Réf. : AMF et ACP, guide du crowdfunding et guide du crowdfunding
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : Cass. com., 14 mai 2013, n° 11-26.631, F-P+B (N° Lexbase : A5147KDY)
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Le 23 Mai 2013
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par Pauline Le More, avocate au barreau de Paris, Cabinet LeMore Avocat
Le 23 Mai 2013
La revente à perte est prohibée par l'article L. 442-2, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L5731H97), lequel interdit "le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif". Par "prix d'achat effectif", il faut entendre à la lumière de la loi du 3 janvier 2008 (C. com., art. L. 442-2, al. 2), "le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat, minoré du montant de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport". L'amende maximum encourue s'élève à 75 000 euros. Des sanctions complémentaires, telles que la cessation de l'annonce publicitaire, sont prévues par l'article L. 442-3, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L5742H9K). Conformément à l'article 131-38, alinéa 1er, du Code pénal (N° Lexbase : L0410DZ9), les personnes morales encourent une amende, dont le montant maximum est quintuplé, soit 375 000 euros.
La Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 sur les pratiques déloyales à l'égard des consommateurs (N° Lexbase : L5072G9Q) et la jurisprudence communautaire l'interprétant remettent en cause la validité d'une telle disposition nationale prohibant de manière absolue l'interdiction de revente à perte, comme le souligne la Cour de justice de l'Union européenne une nouvelle fois dans son ordonnance du 7 mars 2013.
En l'espèce, la société belge Euronics reprochait à deux de ses concurrentes, Kamera Express BV et Kamera Express Belgium BVBA d'avoir proposé à la vente un appareil photographique Panasonic Lumix DMC-TZ20 pour un prix de 229 euros, auquel était associée une garantie de cinq ans, ainsi qu'un appareil photographique Canon EOS5D Mark II Body pour un prix de 1 695 euros, accompagné également d'une garantie de cinq ans. Le prix d'achat officiel hors taxe sur la valeur ajoutée étant respectivement de 277,84 euros et de 1 634,78 euros, Euronics considérait qu'il n'était pas possible de proposer à la vente un prix aussi bas, quand bien même seraient prises en compte des réductions définitives éventuellement octroyées. Euronics intente dès lors contre elles une action judiciaire devant le tribunal de commerce de Gand sur le fondement de l'article 101 de la loi belge du 6 avril 2010, relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur, interdisant de manière comparable à l'article L. 442-2 du Code de commerce français la revente à perte. Le tribunal décide alors de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne.
La question est en effet de savoir si la Directive communautaire sur les pratiques commerciales déloyales s'oppose à une disposition nationale prévoyant une interdiction générale d'offrir à la vente des biens à perte. Or, l'article 4 de ladite Directive interdit aux Etats membres d'adopter des mesures plus restrictives que celles définies par la Directive, quand bien même de telles législations nationales viseraient à assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs (point 24). L'annexe I de la Directive contient une liste exhaustive de 31 pratiques commerciales réputées déloyales "en toutes circonstances". La revente à perte n'y figure pas. Cela signifie non pas qu'elle ne puisse être interdite, mais à tout le moins seulement à l'issue d'une analyse spécifique, effectuée au cas par cas (point 29 de l'ordonnance ; cf. également, CJUE, 14 janvier 2010, aff. C-304/08 N° Lexbase : A2663EQP, Rec. p. I -217, point 45 ; CJUE, 9 novembre 2010, aff. C-540/08 N° Lexbase : A2075GEL, Rec. p. I -217, point 34 ; CJUE, ord. 30 juin 2011, aff. C-288/10 N° Lexbase : A5426KDC), Rec. p. I -5835, point 38).
Dans son ordonnance du 7 mars 2013, le juge européen préconise par conséquent d'écarter la disposition nationale "qui prévoit une interdiction générale d'offrir à la vente ou de vendre des biens à perte, pour autant que cette disposition poursuit des finalités tenant à la protection des consommateurs".
A l'instar de la prohibition absolue des ventes liées (Cass. civ. 1, 15 novembre 2010, n° 09-11.161, FS-P+B+I N° Lexbase : A0230GHY, M. Depincé, La suite du feuilleton de la prohibition per se de certaines méthodes de vente, Lexbase Hebdo n° 232 du 16 décembre 2010 - édition affaires N° Lexbase : N8414BQP ; Cass. civ. 1, 12 juillet 2012, n° 11-18.807, FS-P+B+I, N° Lexbase : A7512IQB, M. Depincé, Vente subordonnée, logiciels, et application de la Directive sur les pratiques commerciales déloyales, Lexbase Hebdo n° 497 du 13 septembre 2012 - édition privée N° Lexbase : N3416BTP), on peut s'interroger sur la compatibilité de l'interdiction per se de la revente à perte à l'égard du consommateur en droit français avec le droit communautaire. L'article L. 442-2 du Code de commerce, malgré les exceptions prévues par l'article L. 442-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L2497IB4 dans le cas, par exemple, des liquidations), est par conséquent susceptible d'être écarté par le juge national du fait de l'effet direct de la Directive censée être désormais transposée en droit français.
Pour autant, cela signifie-t-il que toute revente à perte pratiquée à l'égard d'un consommateur est désormais admise puisque son interdiction générale et absolue serait contraire au droit communautaire ? On peut en douter.
Premièrement, la pratique commerciale de la revente à perte poursuivant une finalité de protection du consommateur peut être interdite au regard du contexte factuel de chaque espèce "à l'issue d'une analyse spécifique permettant d'en établir le caractère déloyal" (point 29).
Deuxièmement, en dehors du champ d'application de la Directive, et notamment en cas de vente entre professionnels, la pratique litigieuse de la revente à perte, telle que prohibée par l'article L. 442-2, ne semble pas pouvoir être remise en cause sur ce fondement.
Troisièmement, si la revente à perte s'avérait constituer un abus de position dominante caractérisée, par exemple, par la mise en oeuvre de prix prédateurs, ou encore une pratique de prix abusivement bas, alors l'interdiction d'un tel abus, prévue par les articles L. 420-2, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L3778HBK) et 102 TFUE (N° Lexbase : L2399IPK), ou d'une telle pratique restrictive, énoncée par l'article L. 420-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L3779HBL), demeureraient applicables.
Depuis longtemps encouragées par les instances européennes (cf., Commission européenne, (2008), 165 final, 2 avril 2008, Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante ; Parlement européen, (2012), 475-120, Etude Collective Redress in Antitrust, IP/A/ECON/ST/2011-19) et étudiées par les instances françaises (Sénat, Les actions de groupe, série Législations comparées, mai 2010), les actions de groupe connaissent une nouvelle actualité législative grâce au projet de loi du 2 mai 2013, présenté par les ministres de l'Economie et des Finances et de l'Economie sociale et solidaire et de la Consommation.
S'agissant du droit de la concurrence, les actions collectives, intentées par des organisations de consommateurs contre des entreprises condamnées pour entente dans le cadre d'une décision de l'Autorité de la concurrence, n'ont pas eu jusqu'à présent le succès escompté, faute notamment pour l'organisation d'avoir (de pourvoir) sollicité(er) légalement les consommateurs à participer à l'action (Cass. civ. 1, 26 mai 2011, n° 10-15.676, FS-P+B+I N° Lexbase : A4819HSB rendu dans l'affaire "du cartel des mobiles", sur lequel lire, not., M. Depincé, Le recours collectif toujours inconnu du droit français ?, Lexbase Hebdo n° 258 du 7 juillet 2011 - édition affaires N° Lexbase : N6929BSG). En sera-t-il autrement avec le projet de loi actuellement proposé par l'Exécutif français ? Il convient de rester prudent.
Le nouveau dispositif prévoit, tout d'abord, que l'action de groupe est subordonnée à une qualité pour agir étroitement définie.
Seuls les consommateurs ayant exprimé expressément leur souhait d'être partie à l'action de groupe peuvent y adhérer. L'action de groupe de type "opt out", qui intègre par défaut toutes les victimes potentielles d'une infraction présumée, à l'exception de celles qui manifestent expressément la volonté de s'exclure du groupe ainsi défini, n'a pas été retenue. Les consommateurs ne peuvent être inclus dans une action de groupe à leur insu.
Un monopole de la saisine du juge est conféré à l'association de consommateurs agréée et représentative au niveau national, au grand dam du Conseil national des barreaux de France qui n'a pas manqué de critiquer cette défiance exprimée par là même à l'encontre de la profession des avocats. Au nombre de 16, selon la liste publiée sur le site du ministère de l'Economie au 7 mai 2012, ces associations nationales sont dotées de moyens financiers et humains limités pour faire face à l'ampleur de la tâche qui leur est ainsi confiée.
Le champ d'application est, ensuite lui aussi, strictement encadré. Certains types d'actions en réparation, à savoir les préjudices écologiques, moraux et dommages corporels, sont exclus. La réparation des préjudices résultant des infractions au droit de la concurrence échappe de peu au couperet. Le futur article L. 423-1 b) du Code de la consommation prévoit certes la possibilité d'intenter une action de groupe pour réparer les préjudices résultant de pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du libre IV du Code de commerce ou des articles 101 (N° Lexbase : L2398IPI) et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Mais, l'action de groupe ne pourra être déclenchée, s'agissant du droit de la concurrence, avant que la décision de l'autorité de la concurrence nationale ou européenne ne soit devenue définitive. Le délai de prescription de cinq ans commence à courir pour cette raison à compter de la date de la décision de l'autorité de concurrence devenue définitive. Compte tenu des délais de la procédure (qu'il s'agisse des délais d'instruction des autorités françaises et/ou européennes) ou des délais de voie de recours (souvent de plusieurs années), une telle condition est susceptible de renvoyer aux calendes grecques l'espoir des consommateurs d'obtenir réparation des préjudices subis.
En pratique, les actions en réparation "classiques" sont parfois d'ores et déjà enclenchées avant ou concomitamment à une action devant les autorités de concurrence, comme en témoigne l'affaire "Google" (T. com. Paris, 3ème ch., 7 juin 2012, n ° 2011-048513). Toutefois, l'action judiciaire, initiée parallèlement à une enquête de l'autorité de concurrence à la suite d'une plainte par le demandeur à l'action en réparation, se heurte souvent au sursis à statuer dans l'attente de la décision de l'autorité de concurrence, soulevée par la partie adverse. Il n'était donc pas nécessaire d'en faire, dans le projet de loi, une condition de recevabilité de l'action de groupe.
Aux obstacles renforcés mis en oeuvre par ce projet d'action de groupe à la française s'ajoute un développement des textes français et communautaires peu propice à une complémentarité entre actions privées (actions intentées par une entreprise ou un particulier/consommateur pour obtenir réparation de ses préjudices) et actions publiques (actions initiées par les autorités de concurrence contre une entreprise présumée avoir enfreint les règles de concurrence en vue de l'imposition de sanctions administratives). En effet, les dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 462-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L4964IUE), issues de la loi du 20 novembre 2012 (loi n° 2012-1270, relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer N° Lexbase : L4861IUL), ne tendent pas à favoriser la circulation et le partage des informations entre autorités de concurrence et autorités judiciaires. S'inscrivant dans la même optique que la résolution adoptée le 23 mai 2012 par le Réseau des Autorités de concurrence européen (ECN), l'Autorité de la concurrence exclut toute transmission aux juridictions de pièces élaborées ou recueillies dans le cadre d'une procédure de clémence, visée aux articles L. 464-2, IV (N° Lexbase : L4967IUI) et R. 464-5 du (N° Lexbase : L8657IBA) Code de commerce. Dans les autres types de procédure, un pouvoir discrétionnaire est accordé à l'Autorité de la concurrence pour décider de transmettre ou non des éléments aux juridictions. Cela signifie que concrètement l'association de consommateurs n'est pas certaine, après avoir attendu la décision de l'autorité de concurrence devenue définitive, d'être beaucoup avancée dans ses velléités indemnitaires, une fois la décision de l'autorité administrative rendue. En effet, les décisions sont parfois tronquées pour ne pas rendre publiques certaines données dites confidentielles et/ou peuvent être sommaires quant au rôle de chacune des entreprises incriminées. Mais, les documents recueillis lors de l'instruction menée par l'autorité, ne seront (pourront) pas nécessairement (être) versés au dossier de l'action de groupe.
Enfin, s'agissant toujours du domaine du droit de la concurrence, la chronologie imposée à l'association de consommateurs (attente d'une décision devenue définitive) est d'autant moins justifiée au regard du développement croissant dans la pratique des autorités de concurrence des décisions dites "négociées". En particulier, les décisions d'engagement, prévues aux articles L. 464-2, I et R. 464-2 (N° Lexbase : L8655IB8) du Code de commerce, ne seraient pas d'un grand secours pour les actions de groupe. En effet, les décisions acceptant et rendant obligatoires les engagements souscrits par une entreprise ne contiennent aucune constatation d'infraction au droit de la concurrence. Elles ne font état que de "préoccupations de concurrence", sans se prononcer définitivement sur l'existence d'une infraction. Les consommateurs ne peuvent les utiliser pour obtenir plus aisément des dommages et intérêts, dans le cadre de leur action indemnitaire, diligentée en leur nom par l'association de consommateurs.
Au-delà de la question de l'efficacité d'une action de groupe, telle que conçue par le projet de loi du 2 mai 2013, c'est le droit effectif à la réparation qui est une fois de plus mis à mal par les divers obstacles érigés sur une des voies de l'action indemnitaire. Force est de constater que la peur des excès de l'action de groupe américaine porte atteinte à un principe général de droit bien français et érigé en principe constitutionnel : le droit à la réparation (Cons. const., décision n° 82-144 DC, 22 octobre 1982 N° Lexbase : A8046ACY) !
Dans l'arrêt rapporté du 24 avril 2013, la Chambre criminelle de la Cour de cassation précise sa jurisprudence ayant trait aux saisies informatiques pratiquées dans le cadre d'enquête de concurrence, et plus particulièrement au respect du secret de la correspondance entre l'avocat et son client.
En l'espèce, une société mettait en cause la régularité les opérations de visite et saisie dans ses locaux effectuées par les services du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L2208IEI). En effet, avait été en particulier saisie l'intégralité de la messagerie Outlook, comprenant notamment les correspondances échangées entre l'entreprise et son avocat. Le premier président, saisi pour contester l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé les opérations, aux fins d'annulation de ces opérations et de la restitution de la totalité des documents et fichiers, rejette l'ensemble des demandes. Selon lui, "l'Autorité de la concurrence ne s'oppose pas à la restitution de ce document protégé et [...] la simple copie réalisée par celle-ci ne saurait constituer une atteinte disproportionnée au regard des intérêts en présence, la pertinence de la saisie ne pouvant s'apprécier que par la prise de connaissance de son contenu".
La Cour de cassation, au visa des articles L. 450-4 du Code de commerce et 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ), censure l'ordonnance du premier président. Le magistrat aurait dû rechercher si les pièces et supports informatiques dont la saisie était contestée par la société étaient ou non couverts par le secret professionnel entre un avocat et son client et, le cas échéant, annuler la saisie des documents couverts par ce secret. Cette vérification a priori ne semble pas concerner la saisie de documents autres, n'ayant pas nécessairement de lien avec l'objet de l'enquête.
Déjà en 2012, le premier président de la cour d'appel de Paris avait essuyé la censure de la Cour de cassation par trois arrêts du 11 janvier 2012 (Cass. crim., 11 janvier 2012, trois arrêts, n° 10-88.192, F-D N° Lexbase : A4121IKT ; n° 10-88.193, F-D N° Lexbase : A8088IAS et n° 10-88.194, F-D N° Lexbase : A7971IAH). A cette occasion, la Chambre criminelle rappelait que le premier président devait examiner lui-même les documents saisis et leur inventaire pour apprécier la régularité de l'opération au regard des droits de la défense et de l'objet de l'autorisation initiale du juge des libertés et de la détention. Le recours à un expert judiciaire en vue "notamment d'obtenir les explications techniques sur les modalités auxquelles ont recouru les enquêteurs, de fournir tous éléments permettant d'évaluer techniquement la possibilité de la saisie sélective de messages dans une messagerie électronique sans compromettre l'authenticité de ceux-ci, de décrire les possibilités de sélectionner les fichiers informatiques qui relèveraient d'un champ d'investigation précis et d'en dresser un inventaire lisibles" outrepassait le rôle conféré aux mesures d'instruction (C. proc. civ., art. 143 N° Lexbase : L1494H44 selon lequel "les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible").
Avec cet arrêt du 24 avril, le contrôle juridictionnel ayant trait au secret professionnel liant l'avocat à son client est renforcé. Il laisse néanmoins un large pouvoir discrétionnaire aux enquêteurs pour apprécier a posteriori les documents d'une autre nature saisis pêle-mêle.
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Réf. : Commission européenne, communiqué de presse IP/13/444 du 17 mai 2013
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Le 23 Mai 2013
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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, Membre du CERDP
Le 23 Mai 2013
On sait que la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, dite loi pour l'initiative économique (N° Lexbase : L3557BLC), a permis au débiteur de déclarer insaisissables des immeubles non professionnels. L'insaisissabilité ne vaut que pour les créanciers professionnels dont la créance est née après la publication de la déclaration notariée d'insaisissabilité à la conservation des hypothèques ou au Livre foncier en Alsace-Moselle. Mention de la déclaration notariée d'insaisissabilité doit être faite lors de l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Malgré le silence du texte sur son applicabilité en cas de procédure collective, celle-ci ne semble guère douteuse. Petit à petit, depuis 2011, la résistance de la déclaration notariée d'insaisissabilité à la procédure collective s'affirme (1). En témoigne un nouvel arrêt de la Cour de cassation du 23 avril 2013.
En 2009, Mme C. déclare par, acte notarié, insaisissables ses droits indivis dans un immeuble. Moins de 4 mois plus tard, s'ouvre son redressement judiciaire, converti quelques jours plus tard en liquidation judiciaire. Le liquidateur, logiquement choqué par la proximité de la déclaration notariée d'insaisissabilité par rapport à la date d'ouverture de la procédure collective, entend faire déclarer inopposable à la procédure collective la déclaration notariée, en agissant sur le fondement de la fraude paulienne.
La cour d'appel de Versailles a rejeté la demande présentée par le liquidateur en se fondant sur la considération selon laquelle seuls des créanciers auxquels la déclaration notariée serait opposable, auraient qualité pour agir sur le fondement de la fraude paulienne, non le liquidateur, qui défend l'intérêt collectif des créanciers et pas seulement le groupe de créanciers auxquels la déclaration notariée serait opposable (CA Versailles, 12 janvier 2012, n° 11/05495 N° Lexbase : A1634IAR). Le liquidateur décide de se pourvoir en cassation. Le pourvoi sera rejeté par la Cour de cassation, qui estime parfaitement fondée la solution énoncée par la cour d'appel : le liquidateur, faute de pouvoir prétendre agir dans l'intérêt collectif des créanciers, n'est pas recevable à exercer l'action paulienne.
C'est la première fois que la Cour de cassation est appelée à se prononcer sur la recevabilité de l'action paulienne émanant d'un liquidateur pour rendre inopposable à la procédure collective la déclaration notariée d'insaisissabilité. La solution est pour autant sans surprise.
En effet, par un précédent arrêt, commenté dans ces colonnes (2), la Cour de cassation a clairement refusé de reconnaître au liquidateur qualité pour contester l'efficacité de la déclaration notariée d'insaisissabilité, au motif que "le liquidateur ne peut légalement agir que dans l'intérêt de tous les créanciers et non dans l'intérêt personnel d'un créancier ou d'un groupe de créanciers ; la déclaration d'insaisissabilité n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à sa publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant; en conséquence, le liquidateur n'a pas qualité pour agir, dans l'intérêt de ces seuls créanciers, en inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité". L'article L. 622-20, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L3879HBB) dispose que "le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers". Cette disposition de la procédure de sauvegarde, qui concerne la mission du mandataire judiciaire, nouvelle appellation du représentant des créanciers, est rendue applicable en redressement judiciaire par l'article L. 631-14, I (N° Lexbase : L2453IEL) et en liquidation judiciaire par l'article L. 641-4, alinéa 3 (N° Lexbase : L8861INI). L'intérêt collectif désigne "l'intérêt de la collectivité que constituent l'ensemble des créanciers" (3). Il se distingue de l'addition des intérêts individuels, dans la mesure où l'action tendant à la défense de cet intérêt collectif peut être entreprise contre l'un des créanciers, responsable d'un préjudice occasionné à la collectivité.
Dans l'arrêt du 13 mars 2012 (4), on a reproché à la Cour de cassation de confondre l'intérêt collectif avec la somme des intérêts individuels. Il n'en est rien. Il importe ici d'insister sur une confusion entretenue en doctrine entre la notion de droit de gage général, que détient le créancier quelconque sur son débiteur, et la notion de gage commun, qui évoque un gage accessible à tous les créanciers.
Ce gage commun est accessible à tous les créanciers, peu important que, en outre, ils se trouvent dans une situation particulière. Ainsi, un créancier hypothécaire a accès au gage commun et, en outre, sur le prix de vente de l'immeuble, se trouve dans une situation particulière. Symétriquement, pour le créancier chirographaire, l'immeuble hypothéqué est un élément du gage commun. Il y a accès, s'il advient que, après désintéressement du créancier hypothécaire, le prix de vente de l'immeuble soit en partie réparti entre des créanciers chirographaires. De même, le créancier qui bénéfice d'une fiducie-sûreté, bien que se trouvant dans une situation particulière d'exclusivité sur les biens fiduciés, a accès au gage commun, s'il n'est pas désintéressé par le jeu de la fiducie-sûreté. Il faut donc comprendre que le gage commun n'est pas uniquement accessible à des créanciers ne se trouvant pas dans une situation particulière (5). En théorie, il est accessible à tous les créanciers. Dès lors que certains créanciers peuvent saisir un bien, alors que d'autres n'ont pas ce même droit, le bien en question ne peut être considéré comme étant un élément du gage commun.
S'il n'est pas contesté que le liquidateur représente les créanciers, dès lors qu'ils ont accès au gage général, il ne les représente plus lorsqu'il est question pour certains d'entre eux d'avoir accès à un gage, qui n'est pas le gage commun. Or les actions qui tendent à la défense de l'intérêt collectif des créanciers sont celles qui ont pour objet de protéger ou d'accroître le gage commun, ainsi que celles qui ont pour objet de distribuer autrement que cela résulte de la situation avant introduction de l'action, le produit du gage commun, par exemple en contestant le caractère hypothécaire d'une créance. Une action sans rapport avec le gage commun ne tend pas à la défense de l'intérêt collectif des créanciers. Dès lors que certains créanciers n'ont accès ni à l'immeuble, objet de la déclaration notariée, ni au produit de sa vente, il faut bien admettre que l'immeuble ne fait pas partie du gage commun des créanciers et c'est pourquoi le liquidateur n'agirait pas dans l'intérêt collectif des créanciers s'il vendait l'immeuble objet de la déclaration notariée. L'affirmation de la Cour de cassation est donc parfaitement justifiée.
L'intérêt collectif ne peut être détaché du gage commun. Dès lors que l'action à exercer ne porte pas sur un élément du gage commun, elle ne peut être mise en oeuvre par le défenseur de l'intérêt collectif des créanciers. Si un bien ne fait pas partie du gage commun, le défenseur de l'intérêt collectif des créanciers, qui agit pour assurer la protection, l'accroissement ou la mise en oeuvre du gage commun, n'a pas de droit sur ce bien. Autoriser cet organe à agir reviendrait à lui permettre d'assurer la défense d'un groupe de créanciers, ceux qui ont le droit de saisir le bien, et non plus celle de la collectivité des créanciers. Or, affirme avec constance la Cour de cassation, le défenseur de l'intérêt collectif des créanciers ne peut agir pour assurer la défense de l'intérêt individuel d'un créancier (6). Il ne pourrait, par exemple, défendre individuellement un créancier dans le cadre de la vérification du passif (7). Pas davantage, juge la Cour de cassation, le mandataire de justice ayant en charge la défense de l'intérêt collectif des créanciers, ne pourrait agir pour assurer la défense d'un groupe de créanciers (8). C'est ainsi qu'il ne peut agir en paiement contre le loueur d'un fonds de commerce donné en location-gérance, sur le fondement de l'article L. 144-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L5722AIR) instituant une solidarité du loueur du fonds avec le locataire-gérant, car cette solidarité n'a été instituée que dans le seul intérêt des créanciers disposant d'une créance nécessaire à l'exploitation du fonds (9).
On comprend donc que le liquidateur ne peut saisir l'immeuble, objet de la déclaration notariée d'insaisissabilité, lequel n'est pas un élément du gage commun, puisque, ce faisant, il ne défend pas l'intérêt collectif des créanciers. Dans cette même logique, le liquidateur ne peut davantage faire déclarer inopposable à la procédure collective la déclaration notariée d'insaisissabilité sur le fondement de l'action paulienne. Certes, l'action paulienne, selon la Cour de cassation, est ouverte non seulement aux créanciers victimes de la fraude, mais encore au liquidateur. Mais, en ce dernier cas, le liquidateur doit défendre un intérêt collectif. Il doit donc démontrer, pour que l'action paulienne soit recevable lorsqu'elle est engagée à son initiative, que l'acte frauduleux accompli par le créancier porte atteinte à l'intérêt collectif des créanciers, autrement dit que l'acte porte préjudice au gage commun.
Or, comme nous l'avons vu précédemment, dès lors que l'immeuble, objet de la déclaration notariée d'insaisissabilité n'est pas un élément du gage commun, en ce qu'il est saisissable par certains, mais non par d'autres, l'action paulienne qui aurait pour objet de rendre inopposable l'acte accompli sur le bien qui n'est pas un élément du gage commun, ne peut être intentée par un organe ayant pour mission de défendre l'intérêt collectif des créanciers, lequel suppose que soit en cause la protection du gage commun. Observons d'ailleurs que l'action paulienne initiée par le liquidateur, en supposant un instant de raison qu'elle ait pu être déclarée recevable, aurait du être déclarée non fondée. L'action paulienne sanctionne en effet un débiteur qui s'emploie à soustraire aux poursuites de ses créanciers un ou plusieurs biens. En l'occurrence, il s'agirait de l'immeuble déclaré insaisissable.
Mais deux obstacles de fond s'élèvent contre la possibilité d'exercice, en notre matière, de l'action paulienne. Tout d'abord, la poursuite sur l'immeuble n'est pas impossible de la part de tous les créanciers, mais seulement de la part de certains d'entre eux. Ensuite, et surtout, ne peuvent agir sur le terrain de la fraude paulienne, que des créanciers dont le droit est né avant l'acte incriminé. Or, les créanciers qui sont privés du droit de saisir l'immeuble ont, par hypothèse, des créances nées après la déclaration notariée. Ainsi, que l'on se place sur le terrain de la recevabilité de l'action paulienne, ou sur celui de son bien-fondé, l'action du liquidateur était vouée à l'échec.
Observons au demeurant que le jeu des nullités de la période suspecte n'aurait pas davantage permis d'atteindre la déclaration notariée d'insaisissabilité pourtant effectuée quelques jours avant l'ouverture de la procédure et peut-être donc pendant la période suspecte. Cette possibilité d'annuler sur le fondement des nullités de la période suspecte la déclaration notariée d'insaisissabilité ne peut être reconnue. En effet, la déclaration notariée ne correspond à aucun cas de nullité (10), même si le contraire a été jugé (11). Il a notamment été estimé qu'il ne s'agissait pas d'une mesure conservatoire (12).
De lege ferenda, on pourrait songer à créer un tel cas de nullité, car il peut paraître choquant, comme l'a justement pensé sur le terrain de la morale des affaires, le liquidateur en l'espèce, qu'un débiteur se ménage une insaisissabilité quelques jours avant l'ouverture de sa procédure collective.
Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises
Le gage portant sur le véhicule est une sûreté classiquement utilisée en matière de financement automobile. Lorsque le contrat de financement concerne un concessionnaire, professionnel de l'automobile, s'est développée une autre sûreté : le droit de rétention sur documents d'immatriculation. La constitution et l'opposabilité aux tiers de ces deux sûretés obéissent à des règles distinctes et leurs effets sont différents. Un récent arrêt rendu par la Chambre commerciale, dont l'importance est soulignée par la publication qui en sera faite au Bulletin, donne l'occasion de faire le point sur les situations respectives du créancier gagiste sur véhicule automobile et du rétenteur sur documents d'immatriculation.
Dans l'espèce, ayant donné lieu à un arrêt du 23 avril 2013, un établissement de crédit avait accordé un contrat de financement de stock de véhicules à un concessionnaire déclaré quelques mois plus tard en redressement puis en liquidation judiciaires. Le créancier, qui avait régulièrement déclaré sa créance au passif, soutenait qu'il était non seulement titulaire d'un droit de rétention sur les documents d'immatriculation qui lui avaient été remis mais, en outre, qu'il était titulaire d'un gage sur les véhicules concernés. Il se prévalait de cette qualité au regard de la rédaction d'une clause du contrat de crédit qui stipulait que "en garantie des sommes dues par lui en vertu du présent contrat, l'emprunteur affecte en gage et nantissement (13) au profit du prêteur un certain nombre de véhicules, ainsi que les pièces et titres de circulation se rapportant à ces véhicules à hauteur de 100 % du montant de l'ouverture de crédit [...]".
L'existence d'un gage opposable à la procédure collective, était une question essentielle au regard des prérogatives accordées au gagiste sur véhicule automobile. En effet, en cas de vente par le liquidateur d'un bien constitué en gage, le droit de rétention du créancier gagiste est de plein droit reporté sur le prix (C. com., art. L. 642-20-1, al. 3 N° Lexbase : L3466ICD). Pour que tel soit le cas, la Chambre commerciale estime, très logiquement, qu'il faut que le gage soit opposable aux tiers, et donc au liquidateur judiciaire. Il s'agit là du premier intérêt que présente l'arrêt.
La Chambre commerciale rappelle en outre que le droit de rétention sur documents d'immatriculation n'ouvre pas au rétenteur, en cas de vente du véhicule correspondant aux documents, le droit de bénéficier du jeu du report du droit de rétention sur le prix. Tel est le deuxième point souligné par l'arrêt rapporté. L'opposabilité aux tiers d'un gage sur véhicule automobile, variété de gage sans dépossession effective du constituant, suppose nécessairement une publicité du gage. D'abord réglementé par une loi du 29 décembre 1934, puis par le décret du 30 septembre 1953 (décret n° 53-968 N° Lexbase : L5485DLQ), qui circonscrivait cette sûreté au cadre de l'achat à crédit (elle était essentiellement réservée au vendeur à crédit et au prêteur de deniers), le gage automobile a fait son entrée dans le Code civil. Les nouveaux articles 2351 (N° Lexbase : L1178HIH) à 2353 (N° Lexbase : L1180HIK) de ce code, issus de l'ordonnance du 23 mars 2006 (N° Lexbase : L8127HHH), rendent cette sûreté utilisable par tout créancier (14).
Pour être opposable aux tiers, le gage sur véhicule automobile suppose nécessairement une publicité requise tant par le décret n° 53-968 du 30 septembre 1953 que par le nouvel article 2351 du Code civil qui énonce que le gage est opposable "par la déclaration qui en est faite à l'autorité administrative", en l'occurrence, la préfecture. Dès lors qu'en l'espèce, le gage consenti par le débiteur n'avait fait l'objet d'aucune inscription sur le registre spécial prévu à cet effet, le gage ne pouvait pas être opposable aux tiers et donc au liquidateur judiciaire. En conséquence, aucun report du droit de rétention sur le prix ne pouvait intervenir au profit du créancier gagiste. Parallèlement, aucun report du droit de rétention sur le prix de vente des véhicules ne pouvait être attaché à l'exercice d'un droit de rétention sur les documents d'immatriculation. En effet, ainsi que la Chambre commerciale l'avait déjà jugé dans un arrêt du 8 juillet 2003 (15), la Cour de cassation rappelle que le droit de rétention sur documents d'immatriculation ne porte, précisément, que sur ceux-ci. Il ne porte en aucun cas sur les véhicules eux-mêmes. Puisque le droit de rétention ne porte que sur les documents et non les véhicules, la vente de ces derniers ne peut entraîner au profit du rétenteur des documents un quelconque report du droit de rétention sur le prix par le mécanisme de la subrogation réelle du prix à la chose.
La situation du créancier rétenteur de documents d'immatriculation est donc bien différente de celle du gagiste sur véhicule automobile. En effet, dès lors que le créancier gagiste sur véhicule automobile a procédé à la formalité de publicité qu'est la déclaration du gage, il se voit délivrer un reçu par la délivrance duquel il est censé avoir conservé la possession du bien (C. civ. art. 2352 N° Lexbase : L1179HII). Ce système, que des éminents auteurs ont qualifié "d'extravagant" offre ainsi au créancier "plus qu'un gage sans dépossession : un gage avec dépossession fictive" (16). Le créancier rétenteur sur documents d'immatriculation, contrairement au créancier gagiste sur véhicule automobile, n'a pas de droit de rétention fictif sur le véhicule. Son droit de rétention autonome porte exclusivement sur les documents. La Chambre commerciale le rappelle ici très clairement : "attendu que le droit de rétention du prêteur sur les documents administratifs relatifs à des véhicules ne s'étend pas aux véhicules eux-mêmes et qu'il n'en résulte pas un droit pour le prêteur de se faire attribuer le produit de la vente de ces véhicules ; qu'ayant relevé que la société Financo s'était bornée dans ses écritures à soutenir que le droit de rétention qu'elle détenait sur les documents administratifs de circulation afférents aux véhicules devait être reporté sur le prix de vente, la cour d'appel, devant laquelle n'était pas allégué que le gage consenti par le débiteur sur ces mêmes véhicules avait fait l'objet d'une inscription sur le registre spécial prévu à cet effet, inscription qui seule le rendait opposable au liquidateur judiciaire du débiteur, en a exactement déduit [...] que ce droit ne pouvait être reporté sur le prix de vente de ces véhicules".
Se pose alors la question de l'intérêt -et donc de l'efficacité- du droit de rétention sur documents d'immatriculation en l'absence de prise parallèle d'un gage sur ses véhicules. Même si l'arrêt rapporté ne s'intéresse pas à cette question, elle germe immédiatement dans l'esprit du lecteur : mais à quoi peut donc servir le droit de rétention sur les documents d'immatriculation s'il ne permet pas au créancier de bénéficier du report du droit de rétention sur le prix ? Cette sûreté n'aurait-elle aucun intérêt ? Il ne faut surtout pas tirer de l'arrêt rapporté cette conclusion qui serait beaucoup trop hâtive. En cas de vente amiable du véhicule par le liquidateur, le droit de rétention sur les documents est opposable à l'acquéreur. Ce dernier se trouvera particulièrement gêné car, sans le précédent certificat d'immatriculation, et en application des dispositions des articles 1 D 1 et 10 de l'arrêté du 9 février 2009, relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules (N° Lexbase : L7983IWL) (17), aucun nouveau certificat d'immatriculation ne pourra lui être délivrée. Or, ce certificat est indispensable pour faire circuler le véhicule... Ainsi, la vente amiable par le liquidateur du véhicule dont le certificat d'immatriculation est légitimement retenu aura presque nécessairement comme conséquence :
- soit la résolution de la vente à la demande de l'acquéreur pour défaut de délivrance d'un accessoire (certificat d'immatriculation) indispensable de la chose vendue ;
- soit le paiement du créancier par l'utilisation de la technique du retrait de la chose retenue contre paiement (C. com., art. L. 622-7, II N° Lexbase : L3389ICI et L 641-3 N° Lexbase : L3500ICM). Le juge-commissaire autoriserait alors le paiement d'une créance antérieure afin que le liquidateur récupère le certificat d'immatriculation, ce qui lui permettra, par la suite, de vendre le véhicule et d'en assurer la parfaite délivrance à l'acquéreur.
Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, Membre du CERDP
(1) Sur le détail de la question, nos obs., Droit et pratique des procédures collectives, 7ème éd., 2013/2014, n° 582.13, à paraître juin 2013.
(2) Cass. com., 13 mars 2012, n° 11-15.438, FS-P+B (N° Lexbase : A8907IEM), nos obs. in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Avril 2012 (1ère esp.), Lexbase Hebdo n° 293 du 19 avril 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N1549BTK) ; adde, D., 2012, Actu 807, note A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2012, comm. 105, note J. Vallansan ; BJE, mai 2012, comm. 88, p. 147, note L. Camensuli-Feuillard ; JCP éd. E, 2012, 1325, nos obs..
(3) F. Derrida F., P. Godé et J.-P. Sortais, avec la collab. d'A. Honorat, Redressement et liquidation judiciaires des entreprises, 3ème éd., Dalloz, 1991, n° 510.
(4) Cass. com., 13 mars 2012, n° 11-15.438, FS-P+B, préc..
(5) Cpr. F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 9ème éd., Lgdj, 2012, n° 512.
(6) Cass. com., 16 mars 1993, n° 90-20.188, publié (N° Lexbase : A6328ABY), Bull. civ. IV, n° 106, D., 1993, jur. 583, note F. Derrida, Rev. proc. coll., 1993, 424, n° 8, obs. B. Dureuil, Rev. proc. coll., 1993, 547, n° 1, obs. B. Soinne, JCP éd. E, 1993, I, 277, obs. M. Cabrillac ; Cass. com., 7 janvier 2003, n° 99-10.781, FS-P+B (N° Lexbase : A6028A4Z), Bull. civ. IV, n° 1, D., 2003, AJ 274, obs. A. Lienhard.
(7) Cass. com., 7 janvier 2003, n° 99-10.781, F-P+B (N° Lexbase : A6028A4Z), Bull. civ. IV, n° 1, D., 2003, AJ 274, obs. A. Lienhard ; CA Rennes, 8 novembre 1995, Rev. proc. coll., 1998, 160, n° 2, obs. B. Soinne.
(8) Cass. com., 29 avril 1997, n° 95-15.099, publié (N° Lexbase : A1870ACA), Bull. civ. IV, n° 112, Rev. proc. coll., 1998, 158, no 1, obs. B. Soinne, Dr. sociétés, 1999, com. 103 ; Cass. com., 7 janvier 2003, n° 99-10.781, F-P+B (N° Lexbase : A6028A4Z), Bull. civ. IV, n° 1, D., 2003, AJ 274, obs. A. Lienhard, JCP éd. E, 2003, chron. 760, p. 853, n° 13, obs. M. Cabrillac et Ph. Pétel ; Cass. com., 9 novembre 2004, n° 02-13.685, F-P+B (N° Lexbase : A8419DD8), Bull. civ. IV, n° 193 ; RTDCiv., 2005. 183-184, obs. R. Perrot ; D., 2004, AJ 3069, obs. A. Lienhard ; D., 2005, pan. 296, nos obs. ; RTDCom., 2005. 247, obs. B. Saintourens ; Act. proc. coll., 2004/20, n° 245, note C. Régnaut-Moutier ; LPA, 13 avril 2005, p. 4, obs. F.-X. Lucas ; Dr. et patr., 2005/4, p. 115, n° 3677, obs. M.-H. Monsérié-Bon ; Defrénois, 2005/11, p. 993, chron. 38177, n° 4, note D. Gibirila.
(9) Cass. com., 9 novembre 2004, n° 02-13.685, préc. ; Cass. com., 13 décembre 2005, n° 04-18.567, F-D (N° Lexbase : A0035DMA), Gaz. proc. coll., 2006/2, p. 40, obs. Ph. Roussel Galle.
(10) V. aussi, en ce sens, J. Vallansan, Act. proc. coll., 2011/18, comm. 279, note sous CA Metz, 1ère ch., 19 avril 2011, n° 10/1736 (N° Lexbase : A7241H7C) ; J.-CL. COM., C. Saint-Alary-Houin et M.-H. Monsérié-Bon, fasc. 2510, [Nullités facultatives], éd. 2012, n° 29.
(11) CA Metz, 1ère ch., 19 avr. 2011, n° 10/1736, préc. et les obs. préc. de J. Vallansan.
(12) CA Nancy, ch. com., 23 mars 2011, n° 09/02695 (N° Lexbase : A1543HM4), JCP éd. E, 1368, note Ch. Lebel ; Rev. proc. coll., mai 2012, comm. 113, note C. Lisanti.
(13) Remarquons que le terme est particulièrement mal choisi puisque, depuis l'ordonnance du 23 mars 2006 (N° Lexbase : L8127HHH), le nantissement porte sur un bien incorporel, à la différence du gage qui porte, pour sa part, sur un bien meuble corporel.
(14) Sur les difficultés soulevées par l'entrée en vigueur de ces dispositions v. not. M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac, Ph. Pétel, Droit des sûretés, Litec, 9ème éd., n° 804 ; H. Matsopoulou, Lamy Droit des sûretés, étude 245, Gage automobile, n° 245-5
(15) Cass. com., 8 juillet 2003, n° 00-21.569, F-D (N° Lexbase : A0926C98) ; D., 2004, somm. comm. p. 55, obs. P.-M. Le Corre ; Act. proc. coll., 2003/19, n° 250.
(16) M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac, Ph. Pétel, Droit des sûretés, Litec, 9ème éd., n° 804.
(17) JORF n ° 0035 du 11 février 2009, p. 2402.
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Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2013, n° 12-16.216, F-P+B (N° Lexbase : A5031KDP)
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Le 29 Mai 2013
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Le 23 Mai 2013
I - Cybercriminalité
Dans une ordonnance du 4 avril 2013, le président du TGI de Paris a ordonné sous astreinte à Twitter de communiquer les données d'identification de l'auteur d'une usurpation d'identité, retenant que l'usurpation ayant été commise en France, une commission rogatoire internationale n'était pas nécessaire. Le juge des référés a toutefois retenu que le faux profil ayant été supprimé par Twitter, les demandes de suppression et de déréférencement sont devenues sans objet. Le juge retient également que la mise en cause de la responsabilité de Twitter excède son pouvoir en référé, la situation illicite ayant cessé.
II - Communication électronique
Dans un arrêt du 10 avril 2013, la Cour de cassation a jugé que l'existence d'une communauté d'intérêts permettait d'écarter le caractère public de propos diffusés sur des réseaux sociaux. La Cour confirme le raisonnement de la cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 2, 7ème ch., 9 mars 2011, n° 09/21478 N° Lexbase : A2410H7E) en ce qu'elle avait retenu que les propos litigieux, accessibles à un nombre restreint de personnes agréées par le titulaire du compte, ne constituaient pas des injures publiques. Toutefois, la Cour de cassation a cassé l'arrêt, estimant que la juridiction d'appel aurait également dû rechercher si les propos incriminés pouvaient être qualifiés d'injures non publiques.
Dans un arrêt du 29 avril 2013, le Conseil d'Etat a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 36-11 du Code des postes et des communications électroniques (N° Lexbase : L4977IUU) qui organise la procédure de sanction applicable devant l'ARCEP. Les requérants soutenaient que cette disposition méconnaissait les principes d'indépendance et d'impartialité résultant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1363A9D) en raison de l'absence de stricte séparation, d'une part, entre les fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement, et, d'autre part, entre les procédures de règlement des différends et les procédures de sanction. Le Conseil d'Etat a considéré que ce moyen soulevait une question présentant un caractère sérieux et a renvoyé la question au Conseil constitutionnel.
III - Droit d'auteur et oeuvres numériques
Le 3 avril 2013, le ministre de l'Economie et des Finances et la ministre du Commerce extérieur ont présenté un plan de lutte contre la contrefaçon. Au niveau national, le Gouvernement préconise l'accentuation de l'action douanière sur internet. Au niveau européen, il souhaite une meilleure coordination et harmonisation des pratiques douanières. Enfin, au plan international, il annonce que "la France placera la défense de la propriété intellectuelle et la protection des indications géographiques au premier rang de ses priorités".
L'Hadopi a rendu, le 8 avril 2013, son avis suite à sa saisine par l'association VideoLAN, sur une question d'interopérabilité entre le logiciel VLC et les disques Blu-Ray. L'Hadopi a considéré que "l'association VideoLAN ne peut ni au titre de l'exception d''ingénierie inverse', ni au titre de l'exception de décompilation', obtenir les secrets des mesures techniques de protection AACS et BD+ apposées sur les disques Blu-Ray". L'association pourrait en revanche saisir l'Hadopi sur le fondement de l'article L. 331-32 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3478IEK), si les titulaires de droits sur les mesures techniques de protection rejetaient sa demande.
IV - Procédures
Dans un jugement du 10 avril 2013, le tribunal de grande instance de Paris a jugé insuffisante une impression d'écran pour établir la réalité d'une publication sur internet dès lors qu'elle fait l'objet d'une contestation. En l'espèce, un particulier avait assigné le directeur de publication d'un site internet en réparation du préjudice causé par les propos jugés diffamants contenus dans un article qu'il hébergeait. Le tribunal retient que si la preuve d'un fait juridique est libre, "la réalité de la publication, tant dans son contenu, que dans sa date et dans son caractère public" ne peut être établie par une simple impression sur papier.
V - Communication
Dans une décision du 12 avril 2013, le Conseil constitutionnel a jugé l'article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW) conforme à la Constitution. Cet article prévoit une durée de prescription d'un an, par dérogation au délai de droit commun de trois mois, pour certains délits de presse tels que le délit de provocation à la violence ou à la haine raciale. Les requérants soutenaient que cette dérogation rompait l'égalité devant la loi et la justice, et portait atteinte à la liberté de la presse. Le Conseil a considéré que cet allongement avait "pour objet de faciliter la poursuite et la condamnation" des auteurs de tels propos et que la différence de traitement était proportionnée au but poursuivi.
Le 2 mai 2013, la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filipetti, a rendu public le rapport sur les aides à la presse. Ce rapport recommande une harmonisation du régime standard de TVA applicable à la presse en ligne à celui de la presse papier qui s'élève à 2.1%. Selon ce rapport, cette distinction de régime constitue "un handicap économique pour la presse payante en ligne" et freine l'arrivée des abonnés "papier" vers les offres numériques.
VI - Droit d'auteur
Dans un arrêt du 10 avril 2013, la Cour de cassation a jugé que le droit d'auteur ne pouvait permettre de protéger un nom patronymique en tant que tel, quand bien même il serait utilisé pour l'exercice d'une activité artistique. Elle précise que le nom n'est protégé par le droit d'auteur que parce qu'il est attaché à une oeuvre de l'esprit, mais "qu'il n'est pas, en lui-même, une oeuvre de l'esprit". Le demandeur se plaignait qu'une entreprise ait commercialisé des boissons sous une marque qui contenait son patronyme.
Dans un arrêt du 10 avril 2013, la Cour de cassation a retenu que "la détermination du titulaire initial des droits d'auteur sur une oeuvre de l'esprit est soumise à la règle de conflit de lois édictée par l'article 5-2 de la Convention de Berne, qui désigne la loi du pays où la protection est réclamée". En l'espèce, cette protection était réclamée par un ancien salarié, affecté au bureau de Paris d'une entreprise exploitant une chaîne de télévision américaine, qui avait demandé réparation de son préjudice au titre de l'exploitation non autorisée des reportages et documentaires dont il indiquait être l'auteur. La Cour a ainsi partiellement cassé l'arrêt d'appel (CA Paris, Pôle 6, 9ème ch., 15 décembre 2010, n° 08/11516 N° Lexbase : A1707GPW) en ce qu'il avait débouté le salarié de sa demande en faisant application de la règle française de conflit de lois qui désignait la loi américaine.
VII - Données personnelles
Dans un arrêt du 18 avril 2013, la CEDH a considéré que le fait, pour la France, de conserver les empreintes digitales de personnes soupçonnées d'avoir commis des infractions, mais non condamnées, constituait une violation du droit au respect de la vie privée prévu par l'article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR). Si la Cour a reconnu le but légitime de la prévention des infractions pénales, elle a en revanche estimé que la possibilité de demander un effacement de ses empreintes du fichier n'était pas effective et que la durée de conservation maximum de vingt-cinq ans pouvait être considérée comme une durée indéfinie eu égard aux chances de succès des demandes d'effacement. La CEDH a donc conclu qu'il s'agissait d'une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée.
Le 23 avril 2013, la CNIL a publié son bilan de l'année 2012. Ce dernier montre que le nombre de plaintes est en hausse avec 6 017 plaintes enregistrées, dont près de la moitié concernait l'opposition à figurer dans un fichier, et un tiers concernait le secteur de l'internet et des télécoms. La CNIL relève également le fait que les demandes d'accès au fichier FICOBA, qui permet notamment aux héritiers d'avoir accès à l'ensemble des comptes bancaires du défunt sur le territoire national, est en très nette augmentation (1 800 demandes).
Dans un arrêt du 23 avril 2013, la Cour de cassation a jugé que "seule une modification substantielle portant sur les informations ayant été préalablement déclarées doit être portée à la connaissance de la CNIL" et "qu'une simple mise à jour d'un logiciel de traitement de données à caractère personnel n'entraîne pas l'obligation pour le responsable du traitement de procéder à une nouvelle déclaration". Dans cette affaire, un salarié avait refusé de saisir des données à caractère personnel dans un logiciel considérant que le traitement n'était pas conforme à la réglementation à la suite du changement de version du logiciel. Le salarié avait alors été licencié pour faute grave en raison de son insubordination. La Cour de cassation a cassé, pour défaut de base légale, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ayant retenu que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse (CA Aix-en-Provence, 6 septembre 2011, n° 10/12618 N° Lexbase : A6678HXM). La cour d'appel aurait dû rechercher si le changement de version du logiciel concerné consistait en une simple mise à jour qui ne nécessitait pas une nouvelle déclaration auprès de la CNIL.
Le 6 mai 2013, les principales autorités mondiales de protection des données, rassemblées au sein du Global Privacy Enforcement Network (GPEN), ont mené une première action commune appelée Internet Sweep Day. A cette occasion, la CNIL a examiné 250 sites internet afin de vérifier si les mentions d'information sur la collecte de données personnelles sont suffisantes, claires et compréhensibles. Dans un second temps, la CNIL pourra, en cas de manquements importants, opérer des contrôles approfondis et ouvrir des procédures de sanction.
VIII - Acteurs de l'internet
Dans un arrêt du 4 avril 2013, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance du TGI de Paris qui avait débouté la requérante de sa demande de retrait de propos publiés sur un site internet qu'elle considérait comme portant atteinte à son honneur et son image, au motif qu'ils n'étaient pas manifestement illicites. La cour a estimé que les propos litigieux, exprimés certes dans des termes vulgaires, demeuraient dans le champ de la liberté d'expression. La cour rappelle "qu'à l'exception de certaines diffusions expressément visées par la loi relatives à la pornographie enfantine, l'apologie des crimes contre l'humanité, et à l'incitation à la haine raciale que l'hébergeur doit, sans attendre une décision de justice, supprimer", l'hébergeur n'est pas tenu de retirer les contenus non manifestement illicites.
Dans un arrêt du 17 avril 2013, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du TGI de Paris du 12 mars 2010 qui avait retenu qu'un site de courtage et de parking de noms de domaine n'avait pas la qualité d'hébergeur au sens de la "LCEN" (loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique N° Lexbase : L2600DZC) et était donc susceptible d'engager sa responsabilité dans les conditions de droit commun. En effet, la cour a retenu que les services proposés par le site impliquent, de la part des sociétés éditrices, "un comportement non neutre entre le client vendeur et les acheteurs potentiels, mais bien un rôle actif de nature à leur conférer une connaissance ou un contrôle des données relatives à ces offres". Par conséquent, les juges confirment la condamnation des sociétés éditrices du site pour contrefaçon et concurrence déloyale.
IX - Droit de la concurrence
Dans 21 arrêts du 12 avril 2013, le Tribunal de l'Union européenne a partiellement annulé une décision de la Commission du 16 juillet 2008 qui faisait état d'une entente entre des sociétés de gestion collective (SGC) de droits d'auteur. La Commission avait invité les 24 SGC européennes opérant sous l'égide de la CISAC (Confédération internationale des sociétés d'auteurs et compositeurs) à supprimer les clauses d'exclusivité et d'affiliation des contrats type de représentation conclus entre elles, et avait interdit la pratique concertée aboutissant à un découpage territorial stricte. Le Tribunal, saisi de recours des SGC, a jugé que la Commission n'avait pas démontré l'existence d'une pratique concertée car, ni l'existence d'accords entre les SGC, ni les circonstances dans lesquelles ceux-ci on été conclus, ne dépassent la simple constatation de comportements parallèles, qui ne sont pas interdits en eux-mêmes.
Dans un arrêt du 16 avril 2013, la Cour de cassation a jugé que le partenariat mis en place entre des entreprises, prenant appui sur un monopole légal sur le transport ferroviaire de voyageurs, pour développer une activité d'agence de voyage sur internet et ayant affecté ce marché, constituait une restriction sensible de la concurrence au sens des articles 101 du TFUE (N° Lexbase : L2398IPI) et L. 420-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6583AIN). Elle a ainsi suivi l'interprétation de la CJUE qui avait estimé, à la suite d'une question préjudicielle, qu'une autorité nationale de concurrence pouvait appliquer l'article 101 du TFUE à un accord entre entreprises qui est susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres sans atteindre les seuils fixés par la Commission européenne, pourvu que cet accord constitue une restriction sensible de la concurrence (CJUE, 13 décembre 2012, aff. C-226/11 N° Lexbase : A8281IYD).
Dans un arrêt du 16 avril 2013, la Cour de cassation a rappelé qu'un comportement n'est pas constitutif d'un abus de position dominante s'il n'a pas pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence. Dans cette affaire, une société exploitant plusieurs sites internet, s'était vue suspendre ses comptes Adwords et Adsense pour non-respect des CGV de Google. Elle en avait obtenu le rétablissement en référé et avait assigné Google en indemnisation du préjudice prétendument subi, estimant que cette suspension constituait un abus de position dominante. La cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 16 novembre 2011, n° 11/12595 N° Lexbase : A5491H3R) l'avait débouté de ses demandes et la Cour de cassation a rejeté son pourvoi au motif que la société n'avait "nullement prétendu que l'abus allégué pouvait avoir cet objet ou cet effet sur un marché au demeurant non défini".
X - Dématérialisation
Un décret, publié au Journal officiel du 26 avril 2013, modifie les dispositions relatives aux factures transmises par voie électronique en matière de TVA, et achève la transposition de la Directive 2010/45/UE du 13 juillet 2010, relative au système commun de TVA en ce qui concerne les règles de facturation (N° Lexbase : L8093IMP). Les dispositifs de dématérialisation préexistants à l'entrée en vigueur de la loi n° 2012-510 du 29 décembre 2012, de finances rectificatives (N° Lexbase : L7970IUQ), à savoir l'échange de données informatisées et la signature électronique, sont maintenus. Le décret consolide les caractéristiques de la signature électronique, "qui doit désormais être fondée sur un certificat électronique qualifié et être créée par un dispositif sécurisé de création de signature électronique".
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Le 23 Mai 2013
L'évolution historique
Le point de départ est la Convention sur le brevet européen de 1975 qui institue un double régime :
- des institutions qui concourent à la délivrance, l'Office européen des brevets avec des possibilités de recours contre sa décision ;
- un éclatement des compétences au profit des tribunaux des divers Etats membres puisque le brevet européen, selon une fiction juridique, est un faisceau de brevets nationaux à partir de sa délivrance. Dès lors, seront appliqués des régimes juridiques différents à un même brevet.
Ce régime juridique présente de nombreux inconvénients, notamment celui de devoir engager des procédures dans chaque Etat membre pour faire respecter les droits du titulaire du brevet avec des coûts démultipliés et de réels risques de se trouver confronter à des solutions divergentes pour un même brevet. Il est donc apparu indispensable d'en finir avec ce système, de telle sorte que dès 1975 a été signée une Convention sur le brevet communautaire. Cette dernière n'a toutefois jamais été ratifiée et n'est jamais entrée en vigueur en raison, d'une part, du problème juridictionnel (jugement par les juridictions nationales de chaque Etat membre et en appel un renvoi préjudiciel obligatoire devant une juridiction communautaire unique) et, d'autre part, de celui des traductions.
En 1999, la France a donc pris l'initiative de relancer le processus en proposant d'instituer, non plus un renvoi préjudiciel obligatoire devant une cour d'appel commune, mais une entité avec un renvoi facultatif. Si ce projet n'a pas été suivi d'effet, il a eu pour conséquence d'alerter les autorités européennes sur la question, si bien que la Commission a proposé, en 2000, la création d'un tribunal européen des brevets à deux étages centralisé à Luxembourg pour la première instance et l'appel. Les praticiens et les milieux industriels se sont alors farouchement opposés à ce projet de centralisation du contentieux des brevets devant une seule juridiction éloignée des usagers. L'Office européen des brevets, de son côté, a proposé à la même époque un système assez similaire avec une juridiction de première instance siégeant à Munich, qui n'a toutefois non plus jamais vu le jour (projet EPLA). D'autres projets en 2003 n'ont pas rencontré plus de succès.
Tentant de prendre en compte les observations des milieux intéressés, la Commission, en 2007, tout d'abord, a revu sa copie, proposant que l'ensemble de l'édifice juridictionnel soit placé sous le contrôle de la CJCE (désormais CJUE) avec la création d'une chambre spécialisée en droit de la propriété industrielle. Mais ce projet n'a pas plus séduit que les précédents, toujours en raison de sa centralisation.
En définitive, est donc née en 2009 la possibilité de mettre en place un système juridictionnel qui comprend une juridiction unique, mais avec des divisions locales, qui statuera sous le contrôle d'une cour d'appel, compétente pour connaître des affaires relatives aux brevets européens et au brevet communautaire, dont la création était alors envisagée. Cette dernière a toutefois était abandonnée face à l'opposition du Portugal et de l'Espagne et, en 2011, un autre système a été envisagé qui prévoit donc la mise en place d'une juridiction unifiée du brevet (JUB).
En 2010, en raison des demandes de l'Italie et de l'Espagne qui exigeaient alors un autre régime linguistique pour le brevet, les Gouvernements ne réussirent pas à trouver d'accord. En décembre 2010, certains Etats membres proposent ainsi de nouer une coopération renforcée, mécanisme très peu utilisé, dont le recours a été attaqué en vain par l'Italie et l'Espagne. L'année 2011 a été marquée par plusieurs propositions des autorités européennes et par un avis de la CJUE sur la compatibilité avec le droit de l'UE du dispositif prévu qui embrassait non seulement les Etats membres de l'Union qui participaient à la coopération renforcée mais également des Etats non-membres comme la Suisse, la Norvège et la Turquie.
La Commission a donc repris son projet et un accord a été trouvé, d'une part, sur la division centrale de la juridiction européenne des brevets et, d'autre part, sur la suppression d'articles du Règlement qui contenaient des dispositions de droit substantif sur l'étendue de la protection conférée par le brevet et qui aboutissaient indirectement à rendre la CJUE compétente sur des questions de droit des brevets en intégrant en quelque sorte cette matière au droit de l'Union.
En définitive un compromis historique a donc été trouvé, bien que le texte final puisse paraître selon Pierre Véron, particulièrement abscons. Le 17 décembre 2012, les deux Règlements sur la création d'une protection unitaire conférée par un brevet ont donc été publiés et le 19 février 2013 l'accord relatif à une juridiction unifiée en matière de brevets a été signé. L'Espagne et l'Italie ont depuis lors engagé de nouveaux recours contre les Règlements eux-mêmes, mais ces derniers ont été rejetés par la CJUE le 16 avril 2013 (CJUE, 16 avril 2013, aff. C-274/11 N° Lexbase : A1318KCS). Les ratifications devraient donc intervenir dans l'année pour une installation de la juridiction spécialement créée le 1er avril 2014.
La juridiction européenne unifiée des brevets
Il s'agit du premier accord pour la création d'une juridiction supranationale commune à plusieurs Etats membres pour trancher au fond des litiges entre parties privées. Ce faisant, est institué un mécanisme différent de celui applicable à la marque communautaire et aux dessins et modèles communautaires dans lequel les juridictions nationales sont compétentes avec une possibilité de renvoi préjudiciel devant la CJUE.
Néanmoins, le système mis en place est particulièrement complexe puisqu'il a pour effet de créer quatre "Europe" différentes :
- celle des 24 Etats du brevet unitaire européen et signataires de l'accord sur la juridiction unifiée ;
- l'Espagne qui s'est exclue de l'ensemble du système ;
- la Pologne qui a adhéré au brevet unitaire mais qui n'a pas signé l'accord sur la juridiction unifiée ;
- l'Italie qui a signé l'accord sur la juridiction unifiée mais qui n'a pas adhéré aux Règlements sur le brevet unitaire.
Cette juridiction va avoir une compétence particulière et limitée puisque les parties à l'accord ont opté pour une définition via une liste positive. Elle connaîtra donc des contentieux relatifs :
- au brevet européen unitaire ;
- aux certificats complémentaires de protection (CCP) basés sur un brevet européen unitaire ou sur des brevets européens ;
- aux brevets européens ;
- aux demandes de brevets unitaires ou de brevets européens.
S'agissant des CCP, la juridiction européenne unifiée statuera sur des titres nationaux car même si des Règlements communautaires leur sont applicables, ils sont délivrés à raison de un par Etat.
Le système juridictionnel est à deux niveaux : un tribunal de première instance et une cour d'appel qui sera donc le dernier niveau de juridiction, la CJUE ne pouvant intervenir que si elle est saisie d'une question préjudicielle.
Concernant le tribunal de première instance, chaque Etat aura la possibilité d'installer une division locale, les Etats ayant enregistré plus de 100 affaires nouvelles par an pouvant créer jusqu'à quatre divisions locales. En pratique, il s'agit donc de la France, du Royaume-Uni et de l'Allemagne. A l'heure actuelle, l'Allemagne a l'intention de créer quatre divisions locales à Düsseldorf, Munich, Mannheim et Hambourg. Une division régionale, c'est-à-dire commune à plusieurs Etats est en préparation pour la Scandinavie.
La division centrale siègera à Paris avec des sections à Londres et à Munich. La répartition des affaires sera pour le moins originale puisqu'elle repose sur leur position dans la classification technique internationale. Ainsi, Londres sera compétente pour les nécessités courantes de la vie (chaussures, cintres...), la chimie et la métallurgie. A Munich seront dévolues les affaires classifiées mécanique, éclairage, chauffage, armement et sautage. A Paris, enfin, seront jugées les autres affaires, c'est-à-dire les techniques industrielles, les transports, le textile, le papier, la construction, la physique et l'électricité qui inclut notamment les télécoms.
La cour d'appel a son siège à Luxembourg.
L'entrée en vigueur est progressive : pendant une période transitoire de sept ans à partir de la date d'entrée de l'accord, une action en contrefaçon ou en nullité d'un brevet européen, ou une action en contrefaçon ou une demande en nullité d'un certificat complémentaire de protection délivré pour un produit protégé par un brevet européen, peut encore être engagée devant les juridictions nationales. Les titulaires de brevet auront donc un choix et pourront donc d'exclure la compétence de la juridiction unifiée du brevet pour leur titre (opt-out) en déposant une déclaration en ce sens. Ils peuvent également revenir sur leur option tant qu'aucun procès n'est engagé sur leur brevet (opt-in). La dérogation comme son retrait prennent effet à compter de leur inscription au greffe. Or, le jour de son ouverture le greffe devrait recevoir une multitude de demandes d'inscription qu'il ne pourra matériellement pas traiter le jour-même, de sorte que celui qui souhaiterait contester un brevet pourra le faire devant la juridiction unifiée alors que le titulaire du brevet aura manifesté son option pour la dérogation dès lors que celle-ci ne pourra être opposée au contestateur faute d'avoir été inscrite à temps par les services du greffe. Le texte crée donc un mécanisme de préemption de compétence au profit de celui qui contestera le brevet. Devant ce constat, il a été décidé de prévoir une période sunrise durant laquelle il sera possible de préenregistrer son opt-out, de sorte que les dérogations seront toutes enregistrées par le greffe le jour de son ouverture.
Le cadre juridique du brevet européen à effet unitaire est formé par les deux Règlements du 17 décembre 2012, n° 1257/2012 et n° 1260/2012 qui entreront en vigueur le 1er janvier 2014 ou toute date ultérieure d'entrée en vigueur de l'accord qui crée la juridiction européenne. La Commission européenne a fixé cette date au 1er avril 2014 mais, compte tenu des délais du processus de ratification et de la mise en oeuvre opérationnelle du brevet unitaire et de la juridiction européenne des brevets, il semble plus raisonnable de prévoir une entrée en vigueur du dispositif à l'horizon 2015.
Intégration du système du brevet européen à effet unitaire dans le cadre du brevet européen
Le brevet européen à effet unitaire s'intègrera dans le système actuel de brevet européen puisqu'il s'agira d'un brevet européen délivré par l'OEB. Cette création est, pour Fabrice Claireau, bienvenue, puisqu'elle permet de conserver la qualité du brevet européen délivré par l'OEB reconnu par l'ensemble des déposants et des entreprises dans le monde.
Le brevet européen à effet unitaire va s'ajouter aux voies de protections existantes ; il n'a pas vocation à remplacer le brevet national, ni le brevet européen "classique" qui éclate pour sa part en un faisceau de brevets nationaux. De même, la voie PCT avec la désignation et l'entrée en phase régionale en Europe par l'OEB demeure. Le législateur européen souhaitait en effet offrir une palette de protection en fonction des intérêts économiques ou géographiques du déposant. Il est bien entendu possible de cumuler le brevet européen à effet unitaire avec un brevet européen sur les parties espagnole et italienne qui ne sont pas couvertes par le premier.
L'application au brevet européen à effet unitaire de règles déjà existantes
Le brevet européen à effet unitaire est délivré selon les mêmes règles que le brevet européen "classique" et sera donc soumis jusqu'à cette étape à la Convention européenne sur le brevet européen. Il n'y aura pas notamment de taxe supplémentaire de procédure à celle existant aujourd'hui devant l'OEB.
L'application au brevet européen à effet unitaire de règles particulières
Les titulaires d'un brevet européen existant pourront déposer une requête auprès de l'OEB dans un délai d'un mois afin de transformer leur brevet en brevet européen à effet unitaire. L'effet unitaire de ce brevet sera transcrit sur son registre par l'OEB afin d'en informer les tiers
L'obligation de traduction est drastiquement allégée puisqu'à l'issue d'une période transitoire de 12 ans (6 ans + 6 ans), cette obligation disparaît. Pendant la période transitoire, des obligations de traduction demeurent à l'égard de titulaires de brevet européen à effet unitaire puisque le brevet délivré dans une langue de l'Union européenne autre que l'anglais doit être traduit en anglais, tandis que le brevet délivré en anglais devra être traduit dans une autre langue de l'Union européenne. Un système de traduction automatique sera par la suite mis en place qui sera donc alimenté durant la période transitoire par les traductions manuelles.
Par ailleurs, aujourd'hui il est possible de déposer un brevet européen dans une autre langue que les langues officielles de l'OEB (anglais, français et allemand) mais il est exigé d'opérer une traduction de la demande de dépôt dans l'une de ces trois langues. Il existe donc une discrimination à l'égard des déposants dont la langue officielle n'est pas une des langues de l'OEB. Avec le brevet européen à effet unitaire, il est prévu à leur profit une compensation financière.
Les annuités (taxe de maintien en vigueur) seront payables en une seule fois auprès de l'OEB et ce dernier opèrera le partage (50/50) entre lui et les offices nationaux. Elles seront déterminées par un comité spécial, placé auprès du conseil d'administration de l'OEB (cf. infra). La détermination de cette taxe s'avèrera complexe car elle exige de mettre en place un système à la fois attractif et préférentiel pour les micro-entités et les déposants indépendants, mais aussi qui permet d'assurer la pérennité financière de l'OEB tout en maintenant sa neutralité compte tenu du fait que certains membres de l'OEB, qui sont 38 au total, ne sont pas concernés par la législation sur le brevet unitaire.
Pour Fabrice Claireau, le brevet européen à effet unitaire représente une véritable simplification des démarches pour les déposants avec une seule procédure de dépôt, une procédure unique de validation pour 25 Etats membre, une procédure unique pour le versement de la taxe de maintien en vigueur et une réduction des coûts inhérente à cette simplification administrative.
Aujourd'hui 64 % des déposants à l'OEB sont originaires d'Etats non-membres de l'Union européenne et les simplifications ainsi apportées au système actuel devraient les séduire et les inciter à s'orienter vers le brevet européen à effet unitaire.
Enfin, Fabrice Claireau indique que la Commission européenne à l'intention de créer des CCP européens dans les années qui viennent.
Deux problèmes essentiels de compatibilité se sont posés, qui ont été éclaircis.
Le premier résidait dans les oppositions de l'Italie et de l'Espagne qui estimaient que le processus retenu pour la traduction ne respectait pas les impératifs linguistiques consacrés par le droit de l'Union. L'option pour le mécanisme de la coopération renforcée sans ces deux Etats a résolu le problème. De même, la CJUE a consacré la compatibilité de ce processus avec le droit de l'UE dans son arrêt du 16 mai 2013. Il est à noter que c'est la première fois en droit économique que la coopération renforcée est utilisée.
Par ailleurs, dans son avis de 2009, la CJUE avait estimé que le projet de brevet communautaire privait les juridictions nationales et les Etats de leurs prérogatives dès lors que l'interprétation des textes relevait de la seule compétence juridictionnelle de la Cour. Avec ce système, les Etats eux-mêmes risquaient une condamnation en manquement puisqu'ils déléguaient leurs pouvoirs à la CJUE. L'abandon de ce projet a résolu cette difficulté.
Ensuite, les articles 6 et 8 du projet de Règlement sur le brevet européen à effet unitaire conféraient au titulaire du brevet un droit à protection tant en matière de contrefaçon qu'en matière d'injonction et pouvaient donner lieu à interprétation par la CJUE. Or, le Royaume-Uni est plutôt méfiant à l'égard de cette Cour et estime que ses juges ne sont pas spécialistes des questions de propriété intellectuelle. Ne souhaitant pas une interprétation des règles de la contrefaçon et de l'injonction par les juges de Luxembourg, le Royaume-Uni a donc exigé et obtenu le retrait des articles 6 et 8, condition sine qua non de son adhésion au "package brevet européen".
Cette suppression soulève néanmoins des difficultés : la protection conférée par le brevet européen à effet unitaire n'en souffre-t-elle pas ? Par ailleurs, dans le texte final adopté, les dispositions sur la contrefaçon et l'injonction (articles 5 à 7) renvoient pour leur interprétation aux dispositions nationales, ce qui présente un vrai risque face à l'impératif d'application uniforme du droit européen et de protection identique des titulaires de brevets.
L'article 21 de l'accord relatif à une juridiction européenne unifiée du brevet prévoit néanmoins une possibilité de saisir la CJUE de questions préjudicielles. Elle devrait rester très limitée en la matière. Deux recours ont déjà été exercés. Dans le premier déposé par l'Espagne et l'Italie, est notamment portée à l'appréciation de la Cour la concomitance d'entrée en vigueur du brevet européen à effet unitaire et de la juridiction européenne unifiée. Mais prima facie, pour Alice Pezard, cet argument semble de peu de poids, dès lors qu'il apparaît logique qu'un nouvel instrument juridique entre en vigueur en même temps que la juridiction chargée d'en connaître des manquements ou des violations.
Le second recours déposé par les espagnols apparaît plus dangereux pour le système. Il y est soutenu l'existence d'une délégation de l'OEB à l'IPO pour l'entrée en vigueur du système. Or, se pose la question de savoir si un système de l'Union peut déléguer un pouvoir, même purement administratif. Par ailleurs, dans le cadre de ce recours, les espagnols contestent les dispositions sur la fixation des honoraires et notamment ceux applicables à l'opt-out qui prévoient là encore une délégation au profit d'une autoritaire étrangère à l'Union.
Avant d'exposer les règles applicables à la juridiction européenne unifiée, Marie Courboulay a rappelé rapidement les règles applicables actuellement.
Dans le système du brevet européen classique, l'OEB délivre un brevet à multiples facettes, chaque facette étant un brevet à portée nationale. Le titulaire qui se trouve face à une contrefaçon est donc dans l'obligation de savoir si cette contrefaçon existe dans différents pays de l'Union, s'il est nécessaire d'agir dans chaque pays ou dans quel(s) pays il est le plus judicieux d'agir afin d'obtenir des décisions qui lui permettront de faire cesser la contrefaçon. Le Règlement "Bruxelles I" lui laisse le choix de porter le litige devant le tribunal du domicile du défendeur ou devant le tribunal du lieu de la contrefaçon c'est-à-dire du lieu du dommage. Cette option ouvre la voie au forum shopping. En-dehors des marques et des dessins et modèles communautaires, il n'est pas possible d'obtenir une interdiction sur l'ensemble du territoire européen. D'un point de vue économique, s'agissant des acteurs, leur choix est toujours guidé par l'envie d'être jugé soit par ses juges naturels nationaux, soit par les juridictions les plus favorables aux titulaires de brevets, c'est-à-dire les juridictions allemandes, et par la rapidité de la décision attendue et sa prédictibilité.
Les brevetés privilégient donc l'Allemagne qui est le premier pays quant à l'importance du contentieux en matière de brevets (environ 1 000 affaires/an contre environ 300 en France et environ 100 au Royaume-Uni).
Composition judiciaire de la juridiction européenne unifiée
Les divisions centrales et les divisions locales seront composées de membres juristes et non-juristes. Une division locale ayant moins de 50 affaires par an sera composée d'un juge du pool européen et d'un juge national. Une division locale avec plus de 50 affaires par an sera composée de deux juges nationaux et d'un juge du pool européen. La présence d'un juge technicien supplémentaire sera faite à la demande des parties ou d'office si le juge l'estime nécessaire.
La division centrale sera composée de deux juges européens et d'un juge technicien, quant à la cour d'appel elle sera composée de trois juges européens et de deux membres techniciens.
Au sein des divisons locales la langue utilisée sera celle du pays dans lequel se tient le procès. Au sein de la division centrale la langue utilisée par la procédure sera celle du brevet. 75 % des brevets européens sont déposés en anglais, 20 % en allemand et seulement 5 % en français.
Compétence de la juridiction européenne unifiée
La juridiction européenne unifiée sera compétente en matière de validité, de contrefaçon, de non-contrefaçon des brevets ainsi que pour les CCP. Il est à noter que la juridiction unifiée n'est pas compétente en matière de concurrence déloyale. Elle pourra prendre des mesures probatoires et des mesures d'interdiction.
Des compétences exclusives existent au profit de la division centrale. Ce sera le cas en ce qui concerne les demandes de nullité des brevets à titre principal et les demandes en non-contrefaçon. Les divisions locales seront compétentes pour statuer sur une demande de nullité à titre reconventionnel.
Il demeure toutefois une possibilité de forum shopping, dans le cadre des demandes en non-contrefaçon au profit du titulaire des droits : si une partie saisie une division centrale d'une demande en non-contrefaçon, le titulaire du brevet dispose d'un délai de trois mois pour saisir une division locale d'une demande de contrefaçon et la division centrale sera alors contrainte de surseoir à statuer. Il s'agit de la prime logique au titulaire de brevet de pouvoir choisir la juridiction qui lui convient le mieux et ne pas laisser la juridiction instrumentaliser par un contrefacteur éventuel.
Une division locale saisie d'une demande de contrefaçon avec comme moyen de défense une demande de nullité du brevet a alors plusieurs possibilités : elle peut statuer sur l'ensemble des demandes ; elle peut saisir la division centrale de la demande en nullité du brevet et surseoir à statuer sur la contrefaçon ; elle peut aussi renvoyer tout le dossier à la division centrale.
Ce nouveau système va-t-il induire un changement dans les possibilités de forum shopping ? Pour Marie Courboulay, les possibilités demeurent les mêmes dès lors que les divisions locales existeront dans les pays les plus importants en matière de brevet (Allemagne, France, Royaume-Uni, Pays-Bas) et que la possibilité de saisir l'une de ces dernières perdurent dans les mêmes conditions, c'est-à-dire en application du Règlement "Bruxelles I" (lieu du dommage ou du domicile d'un défendeur). A cela s'ajoute, en outre, la possibilité de saisir la division centrale qui n'existe pas dans le système actuel. Les titulaires de brevet non ressortissants de l'Union européenne, notamment les américains, chinois et japonais, pourront ainsi saisir directement une division centrale en fonction de la classification de leur brevet. Les américains sont d'ailleurs déjà habitués à une centralisation du contentieux en la matière, alors qu'ils étaient auparavant dans un système fédéral.
Quand le contrefacteur est ressortissant d'un Etat étranger à l'Union européenne, la saisine d'une division centrale s'impose.
Parmi les critères de choix de la juridiction entre la juridiction du dommage et celle d'un défendeur, les titulaires auront à prendre en compte la langue de la procédure ou la composition de la juridiction en fonction de son importance (majorité de juges nationaux pour les juridictions locales les plus importantes).
Le succès de la division centrale face aux divisions locales de pays habitués à rendre de nombreuses décisions en matière de brevets dépendra en particulier de sa rapidité à rendre des décisions qui devront être motivées et prévisibles. Une compétition nécessaire s'installera entre la division centrale et les divisions locales.
Les textes concernant les juges sont issus de l'accord général du 19 février 2013 et ses annexes.
L'une des particularités du système qui sera mis en place tient à la présence de juges legally qualify et de juges techniquement qualifiés qui s'inspire du modèle allemand. Chaque juge, qu'il soit professionnel ou expert, a le même droit de vote au sein de la juridiction, de telle sorte que leur recrutement et les critères de sélection doivent être aussi strict, pour l'une ou l'autre de ces catégories.
Les conditions de leur nomination soulèvent des interrogations. Il a été relevé la difficulté du part-time, comme en Allemagne, qui consisterait donc à nommer des juges de la troisième chambre du TGI de Paris ou des juges de la cour d'appel à temps partagé entre leurs attributions nationales, déjà très chargées, et leurs attributions auprès de la juridiction unifiée. Ce part-time est une faculté et pour Alice Pezard, la Chancellerie serait bien inspirée de ne pas retenir cette option et de nommer des juges à temps complet.
Le mandat des juges est de 6 ans renouvelables. Les Etats mettront en place un advisory committee, composé lui-même de juges, qui établira des listes proposées ensuite au comité administratif qui gèrera l'ensemble des divisions de la juridiction unifiée.
Pour les juges légaux, il est exigé des compétences techniques en matière de droit des brevets mais également des compétences linguistiques, ce dernier point représentant probablement une faiblesse pour la France dont les magistrats devront perfectionner leur anglais et leur allemand. Les juges auront la dissenting opinion, dont les juges nationaux sont privés en France. Un système de médiation et d'arbitrage est intégré au mécanisme dont les règlements ne sont pas encore établis. Le centre de médiation et d'arbitrage se partagera entre Lubiana et Lisbonne. Si ces partages sont théoriquement séduisants pour Madame la Conseiller honoraire, en pratique, ils sont plus inquiétants, notamment pour leur mise en place. D'ailleurs, les autorités portugaises ont reconnu que compte tenu de la crise économique ils étaient aujourd'hui dans l'impossibilité de se préparer à la mise en place de cette institution.
Le centre de formation des juges est fixé en Hongrie. L'OEB a pris la mesure de l'importance de la formation et met tout en oeuvre pour que celle-ci soit efficace. La formation est, toutefois, un vrai problème dans la mesure où il existe de très grandes disparités sur les compétence des magistrats en matière de brevet entre les trois pays phares en la matière (Allemagne, France, Royaume-Uni) et les 21 autres Etats concernés. Il pourrait être intéressant de réfléchir à la formation en propriété intellectuelle de certains magistrats dès l'école de magistrature, notamment par le biais d'échanges entre les écoles des pays où de véritables compétences en la matière existent et les autres. De même, pour Alice Pezard, il serait particulièrement efficace d'institutionnaliser la présence provisoire auprès de magistrats français, allemands ou anglais ou de cabinets d'avocats spécialisés de juges d'autres Etats. En effet, les membres de l'IPO, de l'INPI ont manifesté une forte inquiétude sur la compétence des magistrats. La France devrait agir en ce sens car les anglo-saxons se sont déjà employés à former certains magistrats à la matière et il pourrait apparaître dangereux de leur laisser le champ libre, au risque que les juges des diverses divisions locales adoptent un raisonnement typiquement anglo-saxon, là où le droit de la propriété intellectuelle est un savant équilibre entre droit continental et droit de common law.
Le choix et la nomination du Président de la division centrale, qui reviendra à la France, puisque le siège se trouve à Paris est une décision très importante. Les partenaires européens de la France, notamment les anglais et les allemands, ont d'ailleurs manifester leur inquiétude à ce sujet et ont fait part de leur voeux de voir nommer quelqu'un le plus rapidement possible, afin de jouer également une rôle de missi dominici auprès des autorités des autres Etats, notamment des Etats-Unis, du Japon et de la Chine. Pour Alice Pezard, cette personne hautement qualifiée devra impérativement être un technicien de la matière mais également un bon manager.
Un projet de règles de procédures (version n° 14) a été diffusé le 31 janvier 2013. Ces règles s'articulent autour d'un objectif qui a sous-tendu l'ensemble des travaux, à savoir que la procédure doit être conduite de manière à permettre que l'audience finale en première instance sur les questions de contrefaçon et de validité ait lieu dans un délai d'un an.
Les principales caractéristiques de la procédure mise en place sont les suivantes :
- il s'agit d'une procédure par étapes ;
- une prédominance de la phase écrite ;
- un pre-trial discovery limité ;
- une possibilité de mesures de conservation des preuves (saisie) ;
- une obligation de fournir dès le début de la procédure les éléments fondant la demande ; et
- une possibilité d'obtenir des mesures provisoires.
Le déroulement de la procédure est séquencée. La procédure devant le tribunal de première instance comprend les étapes suivantes :
- une procédure écrite ;
- une procédure de mise en état, qui peut comprendre une audience de mise en état en présence des parties ;
- une procédure orale qui, selon les règles 116.1 et 117, doit comprendre l'audition des parties si nécessaire ;
- une procédure relative à l'octroi de dommages-intérêts ;
- une procédure relative aux dépens.
La phase écrite est primordiale. Il ne s'agit pas d'une procédure sur assignation mais par le dépôt d'un mémoire au greffe de la juridiction qui est chargé de le notifier. Il s'ensuit un échange organisé séquentiellement :
- le mémoire en demande ouvre un délai de 3 mois pour que le défenseur puisse présenter son mémoire en défense ;
- un mois après le dépôt de ce dernier, le demandeur doit répliquer ;
- un mois après le défenseur peut dupliquer.
Ces délais sont des délais préfix. Le juge-rapporteur peut allonger les délais sur demande de l'une des parties, ce qui devrait être exceptionnel. A l'intérieur de ces délais sont prévus des délais plus courts pour présenter les exceptions de procédure (preliminary objections). Ainsi, par exemple, la contestation de la compétence de la juridiction unifiée ou de la division particulière devant laquelle le défenseur est attrait doit être présentée dans le délai d'un mois. Ces délais extrêmement courts exigent pour les cabinets d'avocats d'avoir des équipes nombreuses et préparées.
Concernant les règles de preuve, les possibilités de discovery sont limitées. En effet, il n'est possible de demander un document à la partie que si ce document est identifiée et s'il est précisé son rapport avec l'affaire.
La procédure prévoit également l'obligation générale de fournir dès que possible les éléments fondant la demande. La délivrance au compte-gouttes, comme dans la procédure anglaise, est donc exclue au profit d'un chargement dit frontal.
A l'issue de l'échange des mémoires, il y aura une ou plusieurs audiences avec le juge-rapporteur. La façon dont le juge-rapporteur conduira cette étape de mise en état risque de changer en fonction de leur expérience propre, de leurs habitudes. La mise en état peut donc différer d'un pays à l'autre. Ses pouvoirs sont très larges, puisqu'il pourra notamment demander des explications complémentaires aux parties, la production de pièces, entendre des témoins.
L'audition de témoins sera exceptionnelle puisque les témoignages au cours de l'audience devront être limités aux questions identifiées par le juge-rapporteur ou le président comme devant être jugées sur le fondement de preuves orales.
La durée de l'audience ne doit pas dépasser une journée. Le président peut, avant l'audience, indiquer le temps accordé à chaque partie pour présenter ses observations orales.
Concernant les frais de procédure, il est prévu que la juridiction du brevet s'autofinance. Le budget devra être équilibré. Au moins pendant la période transitoire, les frais sont assurés par des contributions provenant des Etats membres contractants qui devront donc payer les frais de fonctionnement pour leurs divisions locales (facilities). Concernant la division centrale c'est le pays qui l'accueille (la France) qui financera son installation.
Les frais de procédure seront fixés par le comité administratif. Ils comprennent un montant fixe, combiné à un montant fondé sur la valeur du litige, au-delà d'un plafond prédéfini. Le montant des frais de procédure est fixé à un niveau garantissant un juste équilibre entre le principe d'accès équitable à la justice, en particulier pour les petites et moyennes entreprises et les micro-entités, et une contribution adéquate des parties aux frais exposés par la juridiction, tenant compte des avantages économiques pour les parties concernées et de l'objectif visant à ce que la juridiction s'autofinance et ait des comptes en équilibre.
Trois scénarii ont été imaginés : des frais de procédure modiques, des frais moyens et des frais élevés.
Dans le premier scénario -frais modiques-, les droits à payer seraient les suivants :
- 3 000 euros pour une action en contrefaçon ;
- 2 000 euros pour une demande reconventionnelle en nullité ;
- 6 000 euros pour l'appel d'une décision définitive ;
- 3 000 euros pour l'appel contre une ordonnance provisoire.
Dans le deuxième scénario -frais moyens-, les droits à payer seraient les suivants :
- 6 000 euros pour une action en contrefaçon ;
- 4 000 euros pour une demande reconventionnelle en nullité ;
- 9 000 euros pour l'appel d'une décision définitive ;
- 4 500 euros pour l'appel contre une ordonnance provisoire.
Dans le troisième scénario -frais élevés-, les droits à payer seraient les suivants :
- 12 000 euros pour une action en contrefaçon ;
- 7 000 euros pour une demande reconventionnelle en nullité ;
- 12 000 euros pour l'appel d'une décision définitive ;
- 20 000 euros pour l'appel contre une ordonnance provisoire.
En préambule de son intervention, Marie Courboulay a tenu à rappeler que juste avant les dispositions relatives aux mesures provisoires et conservatoires qui se trouvent aux articles 59 et suivants de l'accord, l'article 58 rappelle l'importance du secret des affaires et des données personnelles. Ceci ne semble pas anodin puisque la protection des données personnelles et des autres informations confidentielles est particulièrement mise en exergue et que la collecte des preuves au cours de la procédure peut être restreinte, interdite ou l'accès peut en être limité à certaines personnes déterminées.
Mesures provisoires pour obtenir des preuves (article 59 et 60 de l'accord)
Ordonnance de production des preuves (remise par un tiers ou par la partie elle-même de pièce ; article 59 de l'accord)
La solution retenue n'est pas dépaysante pour les juristes français puisque les pouvoirs sont proches de ceux déjà connus du juge de la mise en état français. Ainsi à la demande d'une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles et suffisants pour étayer ses allégation et a précisé les éléments de preuve à l'appui de ses allégations qui se trouvent sous le contrôle de la partie adverse ou d'un tiers, la juridiction peut ordonner que ces éléments de preuve soient produits par la partie adverse ou un tiers, sous réserve que la protection des informations confidentielles soit assurée. A la demande d'une partie, la juridiction peut, dans les mêmes conditions, ordonner la communication de documents bancaires, financiers ou commerciaux qui se trouvent sous le contrôle de la partie adverse, sous réserve que la protection des informations confidentielles soit assurée.
Il faudra donc porter une attention particulière à ce que le contrôle puisse être effectif en justifiant précisément la nécessité de production d'un document. Les demandes devront être portées devant le juge-rapporteur.
Conservation des preuves et descente sur les lieux (mesures équivalentes à une demande de saisie-contrefaçon ; article 60 de l'accord)
Le requérant doit présenter des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lesquelles son brevet a été contrefait ou qu'une telle contrefaçon est imminente. Le juge doit s'assurer de la protection des informations confidentielles et de la conservation des éléments de preuve. Ce schéma est assez proche de celui connu en France pour la saisie-contrefaçon. Ainsi, pour la conservation des éléments de preuve, peuvent être ordonnés : la description détaillée, des prélèvements d'échantillons, la saisie matérielle des produits litigieux et, dans les cas appropriés, des matériels et instruments utilisés pour produire et/ou distribuer ces produits, la saisie des documents s'y rapportant et une descente sur les lieux effectuée par une personne nommée par la juridiction conformément au règlement de procédure.
Ces mesures peuvent être demandées "avant même l'engagement d'une action au fond", ce qui a contrario signifie, selon Marie Courboulay, que l'accès à ces mesures est possible lorsqu'une action en contrefaçon a été engagée.
Comme dans la procédure française, le requérant en personne ne peut pas participer aux opérations de saisie mais il peut être représenté par un professionnel indépendant dont le nom figure dans l'ordonnance. Il est également indiqué que ces mesures peuvent être ordonnées ex parte dans les cas habituels, à savoir, lorsque tout retard est susceptible de causer un préjudice irréparable au titulaire du brevet ou lorsqu'il existe un risque démontrable de destruction des éléments de preuve. La signification des opérations de saisie doit alors être faite à l'autre partie sans délai au plus tard immédiatement après l'exécution des mesures.
Une procédure de rétractation est également prévue lorsque la saisie a été effectué ex parte, de même que la possibilité de subordonner les mesures à la constitution par le requérant d'une caution ou d'une garantie équivalente adéquate, destinée à assurer l'indemnisation de tout préjudice subi par le défendeur.
L'obligation de saisir le juge au fond est la même que celle que nous connaissons et ce dans les même délais (31 jours civils ou 20 jours ouvrables). Il est enfin prévu une indemnisation possible en cas de non-contrefaçon.
Pour Marie Courboulay, ce régime ne devrait poser aucun problème aux praticiens français habitués à la procédure de saisie-contrefaçon puisque les règles sont sensiblement identiques.
Le juge devra vérifier la proportionnalité de la mesure. Or, les juges français, notamment ceux de la troisième chambre du TGI de Paris ont pris l'habitude de vérifier la nécessité des mesures sollicitées et leur ampleur, quitte à ôter certains éléments de la demandes, notamment lorsque l'étendue des mesures n'apparaît pas justifiée. Concernant la saisie des e-mails, les demandes doivent être particulièrement ciblées et précises dans la mesure où il s'agit de données personnelles, à défaut le juge ne pourra autoriser leur saisie.
Si rien n'est précisé dans les textes, il apparaît évident que la saisie-contrefaçon pourra être ordonnée sur l'ensemble des territoires des Etats parties à l'accord par la décision d'un seul juge.
Mesures provisoires
Mesures équivalentes au référé (article 62 de l'accord)
Afin de prévenir tout acte de contrefaçon, il est prévu la possibilité d'assigner le contrefacteur présumé ou tout intermédiaire afin d'obtenir, à titre provisoire, une interdiction, sous astreinte, de commercialisation, de retrait d'introduction ou de circulation dans les circuits commerciaux des produits ou des marchandises prétendument contrefaits. La juridiction peut également ordonner leur saisie ou leur remise au titulaire du brevet, les saisies conservatoires sur les biens immobiliers et la constitution de garantie, tel que le droit français les connaît.
Décisions de gel (article 61 de l'accord)
Le texte prévoit une nouveauté par rapport au droit français qui ne connaît pas une telle disposition : la possibilité de demander à la juridiction, avant même l'engagement d'une action au fond, d'ordonner de ne pas sortir du territoire qui relève de sa compétence des avoirs situés sur ce territoire ou de ne pas réaliser des transactions sur des avoirs, qu'ils soient ou non situés sur ce territoire.
A l'ensemble de ce dispositif ont été posées quelques limites classiques : le rappel de la proportionnalité des mesure et celui que le requérant doit rapporter tout élément de preuve raisonnable qu'il est le titulaire du droit et qu'une atteinte à son droit est imminente. Ceci a pour effet de valider la jurisprudence mise en place par la troisième chambre du TGI de Paris. Cette interdiction aura effet sur l'ensemble des pays signataires de l'accord.
L'article du 9, 2 du Règlement prévoit la création par les Etats membres participants au sein du conseil d'administration de l'OEB d'un Select committee (comité restreint), chargé de mettre en place le dispositif de taxe de maintien en vigueur du brevet européen à effet unitaire et de l'ensemble des taches dévolues à l'OEB en matière de brevet européen à effet unitaire, c'est-à-dire la tenue d'un registre ad hoc et la réception des traduction pendant la période transitoire de 12 ans maximum.
Le Select committee devra déterminer le montant des taxes de maintien en vigueur ainsi que le partage des revenus tirés de ces taxes puisque 50 % revient à l'OEB et 50 % aux offices nationaux des Etats membres. Cette dernière tache s'avèrera complexe puisqu'elle consiste à s'assurer que les grands Etats ne perdent pas, et que les autres Etat moyens gagnent un peu plus. Le 20 mars 2013, s'est tenue une réunion en vue de nommer un président et un vice-président qui sont, respectivement, le chef de l'office belge et le chef de l'office slovaque. Des discussions en cours visent à déterminer des règles de procédure afin de pouvoir commencer à traiter du fond, notamment du montant des taxes dans le courant du mois de juin.
Au sein de ce comité, participent des représentants des 25 Etats membres de la coopération renforcée sur le brevet européen à effet unitaire. Comme au conseil d'administration de l'OEB seront probablement présents des observateurs et notamment des utilisateurs lors des cessions du comité spécial, la Commission européenne étant par nature observatrice.
Concernant la juridiction unifiée des brevets, lors de la signature de l'accord, les Etats ont attaché à l'acte de signature une déclaration qui les engage à mettre rapidement sur pied un comité chargé de préparer la mise en oeuvre opérationnelle de cette institution créée ex nihilo. De nombreux actes doivent en effet être préalablement accomplis afin que la juridiction soit en mesure, le jour de son ouverture, de traiter des cas concrets relevant de sa compétence. Ce comité préparatoire comprend des représentants des 25 Etats membres à l'accord créant la juridiction unifiée des brevets (24 Etats du brevet européen à effet unitaire plus l'Italie). Sa première réunion s'est tenue le 26 mars 2013, au cours de laquelle son président et son vice-président ont été nommés et les taches à accomplir identifiées.
Concernant la structure opérationnelle, elle est constituée, d'une part, du comité préparatoire qui est l'instance politique qui réunit donc les représentants des Etats membre et, d'autre part, de quatre groupes d'experts qui traiteront les différentes taches opérationnelles identifiées. La Commission européenne et là aussi observatrice.
Le lien avec les instances européennes n'est pas totalement distendu puisque le comité préparatoire fera rapport régulièrement au corps des représentants permanents des Etats au Conseil des ministres européen. Il est même prévu en cas de difficulté à trouver un accord au sein de ce comité préopératoire, la possibilité d'un arbitrage au niveau du Conseil des ministres européen
Concernant les sujets à traiter, quatre grandes thématiques ont été identifiées :
- la thématique financière dont la présidence du groupe d'experts est assurée par un représentant français issu du ministère du Redressement productif. Les taches qui lui sont dévolues sont la détermination du niveau des taxes de procédure, de celui de l'aide juridictionnelle et des conditions de cette dernière, le premier budget de la juridiction unifiée, son règlement financier, la contribution que les Etats membres devraient verser en cas de violation du droit européen par cette juridiction, les schémas de rémunération des magistrats et les régimes de pension ;
- la thématique juridique, dont la présidence du groupe d'experts est assurée par un représentant allemand. Ce groupe traitera des règles de procédure devant la juridiction, mais également celles relatives au registre, à l'aide juridictionnelle, au fonctionnement des différents comités (comité administratif qui formellement adopte les règles de procédure et comité consultatif chargé de la sélection des magistrats), à la médiation et à l'arbitrage et enfin des règles relatives au certificat européen pour la représentation unifiée des brevets puisque, au-delà des lawyers, les conseils en propriété industrielle et les mandataires européens pourront sous condition d'obtention d'un certificat intervenir devant cette juridiction ;
- la thématique ressources humaines, qui concerne la formation des magistrats, l'élection des membres du comité consultatif qui examine les candidatures des magistrats, la création d'un pool de juges affectés aux différentes instances et la préparation de l'élection des magistrats qui composeront cette juridiction unifiée des brevets ;
- la thématique informatique afin de mettre en place un système informatique commun à l'ensemble des Etats et aux divisions locales avec un dépôt électronique des dossiers, une consultation à distance, une publication des décisions..., éléments essentiels à l'effectivité du système juridictionnel.
Sur l'ensemble de ces sujets, il conviendra d'associer, de consulter et d'écouter l'ensemble des futurs utilisateurs.
Ronan Guerlot a précisé que la Chancellerie a bien à l'esprit l'échéance du 1er avril 2014 et pour objectif que la juridiction européenne unifiée des brevet soit opérationnelle à cette date, malgré les glissements de calendrier évoqués précédemment. Les problématiques rencontrées sont nombreuses puisqu'il s'agit de créer une juridiction totalement nouvelle à composante internationale, le modèle de référence étant la CEDH.
Les points arbitrés
Aujourd'hui très peu de points sont arbitrés. L'essentiel pour l'attractivité de la place de Paris réside, bien entendu, dans la présence du siège de la division centrale sur le sol français ainsi que la nationalité française de son futur président dont l'identité n'est pas encore décidée.
Par ailleurs, la Garde des Sceaux a acté la nécessité de créer une division locale afin de tenter de conserver sur le territoire national les contentieux relevant des compétences dévolues aux émanations britannique et allemande de la division centrale, notamment en ce qui concerne la chimie et la mécanique. Cette division locale se situera à Paris. En effet en 2011, 26 % des dossiers entrés à la troisième chambre du TGI de Paris concernait le domaine pharmaceutique et 47 % le domaine mécanique. La préservation de la langue française plaidait également en faveur de la création d'une division locale sur le sol français.
Les défis à relever
La Chancellerie, le ministère de l'Economie et l'INPI sont présents dans chacun des sous-groupes créés par le comité préparatoire de la juridiction européenne unifiée du brevet afin de défendre les intérêts français. Le travail du comité préparatoire est en construction, la France ayant nommé un coordonnateur de l'ensemble des travaux français.
Concernant le financement, la déclaration annexée à l'accord prévoit que dans une période transitoire, les Etats qui se sont engagés à accueillir la division centrale ou les divisions locales devront en assurer le financement et mettre à disposition le mobilier, l'immobilier et le personnel administratif. Cela se traduira par un financement de la Chancellerie complété par un financement de l'INPI : les chiffres sont importants mais pas encore totalement arbitrés. A l'issue de la période transitoire, la juridiction devra s'autofinancer, point particulièrement sensible en cours de discussion au sein du sous-groupe chargé de cette question et à laquelle, bien entendu, la France attache une importance toute particulière, compte tenu du fait qu'elle accueillera le siège de la division centrale.
La question de la localisation de la juridiction n'est pas encore tranchée puisqu'elle devra répondre à des contraintes budgétaires imposées par France domaine. Mais la Chancellerie et le ministère de l'Economie a pris en compte avec bienveillance les résultats de la consultation de l'ensemble des professionnels (industriels, avocats...) et de leur souhaits de localisation de ladite juridiction. Les locaux choisis correspondront bien au standard international attendu de la France. Cette décision sera prise probablement d'ici la fin de l'année.
Il faudra que la division centrale et la division locale soient proportionnées au nombre d'affaires. Pour ce faire, la Chancellerie s'est appuyée sur les travaux de la Commission européenne mais également sur les chiffres plus précis transmis par Madame la Présidente Courboulay.
La formation des juges et le recrutement des professionnels est un sujet en cours de réflexion à la Chancellerie qui souhaite mettre en place un pool de juges français qui pourraient être proposés comme juges à la juridiction européenne du brevet. L'accord prévoit des critères de bon sens auquel répond le corps judiciaire français qui dispose de magistrats très qualifiés en droit de la propriété intellectuelle. Le ministère de la Justice réfléchit également, avec l'INPI, à un renforcement de la formation des juges en droit de la propriété industrielle.
Beaucoup de travail reste donc à accomplir ; l'année 2013 sera assurément une année de décisions !
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Réf. : Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 11-28.252, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5131KDE)
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Le 28 Mai 2013
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Réf. : Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-15.127, F-P+B (N° Lexbase : A5135KDK)
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Le 25 Mai 2013
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Réf. : CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 17 avril 2013, n° 11/04204 (N° Lexbase : A1829KCQ)
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 12 avril 2013, deux arrêts, n° 12/11158 (N° Lexbase : A0946KCZ) et n° 12/11168 (N° Lexbase : A0983KCE)
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : Rapport "Lescure" du 13 mai 2013 et communiqué du Conseil des ministres du 15 mai 2013
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-17-814, F-P+B+I (N° Lexbase : A4426KDB)
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Le 21 Mai 2013
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Réf. : Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-18.103, F-P+B (N° Lexbase : A5136KDL)
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Le 23 Mai 2013
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Réf. : Cass. com., 14 mai 2013, n° 11-22.845, FS-P+B (N° Lexbase : A4983KDW)
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Le 24 Mai 2013
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Réf. : Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-15.119, F-P+B (N° Lexbase : A5208KDA)
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Le 30 Mai 2013
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