Lexbase Droit privé n°525 du 25 avril 2013

Lexbase Droit privé - Édition n°525

Assurances

[Brèves] Compétence du juge judiciaire pour connaître d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat d'assurance de droit privé, même si l'origine des désordres est une opération de travaux publics

Réf. : T. confl., 15 avril 2013, n° 3891 (N° Lexbase : A4195KCD)

Lecture: 1 min

N6819BTQ

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Le 25 Avril 2013

Le litige ayant trait à l'exécution d'un contrat d'assurance de droit privé, alors même que les condamnations dont le demandeur sollicite la garantie et que les dépenses pour lesquelles il réclame indemnisation trouveraient leur origine dans une opération de travaux publics, ne peut être porté que devant la juridiction judiciaire. Telle est la solution qui se dégage d'un arrêt rendu le 15 avril 2013 par le tribunal des conflits (T. confl., 15 avril 2013, n° 3892 N° Lexbase : A4196KCE).

newsid:436819

Assurances

[Brèves] Compétence du juge judiciaire pour connaître de l'action directe engagée par l'assureur d'une collectivité territoriale à l'encontre de l'assureur de la société titulaire d'un marché public

Réf. : T. confl., 15 avril 2013, n° 3892 (N° Lexbase : A4196KCE)

Lecture: 1 min

N6820BTR

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Le 25 Avril 2013

Si l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du Code des assurances (N° Lexbase : L4188H9Y) à la victime d'un dommage ou à l'assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle se distingue de l'action en responsabilité contre l'auteur du dommage en ce qu'elle poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance ; il s'ensuit qu'il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître des actions tendant au paiement des sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé, alors même que l'appréciation de la responsabilité de son assuré dans la réalisation du fait dommageable relèverait de la juridiction administrative. Il en résulte que l'action directe engagée par l'assureur d'une collectivité territoriale, à l'encontre de l'assureur de la société titulaire d'un marché public, relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Telle est la solution dégagée par le tribunal des Conflits aux termes d'un arrêt rendu le 15 avril 2013 (T. confl., 15 avril 2013, n° 3892 N° Lexbase : A4196KCE).

newsid:436820

Assurances

[Brèves] Rappel dans le contrat d'assurance des causes ordinaires d'interruption de la prescription biennale

Réf. : Cass. civ. 2, 18 avril 2013, n° 12-19.519, FS-P+B (N° Lexbase : A4052KC3)

Lecture: 2 min

N6816BTM

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Le 25 Avril 2013

Il résulte de l'article R. 112-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L6794ITS) que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code (N° Lexbase : L0076AA3), et, en particulier, les causes ordinaires d'interruption ; l'assureur ne peut se contenter d'indiquer que la prescription est interrompue par les causes ordinaires d'interruption, sans les rappeler précisément ; tel est l'enseignement délivré par la Cour de cassation, dans un arrêt du 18 avril 2013 (Cass. civ. 2, 18 avril 2013, n° 12-19.519, FS-P+B N° Lexbase : A4052KC3). En l'espèce, un fonds de commerce avait subi successivement deux incendies. L'assureur du fonds avait réglé à l'assurée des sommes relatives à ces sinistres. A la suite de la résiliation du bail commercial en raison de l'impossibilité de reconstruction de l'immeuble dans lequel était exploité son fonds de commerce, l'assurée avait sollicité de l'assureur une indemnité complémentaire en raison de la perte d'exploitation et de valeur vénale du fonds ; elle avait alors assigné l'assureur en paiement de cette indemnité complémentaire. Pour confirmer l'irrecevabilité des demandes formées par l'assurée en raison de leur prescription, la cour d'appel avait relevé qu'il était indiqué à l'article 7.4 des conditions générales de la police multirisques professionnels souscrite par l'assurée, intitulé "Période au-delà de laquelle aucune demande n'est plus recevable", que : "toute action dérivant du présent contrat est prescrite par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance, dans les conditions déterminées par les articles L. 114-1 et L. 114-2 du code. La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription ainsi que par : la désignation d'un expert à la suite d'un sinistre, l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception par nous-mêmes en ce qui concerne le paiement de la cotisation et par vous-même en ce qui concerne le règlement de l'indemnité. La simple lettre n'interrompt pas la prescription", et que l'assureur avait donc reproduit l'énumération exhaustive des causes d'interruption de la prescription prévues à l'article L. 114-2 du Code des assurances, lequel ne liste pas les causes ordinaires d'interruption et ne procède à aucun renvoi sur ce point au Code civil (CA Rouen, 15 mars 2012, n° 11/00310, N° Lexbase : A9604IGS). Selon les juges d'appel, le contrat d'assurance énonçait clairement la cause ordinaire d'interruption de la prescription biennale résultant de la désignation d'expert à la suite d'un sinistre, en sorte que l'assurée ne pouvait soutenir que le délai biennal ne lui serait pas opposable en raison d'une lacune de la police à cet égard. A tort. L'arrêt est censuré par la Haute juridiction dès lors que le contrat ne précisait pas les causes ordinaires d'interruption de la prescription.

newsid:436816

Assurances

[Brèves] Réduction proportionnelle de l'indemnité d'assurance à raison des déclarations inexactes de l'assuré

Réf. : Cass. civ. 3, 17 avril 2013, n° 12-14.409, FS-P+B (N° Lexbase : A4004KCB)

Lecture: 2 min

N6818BTP

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Le 26 Avril 2013

Selon les dispositions spéciales impératives édictées par l'article L. 113-9 du Code des assurance (N° Lexbase : L0065AAN), l'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvais foi n'est pas établie n'entraîne pas la nullité du contrat ; dans le cas où la contestation n'a lieu qu'après le sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés. Si les parties ne se sont pas mises d'accord pour déterminer les primes qui auraient été dues si les risques avaient été exactement et complètement déclarés, il appartient au juge du fond de déterminer en fait le montant de ces primes et par voie de conséquence de fixer la réduction qui devait être apportée à l'indemnité à raison des déclarations inexactes de l'assuré ; telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 17 avril 2013 (Cass. civ. 3, 17 avril 2013, n° 12-14.409, FS-P+B N° Lexbase : A4004KCB). En l'espèce, une SCI et la société T., preneur à bail commercial avaient fait réaliser un immeuble et ses aménagements aux fins d'y établir un centre de tri ; une assurance dommages-ouvrage avait été souscrite auprès de la société M.. M. S., architecte et la société K. étaient intervenus en qualité de maîtres d'oeuvre ; une mission de contrôle technique avait été confiée à la société Q. ; la société E. avait été chargée du lot voirie et réseaux divers (VRD). Se plaignant, après réception, d'affaissements, de déformations et de faïençages de la voirie desservant le centre de tri, les maîtres d'ouvrage avaient, après expertise, assigné l'assureur dommages-ouvrage en réparation de leur préjudice matériel ; des appels en garantie avaient été formés. Pour rejeter la demande formée au titre de la réduction proportionnelle d'indemnité, la cour d'appel de Paris avait retenu que les calculs de l'assureur de la société E. étaient effectués à partir de bases déterminées postérieurement à la police et n'avaient jamais fait l'objet d'un accord entre les contractants de sorte qu'ils ne sauraient être opposables à l'assuré et que la demande de réduction proportionnelle ne reposait pas sur d'autres éléments opposables (CA Paris, Pôle 4, 5ème ch., 7 décembre 2011, n° 09/14816 N° Lexbase : A3810H4U). A tort. Selon la Haute juridiction, les parties ne s'étant pas mises d'accord pour déterminer le montant de la prime qui aurait été dû si le risque avait été exactement et complètement déclaré, il appartenait aux juges du fond de déterminer ce montant et de fixer souverainement la réduction qui devait être apportée à l'indemnité à raison des déclarations inexactes de l'assuré.

newsid:436818

Baux d'habitation

[Brèves] Loyer manifestement sous-évalué lors du renouvellement : incidence de la clause contenue dans l'acte de vente d'un logement occupé disposant que l'acquéreur s'oblige à appliquer les plafonnements des loyers résultant des normes PLI

Réf. : CA Versailles, 2 avril 2013, n° 12/02449 (N° Lexbase : A4449KBE)

Lecture: 2 min

N6769BTU

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Le 25 Avril 2013

Dans un arrêt rendu le 2 avril 2013, la cour d'appel de Versailles retient que la clause contenue dans l'acte de vente d'un logement occupé disposant que l'acquéreur s'oblige à appliquer les plafonnements des loyers résultant des normes PLI (prêt locatif intermédiaire), si elle peut valablement être invoquée par le locataire, ne fait pas obstacle à l'application des dispositions d'ordre public de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : L8461AGH) en cas de loyer manifestement sous-évalué, et n'empêche pas alors une réévaluation substantielle du loyer (CA Versailles, 2 avril 2013, n° 12/02449 N° Lexbase : A4449KBE). En l'espèce, lors du renouvellement du contrat de bail, l'acquéreur, et donc bailleur du logement, estimant le loyer manifestement sous-évalué, avait proposé un nouveau loyer ; la locataire ayant refusé la proposition, la commission départementale de conciliation avait été saisie du litige. Aucune conciliation n'ayant pu avoir lieu, le bailleur avait saisi le tribunal pour voir fixer les conditions du bail renouvelé. Devant la cour, le bailleur soutenait que la locataire ne pouvait se prévaloir de stipulations du contrat de vente auquel elle n'était pas partie, en vertu de l'effet relatif des contrats résultant des dispositions de l'article 1165 du Code civil (N° Lexbase : L1267ABK). Mais, selon les juges d'appel versaillais, la clause du contrat de vente passée entre le vendeur et l'acheteur du bien et prévoyant des modalités de calcul du loyer que l'acheteur s'engage à respecter constituait une stipulation pour autrui créant une obligation de l'acheteur vis-à-vis du locataire bénéficiaire. Il ne pouvait donc être fait état, en l'espèce, d'un effet relatif du contrat de vente ; ce contrat faisait loi pour les parties. Par ailleurs, l'acquéreur bailleur demandait que soit prononcé la nullité d'une clause d'un contrat qu'elle avait signé en 2003 au motif qu'il serait contraire aux dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 prise en son article 7c qui prévoit un dispositif de révision du loyer lors du renouvellement du contrat lorsque ce loyer est "manifestement sous-évalué". Mais, selon la cour, la clause de l'acte de vente concernant le plafonnement du loyer ne contrevient en rien à l'article 7c ; elle prévoit simplement un plafonnement qui n'empêcherait pas une réévaluation substantielle du loyer. Il y avait donc lieu de rejeter la demande du bailleur aux fins de juger que l'engagement qu'il avait pris dans l'acte de vente était nul et de nul effet. Il convenait alors de faire droit à la demande de réévaluation du loyer formée par le bailleur lors du renouvellement du bail, conformément aux dispositions de l'article 17c de la loi du 6 juillet 1989. Le loyer est réévalué de 476 euros par mois à 721 euros par mois.

newsid:436769

Consommation

[Jurisprudence] Un bien de consommation personnalisé ne peut être qu'un bien strictement adapté aux besoins d'un client individualisé

Réf. : Cass. civ. 1, 20 mars 2013, n° 12-15.052, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5790KAP)

Lecture: 8 min

N6784BTG

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par Malo Depincé, Maître de conférences HDR à la Faculté de droit de Montpellier, Directeur du Master II consommation et concurrence (MC2), Directeur adjoint de l'UMR 5815 Dynamiques du droit, Avocat au barreau de Montpellier

Le 25 Avril 2013

Un bien individualisé ne peut être considéré comme tel que si sa nature ou sa destination a été modifiée. Dès lors que ces conditions ne sont pas remplies, le consommateur peut parfaitement exercer son droit de rétractation sur ce bien de consommation qui lui a été vendu à distance. Telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 20 mars 2013. L'article L. 120-20 du Code de la consommation (N° Lexbase : L2522IBZ) énonce que "le consommateur dispose d'un délai de sept jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l'exception, le cas échéant, des frais de retour. Le consommateur peut déroger à ce délai au cas où il ne pourrait se déplacer et où simultanément il aurait besoin de faire appel à une prestation immédiate et nécessaire à ses conditions d'existence. Dans ce cas, il continuerait à exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités". Voilà une disposition particulièrement dérogatoire au droit commun, qui implique, pour simplifier, que si le contrat à distance engage le professionnel dès lors que les consentements ont été échangés, le consommateur n'est, quant à lui, engagé que pour autant qu'il ne se rétracte pas dans les sept jours (quatorze jours, rappelons-le à compter de la transposition en France de la Directive 2011/83 du 25 octobre 2011 N° Lexbase : L2807IRE, soit le 13 juin 2014 au plus tard). Le droit du consommateur est d'autant plus singulier qu'il n'a pas à justifier de sa rétractation.

Ce mécanisme a été institué par la loi française (lois n° 88-21 du 6 janvier 1988 N° Lexbase : L6708IWD et n° 89-421 du 23 juin 1989 N° Lexbase : L7752A8M) pour protéger le consommateur qui, contractant à distance, ne peut véritablement apprécier le caractère satisfaisant ou non du produit qu'il commande que lorsqu'il l'a entre les mains (mais le régime est bien plus protecteur, prévoyant au bénéfice du consommateurs d'autres droits tel qu'une information considérablement renforcée par rapport au droit commun de la consommation). Le droit de l'Union a harmonisé la matière sur l'ensemble du territoire des Etats membres, la dernière révision datant de 2011. Le droit de l'Union reconnaît cette même prérogative au consommateur que le droit interne lui avait accordé dès la fin des années 1980 : un pouvoir discrétionnaire de rétractation, dans un délai de sept jours entraînant la restitution de la chose contre la restitution du prix (le mécanisme est bien évidemment plus complexe dans le cas de prestations de services commandées à distance, C. consom., art. L. 121-20, al. 2 N° Lexbase : L1037HBZ), mais avec quelques exceptions dont celle qui a nécessité l'interprétation de la Cour de cassation dans l'arrêt ici commenté.

Le régime de la vente à distance peut être particulièrement contraignant pour un professionnel, essentiellement lorsque la valeur du bien proposé à la vente est élevée, et il peut être tentant dans de telles hypothèses de tenter d'y échapper. Sur ce point, seul l'article L. 121-20-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6447G9N) limite le champ d'application de ce droit discrétionnaire : "Le droit de rétractation ne peut être exercé, sauf si les parties en sont convenues autrement, pour les contrats : [...] 3° de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ou qui, du fait de leur nature, ne peuvent être réexpédiés ou sont susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement". Dans le cas d'espèce ici soumis aux juges de la première chambre civile de la Cour de cassation, un professionnel avait vendu par correspondance à des consommateurs des motocyclettes. Celles-ci avaient dû faire l'objet d'une immatriculation obtenue par le professionnel au bénéfice de son client consommateur qui s'était par la suite rétracté. Le vendeur avait pourtant refusé de récupérer les motocyclettes et d'en restituer le prix. Le consommateur a dû pour faire respecter ses droits assigner son cocontractant en restitution du prix. Celui-ci, à titre de défense, refusait de voir appliquer l'article L. 121-20 du Code de la consommation au motif, tiré des dispositions de l'article L. 121-20-2, que ces biens, des motocyclettes avec certificat d'immatriculation, auraient été "nettement personnalisés".

La question soumise à la Cour était dès lors un problème de qualification : la motocyclette pour laquelle le professionnel obtenait un certificat d'immatriculation doit-elle être considérée comme un bien "nettement personnalisé" ? Dans l'affirmative, le professionnel n'aura pas à restituer le prix. Dans la négative, le régime protecteur du consommateur s'appliquera et le prix devra être restitué par le professionnel.

C'est, à notre connaissance, le premier arrêt rendu par la Cour de cassation en la matière, et il est tout aussi difficile de trouver dans les décisions d'autres juridictions une illustration préalable à nos propos. La jurisprudence, malgré le peu de décisions rendues, semblerait néanmoins restrictive quant à la notion de bien personnalisé : ainsi une perruque n'est pas a priori un bien nettement personnalisé, ou à tout le moins dans cette précédente affaire le professionnel n'avait pas été en mesure de prouver le caractère personnalisé du produit (car la charge de la preuve de cette exception pèse effectivement sur le professionnel, CA Nancy, 30 novembre 2005, n° 05/00785 N° Lexbase : A4202KCM). Si une perruque n'est pas un bien nettement personnalisé, il y a peu de chances pour qu'une motocyclette se voie reconnaître cette qualité. C'est en tout cas ce qu'a jugé le juge de proximité saisi de cette affaire et dont la décision a fait l'objet du présent pourvoi. Selon le premier juge, le consommateur pouvait exercer son droit de rétractation et l'exception du bien nettement personnalisé ne trouvait pas à s'appliquer. Le pourvoi contre sa décision a été rejeté par la Cour de cassation : "ayant relevé que les motocyclettes vendues aux termes d'un contrat conclu à distance avaient uniquement fait l'objet d'une immatriculation qui n'avait pu modifier leur nature ou leur destination, la juridiction de proximité en a exactement déduit que les biens vendus n'étaient pas nettement personnalisés, de sorte que l'exclusion du droit de rétractation prévue par l'article L. 121-20-2 du Code de la consommation ne pouvait être opposée aux acquéreurs".

Ce droit de rétractation, pour quelques mois encore contraint dans un délai de sept jours à compter de la livraison du bien comme ici (lorsque le délai de sept jours expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant), ne peut être exercé pour certains contrats dont l'article L. 121-20-2 du Code de la consommation dresse une liste exhaustive (ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 N° Lexbase : L2527ATR, transposant, notamment, pour la matière qui nous intéresse ici, l'article 6, § 3, de la Directive 97/7/CE du 20 mai 1997, relative aux contrats négociés à distance N° Lexbase : L7888AUP)

Ces dérogations sont les suivantes : fourniture de services dont l'exécution a commencé, avec l'accord du consommateur, avant la fin du délai de sept jours francs ; fourniture de biens ou de services dont le prix est fonction de fluctuations des taux du marché financier ; fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés (ce qui serait notre cas d'espèce) ou qui, du fait de leur nature, ne peuvent être réexpédiés ou sont susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement ; fourniture d'enregistrements audio ou vidéo ou de logiciels informatiques lorsqu'ils ont été descellés par le consommateur (par exemple un DVD qui une fois acheté ne peut être retourné si le filme plastique qui l'emballe a été retiré) ; fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines ; service de paris ou de loteries autorisés. En de telles hypothèses, le consommateur perd son droit de rétractation et il ne pourrait imposer au professionnel de reprendre le bien que dans les conditions du droit commun de la consommation. Ainsi, alors que les articles L. 121-20 et suivants du Code de la consommation lui accordent un droit discrétionnaire en cas de vente à distance, le régime commun du code ne l'autorise à exiger la restitution du prix qu'en cas, exemple le plus fréquent, de défaut de conformité qu'il lui appartient d'ailleurs de prouver (encore qu'il ne pourra l'obtenir que si le remplacement n'est pas possible et si le défaut n'est pas mineur, C. consom., art. L. 211-8 et s. N° Lexbase : L9652G8Y). L'article L. 121-20 dispose, en outre, que si les parties en sont convenues, le droit de rétractation peut être maintenu (mais était-il utile de le préciser dans un système juridique où prévaut le principe de liberté contractuelle ?). Ce n'était pas le cas en l'espèce.

Dans l'arrêt ici commenté était donc invoqué le caractère nettement personnalisé du bien (C. consom., art. L. 121-20-2, 2°). L'exception se justifie aisément mais encore faut-il au professionnel prouver qu'il satisfait aux conditions de dérogation au régime institué par l'article L. 121-20. En opportunité, cette exception se justifie parfaitement. Le droit de rétractation a été institué au motif qu'il était peu préjudiciable au professionnel, à la fois parce que ce dernier peut faire supporter le surcoût du droit de rétractation à l'ensemble de ses clients et parce que, mais peut-être surtout, parce qu'il pourra trouver un autre consommateur à qui attribuer un bien dont le premier acquéreur n'a pas été satisfait. Cette exigence explique que, dans l'hypothèse où le bien ne pourrait être confié à un autre consommateur, le coût pour le professionnel serait disproportionné. Si, en effet, l'acheteur souhaite renoncer à l'acquisition, il n'est pas du tout certain dans cette hypothèse que le vendeur, tenu de récupérer le bien, trouvera alors un nouvel acquéreur, moins exigeant. Un bien nettement personnalisé, par définition, ne peut satisfaire que l'attente spécifique de celui qui l'a commandé.

Qu'en est-il alors de l'achat de motocyclettes qui auraient "fait l'objet au moment de la vente d'une immatriculation administrative au nom de l'acquéreur, le certificat d'immatriculation constituant un accessoire indispensable de la chose vendue" pour reprendre les arguments du pourvoi ? Selon l'argumentaire du vendeur, ces motocyclettes deviendraient du seul fait de cette immatriculation, "personnalisées". L'argument n'a été retenu ni par la juridiction de proximité, ni par la première chambre civile de la Cour de cassation. Il convient pour mieux comprendre la décision de rappeler ce qu'est un certificat d'immatriculation : une "carte grise", c'est-à-dire un document administratif autorisant la circulation du véhicule et permettant à son propriétaire ou à ses conducteurs alternatifs de circuler avec le véhicule. Plus encore, le certificat d'immatriculation a pour objet d'individualiser le véhicule à la fois pour des raisons fiscales (qui ne sont jamais à négliger) et d'autres de police judiciaire. Ceci étant, l'individualisation administrative n'est aucunement une personnalisation. La preuve en étant que tout au long de leur vie, les véhicules conservent entre les différents exemplaires les mêmes qualités, quand bien même changeraient-ils de certificat d'immatriculation. Seule une personnalisation, c'est-à-dire une singularisation ou une modification substantielle, peut justifier une dérogation au droit de rétractation du consommateur. Ainsi, le même véhicule peut faire l'objet de cessions successives, avec le cas échéant de nouveaux certificats d'immatriculation, sans que la substance du véhicule en soit modifiée. Or, seule l'hypothèse où le professionnel aurait à la demande du client procédé à la modification technique du véhicule (pour, par exemple, modifier sa cylindrée, sa couleur, retirer des pièces etc.) justifierait que le bien soit qualifié de bien "nettement personnalisé".

Dans la présente affaire donc, à défaut de toute individualisation, le professionnel était logiquement tenu de respecter l'ensemble des dispositions des articles L. 121-16 et suivants du Code de la consommation (N° Lexbase : L6441G9G). Il en résulte que cet acheteur qui exerce son droit de rétractation obtiendra en contrepartie de la restitution des motocyclettes, restitution du prix, le cas échéant diminué des seuls frais de réexpédition du produit au professionnel (C. consom., art. L. 121-20).

newsid:436784

Construction

[Evénement] La force majeure et ses implications sur la responsabilité et l'assurance - Compte-rendu de la réunion du 27 mars 2013 de la Commission de droit immobilier du barreau de Paris

Lecture: 16 min

N6815BTL

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par Anne-Lise Lonné-Clément, rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée

Le 25 Avril 2013

La sous-commission "Responsabilité Assurance Construction" de la Commission ouverte de droit immobilier du barreau de Paris tenait, le 28 mars 2013, sous la responsabilité de Michel Vauthier, avocat à la Cour, spécialiste en droit immobilier, une réunion consacrée à la force majeure et à ses implications sur la responsabilité et l'assurance en droit de la construction, à laquelle intervenaient François Pales et Jérôme Grandmaire, avocats à la Cour. Présentes à cette occasion, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de retrouver le compte-rendu de cette réunion. A titre introductif, Michel Vauthier s'est interrogé sur le sens "philosophique" de la force majeure, notion créée par le Code de 1804, qui constitue, selon lui, la traduction juridique des limites de l'Homme ; autrement dit, la force majeure désigne les cas dans lesquels la volonté humaine accepte d'être confrontée à certaines limites. Dans la société contemporaine dans laquelle tout doit être bordé et sécurisé, et dans laquelle l'être humain prétend détenir le pouvoir sur tout, n'acceptant aucune domination extérieure, il est intéressant de voir comment la notion de force majeure a aujourd'hui évolué.

Comme l'a rappelé Jérôme Grandmaire, la notion de force majeure est issue de l'article 1148 du Code civil (N° Lexbase : L1249ABU) qui évoque cette notion, mais sans en donner de définition ; la notion relève donc d'une construction jurisprudentielle. La finalité de la force majeure est d'exonérer une personne de l'obligation contractuelle à laquelle elle est tenue, par la résolution du contrat sans entraîner le versement de dommages et intérêts. La force majeure touche tous les domaines du droit, et peut faire l'objet d'appréciations différentes selon les juridictions.

Pour rappel, les critères classiques de la force majeure sont l'extériorité, l'imprévisibilité, et l'irrésistibilité. L'extériorité signifie que la force majeure doit être extérieure à la propre volonté du débiteur de l'obligation. Ensuite, pour permettre d'exonérer une partie de ses obligations, il faut bien entendu que l'événement en cause n'ait pu être prévisible ; l'imprévisibilité en matière de construction est évaluée souvent à l'aune des antécédents de ce qui a pu se passer. Quant à l'irrésistibilité, elle suppose que l'événement empêche réellement la personne de remplir ses obligations.

François Pales est revenu sur l'évolution intellectuelle ayant entouré la notion de la force majeure, aussi bien en doctrine qu'en jurisprudence.

En doctrine, une discussion s'est portée sur les deux critères de l'extériorité et de l'imprévisibilité. S'agissant de l'extériorité, certains auteurs ont pu estimer que ce critère n'était pas pertinent pour apprécier la force majeure dans la mesure où il ne permettait pas d'évaluer le comportement du sujet face à l'événement. En effet, il est apparu que des facteurs internes pouvaient être constitutifs de force majeure (par exemple, la maladie d'une personne physique) ; aujourd'hui, la jurisprudence ne retient plus ce critère de l'extériorité. Quant à l'imprévisibilité, certains avaient estimé que l'imprévisibilité devait davantage être considérée comme un indice et qu'il convenait plutôt de se demander si l'événement pouvait être évitable. Il ressort de la jurisprudence que le critère de l'imprévisibilité n'a effectivement jamais été déterminant pour l'appréciation de la force majeure. Souvent, les juges ont préféré se référer au seul critère d'irrésistibilité : en effet, un événement même prévisible peut constituer un cas de force majeure si sa prévision ne permet pas d'empêcher ses effets et si toutes les mesures nécessaires ont été prises. Cette conception plus souple de la force majeure permet de la retenir plus souvent. L'irrésistibilité a même pu faire l'objet d'une appréciation relative, par référence à un individu ordinaire.

La jurisprudence de la Cour de cassation est aujourd'hui unifiée depuis 2006, date à laquelle l'Assemblée plénière a décidé de mettre un terme à une divergence qui existait entre la première chambre civile (qui ne prenait en compte que le seul critère de l'irrésistibilité) et les deuxième et troisième chambres civile ainsi que la chambre sociale qui avaient une approche plus traditionnelle en exigeant le cumul des critères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité, cette divergence étant source d'insécurité juridique (Ass. plén., 14 avril 2006, n° 02-11.168 N° Lexbase : A2034DPZ) ; il en ressort que la force majeure totalement libératoire s'entend d'un événement non seulement irrésistible mais également imprévisible, et il en est ainsi tant en matière contractuelle qu'en matière délictuelle.

Si le critère de l'extériorité a disparu d'une manière générale, il n'en est pas ainsi dans le domaine de la construction où ce critère est toujours apprécié strictement.

Pour analyser les effets et les implications de la force majeure en droit de la construction, il convient de distinguer selon que l'on se situe avant ou après la réception de l'ouvrage.

1. Les implications de la force majeure avant la réception de l'ouvrage

Un cas de force majeure peut provoquer, d'une part, la destruction de l'ouvrage, et, d'autre part, entraîner des effets sur l'exécution des contrats.

1.1. La destruction de l'ouvrage

- Le risque pesant sur l'entreprise

Il résulte de l'article 1148 du Code civil que la force majeure entraîne la résolution du contrat et délie les parties de leurs obligations ; le contrat est censé ne jamais avoir existé.

En matière de contrat d'entreprise, il convient de raisonner différemment. En effet, il est considéré qu'avant la réception, l'entreprise est responsable et doit assumer toutes les conséquences d'une destruction résultant d'une force majeure ; les dépenses relatives à la reconstruction et à la remise en état de l'ouvrage lui incombent.

Trois dispositions du Code civil sont ici incontournables. L'article 1788 du Code civil (N° Lexbase : L1916ABL) prévoit le cas où un ouvrier fournit la matière : "Si, dans le cas où l'ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose". Les articles 1789 (N° Lexbase : L1917ABM) et 1790 (N° Lexbase : L1918ABN) évoquent, au contraire, le cas où l'ouvrier fournit seulement son industrie ; ainsi "dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute" ; et "si la chose vient à périr, quoique sans aucune faute de la part de l'ouvrier, avant que l'ouvrage ait été reçu et sans que le maître fût en demeure de le vérifier, l'ouvrier n'a point de salaire à réclamer, à moins que la chose n'ait péri par le vice de la matière".

Ces dispositions visent en particulier les contrats de maîtrise d'oeuvre. Si l'ouvrage vient à être détruit, il faut alors démontrer que le maître d'oeuvre a commis une faute.

Il faut savoir que les conditions de mise en oeuvre de l'article 1788 du Code civil sont strictement encadrées. C'est ainsi l'ouvrage lui-même qui doit être détruit. Aussi, par exemple, en cas de travaux sur existant, si c'est l'existant qui est détruit, il convient d'appliquer le droit commun. L'entreprise ne sera tenue responsable que si sa faute est rapportée.

Par ailleurs, un débat avait porté sur la question de la propriété des constructions. Une première opinion considérait que l'article 1788 pouvait recevoir application lorsque l'entrepreneur construit sur un terrain appartenant au maître d'ouvrage, dans la mesure où ce dernier devenait par accession propriétaire de la construction au fur et à mesure, de sorte que les risques devaient peser logiquement sur le propriétaire de l'ouvrage ; une seconde opinion reprochait à cette conception de méconnaître le fait que, dans les rapports entre maître d'ouvrage et entrepreneur, doit être pris en considération non pas le principe axé sur la propriété, mais certains principes régissant le contrat de louage d'ouvrage. Aujourd'hui, il est acquis que c'est à l'entreprise de supporter les risques jusqu'à la réception comme le prévoit l'article 1788 du Code civil.

Il faut savoir que si l'entreprise n'est pas propriétaire du chantier (la propriété de l'ouvrage étant transférée au maître d'ouvrage au fur et à mesure de la construction), elle en est gardienne, avant réception (cf. Cass. civ. 2, 21 mars 1974, n° 72-12.310 N° Lexbase : A3845CIA). Or, en tant que gardien du chantier, l'entrepreneur est ainsi tenu à une responsabilité de plein droit sans faute vis-à-vis des tiers en application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS) ; à ce titre, il est tenu de protéger les matériaux et l'ouvrage contre les risques qui peuvent survenir.

François Pales a évoqué quelques arrêts se prononçant sur des cas de force majeure survenus en cours de chantier :

- explosion criminelle (Cass. civ. 3, 19 février 1986, n° 83-17.052 N° Lexbase : A2719AAX) ;
- tornade (Cass. civ. 3, 21 juin 2005, n° 04-14.659, F-D N° Lexbase : A8198DIH ; retenant que l'entrepreneur ne pouvait être tenu à autre chose qu'au remboursement de l'ouvrage détruit) ;
- incendie (Cass. civ. 3, 25 novembre 2003, n° 02-17.748, F-D N° Lexbase : A3230DAU ; Cass. civ. 3, 26 janvier 2005, n° 03-17.173, FS-P+B N° Lexbase : A3021DGY).

A noter, qu'un incendie criminel ne constitue pas nécessairement un cas de force majeure (cf. Cass. civ. 3, 27 janvier 1993, n° 90-18.679 N° Lexbase : A8838C3Q ; Cass. civ. 3, 3 avril 2007, n° 06-12.681, F-D N° Lexbase : A9102DUN). Il faut alors que l'entreprise justifie avoir rempli toutes les obligations qui pesaient sur elle et avoir tout mis en oeuvre pour qu'un tel incident ne survienne pas (surveillance du chantier, etc.).

François Pales a, enfin, relevé un arrêt de la cour d'appel de Pau en date du 27 mai 2008, à propos d'un glissement de terrain (CA Pau, 27 mai 2008, n° 2325/08 N° Lexbase : A5813G7G), qui témoigne de la sévérité des juges en la matière, ayant considéré qu'il ne s'agissait pas d'un cas de force majeure dans la mesure où c'était le travail de l'entreprise qui avait été le fait déclenchant et déterminant du sinistre.

La force majeure est donc appréciée très strictement, d'autant plus que l'entreprise est gardienne du chantier et est tenue à une obligation de résultat ; c'est à elle de rapporter la preuve de cette force majeure, ce qui est très difficile à rapporter.

- L'assurance du risque de destruction de l'ouvrage

Il existe des polices d'assurance permettant aux entreprises qui subissent le risque de la destruction de l'ouvrage, d'en être garantie.

Tel est ainsi l'objet de la garantie "catastrophes naturelles", prévue à l'article L. 125-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L5579H9I) qui prévoit la garantie de dommages matériels dus à un événement naturel d'intensité anormale, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance, ou n'ont pu être prises.

Parallèlement à cette garantie spécifique, il existe plusieurs possibilités pour assurer un tel risque, notamment la police "Tous risques chantiers" (TRC), qui peut être souscrite par l'entreprise, mais également par le maître d'ouvrage ; la RC professionnelle, ou encore des garanties spécifiques qui sont des compléments à des polices "garantie responsabilité décennale" classiques, etc..

1.2. Les effets de la force majeure sur l'exécution des contrats

- L'incidence sur les délais d'exécution

Jérôme Grandmaire rappelle que le principe est celui de la liberté contractuelle. Dans certains cas, aucun délai n'est prévu ; il en résulte l'absence de sanctions en cas de retard du chantier.

Si la force majeure est exonératoire, la liberté contractuelle permet aux parties de préciser la définition qu'elles entendent retenir de la force majeure, ou d'une "cause légitime de suspension des travaux" complétée par une liste limitative de cas dans lesquels l'entreprise est exonérée de sa responsabilité.

Les contrats peuvent également prévoir des pénalités dues par le constructeur s'il ne respecte pas les délais.

En tout état de cause, ainsi que l'a rappelé la Cour de cassation le 22 février 2006, la force majeure ne peut exonérer le prestataire de l'obligation que pendant "le temps strictement requis pour effacer les effets de l'événement" (Cass. civ. 3, 22 février 2006, n° 05-12.032, FS-P+B+I N° Lexbase : A1446DNU).

Il faut savoir que c'est souvent le contrat qui détermine la volonté des parties quant à la définition des modalités d'administration de la preuve de la force majeure et de ses effets. La question de l'efficacité de ces clauses, qui pourraient élargir ou restreindre le champ de la définition de la force majeure par rapport aux critères jurisprudentiels de qualification, reste ouverte selon Jérôme Grandmaire.

La liberté contractuelle connaît cependant quelques limites. Certaines clauses peuvent être considérées comme abusives, au regard de l'article L. 132-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6710IMH), dès lors qu'elles conduiraient à un déséquilibre dans les relations entre professionnels et consommateurs ; il en est de même entre professionnels uniquement (C. com., art. L. 442-6 N° Lexbase : L8640IMX).

Dans le domaine des contrats de construction de maison individuelle (CCMI), qui sont rédigés par les constructeurs, le législateur prévoit certaines limites concernant notamment la délimitation des causes susceptibles d'exonérer les constructeurs de leur responsabilité ; sont ainsi interdites les clauses prévoyant de décharger le constructeur de son obligation d'exécuter les travaux dans les délais prévus par les contrats en cas de cause légitime de retard autre que les intempéries, les cas de force majeure ou les cas fortuits.

En matière de contrats d'entreprises, il faut savoir que c'est la norme AFNOR (article 10.3 prévoyant ce qui est considéré comme journées d'intempérie) qui est généralement prise en considération par les professionnels dans les CCAG des marchés de travaux, même si les CCAP peuvent prévoir des dispositions dérogatoires.

- L'incidence sur la rémunération des entreprises

La force majeure peut avoir une incidence sur la rémunération des entreprises dans la mesure où elle va bouleverser l'économie du contrat, sachant que, le plus souvent, les contrats sont conclus sous forme de marchés à forfait (C. civ., art. 1793 N° Lexbase : L1927ABY) ; l'entrepreneur s'engage alors sur le prix convenu de manière définitive ; il existe un tempérament en cas de bouleversement de l'économie du contrat, lorsqu'il y a une modification d'ampleur exceptionnelle des travaux d'origine, en quantité, voire en qualité.

Il s'agit là de la théorie des sujétions imprévues, issue du droit administratif. Cela peut résulter par exemple, de la découverte de vestiges sur le chantier, de difficultés techniques extérieures aux parties présentant un caractère exceptionnel.

L'article 9-1-2 de la norme AFNOR prévoit d'ailleurs la possibilité pour l'entreprise de demander un supplément de prix.

Là encore, le principe est celui de la liberté contractuelle ; les parties doivent donc être vigilantes sur les clauses relatives à la rémunération supplémentaire.

Si le principe est donc celui de la liberté contractuelle avant réception, il en va autrement après la réception des travaux, laquelle a pour effet de transférer le risque ; l'entreprise a donc tout intérêt à ce que soit prononcée la réception le plus rapidement possible.

2. Les implications de la force majeure après la réception des travaux

Comme le relève Jérôme Grandmaire, la force majeure exonératoire de la responsabilité des constructeurs présente de véritables spécificités après réception, dans la mesure où elle apparaît antinomique avec le droit de la responsabilité des constructeurs (garantie de parfait achèvement, qui est un régime de responsabilité purement objective ; garantie décennale reposant sur une présomption de responsabilité) qui procède de la volonté du législateur de protéger le maître d'ouvrage.

2.1. La garantie de parfait achèvement

La question s'est posée de savoir si, face à une garantie objective aussi forte la force majeure avait sa place.

Certains auteurs, se fondant sur la lettre de l'article 1792-6 du Code civil (N° Lexbase : L1926ABX), considéraient que la force majeure devait être totalement inopérante dans le cadre de la garantie de parfait achèvement qui prévoit une garantie purement objective.

Selon Jérôme Grandmaire, la jurisprudence n'a pas été amenée, à sa connaissance, à se prononcer véritablement sur cette question, mais la tendance jurisprudentielle est de considérer que la force majeure étant le droit commun, la garantie de parfait achèvement ne peut exclure la notion de force majeure.

2.2. La garantie décennale

Contrairement à la tendance générale des tribunaux conduisant à réduire les critères de la force majeure, en écartant notamment le critère de l'extériorité (dans l'arrêt précité du 14 avril 2006, l'Assemblée plénière évoque les seuls critères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité), la jurisprudence en matière de construction, et plus spécifiquement de la garantie décennale, redonne toute sa place au critère de l'extériorité de la force majeure.

En effet, la notion de "risque de développement", qui se trouverait dans des procédés ou des matériaux que mettrait en oeuvre le constructeur, n'est pas admise en droit de la construction, contrairement à d'autres domaines (cf. loi n° 98-389 du 19 mai 1998, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux N° Lexbase : L2448AXX). Est ainsi écarté l'argument tendant à soutenir que l'état de la science ne permettait pas de penser à l'époque où l'ouvrage a été réalisé que le matériau ou le procédé utilisé s'avérerait défectueux et que cela exonérerait de sa responsabilité qui s'est obligé. L'exclusion du critère de l'extériorité aurait dû conduire à ne pas exclure le risque de développement ; tel n'a pas été le choix de la jurisprudence.

Dans un arrêt de principe du 22 octobre 1980 (Cass. civ. 3, 22 octobre 1980, n° 78-40.830 N° Lexbase : A6070CIN), la troisième chambre civile de la Cour de cassation a considéré que "le seul fait qu'une technique ait été courante et considérée comme valable au regard des documents techniques unifiés à l'époque où elle a été employée pour l'édification d'un ouvrage ne constitue pas une cause exonératoire de responsabilité" ; c'est donc implicitement le critère de l'extériorité qui est ici retenu par les juges.

Cette position peut être critiquable, selon Jérôme Grandmaire, si l'on considère le cas des produits verriers défectueux, qui entrent parfaitement dans la définition des produits défectueux (cf. C. civ., art. 1386-1 et s. N° Lexbase : L1494ABX, et en particulier art. 1386-11 N° Lexbase : L1504ABC), et pour lesquels le producteur peut voir sa responsabilité écartée en cas de risque de développement ; il en résulte une différence de traitement avec le constructeur qui lui ne peut être exonéré.

Si le risque de développement est refusé par la jurisprudence, il existe toutefois certaines limites, sur l'engagement de la responsabilité du constructeur.

Ainsi, dans le cas d'un constructeur qui était intervenu sur l'étanchéité d'une façade et alors que s'était produit une réaction chimique entre le produit appliqué et le produit déjà en place, la Cour de cassation a considéré que le déclenchement de la réaction chimique n'était pas lié au produit appliqué par l'intervenant, mais au produit existant déjà en place, et qu'ainsi dans ce cas, le constructeur pouvait faire valoir une cause étrangère exonératoire de sa responsabilité (Cass. civ. 3, 26 février 2003, n° 01-16.441, FS-P+B N° Lexbase : A2901A7L).

On peut en déduire, selon l'intervenant, que la Cour de cassation admet le risque de développement s'il est justifié d'un critère d'extériorité.

Dans le même sens, Jérôme Grandmaire s'interroge sur la possibilité de faire valoir un risque de développement dans le cas d'une circulaire administrative imposant un certain produit pour le traitement des canalisations, alors qu'il s'avère que le produit préconisé réagit avec la matière des canalisations, conduisant à la perforation des canalisations.

S'agissant des critères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité, là encore, la Cour de cassation fait preuve d'une sévérité accrue vis-à-vis des constructeurs.

Concernant les événements de catastrophes naturelles, les décisions prenant en considération la sécheresse sont assez limitées, du fait de la prise en compte d'antécédents. Il convient de signaler un arrêt du 7 juillet 1998 (Cass. civ. 1, 7 juillet 1998, n° 96-15.356 N° Lexbase : A2765CP4), dans lequel la Cour de cassation relève, d'une part, que l'arrêté de catastrophe naturelle visait une sécheresse sur une période particulièrement longue et donc un événement particulièrement exceptionnel, et d'autre part, qu'aucune précaution, notamment quant au choix des semelles de l'immeuble n'aurait pu suffire à éviter les graves dommages survenus du fait de cette sécheresse exceptionnelle.

Sur le critère de l'absence de précaution pouvant être prise, Jérôme Grandmaire relève qu'en matière de construction, compte tenu des techniques existantes à l'heure actuelle, il faut savoir que des précautions sont toujours techniquement possibles, et que la question doit se poser au regard d'un critère financier, à savoir le coût pouvant raisonnablement être admis.

A noter un autre arrêt en date du 28 novembre 2001, où la Cour de cassation a retenu la notion de "désordre susceptible d'avoir été prévenu par une conception adaptée de l'ouvrage" (Cass. civ. 3, 28 novembre 2001, n° 00-14.320, FS-P+B N° Lexbase : A2682AXM). Là encore, doit se poser la question du coût de la conception adaptée.

Aussi, les cas dans lesquels la Cour de cassation admet la force majeure en matière de responsabilité restent véritablement exceptionnels :

- s'agissant de vents forts (Cass. civ. 3, 11 mai 1994, n° 92-16.201 N° Lexbase : A7074ABM) : "le sinistre, survenu à une période durant laquelle la vitesse du vent avait dépassé dans la région considérée les valeurs extrêmes définies par le document technique unifié applicable, s'était traduit, dans un premier temps, par l'arrachement de la couverture et des bardages, provoqué par la violence du vent, puis par un effondrement de la structure et que, du fait de la rupture intégrale de la couverture, les contreventements vertical et longitudinal, aussi solides qu'ils aient pu être, n'avaient pas permis à la structure de résister" ; force est de constater les multiples précautions prises par la Cour de cassation lorsqu'elle veut bien admettre la force majeure ;

- s'agissant de tempête de neige (Cass. civ. 3, 7 mars 1979, n° 77-15153 N° Lexbase : A4390CGP) : "les normes NV 65 avaient été respectées, que si les pannes ne répondaient pas aux recommandations figurant en annexe au document NV 65, ces dernières n'étaient présentées qu'à titre indicatif sans constituer des règles précises et obligatoires, que leur stricte observation n'eût pas évité l'effondrement de l'ouvrage sous le poids de la neige,'les surcharges sur certaines pannes ayant dépassé de 30 à 100 % les prévisions les plus pessimistes et de 100 à 200 % les excédents proprement réglementaires' ; que l'arrêt ajoute que le dommage devait être attribué à des phénomènes météorologiques aux dimensions d'une véritable calamité dont l'ONM n'avait jamais enregistré l'équivalent en ses archives".

- s'agissant d'une tempête de grêle (Cass. civ. 3, 21 juin 2000, n° 98-21.705 N° Lexbase : A1808CYM), la Cour de cassation a pu écarter la force majeure alors même que la grêle avait perforé les plaques de couverture en plusieurs endroits.

Force est de constater l'extrême sévérité de la Cour de cassation face aux critères de mise en oeuvre de la force majeure.

newsid:436815

Couple - Mariage

[Brèves] Caractérisation d'un mariage putatif à l'occasion d'un litige portant sur la répartition du prix de vente d'un immeuble acquis en indivision avant le mariage

Réf. : CA Rouen, 20 mars 2013, n° 12/02809 (N° Lexbase : A6652KAM)

Lecture: 1 min

N6777BT8

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Le 25 Avril 2013

Dans un arrêt du 20 mars 2013, la cour d'appel de Rouen apporte plusieurs précisions intéressantes en matière de mariage putatif (CA Rouen, 20 mars 2013, n° 12/02809 N° Lexbase : A6652KAM). Elle retient, tout d'abord, qu'alors même que ni le jugement, ni l'arrêt confirmatif en vertu desquels le mariage des époux a été annulé, ne se sont prononcés sur son caractère putatif, cela n'empêche pas que ce caractère soit retenu par une décision ultérieure, à l'occasion, par exemple, comme en l'espèce, d'un litige sur la répartition du prix de vente d'un immeuble acquis en indivision avant le mariage. S'agissant de l'admission du caractère putatif, les juges relèvent que, en l'espèce, le mariage avait été annulé dans la mesure où il avait été constaté, chez l'épouse, des troubles de santé psychique dans les semaines qui avaient précédé et suivi la célébration de celui-ci qui l'avaient empêchée d'apprécier la portée de ses engagements et l'époux avait été condamné à lui verser, en raison de ses agissements fautifs dans le but d'obtenir le mariage, la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral. Ainsi, selon la cour d'appel, l'épouse pouvait effectivement invoquer le bénéfice du mariage putatif. Il s'ensuit qu'elle pouvait se prévaloir de la contribution aux charges du mariage, telle qu'elle est fixée par l'article 214 du Code civil (N° Lexbase : L2382ABT). S'agissant alors de l'appréciation de la participation de chaque époux dans l'acquisition du bien indivis, après avoir considéré que les revenus des époux étaient à peu près équivalents et que chacun des époux devait donc contribuer, de façon équivalente, aux charges du mariage, les juges estiment, que sur la somme versée par le mari à son épouse entre juillet 2003 et mai 2005, la moitié avait constitué sa contribution aux charges du mariage et l'autre moitié sa participation au remboursement du prêt immobilier.

newsid:436777

Divorce

[Brèves] Eléments probatoires admis dans le cadre d'une procédure de divorce

Réf. : CA Paris, Pôle 3, 4ème ch., 21 mars 2013, n° 11/19078 (N° Lexbase : A7404KAH)

Lecture: 2 min

N6822BTT

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Le 27 Avril 2013

L'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, le 21 mars 2013, fournit un certain nombre de précisions intéressantes s'agissant, notamment, des éléments probatoires admis dans le cadre d'une procédure de divorce (CA Paris, Pôle 3, 4ème ch., 21 mars 2013, n° 11/19078 N° Lexbase : A7404KAH). Il ressort ainsi de cette décision que l'extrait du carnet intime de sa fille, âgée de 11 ans, produit par le père sans l'assentiment de l'enfant, constitue incontestablement une violation de la vie personnelle de l'enfant et doit, à ce titre, être écarté des débats. En revanche, il n'y a pas lieu d'exclure des débats l'attestation de la jeune fille au pair engagée par l'épouse ; en effet, le mari, qui ne justifie nullement avoir déposé plainte pour faux témoignage, n'explique pas en quoi ce témoignage serait contraire à la vérité et le seul fait que son auteur ait été rétribué par la femme ne suffit pas en soi à démontrer qu'il n'est pas sincère dans ses propos ; il convient en revanche d'en rectifier sa traduction en français, une expression anglaise ayant été traduite de manière erronée. S'agissant de l'échange de courriels très personnels entre l'épouse et un ami, produit par le mari, cette pièce est écartée des débats. Il résulte, en effet, des explications de l'épouse que ce dernier a détourné cette correspondance intime de sa messagerie internet. Cette pièce, produite sans l'accord de la femme, résulte d'une violation certaine de l'intimité de sa vie privée. Enfin, sur la demande d'examen médico-psychologique, la cour rappelle que si le juge peut ordonner des mesures d'expertises ou d'enquêtes sociales, de telles mesures ne sauraient se justifier dans le seul but de suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve des allégations soutenues ou de faire retarder une décision judiciaire ou encore de réclamer l'avis d'un tiers sur le litige qui oppose les parties ; elle relève alors que le mal-être des enfants, inhérent à toute procédure conflictuelle de divorce, ne saurait, à lui seul, justifier une expertise médico-psychologique. En effet, la cause du mal-être des enfants est rarement une résultante du comportement d'un seul des parents et doit être résolu, non par une mesure d'investigation destinée à éclairer la cour, mais par une prise en charge adaptée aux circonstances et à l'enfant et par un comportement plus raisonnable et compassionnel des parents. La cour estime alors qu'elle dispose, à la suite des écritures des parties et des pièces produites, des éléments suffisants pour statuer, au regard de l'intérêt des enfants, sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale et notamment sur le lieu de résidence sans, au préalable, ordonner une mesure d'examen médico-psychologique.

newsid:436822

Droit rural

[Jurisprudence] Cessation de l'indivisibilité du bail et notion de reprise partielle : les solutions rappelées par la Cour de cassation

Réf. : Cass. civ. 3, 10 avril 2013, n° 12-14.837, FS-P+B (N° Lexbase : A0829KCP)

Lecture: 6 min

N6814BTK

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR à la Faculté de Droit de Nancy (Université de Lorraine, Institut François Gény, EA 1138, Nancy), Présidente de l'AFDR Section Lorraine

Le 25 Avril 2013

L'indivisibilité du bail cesse à son expiration. Telle est la solution prononcée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 10 avril 2013. Bien qu'ayant les honneurs de la publication au bulletin des arrêts, celle-ci n'est pas nouvelle (1). Elle permet toutefois de faire le point sur l'indivisibilité du bail rural. Les faits sont simples. Par acte du 1er octobre 1993, un couple de propriétaires a donné à bail à un couple de preneurs diverses parcelles d'une superficie totale de 25 hectares environ pour une durée de 18 ans, du 29 septembre 1993 au 29 septembre 2011. Le 20 juin 2009, les bailleurs ont consenti à leurs fils la donation de la nue-propriété d'une partie des parcelles louées, pour une superficie d'un peu plus de 16 hectares. Ce dernier est devenu propriétaire à la suite d'un acte de renonciation à l'usufruit. Ainsi à compter de cette date, il y a juridiquement deux bailleurs différents, les parents, d'une part, pour un peu moins de 9 hectares, et le fils, d'autre part, pour les 16 hectares objet de la donation. Par acte du 8 mars 2010, le fils a donné congé aux preneurs aux fins de reprise des parcelles en vue d'exploiter personnellement certaines d'entre elles, pour le 29 septembre 2011. Les preneurs ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une demande de nullité du congé. Leur demande ayant été rejetée, ils ont interjeté appel. Par décision du 1er décembre 2011, la cour d'appel de Rennes (2), considère que le bail de 18 ans ne s'étant pas renouvelé, il n'était pas possible pour le fils bailleur de pourvoir exercer son droit de reprise en application de l'article L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L0865HPQ). Par ailleurs, la cour d'appel a également retenu que la reprise des parcelles litigieuses mettrait en cause la survie du GAEC (3) exploitant les terres louées, et qu'en raison de la forte pression foncière existant dans les communes où sont situées ces dernières, il serait difficile pour les preneurs de retrouver des terres à proximité du GAEC, conformément à l'article L. 411-62 du code précité. Ce second point sera abordé dans le pourvoi rédigé par le bailleur, mais n'est pas au coeur de l'arrêt rendu le 19 avril 2013. Par conséquent, il ne sera pas évoqué davantage dans les présentes observations. Critiquant plus spécialement la cour d'appel qui lui avait refusé le droit de pouvoir donner congé aux preneurs, le bailleur rappelle que la reprise est totale pour le preneur lorsque le bailleur reprend l'ensemble des biens donnés à bail, même si cette opération constitue, pour le preneur, une reprise partielle (II). En outre, l'indivisibilité du bail cessant à son expiration, il pouvait valablement donner congé aux preneurs. Sur le visa des articles L. 411-62 (N° Lexbase : L5738IMH) et L 411-58 du Code rural et de la pêche maritime, la Cour de cassation censure les juges du fond pour violation de la loi, le bailleur ayant donné congé pour la totalité des terres données à bail dont il était devenu propriétaire avant la date d'effet du congé (I).

I - L'indivisibilité du bail rural

Afin de ne pas subir la reprise des terres qu'ils exploitent, les preneurs invoquent souvent l'indivisibilité du bail rural lorsque la propriété des parcelles est morcelée. Malheureusement, ils n'obtiennent que très rarement gain de cause en justice, en raison du caractère très limité du champ d'application de la règle d'origine prétorienne de l'indivisibilité du bail.

L'indivisibilité est définie par le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu comme "l'état de ce qui ne peut être divisé sous un rapport donné (spécialement de ce qui ne peut être admis ou fourni en partie) et qui doit être considéré ou payé globalement comme un tout même (s'il s'agit d'une dette) par les héritiers du débiteur" (4). Ainsi, la notion d'indivisibilité est particulièrement imprécise, ce qui explique pourquoi certains auteurs de la doctrine classique ont mis en garde contre les effets d'usage abusif. Boulanger écrivait que "le terme d'indivisibilité ne se charge de signification juridique que s'il s'applique à un objet qui est matière de droit. C'est là précisément le secret de sa réussite : il est pour le juriste en état de disponibilité constante" (5). De même, Carbonnier ajoute que "l'indivisibilité se présente aisément à l'esprit, mais c'est user du mot par impression plutôt que techniquement" (6). Tout ceci démontre bien la nécessité de manipuler la notion d'indivisibilité avec parcimonie. Pour autant, elle est utilisée tant en droit public (7) qu'en droit privé (8).

Dans le cadre de la présente affaire, il s'agit plus spécialement de l'indivisibilité d'une obligation, consacrée par le Code civil aux articles 1217 (N° Lexbase : L1319ABH) à 1225. Ces derniers visent un domaine bien précis, celui des obligations plurales par leurs sujets. Dans cette hypothèse, en principe, on considère que l'obligation est conjointe, c'est-à-dire que la dette ou la créance se partage en autant de fractions qu'il y a de débiteurs ou de créanciers. Cette division n'aura pas lieu si l'obligation est indivisible. L'obligation indivisible est donc celle qui ne peut être exécutée que globalement : elle interdit alors à toute exécution fractionnée, permettant ainsi à chaque créancier d'obtenir de chaque débiteur l'intégralité de la prestation due (9). Plus spécialement, c'est l'impossibilité juridique d'exécution partielle du bail rural qui justifie l'existence d'une obligation indivisible, qu'il y ait plusieurs preneurs (10) ou plusieurs bailleurs (11), comme dans la présente affaire. En effet, à la suite de la donation-partage et de la renonciation à l'usufruit, le fils a recueilli la pleine propriété des terres objet de la donation réalisée à son profit par ses parents. Ainsi, lors de la conclusion du bail, seul le couple parental était bailleur ; à la suite de cette opération patrimoniale, il y avait deux bailleurs, les parents et le fils.

Ainsi, en application de cette règle, les preneurs jouissent de la totalité des biens loués jusqu'à l'expiration du bail, paralysant la mise en oeuvre par un bailleur seulement des droits dont il dispose en vertu du statut du fermage. Il en va ainsi de la modification du loyer (12) tout comme de l'exercice du droit de reprise (13), et ce, tant que l'indivisibilité du bail subsiste. Ceci explique pourquoi, la détermination de la date de la fin de l'indivisibilité du bail est importante en pratique, comme le démontre la présente affaire. En effet, soit l'indivisibilité subsiste, dans ce cas, le fils ne peut exercer son droit de reprise qu'il détient conformément à l'article L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime (14), soit celle-ci a cessé, et sa demande peut prospérer.

En l'occurrence, le fils a donné congé aux preneurs pour la date d'expiration du bail. Afin de s'opposer à cette demande, ces derniers prétendent que le bail n'ayant pas été renouvelé, l'indivisibilité du bail initial subsiste. Toutefois, comme l'avait à juste titre rappelé la cour d'appel, l'indivisibilité du bail cesse à son expiration. De plus, afin apprécier la validité du congé pour reprise, il convient de se placer à la date d'effet du congé, et non à la date de sa délivrance. Ainsi, le bailleur a délivré congé le 8 mars 2010 à effet du 29 septembre, soit à la date initialement prévue d'expiration du bail de 18 ans. Ainsi, le congé était délivré pour la date d'expiration du bail conformément à la solution formulée en jurisprudence (15). N'ayant pas appliqué cette solution, la censure prononcée était prévisible et conforme au régime juridique d'origine prétorienne de l'indivisibilité du bail rural (16).

Par ailleurs, afin de paralyser la reprise du bailleur, les preneurs ont prétendu que la reprise litigieuse était une reprise partielle de nature à porter atteinte gravement à l'équilibre économique de l'ensemble de leur exploitation.

II - La qualification de la reprise du bailleur

En effet, le droit de reprise du bailleur évoqué à l'article L. 411-58 du Code rural et de la pêche maritime peut être limité ou remis en cause, en cas de reprise partielle du bien loué et lorsque cette opération met en péril l'équilibre économique de l'exploitation des preneurs, selon l'article L. 411-62 du même code. Afin de faire prospérer leur argumentation, et obtenir gain de cause, les preneurs, à l'appui de leur demande, ont joint un rapport établi par un organisme d'expertise comptable, démontrant les conséquences économiques et financières de la reprise des terres appartenant au fils, bailleur.

Or, il ne faut confondre reprise partielle et reprise d'une partie des biens loués : tout est relatif et dépend de la partie au contrat concernée afin d'éviter les confusions. En effet, la reprise "d'une partie des biens" loués au sens de l'article L. 411-62, alinéa premier, précité est une reprise d'une partie seulement des parcelles données en location dans le cadre d'un même contrat par le bailleur. Or, telle n'est pas la situation dans la présente affaire, car le bailleur souhaitait exercer son droit de reprise sur la totalité des terres louées, en vue d'en exploiter personnellement seulement une partie. Juridiquement la situation est différente. En effet, la Cour de cassation a eu l'opportunité (17) de préciser la notion de reprise partielle de l'article L 411-62 précité. Ainsi, la reprise est totale lorsque le bailleur reprend la totalité des parcelles louées, même si cela constitue pour le preneur, une reprise d'une partie seulement des terres qu'il exploite, ce qui correspond à la situation évoquée lors de l'arrêt du 10 avril 2013. Par conséquent, les preneurs ne peuvent invoquer cette disposition légale pour critiquer le congé délivré par le bailleur, pour exercer son droit de reprise en vue d'exploiter personnellement.

Au final, les arguments des preneurs ne sont pas juridiquement fondés, le bailleur pourra ainsi reprendre les terres louées, sous réserve de la validation du congé par la cour de renvoi.


(1) Cass. civ. 3, 19 octobre 1983, n° 82-13.338 (N° Lexbase : A1798CIG), Bull. civ. III, n° 191.
(2) CA Rennes, 1er décembre 2011, n° 11/02546 ([LXB=A305H3G]).
(3) Groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), société civile à objet agricole régie par les articles L. 323-1 et s. du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L3826AEG).
(4) Vocabulaire Juridique, PUF, 2004.
(5) J. Boulanger, Usage et abus de la notion d'indivisibilité des actes juridiques, RTDCiv., 1950, p. 1, n° 1.
(6) J. Carbonnier, Droit civil, vol. II, Les biens, les obligations : PUF, coll. Quadrige, 2004, n° 1026.
(7) J.-P. Payre, Recherches sur la notion d'indivisibilité du contrat administratif, Mél. Montané de la Roque, 1986, t. 1, p. 505. M. Staub, L'indivisibilité en droit administratif, LGDJ, 1999, t. 197.
(8) En droit privé, les manifestations de l'indivisibilité sont tout aussi nombreuses, cf. C. Tirvaudey-Bourdin, L'indivisibilité en droit privé, Thèse Dijon, 2003. Pour cette raison, un auteur a considéré que l'indivisibilité était une "sorte d'institution caméléon" (S. Pellé, La notion d'interdépendance contractuelle, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque des thèses, 2007, Préf. J. Foyer et M.-L. Demeester, n° 90).
(9) J-Cl. Civil Code, Art. 1217 à 1225, Fasc. Unique, Contrats et obligations, Indivisibilité, par J.-B. Seube, spé. n° 5.
(10) Ch. Dupeyron, J.-P. Théron et J.-J. Barbiéri, Droit agraire, vol. 1 : Economica, 1985, n° 248 ; CA Paris, 23 septembre 1987, D., 1987, inf. rap. p. 217.
(11) Ch. Dupeyron et alli., op. cit., n° 662 ; Cass. soc., 23 juin 1960, n° 57-12.839 (N° Lexbase : A5207KCT), Bull. civ. V, n° 685 ; Cass. civ. 3, 3 juillet 1974, n° 73-11.008 (N° Lexbase : A8979CEB), Bull. civ. III, 1974, n° 290 ; Cass. civ. 3, 4 décembre 1979, n° 78-13.615 (N° Lexbase : A5208KCU), Bull. civ. III, 1979, n° 217 ; Cass. civ. 3, 19 octobre 1983, n° 82-13.338 (N° Lexbase : A1798CIG), Bull. civ. III, 1983, n° 191.
(12) Cass. civ. 3, 4 décembre 1979, préc..
(13) Cass. civ. 3, 19 octobre 1983, préc..
(14) Cass. civ. 3, 22 mai 2012, n° 11-17.184, F-D (N° Lexbase : A0713IMD), RD rur., 2012, comm. 67, note S. Crevel.
(15) Cass. civ. 3, 4 décembre 1979, et Cass. civ. 3, 19 octobre 1983, préc.. ; Cass civ. 3, 1er octobre 2008, n° 07-17.959 (N° Lexbase : A5939EA9), Bull civ. III, n° 142, RD rur., 2008, comm. 368, note S. Crevel, Rev. Loyers, 2008, p. 557, note B. Peignot ; Cass. civ. 3, 18 février 2009, n° 08-14.160, FS-P+B (N° Lexbase : A4041EDZ), Rev. loyers 2009, p. 234, note B. Peignot, AJDI, 2009, p. 638, obs. S. Prigent.
(16) Cette solution s'applique également en matière de bail d'habitation et en bail commercial, cf. J.-B. Seube précité, spéc. n° 69.
(17) Cass. civ. 3, 30 novembre 1988, n° 87-11.549 (N° Lexbase : A2709AHS), Bull. civ. III, n° 170.
(18) Cass. civ. 3, 12 décembre 1972, n° 71-14.349 (N° Lexbase : A2304CHS), Bull. civ. III, n° 671.

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Filiation

[Jurisprudence] L'homme qui ne voulait pas être père

Réf. : Cass. QPC, 28 mars 2013, n° 13-40.001, FS-D (N° Lexbase : A3975KBT)

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP

Le 23 Mai 2013

La décision de la Cour de cassation du 28 mars 2013 s'inscrit dans le débat soulevé, notamment dans la presse grand public, de la paternité imposée à des hommes qui n'en voulaient pas (1). Selon un article publié dans le Figaro le 28 janvier 2013, "les cabinets d'avocats regorgent d'histoires où des hommes, riches le plus souvent, se voient présenter 'l'addition' d'une idylle passagère : un enfant, dont le géniteur sera 'condamné' à assumer la paternité et à en supporter toutes les conséquences". L'un d'entre eux n'a pas hésité à soulever devant la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité pour s'opposer à l'action en recherche de paternité intentée contre lui par la mère de l'enfant, vraisemblablement né d'une relation éphémère, et non désirée par le défendeur. Il s'agissait de savoir si "l'article 327 du Code civil (N° Lexbase : L8829G9U) instituant l'action en recherche judiciaire de paternité hors mariage, en ce qu'il empêche tout homme géniteur de se soustraire à l'établissement d'une filiation non désirée, est[-il] contraire à la Constitution, ensemble les articles 1 et 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, l'article 3 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et I'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 ?"

Après avoir constaté que la disposition contestée était applicable au litige, qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, et que la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'était pas nouvelle, la Cour de cassation centre sa réponse sur le caractère sérieux de la QPC. Elle considère que "la question posée ne présente pas de caractère sérieux au regard du principe d'égalité entre les hommes et les femmes, dès lors que la maternité hors mariage est susceptible d'être judiciairement déclarée, comme la paternité hors mariage et dans les mêmes conditions procédurales, y compris en cas d'accouchement dans le secret, lequel ne constitue plus une fin de non-recevoir à l'action en recherche de maternité, ensuite, que ni la question elle-même, ni le mémoire qui la soutient, n'exposent en quoi le texte critiqué méconnaîtrait les principes fondés sur les dispositions de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen".

Ainsi, selon la Cour de cassation la paternité imposée ne constitue ni une atteinte à l'égalité (I), ni une atteinte à la liberté (II).

I - L'absence d'atteinte à l'égalité

Egalité homme-femme. Selon l'auteur de la QPC, l'action en recherche de paternité de l'article 327 du Code civil plaçait l'homme, le "géniteur", dans une situation défavorable par rapport à la femme, dans la mesure où il ne disposait d'aucun moyen pour se soustraire à l'établissement de la filiation de l'enfant à son égard, alors que cette dernière pouvait bénéficier du régime de l'accouchement dans le secret de l'article 326 du Code civil (N° Lexbase : L8828G9T).

Fin de non-recevoir liée à l'accouchement dans le secret. La Cour de cassation écarte cet argument de l'égalité homme-femme en se fondant sur la suppression par la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009 (N° Lexbase : L5763ICG), ratifiant l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, portant réforme de la filiation (N° Lexbase : L8392G9P) et modifiant ou abrogeant diverses dispositions relatives à la filiation, de la fin de non-recevoir liée à l'accouchement sous X. Avant la loi du 16 janvier 2009 en effet (2), l'accouchement sous X constituait une fin de non-recevoir à l'établissement de la filiation maternelle dans les rares hypothèses dans lesquelles l'enfant parvenait à connaître l'identité de sa mère et ne bénéficiait pas d'une autre filiation, adoptive. Cette suppression avait déjà été justifiée par la volonté de faire disparaitre une inégalité entre le père -qui ne pouvait échapper à une recherche de paternité- et la mère, soit-disant susceptible de conduire à une condamnation de la France devant la Cour européenne des droits de l'Homme (3). Avec la suppression de la fin de non-recevoir tirée de l'accouchement sous X, le père et la mère biologique de l'enfant se retrouveraient selon la Cour de cassation à égalité, l'un et l'autre ne pouvant échapper à l'établissement judiciaire de la filiation. Ce raisonnement paraît cependant discutable à divers titres.

Absence de situations identiques. Dès l'entrée en vigueur de la loi du 16 janvier 2009, l'argument de l'égalité homme-femme qui aurait nécessité la suppression de la fin de non-recevoir liée à l'accouchement sous X, a été critiqué (4). Il se heurtait, en effet, à la différence de situation dans laquelle sont placés le père et la mère après la conception de l'enfant (5), le premier n'étant, physiquement et psychologiquement, aucunement affecté par celle-ci, alors que la seconde doit assumer la grossesse et l'accouchement. La possibilité pour la mère d'accoucher dans le secret est justifiée par la nécessité de préserver sa santé et celle de l'enfant, et la fin de non-recevoir établie en 1993 participait du dispositif. La Cour européenne, qui a admis en 2008 (6) la compatibilité avec l'article 8 de la Convention (N° Lexbase : L4798AQR) des conditions de l'accouchement sous X, notamment quant à l'information de la mère et au délai de rétractation dont elle dispose, pourrait considérer que la fin de non-recevoir à l'action en recherche de maternité, participe de l'équilibre de l'accouchement sous X.

Egalité uniquement juridique. Par ailleurs, même si l'action en maternité ne peut plus, juridiquement, être empêchée par une fin de non-recevoir, l'accouchement sous X permet incontestablement, de fait, à la mère de se soustraire à une action en recherche de maternité puisque l'enfant ignorera, en principe, son identité. Par hypothèse, le père ne peut cacher la sienne dans la mesure où la mère la connaît. Toutefois, si la mère décide de recourir à l'accouchement sous X, l'identité du père de l'enfant ne sera pas dévoilée à ce dernier. On peut donc considérer qu'en réalité, le père génétique "profite" du secret demandé par la mère. Deux situations sont en réalité envisageables : ou bien la mère décide de ne pas assumer sa maternité et le père n'aura pas non plus à assumer la sienne ; ou bien la mère décide d'assumer sa maternité et le père ne pourra pas refuser la sienne. Or, dans les hypothèses qui nous occupent, la question de l'accouchement sous X ne se pose en réalité pas car les femmes concernées ont tout fait pour avoir un enfant. L'argument de la Cour de cassation paraît ainsi peu adapté.

Le père est donc soumis à la volonté de la mère, ce qui n'est pas nouveau et qui est sans doute inhérent aux modalités de la reproduction humaine...

II - L'absence d'atteinte à la liberté

Absence de liberté. L'auteur de la QPC prétendait, en se fondant sur l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1368A9K), que l'impossibilité dans laquelle il se trouvait d'échapper à une action en recherche de paternité portait atteinte à sa liberté individuelle. Cela revenait à concevoir la paternité comme un choix et donc considérer qu'il existerait une liberté de voir établir ou non la filiation d'un enfant à son égard. Un tel raisonnement manque pour le moins de fondement. Ainsi, si le droit à la vie privée permet, selon la Cour européenne des droits de l'Homme, de contester une paternité contraire à la vérité biologique (7), ce droit fondamental ne saurait permettre d'accepter ou non sa descendance dès lors qu'elle correspond à la réalité biologique. Non seulement l'homme concerné ne pourra pas s'opposer à l'action en recherche de paternité, mais s'il refuse de se soumettre à des tests ADN dans le cadre de la procédure, il risque de voir sa filiation établie d'office par le juge qui tirera ainsi les conséquences de son refus. L'existence d'un droit de l'enfant à établir sa filiation réduit à néant toute tentative de présenter la paternité comme une liberté.

Droit de l'enfant de voir sa filiation établie. Les parents biologiques d'un enfant ont, certes, au moment de la naissance, le choix d'établir ou non la filiation de ce dernier à leur égard. Le père non marié avec la mère peut ainsi le reconnaître ou non, avant ou après sa naissance. Mais par la suite, tout enfant -à l'exception de l'enfant incestueux qui ne peut établir sa filiation qu'à l'égard d'un seul de ses parents- peut établir sa filiation par voie judiciaire. Cette possibilité est notamment fondée sur l'article 7 de la Convention internationale des droits de l'enfant selon lequel l'enfant a, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. L'existence d'un lien biologique entre un homme et un enfant entraîne le droit pour ce dernier d'établir sa filiation paternelle et de bénéficier des effets qui en découlent, notamment en termes d'obligation alimentaire et de droits successoraux. Le fait que le géniteur n'ait pas souhaité la conception de cet enfant et qu'il ne souhaite pas se comporter après sa naissance comme son père n'y change rien et ne doit rien y changer. Si la possession d'état peut constituer un moyen d'établir la filiation (8), son absence ne saurait à l'inverse empêcher son établissement.

Exclusion d'une exception liée à la volonté du père. D'aucuns ont proposé de mettre les hommes à l'abri des manipulations des femmes qui veulent leur faire un enfant contre leur gré (9). Eriger le refus de l'homme d'avoir un enfant dans ces conditions en obstacle à l'action en recherche de paternité paraît difficilement réalisable ; surtout il serait impossible de justifier un tel raisonnement sauf à remettre en cause les principes gouvernant le droit de la filiation. L'enfant ne saurait, en effet, voir sa filiation dépendre des circonstances de sa conception ! D'autant qu'il faut rappeler l'évidence selon laquelle la contraception n'est pas l'apanage des femmes... Tout homme qui a une relation sexuelle non protégée avec une femme doit savoir qu'il prend le risque de concevoir un enfant, à l'égard de qui sa paternité pourra être établie. Même si l'on peut admettre qu'il n'est pas loyal pour une femme de mentir sur le fait qu'elle a recours à un moyen contraceptif, la naïveté de certains hommes ne saurait justifier une modification de la loi.

Qualité de la mère pour agir. Il n'est cependant pas totalement incongru de s'interroger sur la qualité de la mère pour agir, sans aucun contrôle, en recherche de paternité au nom de l'enfant. Tant que l'enfant est mineur, c'est en effet elle qui décide de l'opportunité d'une telle action. Des textes internes comme internationaux, il ressort une présomption selon laquelle l'intérêt de l'enfant consiste à ce que sa filiation soit établie conformément à ses origines biologiques. Mais on peut se demander s'il est vraiment toujours de l'intérêt de l'enfant de voir établie sa filiation à l'égard d'un homme qui ne l'a pas désiré et qui ne souhaite pas se comporter avec lui comme un père. Le cas échéant, l'intérêt patrimonial va sans doute dans le sens d'une réponse positive. Toutefois, n'est-il pas gênant de laisser la mère décider seule de l'opportunité de l'action en recherche de paternité, sans que l'enfant n'ait son mot à dire et sans qu'il ne puisse par la suite remettre en cause ce lien de filiation ? Il serait sans doute préférable de soumettre cette question à un contrôle extérieur, d'un juge ou d'un représentant autonome de l'enfant tel un administrateur ad hoc. Ces derniers pourraient, s'ils ont un doute quant à la conformité de l'action à l'intérêt supérieur de l'enfant, laisser l'enfant décider après sa majorité.

Action aux fins de subsides. En attendant que l'enfant devenu majeur décide d'établir ou non sa filiation paternelle, l'action aux fins de subsides de l'article 342 du Code civil (N° Lexbase : L5808IC4) est toujours possible. Elle permet à l'enfant, et donc à sa mère, d'obtenir une pension alimentaire. Elle peut, en outre, être le cadre d'une expertise génétique (10) qui permettra d'établir la preuve de la paternité sans que la filiation ne soit établie. Le risque, en effet, d'attendre pour agir en recherche de paternité réside dans le décès du géniteur qui met fin, en l'état du droit français (11), à la possibilité de procéder à une recherche ADN. Muni des preuves de sa filiation, l'enfant sera libre de décider s'il procède ou non à son établissement judiciaire. Parce que l'enfant, lui est libre de choisir....


(1) http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/01/28/01016-20130128ARTFIG00717-paternite-imposee.php
(2) Nos obs., La ratification de l'ordonnance du 4 juillet 2005 : la réforme de la réforme, Lexbase Hebdo n° 334 du 22 janvier 2009 ([LXB=N3634BI]).
(3) H. de Richemont, rapp. n° 145, 2007-2008, fait au nom de la commission des lois déposé le 19 décembre 2007 p. 32.
(4) Nos obs., art. préc..
(5) En ce sens, F. Dreiffus-Netter, L'accouchement sous X et le droit de connaître ses origines, in Droit de l'enfant et de la famille, Hommage à Marie-Josèphe Gebler, Presses universitaires de Nancy, 1998, qui considère qu'"il est difficile de prétendre que l'homme et la femme, du point de vue physiologique, sont dans une égalité de situation qui justifierait l'égalité de traitement".
(6) CEDH, 10 janvier 2008, Req. 35991/04 (N° Lexbase : A2492D3P), Lamy Droit civil, février 2008, p. 43.
(7) CEDH, 24 novembre 2005, Req. 74826/01, en anglais ; F.Sudre (dir.), Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme, PUF, 2011, 6ème éd. p. 564.
(8) C. civ., art. 317 (N° Lexbase : L3822IRY).
(9) Le Figaro, 28 janvier 2013, art. préc..
(10) Cass. civ. 1, 14 juin 2005, n° 03-12.641, FS-P+B (N° Lexbase : A7993DIU), Defrénois, 2205, 1848, obs. J. Massip ; Dr. fam., 2005, n° 182, note P. Murat ; Cass. civ. 1, 6 décembre 2005, n° 03-15.588, FS-P+B (N° Lexbase : A9112DL3), D., 2006, IR 14. ; Cass. civ. 1, 9 février 2011, n° 09-72.009, F-D (N° Lexbase : A7293GWZ).

newsid:436813

Procédure pénale

[Brèves] Compétence du juge judiciaire pour connaître de l'appréciation des actes intervenus au cours d'une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci

Réf. : T. confl., 15 avril 2013, n° 3895 (N° Lexbase : A4198KCH)

Lecture: 1 min

N6821BTS

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Le 25 Avril 2013

Les actes intervenus au cours d'une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés, soit en eux-mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l'autorité judiciaire. Tel est la solution dégagée par le tribunal des conflits dans un arrêt rendu le 15 avril 2013 (T. confl., 15 avril 2013, n° 3895 N° Lexbase : A4198KCH). En l'espèce, le préjudice dont M. I. demandait réparation se rattachait à des actes de saisie pris pour les besoins d'une procédure ouverte devant la juridiction pénale ; ainsi, quelle que soit l'autorité ayant ordonné la destruction de l'objet saisi, le litige relevait de la compétence de la juridiction judiciaire.

newsid:436821

Procédure pénale

[Brèves] La conservation des empreintes digitales d'un individu constitue une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée

Réf. : CEDH, 18 avril 2013, Req. 19522/09 (N° Lexbase : A4225KCH)

Lecture: 2 min

N6830BT7

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Le 01 Mai 2013

Aux termes d'un arrêt rendu le 18 avril 2013, la CEDH a jugé que la conservation des empreintes d'un individu constitue une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, et ne saurait être perçue comme nécessaire dans une société démocratique. Elle énonce que, si la protection des données à caractère personnel est fondamentale pour l'exercice du droit au respect de la vie privée, le droit national doit assurer que ces données sont pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées. Et, il en va de même pour leur durée de conservation (CEDH, 18 avril 2013, Req. 19522/09 N° Lexbase : A4225KCH). La Cour note d'emblée que la finalité du fichier, nonobstant le but légitime poursuivi, a nécessairement pour résultat l'ajout et la conservation du plus grand nombre de noms possibles. Elle relève, par ailleurs, que le refus du procureur de la République de faire procéder à l'effacement des prélèvements effectués était motivé par la nécessité de préserver les intérêts du requérant, en permettant d'exclure sa participation en cas d'usurpation de son identité par un tiers. Or, outre le fait qu'un tel motif ne ressort pas expressément des dispositions de l'article 1er du décret n° 87-249 du 8 avril 1987, relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l'Intérieur (N° Lexbase : L3958IPB), sauf à en faire une interprétation particulièrement extensive, la Cour estime que retenir l'argument tiré d'une prétendue garantie de protection contre les agissements des tiers susceptibles d'usurper une identité reviendrait, en pratique, à justifier le fichage de l'intégralité de la population présente sur le sol français, ce qui serait assurément excessif et non pertinent. Ainsi, aux yeux de la Cour, les dispositions du décret litigieux relatives aux modalités de conservation des données n'offrent pas une protection suffisante aux intéressés. En conclusion, la Cour estime que l'Etat défendeur a outrepassé sa marge d'appréciation en la matière, le régime de conservation dans le fichier litigieux des empreintes digitales de personnes soupçonnées d'avoir commis des infractions mais non condamnées, tel qu'il a été appliqué au requérant en l'espèce, ne traduisant pas un juste équilibre entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu.

newsid:436830

Procédure pénale

[Brèves] Diffamation envers un dépositaire de l'autorité publique et mise en mouvement de l'action publique

Réf. : Cass. crim., 16 avril 2013, n° 12-81.027, F-P+B (N° Lexbase : A4107KC4)

Lecture: 1 min

N6831BT8

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Le 25 Avril 2013

D'une part, lorsqu'elle est effectuée sous la forme, non d'un dépôt au greffe, mais d'un virement, la consignation est réputée faite à la date à laquelle le compte du régisseur d'avances et de recettes est effectivement crédité de la somme fixée par le juge d'instruction, peu important que le compte du débiteur de la consignation et celui du régisseur soient ouverts dans le même établissement (voir déjà en ce sens, Cass. crim., 12 décembre 2006, n° 06-82.034, F-P+F N° Lexbase : A4865DTD ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E1934EU8) ; d'autre part, lorsque la mise en mouvement de l'action publique est subordonnée au dépôt d'une plainte préalable, l'irrecevabilité de la plainte assortie de constitution de partie civile entraîne la nullité du réquisitoire introductif qui s'y réfère, ainsi que des actes subséquents, et tel est le cas en matière de diffamation envers un dépositaire de l'autorité publique (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E1917EUK). Tels sont les enseignements d'un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, le 16 avril 2013 (Cass. crim., 16 avril 2013, n° 12-81.027, F-P+B N° Lexbase : A4107KC4). En l'espèce, le maire de Pornichet a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers un dépositaire de l'autorité publique ou citoyen chargé d'un service public, en raison de la publication, sur un blog, d'un texte intitulé "La note sera salée", signé par des opposants, qui mettait en cause sa gestion financière, et évoquait des "cadeaux faits à des promoteurs". Après avoir été mis en examen, les auteurs de ce texte ont déposé auprès de la chambre de l'instruction une requête excipant de la caducité de la plainte, du fait de la tardiveté du versement de la consignation fixée par le juge d'instruction, partant, de la nullité du réquisitoire introductif et des actes ultérieurs. Le pourvoi sera rejeté par la Haute juridiction qui énonce les solutions précitées.

newsid:436831

Procédure pénale

[Brèves] La Chambre criminelle de la Cour de cassation est incompétente pour statuer sur une demande de récusation

Réf. : Cass. crim., 17 avril 2013, n° 13-82.672, F-P+B (N° Lexbase : A4205KCQ)

Lecture: 1 min

N6832BT9

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Le 02 Mai 2013

Dès lors qu'une requête n'est pas une requête en suspicion légitime visant une juridiction, mais une requête en récusation, la Chambre criminelle de la Cour de cassation est incompétente pour statuer dessus. Telle est la solution dégagée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 17 avril 2013 (Cass. crim., 17 avril 2013, n° 13-82.672, F-P+B N° Lexbase : A4205KCQ). En l'espèce, il était allégué dans la requête que la sixième chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Marseille appelée à statuer dans des poursuites suivies notamment contre Mme F. ne présenterait pas toutes les garanties d'impartialité, la présidente de cette formation ayant apporté un soutien logistique aux parties civiles en leur distribuant un formulaire pré-imprimé intitulé "constitution de partie civile" accompagné d'un document intitulé "présentation des dossiers de demande d'indemnisation" et ayant tenu une réunion avec les avocats des parties civiles hors la présence des avocats des prévenus. La Cour de cassation se déclarera incompétente au visa des articles 662 (N° Lexbase : L4030AZB), 668 (N° Lexbase : L5593DYS) et 669 (N° Lexbase : L4039AZM) du Code de procédure pénale : une requête en récusation doit être présentée à peine de nullité au premier président de la cour d'appel.

newsid:436832

Responsabilité

[Brèves] De l'indemnisation au titre de "la perte de chance de vie"

Réf. : Cass. crim., 26 mars 2013, n° 12-82.600, F-P+B (N° Lexbase : A3974KC8)

Lecture: 2 min

N6833BTA

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Le 30 Avril 2013

L'indemnisation au titre de "la perte de chance de vie" ne peut être tenue pour un droit acquis, entré dans le patrimoine de la victime de son vivant et, comme tel, transmissible à ses héritiers lorsque survient un événement qui emporte le décès. Telle est la solution dégagée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 26 mars 2013 (Cass. crim., 26 mars 2013, n° 12-82.600, F-P+B N° Lexbase : A3974KC8 ; cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E5932ETU). En l'espèce, à la suite de l'accident mortel de la circulation dont Mlle B. a été victime à l'âge de 16 ans, et dont M. X, reconnu coupable d'homicide involontaire, a été déclaré tenu à réparation intégrale, les premiers juges ont indemnisé Mme F., en qualité d'héritière de sa fille, du fait, d'une part, des souffrances physiques et morales endurées par l'adolescente avant son décès du fait de ses blessures ainsi que de la conscience de l'imminence de sa mort, et, d'autre part, du préjudice résultant de son décès prématuré, ce dernier chef étant réparé par une indemnité égale à celle que la victime aurait perçue si elle était restée atteinte d'un déficit fonctionnel total. Sur l'appel de l'assureur du prévenu, la cour d'appel a réduit l'indemnisation du premier chef et rejeté la demande du second. Pourvoi est formé devant la Cour de cassation. En vain. En effet, la Cour de cassation énonce, dans un premier temps, que pour réduire l'indemnisation du préjudice subi par la victime entre l'accident et son décès du fait de ses blessures et de l'angoisse d'une mort imminente, la cour d'appel, retenant que l'agonie de la jeune fille a duré une dizaine de minutes et a été particulièrement pénible, a justifié sa décision. Dans un second temps, pour débouter les héritiers de leur demande d'indemnisation au titre de "la perte de chance de vie", la cour d'appel retient que le droit de vivre jusqu'à un âge statistiquement déterminé n'est pas suffisamment certain au regard des aléas innombrables de la vie quotidienne et des fluctuations de l'état de santé de toute personne, pour être tenu pour un droit acquis, entré dans le patrimoine de celle-ci de son vivant et, comme tel, transmissible à ses héritiers lorsque survient un événement qui emporte le décès (déjà en ce sens, Cass. civ. 2, 10 décembre 2009, n° 09-10.296, F-D N° Lexbase : A4589EPN). Là encore, dès lors qu'aucun préjudice résultant de son propre décès n'a pu naître, du vivant de la victime, dans son patrimoine et être ainsi transmis à ses héritiers, la cour d'appel a justifié sa décision.

newsid:436833

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