24 juillet 1966 (C. com., art. L. 225-105 N° Lexbase : L8827INA).
(2) Ph. Reigné, Révocabilité ad nutum des mandataires sociaux et faute de la société, Rev. sociétés 1991, p. 499.
(3) C. civ., art. 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) et 1383 (N° Lexbase : L1489ABR).
(4) P. Le Cannu, Le principe de contradiction et la protection des dirigeants, Bull. Joly Sociétés, 1996, p. 11 ; J.-P. Bertrel, La cohabitation de la révocabilité ad nutum et du contradictoire, Dr. et patrimoine, octobre 1998, p. 74 ; N. Binctin, La légalité procédurale en droit des sociétés, LPA, 12 septembre 2006, n° 182, p. 3 ; v. en général, L. Miniato, Le principe du contradictoire en droit processuel, Bibl. dr. pr., t. 483, 2008 ; sur la critique du principe de la contradiction, nos obs., Droit des sociétés, n° 582, Ellipses 2012, 4ème éd..
(5) Cass. com., 26 avril 1994, n° 92-15.884, publié (N° Lexbase : A7047ABM) ; Bull. Joly Sociétés, 1994, p. 831, note P. Le Cannu ; Defrénois, 1994, p. 1029, obs. J. Honorat ; JCP éd G, 1995, II, 22369, nos obs.; v. aussi, Cass. com., 3 janvier 1996 n° 94-10.765 (N° Lexbase : A2391AB8), RJDA, 4/1996, n° 514 ; JCP éd. G, 1996, II, 22658, nos obs. ; Bull. Joly Sociétés, 1996, p. 388, note B. Saintourens ; Cass. com., 26 novembre 1996, n° 94-15.661 (N° Lexbase : A1437ABT), RJDA 2/1997, n° 222 ; D., 1997, p. 493, notre note ; JCP éd. G, 1997, II, 22771, note Ph. Reigné ; Bull. Joly Sociétés, 1997, p. 141, note C. Prieto.
(6) CA Bordeaux, 8 mars 1937, Rev. sociétés, 1937, p. 122 ; Cass. com., 19 octobre 1981, Rev. sociétés, 1981, p. 821, note J.-L. Sibon, révocation ayant fait l'objet d'un communiqué de presse.
(7) Cass. com., 9 novembre 2010, n° 09-71.284, F-D (N° Lexbase : A9074GG8), RJDA, 2/2011, n° 160 ; en ce sens, CA Paris, 30 juin 2009, n° 08/13668 (N° Lexbase : A9821EIL), RJDA, 1/2010, n° 34 ; v. aussi, à propos de la restitution immédiate des clés de la société, Cass. com., 6 novembre 2012, post-cité., note 15.
(8) CA Paris, 3ème ch., sect. B, 13 octobre 2006, n° 05/23871 (N° Lexbase : A5937DSP), RJDA 7/2007, n° 742.
(9) Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-15.497, F-D (N° Lexbase : A6926IL4), RJDA 8-9/2012, n° 772.
(10) Cass. com., 22 novembre 2005, n° 03-19.860, F-D (N° Lexbase : A7444DLB), RJDA 4/2006 n° 412, Dr. sociétés 2006, n° 24 obs. J. Monnet ; Rev. sociétés 2006, p. 526, 1ère esp., note L. Godon ; R. Kaddouch, La responsabilité personnelle de l'associé lors de la révocation du dirigeant, Lexbase Hebdo n° 197 du 12 janvier 2006 - édition affaires (N° Lexbase : N3095AKT) ; v. également, Cass. com., 13 mars 2001, n° 98-16.197, publié (N° Lexbase : A0074ATW), Bull. civ. IV, n° 60 ; D. 2001, AJ p. 1175, obs. A. Lienhard ; RJ com. 2001, p. 235, nos obs. ; RTDCom., 2001, p. 443, obs. C. Champaud et D. Danet ; Rev. sociétés, 2002, p. 818, note B. Dondero.
(11) Th. Favario, L'abus de majorité, Journ. Sociétés, avril 2011, p. 23.
(12) M.-P. Lamour, La responsabilité personnelle des associés, D., 2003, p. 51.
(13) Cass. civ., 17 février 1942, Rev. sociétés, 1943, p. 20.
(14) Cass. civ., 5 juillet 1893, D., 1894, p. 41 "l'ordre du jour s'est trouvé bouleversé par une irrégularité provenant du fait de administrateurs et qui a soulevé contre eux la colère des actionnaires" ; v. aussi, Cass. req., 20 décembre 1910, S. 1911, 1, 255 ; Cass. civ., 31 décembre 1913, S. 1914, 1, 267.
(15) Cass. com., 6 mai 1974, n° 72-14.536, publié (N° Lexbase : A6976AGH), Bull. civ. IV, n° 144 ; JCP éd. G, 1974, II, 17859, note J.-J. Burst ; Rev. sociétés, 1974, p. 524, note Ph. Merle, rendu par application de la loi du 24 juillet 1867 : "si les juges du fond n'avaient pas à contrôler la valeur du motif de la révocation qu'il appartenait à la seule assemblée d'apprécier, ils devaient, en revanche, vérifier si le motif invoqué avait, eu égard aux circonstances de l'espèce, rendu nécessaires une délibération prise d'urgence en dehors des prévisions de l'ordre du jour, et une décision immédiate".
(16) CA Aix-en-Provence, 8ème ch., sect. A, 25 mars 1993 n° 91/11252 (N° Lexbase : A3689A4E), JCP éd. E, 1994, I, 331, n° 6, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain, selon lequel l'absence d'inscription de la révocation d'un administrateur à l'ordre du jour de l'assemblée ne suffit pas à rendre cette mesure brutale et clandestine ; Cass. com., 19 décembre 1983, n° 82-12.179 (N° Lexbase : A3718AGS), D., 1985, IR, p. 136, obs. J.-C. Bousquet ; Rev. sociétés, 1985, p. 105, commet un abus de droit caractérisé le dirigeant qui, ayant largement prémédité la révocation d'un administrateur, ne l'a cependant pas fait inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée générale.
(17) J. Hémard, F. Terré et P. Mabilat, Sociétés commerciales, T. 1, n° 874, Dalloz, 1972.
(18) A propos d'un gérant non associé de SARL, Cass. com., 6 novembre 2012, , n° 11-20.582, F-P+B (N° Lexbase : A6829IWT), BRDA 23/2012, n° 2 ; Ch. Lebel, Révocation d'un gérant de SARL : nullité d'une clause indemnitaire et procédure de révocation, Lexbase Hebdo n° 318 du 29 novembre 2012 - édition affaires (N° Lexbase : A6829IWT) ; Dr. sociétés février 2013, n° 26, obs. D. Gallois-Cochet ; sur cet arrêt, D. Gibirila, Les enjeux de la révocation d'un gérant non associé de SARL, RJDA 2/2013, p. 91 ; Th. Favario, Gérant de SARL : la validité conditionnelle de l'indemnité de révocation, RLDA février 2013, n° 4429, confirmant pour la nullité de la clause d'indemnisation d'un gérant de SARL révoqué pour juste motif, CA Amiens, 8 mars 2011, BRDA, 6/2011, n° 2 ; RJDA 6/2011, n° 539 ; nos obs., Indemnisation et modalités de révocation d'un gérant de SARL, Lexbase Hebdo n° 250 du 12 mai 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N1479BSL) ; Dr. sociétés, juin 2011, n° 109, obs. D. Gallois-Cochet. La Cour de cassation a censuré l'arrêt d'appel pour ne pas s'être prononcé sur les conditions brusques et vexatoires invoquées par le gérant.
(19) Décision relative au président d'une SAS révocable ad nutum, mais extensible aux autres dirigeants, CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 1er mars 2011, n° 10/24266 (N° Lexbase : A3000G9Y), BRDA 8/2001, n° 3 ; RJDA 6/2011, n° 551 ; LPA, 1er juillet 2011, n° 130, p. 3, nos obs..
(20) CA Paris, 28 février 1985, Rev. sociétés, 1986, p. 249, note D. Randoux, à propos d'un directeur général.
(21) CA Paris, 30 avril 1987, D., 1987, IR p. 170 ; Bull. Joly Sociétés, 1987, p. 626, note L. Faugérolas, relatif au versement d'un complément de retraite.
(22) Cass. soc., 15 mars 1983, n° 81-40.36 (N° Lexbase : A3741AGN), Rev. sociétés, 1983, p. 354, note Y. Chartier ; JCP éd. G, 1983, II, 20002, note A. Viandier ; D., 1984, p. 99, note J. Guyénot.
(23) Cass. com., 6 décembre 1983, n° 82-14.198, publié (N° Lexbase : A3763AGH), Bull. civ. IV, n° 338.
(24) CA Paris, 30 octobre 1976, Rev. sociétés, 1977, p. 695, note D. Schmidt, pour un président de conseil d'administration.
(25) CA Paris, 3 mai 1978, Bull. Joly Sociétés, 1978, p. 556.
(26) Cass. com., 17 janvier 1984, n° 82-14.771 (N° Lexbase : A0305AAK), Bull. civ. IV, n° 21 ; Dr. sociétés, juin 1984, n° 162, obs. M. Germain ; Gaz. Pal., 1984, 1, 389, note J. Dupichot ; D., 1985, IR p. 137, obs. J.-C. Bousquet.
(27) Cass. com., 22 juillet 1986, n° 85-12.384 (N° Lexbase : A3875AGM).
(28) Cass. com., 16 janvier 1990, n° 88-12.342 (N° Lexbase : A8503AX9)..
(29) Cass. com., 19 décembre 1983, n° 82-12.179 (N° Lexbase : A3718AGS), Rev. sociétés, 1985, p. 105, note D. Schmidt.
(30) C. com., art. L. 225-47, al. 1er (N° Lexbase : L5918AIZ).
(31) C. com., art. L. 225-25, al. 1er (N° Lexbase : L2533IBG).
(32) C. com., art. L. 225-47, al. 3 (N° Lexbase : L5918AIZ) et L. 225-55, al. 1er (N° Lexbase : L5926AIC).
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Réf. : Cass. QPC, 30 mai 2013, n° 13-40.010, FS-P+B (N° Lexbase : A1085KGB)
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Le 13 Juin 2013
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Réf. : Loi n° 2013-431 du 28 mai 2013, portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports (N° Lexbase : L8932IWQ)
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Le 07 Juin 2013
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