Lexbase Droit privé n°524 du 18 avril 2013

Lexbase Droit privé - Édition n°524

Baux d'habitation

[Brèves] Transfert du bail au conjoint survivant : encore faut-il le vouloir !

Réf. : Cass. civ. 3, 10 avril 2013, n° 12-13.225, FS-P+B (N° Lexbase : A0844KCA)

Lecture: 2 min

N6746BTZ

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Le 26 Avril 2013

Au décès du preneur le bail est transféré au conjoint survivant qui n'habite pas dans les lieux à condition qu'il en fasse la demande ; tel est l'enseignement fourni par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 10 avril 2013 ; il en ressort que cette mesure, issue de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : L4387AHX), est instituée en faveur du conjoint, et ne peut se retourner contre lui dès lors qu'il ne souhaite pas en bénéficier (Cass. civ. 3, 10 avril 2013, n° 12-13.225, FS-P+B N° Lexbase : A0844KCA). En l'espèce, M. F., qui était séparé de son épouse depuis 1974, avait pris à bail, le 26 juin 1995, un logement appartenant à une SCI. Il était décédé le 7 mars 2006. La bailleresse, soutenant que le bail avait été automatiquement transféré à Mme F., en application de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, avait délivré à celle-ci, le 25 mars 2009, un commandement de payer visant la clause résolutoire puis l'a assignée en constatation de la résiliation du bail, paiement des loyers arriérés et fixation d'une indemnité d'occupation. Mme F. avait appelé en garantie M. L., notaire chargé de la succession. La SCI faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Dijon (CA Dijon, 29 novembre 2011, n° 11/00169 N° Lexbase : A1188H3E) de la débouter de ses demandes, soutenant, notamment que la règle qu'énonce l'article 1751, alinéa 3, du Code civil (N° Lexbase : L1873ABY), n'a lieu de s'appliquer que si le droit au bail sert effectivement à l'habitation des deux époux. En vain. L'argument est écarté par la Cour suprême qui retient qu'au décès du preneur le bail est transféré au conjoint survivant qui n'habite pas dans les lieux à condition qu'il en fasse la demande ; ayant relevé que Mme F. n'avait jamais occupé les lieux, n'était pas cotitulaire du bail et avait autorisé le notaire et la bailleresse, par lettres des 6 et 7 août 2006, à débarrasser et à reprendre l'appartement, démontrant ainsi son intention non équivoque de ne pas occuper le logement litigieux, la cour d'appel, en a exactement déduit que le bail avait été résilié par le décès de M. F..

newsid:436746

Baux d'habitation

[Brèves] Loi 1948 : inapplicabilité de la clause d'intransmissibilité du bail au décès du locataire

Réf. : CA Paris, Pôle 4, 3ème ch., 4 avril 2013, n° 11/08362 (N° Lexbase : A5256KBB)

Lecture: 2 min

N6765BTQ

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Le 18 Avril 2013

Par un arrêt rendu le 4 avril 2013, la cour d'appel de Paris a apporté des précisions intéressantes en matière de baux d'habitation soumis à la loi du 1er septembre 1948 (N° Lexbase : L4772AGT) (CA Paris, Pôle 4, 3ème ch., 4 avril 2013, n° 11/08362 N° Lexbase : A5256KBB). Tout d'abord, pour retenir que le bail signé le 21 mai 1974 était bien soumis à la loi de 1948, la cour relève que le bail ne faisait mention d'aucun texte mais qu'il était précisé que la location n'était pas régie par la législation sur les HLM ; il s'agissait d'un bail mixte principalement à usage de la profession d'artiste peintre, l'appartement étant considéré comme l'accessoire de l'atelier ; le loyer était calculé conformément au décompte de surface corrigée et déterminé suivant la législation en vigueur concernant les locaux à usage professionnel ; il importait peu que le bailleur ne se soit pas antérieurement prévalu de la loi du 1er septembre 1948 ; il était établi que les lieux ne disposaient pas lors de la signature du bail d'une une salle d'eau ; en effet, pour sortir de cette loi, lors de la signature du bail et bénéficier de l'article 3 quater de la loi de 1948 visant les locaux utilisés en tout ou partie à usage professionnel, il aurait été nécessaire conformément au décret du 30 décembre 1964, que les locaux possèdent une salle d'eau c'est-à-dire soit une salle de bains, soit une salle de douches, soit un cabinet de toilette avec eau courante et en bon état d'entretien ; de plus, le montant du loyer a été fixé selon la surface corrigée. En conséquence, le bail avait bien été signé sous l'empire de la loi du 1er septembre 1948. Il en résultait que la mention selon laquelle la location n'était pas transmissible par voie de cession, legs ou succession n'était pas applicable car seuls les textes régissant la transmission dans le cadre de la loi de 1948 le sont. Cette loi est d'ordre public et M. D. n'avait pas pu y renoncer dès la signature du bail. Cependant, le bailleur invoquait à juste titre l'article 5 de la loi. Or, M. D. était décédé le 19 juin 2009 ; il en résultait que quel que soit l'alinéa applicable de cet article soit le 1 ou le 2, Mme D. ne pouvait se voir transmettre le bail. En effet, conformément à l'article 1, elle était descendante mais non mineure et conformément à l'alinéa 2, son père étant décédé en 2009, le contrat de location était résilié de plein droit par le décès du locataire en titre, nonobstant l'article 1742 du Code civil (N° Lexbase : L1864ABN), ne pouvant plus à cette date être héritière du bail. Il y avait donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il avait rejeté la demande de résiliation du bail avec toutes les conséquences en résultant.

newsid:436765

Consommation

[Brèves] Résiliation par le consommateur d'un contrat de prestation de services

Réf. : Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.556, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9963KBM)

Lecture: 2 min

N6710BTP

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Le 18 Avril 2013

Aux termes de l'article L. 136, alinéa 1er, du Code de la consommation (N° Lexbase : L5770H9L), "le professionnel prestataire de services informe le consommateur par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu'il a conclu avec une clause de reconduction tacite". L'alinéa 2 prévoit que, "lorsque cette information ne lui a pas été adressée conformément aux dispositions du premier alinéa, le consommateur peut mettre gratuitement un terme au contrat, à tout moment à compter de la date de reconduction". Dans un arrêt rendu le 10 avril 2013, la première chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser qu'il résulte de l'alinéa 2 de l'article L. 136-1, que la faculté de résiliation ouverte par celle-ci au consommateur prend effet au jour où il l'exerce (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.556, FS-P+B+I N° Lexbase : A9963KBM). En l'espèce, le 16 mai 2008, une association avait conclu avec M. C. un contrat de prestations comptables et fiscales pour la période allant du 1er avril 2008 au 31 mars 2009 ; ce contrat avait été tacitement reconduit pour une durée d'un an à compter du 1er avril 2009 ; par acte du 9 décembre 2011, l'association avait assigné M. C. devant la juridiction de proximité afin de voir condamner ce dernier au paiement d'une somme correspondant aux prestations comptables et fiscales pour la période allant du 1er avril 2009 au 30 mars 2010. Pour rejeter cette demande, la juridiction de proximité avait retenu que le professionnel prestataire de services n'avait pas satisfait à l'exigence d'information édictée par l'article L. 136-1, alinéa 1er, du Code de la consommation et que M. C. avait fait part le 22 avril 2009 de son intention de rompre ses relations contractuelles avec l'association à compter du1er avril 2009. Le jugement est censuré par la Cour suprême qui retient que M. C. avait mis un terme au contrat de prestation de services le 22 avril 2009, en sorte que la résiliation n'avait pu prendre effet avant cette date et que seules les prestations accomplies jusqu'à celle-ci par l'association ouvraient droit à rémunération.

newsid:436710

Consommation

[Brèves] Caractère abusif d'une clause relative à la restitution immédiate du véhicule en cas de résiliation d'un contrat de location de véhicule assorti d'une promesse de vente

Réf. : Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.169, F-P+B+I (N° Lexbase : A0774KCN)

Lecture: 1 min

N6743BTW

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Le 19 Avril 2013

Dans un arrêt rendu le 10 avril 2013, la première chambre civile de la Cour de cassation retient le caractère abusif d'une clause relative à la restitution immédiate du véhicule en cas de résiliation d'un contrat de location de véhicule assorti d'une promesse de vente (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.169, F-P+B+I N° Lexbase : A0774KCN). En l'espèce, par acte sous seing privé du 18 avril 2008, M. L. avait conclu avec la société D. un contrat de location assorti d'une promesse de vente d'un véhicule automobile ; après résiliation du contrat et vente aux enchères du véhicule, la société avait déposé à l'encontre de M. L. une requête en injonction de payer l'indemnité de résiliation prévue au contrat ; M. L. avait formé opposition contre l'ordonnance ayant accueilli cette demande. Pour condamner M. L. au paiement de l'indemnité litigieuse, la cour d'appel de Lyon (CA Lyon, 5 janvier 2012, n° 10/05844 N° Lexbase : A4921H97) avait retenu que la clause prévoyant la restitution du véhicule loué ainsi que la faculté pour le locataire de présenter un acquéreur au bailleur dans le délai d'un mois à compter de la résiliation ne saurait être considérée comme abusive dès lors qu'elle reprend les dispositions des articles L. 311-31 (N° Lexbase : L9544IMG) et D. 311-13 (N° Lexbase : L7043ABH) du Code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause. La décision est censurée au visa de l'article L. 132-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6710IMH), par la Cour suprême qui retient que la clause litigieuse, qui imposait au preneur de restituer le véhicule loué dans les plus brefs délais à compter de la résiliation et l'empêchait ainsi de mettre en oeuvre la faculté de présentation d'un acquéreur impérativement ouverte par les textes précités, avait pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

newsid:436743

Droit de la famille

[Brèves] L'article L. 224-8 du Code de l'action sociale et des familles relatif aux conditions de recours contre l'arrêté admettant un enfant en qualité de pupille de l'Etat, contraire à l'article 6 de la CESDH

Réf. : Cass. civ. 1, 9 avril 2013, n° 11-27.071, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A8063KBA)

Lecture: 2 min

N6659BTS

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Le 18 Avril 2013

Par décision rendue le 27 juillet 2012, le Conseil constitutionnel avait déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa de l'article L. 224-8 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L5365DKW), relatif aux conditions de recours contre l'arrêté admettant un enfant en qualité de pupille de l'Etat (Cons. const., décision n° 2012-268 QPC du 27 juillet 2012 N° Lexbase : A0584IR3). Afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il a reporté au 1er janvier 2014 la date de cette abrogation ; cette abrogation n'est donc applicable qu'aux arrêtés d'admission en qualité de pupille de l'Etat pris après cette date. Amenée à se prononcer dans le cadre du litige ayant donné lieu à cette QPC, dans lequel la grand-mère d'un enfant admis en qualité de pupille de l'Etat souhaitait exercer un recours contre l'arrêté d'admission, la première chambre civile de la Cour de cassation s'est fondée sur l'article 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) pour écarter l'application des dispositions précitées faisant obstacle à un tel recours, et qui demeuraient applicables puisqu'abrogées à compter du 1er janvier 2014 ; ces dispositions ne peuvent donc plus recevoir application y compris durant la période transitoire précédant leur abrogation définitive (Cass. civ. 1, 9 avril 2013, n° 11-27.071, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A8063KBA). En effet, selon la Haute juridiction, si le droit à un tribunal, dont le droit d'accès concret et effectif constitue un aspect, n'est pas absolu, les conditions de recevabilité d'un recours ne peuvent toutefois en restreindre l'exercice au point qu'il se trouve atteint dans sa substance même ; une telle atteinte est caractérisée lorsque le délai de contestation d'une décision, tel que celui prévu par l'article L. 224-8 du Code de l'action sociale et des familles, court du jour où la décision est prise non contradictoirement et que n'est pas assurée l'information des personnes admises à la contester. En l'espèce, pour déclarer irrecevable le recours de Mme X, la cour d'appel avait retenu que le président du conseil général avait régulièrement admis l'enfant en qualité de pupille de l'Etat suivant un arrêté en date du 1er décembre 2009, que le délai de trente jours courant à compter de cette date, le recours exercé le 18 février 2010 par Mme X était tardif. L'arrêt est censuré par la Cour suprême qui estime qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que Mme X n'avait pas été informée, en temps utile, de l'arrêté et de la faculté de le contester, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 6 de la CESDH.

newsid:436659

Droit rural

[Brèves] L'indivisibilité du bail rural cesse à son expiration

Réf. : Cass. civ. 3, 10 avril 2013, n° 12-14.837, FS-P+B (N° Lexbase : A0829KCP)

Lecture: 1 min

N6747BT3

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Le 18 Avril 2013

L'indivisibilité du bail cesse à son expiration ; telle est la solution dégagée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 10 avril 2013 au visa de l'article L. 411-62 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L5738IMH), ensemble l'article L. 411-58 du même code (N° Lexbase : L0865HPQ) (Cass. civ. 3, 10 avril 2013, n° 12-14.837, FS-P+B N° Lexbase : A0829KCP). En l'espèce, les époux L. avaient donné à bail aux époux H. des parcelles de terres pour une durée de dix-huit années commençant à courir le 29 septembre 1993 ; le 8 mars 2010, M. L., devenu propriétaire en cours de bail d'une partie des parcelles louées, avait donné un congé aux preneurs pour reprise de ces parcelles à effet au 29 septembre 2011. Les époux H. avaient alors agi en nullité de ce congé. Pour accueillir cette demande, la cour d'appel avait retenu qu'à la date d'effet du congé, à laquelle il faut se placer pour en apprécier la régularité, le bail de dix-huit ans ne s'était pas renouvelé dans la mesure où le congé était précisément donné pour sa date d'échéance (CA Rennes, 1er décembre 2011, n° 11/02546 N° Lexbase : A0829KCP). A tort. La troisième chambre civile de la Cour de cassation, après avoir relevé que l'indivisibilité du bail cesse à son expiration, retient que la cour d'appel, qui a constaté que M. L. avait délivré congé pour la totalité des terres données à bail dont il était devenu propriétaire, a violé les textes susvisés.

newsid:436747

Pénal

[Projet, proposition, rapport législatif] Abrogation imminente du délit de racolage

Réf. : Proposition de loi du 29 mars 2013, visant à l'abrogation du délit de racolage

Lecture: 6 min

N6716BTW

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

Le 18 Avril 2013

La loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, pour la sécurité intérieure (N° Lexbase : L9731A9B), a créé l'article 225-10-1 du Code pénal (N° Lexbase : L9005DCI) punissant de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende "le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération" (cf. l’Ouvrage "Droit pénal spécial" N° Lexbase : E5685EXT). Cette nouvelle infraction avait pour but, d'une part, de répondre aux préoccupations des riverains en matière de nuisances et de troubles à l'ordre public, et, d'autre part, de lutter contre les réseaux étrangers de proxénétisme. Mais, dix ans plus tard, pour certains ce dispositif est inefficace. C'est pourquoi une proposition de loi visant à supprimer le délit de racolage a été présentée fin 2012 et adoptée par le Sénat en première lecture le 28 mars 2013. Historique d'une infraction. Le Code pénal de 1810 ne prévoyait pas l'incrimination du racolage. Créée en 1939 comme contravention de la troisième classe, l'infraction de racolage fut transformée en délit grave en 1946, avant d'être scindée en deux contraventions, première et troisième classe en 1958, et troisième et cinquième classe en 1960. Une simple attitude -racolage passif- était une contravention de la troisième classe ; alors qu'un recrutement opéré par gestes, paroles, écrits, etc., était un racolage actif, contravention de la cinquième classe.

Dans le nouveau Code pénal, le racolage public était devenu une unique contravention de la cinquième classe (C. pén., anc. art. R. 625-8 N° Lexbase : L0858ABE). La loi pour la sécurité intérieure n° 2003-239 du 18 mars 2003 n'a pas, à proprement parler, créé de nouvelle infraction pénale s'agissant du racolage public. Elle a toutefois apporté deux modifications substantielles au droit en vigueur :

- d'une part, elle a expressément rétabli la pénalisation du racolage dit "passif" ;

- d'autre part, elle a élevé l'infraction au rang de délit, ouvrant ainsi la voie à des poursuites devant le tribunal correctionnel et à l'emprisonnement des intéressés.

Dans sa décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 (N° Lexbase : A4715A7R), le Conseil constitutionnel a jugé que le nouveau délit de racolage public était conforme aux principes protégés par la Constitution. Il a ainsi considéré, "en premier lieu, que le racolage public est susceptible d'entraîner des troubles pour l'ordre public, notamment pour la tranquillité, la salubrité et la sécurité publiques ; qu'en privant le proxénétisme de sources de profit, la répression du racolage sur la voie publique fait échec au trafic des êtres humains ; que la création par le législateur d'un délit de racolage public ne se heurte dès lors à aucune règle, ni à aucun principe de valeur constitutionnelle".

Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, jugé "que le principe de légalité des peines [n'était] pas méconnu par les dispositions critiquées, dès lors que celles-ci définissent en termes clairs et précis le délit de racolage public".

Enfin, il a estimé que "les peines prévues par le nouvel article 225-10-1 du Code pénal [n'étaient] pas manifestement disproportionnées", soulignant toutefois "qu'il [appartiendrait] cependant à la juridiction compétente de prendre en compte, dans le prononcé de la peine, la circonstance que l'auteur a agi sous la menace ou par contrainte" et estimant que "sous cette réserve, la disposition critiquée [n'était] pas contraire au principe de la nécessité des peines".

Une qualification du délit variable. Comme le relève le rapport de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois, déposé le 20 mars 2013, l'examen de la jurisprudence illustre toutefois les difficultés manifestes rencontrées par les juridictions pour qualifier le délit de racolage, en particulier dans sa composante "passive", ces difficultés étant renforcées par le fait que l'appréciation du caractère racoleur ou non du comportement incriminé relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Ainsi, par exemple, a été jugé que n'était pas constitutif de racolage le fait pour la prévenue de se trouver dans un lieu connu pour la prostitution, au bord d'un trottoir, car compatible avec l'attente d'une personne. Et dans cet arrêt, les juges ajoutent que "l'on ne peut déduire nécessairement de cette attitude qu'elle racolait en vue d'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération, même si la prévenue a, sur la demande d'un tiers, accepté d'en avoir" (Cass. crim., 25 mai 2005, n° 04-84.714 N° Lexbase : A7705I7I). De même, dans une décision rendue à la même date, la Chambre criminelle confirme l'arrêt qui énonce que le fait, au mois de juillet, vers minuit, de se trouver même dans un endroit connu pour la prostitution, légèrement vêtue et en stationnement au bord du trottoir est insuffisant pour constituer le délit de racolage et d'ajouter que c'est le client qui a pris l'initiative d'aborder la prévenue en vue d'avoir avec elle des relations sexuelles en échange d'une rémunération (Cass. crim., 25 mai 2005, n° 04-84.769 N° Lexbase : A7706I7K). Enfin, les juges du fond ont retenu que le seul fait, pour un homme qui se prostitue habituellement, de sortir de chez lui travesti en femme ne suffit pas à caractériser les éléments constitutifs du délit de racolage passif, le travestissement n'étant pas, en l'état des moeurs de la société, le signe univoque de l'incitation aux relations sexuelles tarifées (CA Toulouse, 24 novembre 2005, 3ème ch. cor., n° 05/00536 N° Lexbase : A1332KCC).

A l'inverse, à titre d'exemple, a été considéré comme constituant une attitude racoleuse le fait d'exhiber son postérieur aux automobilistes et d'interpeller des passants et des automobilistes masculins, en leur faisant des gestes et en leur disant "money money" (CA Paris, 22 octobre 2003, n° 2003/03546 N° Lexbase : A1335KCG) ; d'exhiber ses sous-vêtements aux passants, et d'interpeller des passants masculins en leur prenant la main (CA Paris, 22 octobre 2003, n° 2003/03547 N° Lexbase : A1336KCH) ; ou encore d'interpeller des passants en se dénudant à moitié pour les inciter à avoir des relations tarifées (CA Paris, 22 octobre 2003, n° 2003/03543 N° Lexbase : A1331KCB).

Etude comparée. La division de législation comparée du Sénat a réalisé une étude sur l'état du droit relatif à la prostitution et au racolage dans huit pays européens (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède). Cette étude met en évidence l'hétérogénéité des systèmes nationaux en la matière et des dispositifs pénaux qui en découlent.

Aucun de ces pays ne sanctionne pénalement la prostitution individuelle et libre d'une personne majeure. Par ailleurs, le proxénétisme y est partout réprimé, la définition de cette notion pouvant toutefois varier d'un Etat à l'autre, ce qui constitue un obstacle à la coopération judiciaire entre Etats. En revanche, certains d'entre eux autorisent l'exploitation des établissements de prostitution (Espagne, Pays-Bas) tandis que d'autres la sanctionnent pénalement (Allemagne, Angleterre, Danemark, Suède). La Belgique les tolère en pratique.

Par ailleurs, certains d'entre eux pénalisent expressément le racolage (Belgique, Danemark, Italie, Angleterre), tandis que d'autres n'ont recours qu'à des mesures réglementaires de police pour limiter cette activité. Enfin, un seul pays européen (la Suède) a fait le choix de pénaliser les clients des personnes prostituées.

Une abrogation opportune. Alors que la prostitution est en France une activité licite, la Commission des lois du Sénat estime que la correctionnalisation du délit de racolage public a considérablement accru la situation de précarité des personnes prostituées, par l'isolement, l'éloignement des structures sanitaires et associatives et par une défiance accrue à l'encontre des forces de police et de gendarmerie.

Elle soulève que, avec l'abrogation de ce délit, les pouvoirs publics ne seront pas pour autant démunis face aux éventuels troubles à l'ordre public suscités par certaines manifestations de la prostitution de voie publique. En effet, le fait de pratiquer des relations sexuelles tarifées -ou non d'ailleurs- sur la voie publique ou dans un lieu accessible aux regards du public est un délit, susceptible de fonder une garde à vue et des poursuites devant le tribunal correctionnel : "l'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende" (C. pén., art. 222-32 N° Lexbase : L5358IGK ; cf. l’Ouvrage "Droit pénal spécial" N° Lexbase : E9850EWQ). De plus, pour la Commission des lois, l'abrogation du délit de racolage public ne remettra pas en cause la possibilité qu'ont les maires, au titre de leurs pouvoirs de police générale, d'édicter des arrêtés municipaux interdisant ou restreignant la présence de personnes prostituées sur la voie publique, là où cette présence est susceptible de créer des troubles à l'ordre public (CGCT, art. L. 2212-1 N° Lexbase : L8688AAZ).

Le texte a donc été transmis à l'Assemblée nationale le 29 mars, qui devra à son tour se prononcer sur une proposition composée de trois articles.

Cette abrogation, si elle devait être entérinée et conformément au principe de rétroactivité des lois pénales plus douces, s'appliquera immédiatement à l'ensemble des procédures en cours. Elle mettra également un terme à l'exécution des peines prononcées sur le fondement de ce délit (C. pén., art. 112-4 N° Lexbase : L2044AMN).

newsid:436716

Pénal

[Brèves] L'allongement du délai de prescription d'un an pour les délits de presse à raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion est conforme à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2013-302 QPC, du 12 avril 2013 (N° Lexbase : A9964KBN)

Lecture: 2 min

N6757BTG

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Le 18 Avril 2013

Le Conseil constitutionnel a été saisi de la question de la conformité à la Constitution de l'article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7589AIW), sur la liberté de la presse dans sa rédaction résultant de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, adaptant la justice aux évolutions de la criminalité (N° Lexbase : L1768DP8) (Cass. QPC, 22 janvier 2013, n° 12-90.064, FS-D N° Lexbase : A6646I3K). Cet article instaure, pour certains délits prévus par cette loi, un délai de prescription d'un an, par dérogation au délai de droit commun de trois mois prévu par l'article 65 de cette même loi. Les requérants soutenaient que cette durée particulière de prescription portait atteinte aux principes d'égalité devant la loi et devant la justice. Dans sa décision du 12 avril 2013, le Conseil a écarté ces griefs et jugé l'article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 conforme à la Constitution (Cons. const., décision n° 2013-302 QPC, du 12 avril 2013 N° Lexbase : A9964KBN). Le Conseil constitutionnel a relevé que l'article 65-3 prévoit un allongement du délai de la prescription pour le délit de provocation à la discrimination ou à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, prévu et réprimé par le huitième alinéa de l'article 24 de la loi de 1881, les délits de diffamation et d'injure publiques commis aux mêmes fins, prévus et réprimés par le deuxième alinéa de l'article 32 et le troisième alinéa de l'article 33 et le délit de contestation des crimes contre l'humanité, prévu et réprimé par l'article 24 bis de la même loi de 1881. Il a jugé qu'en portant de trois mois à un an le délai de la prescription pour les délits qu'il définit précisément, l'article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 a pour objet de faciliter la poursuite et la condamnation des auteurs de propos ou d'écrits incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence, diffamatoires ou injurieux, à caractère ethnique, national, racial, ou religieux ou contestant l'existence d'un crime contre l'humanité. La différence de traitement qui résulte de ce délai de prescription particulier pour les infractions poursuivies ne revêt pas un caractère disproportionné au regard de l'objectif poursuivi. Il a donc été déclaré conforme à la Constitution.

newsid:436757

Procédure

[Brèves] Compétence du juge judiciaire pour connaître de l'action judiciaire de l'Office national des forêts tendant à faire cesser des travaux portant atteinte aux dunes et forêts qu'il gère

Réf. : Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-13.902, F-P+B+I (N° Lexbase : A9958KBG)

Lecture: 1 min

N6741BTT

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Le 18 Avril 2013

Il ressort d'un arrêt rendu le 10 avril 2013 que l'action judiciaire de l'Office national des forêts, tendant à faire cesser des travaux portant atteinte aux dunes et forêts qu'il gère, relève de la compétence du juge judiciaire (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-13.902, F-P+B+I N° Lexbase : A9958KBG). En l'espèce, se plaignant de l'endommagement de la dune et de la forêt domaniales dont il assurait la gestion, attribué aux travaux de construction réalisés sur le terrain voisin appartenant à la société J., l'Office national des forêts avait assigné cette société devant le juge des référés pour voir ordonner l'arrêt immédiat et provisoire des travaux ainsi qu'une mesure d'expertise en vue de l'évaluation des risques d'effondrement de la dune et d'atteinte à la propriété forestière. Pour dire que l'action intentée par l'Office national des forêts relevait de la compétence des juridictions administratives, la cour d'appel de Poitiers avait retenu qu'il agissait aux fins de protection, de conservation et de surveillance du domaine forestier et exerçait ainsi une mission de service public administratif (CA Poitiers, 30 novembre 2011, n° 10/03261 N° Lexbase : A2122H3Y). A tort. Après avoir rappelé, au visa de l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, que lorsqu'un établissement public tient de la loi la qualité d'établissement public industriel et commercial, les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l'exception des litiges relatifs à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique, la Cour suprême relève que l'action de l'Office national des forêts, gestionnaire du domaine privé de l'Etat auquel appartient la forêt dunaire litigieuse, ne s'inscrit pas dans l'exercice d'une activité mettant en oeuvre les prérogatives dont il est investi en matière de réglementation, de police ou de contrôle.

newsid:436741

Procédure civile

[Brèves] Autorité de la chose jugée au principal des ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel

Réf. : Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-14.939, F-P+B+I (N° Lexbase : A9961KBK)

Lecture: 1 min

N6742BTU

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Le 18 Avril 2013

Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 914, alinéa 2 (N° Lexbase : L0168IPW), et 916, alinéa 2 (N° Lexbase : L0410IGB), du Code de procédure civile, en leur rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2011, que les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ont autorité de chose jugée au principal et, en ce cas, peuvent être déférées par simple requête à la cour d'appel dans les quinze jours de leur date. C'est ainsi que s'est prononcée la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 10 avril 2013 (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-14.939, F-P+B+I N° Lexbase : A9961KBK ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1379EUM). En l'espèce, la société N. faisait grief à l'ordonnance du conseiller de la mise en état de prononcer la nullité de la signification de l'ordonnance du juge de la mise en état délivrée le 20 mars 2009 à la demande de la société N. et en conséquence, de déclarer recevable l'appel formé par la SCI de Strasbourg le 9 décembre 2009 à l'encontre de la société N. Mais après s'être prononcée en les termes ci-dessus énoncés, la Cour de cassation retient que l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 25 mars 2011, qui statue sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel formée par la SCI de Strasbourg et est revêtue de l'autorité de la chose jugée, est devenue irrévocable ; dès lors, le pourvoi, fût-il formé avec celui dirigé contre l'arrêt au fond, est irrecevable.

newsid:436742

Procédure civile

[Brèves] Autorité de la chose jugée et condamnation in solidum

Réf. : Cass. civ. 2, 11 avril 2013, n° 11-24.428, F-P+B (N° Lexbase : A0881KCM)

Lecture: 2 min

N6755BTD

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Le 18 Avril 2013

En prononçant une condamnation in solidum, le juge ne statue pas sur l'appel en garantie exercé par l'un des codébiteurs condamnés à l'encontre d'un autre, ni ne préjuge de la manière dont la contribution à la dette entre tous les codébiteurs condamnés devra s'effectuer ; telle est la précision fournie par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 11 avril 2013, pour la mise en oeuvre du principe de l'autorité de la chose jugée (Cass. civ. 2, 11 avril 2013, n° 11-24.428, F-P+B N° Lexbase : A0881KCM). En l'espèce, la société P. avait conçu un projet de promotion immobilière portant sur un ensemble de pavillons, pour lequel une SCP de notaires était intervenue à tous les stades. S'agissant de VEFA, une garantie d'achèvement avait été accordée par la société C. ; les travaux de construction, commencés par la société L., avaient été interrompus en raison d'un défaut de financement. Par un arrêt du 28 novembre 2000, une cour d'appel avait prononcé la résolution des contrats de vente conclus entre la société P. et différents acquéreurs, fixé les créances de ceux-ci et dit que la société C. leur devait sa garantie. Constatant, en outre, la caducité des offres de prêts consenties à ces acquéreurs par la banque, la cour d'appel avait prononcé la résolution des prêts qui leur avaient été consentis, condamné les emprunteurs à rembourser à la banque les fonds perçus et avait condamné la SCP notariale à garantir la société C. de ses condamnations et, in solidum avec la banque, à payer aux acquéreurs en cause diverses sommes (frais des dossiers de prêts, primes d'assurance, intérêts intercalaires perçus par la banque, dommages-intérêts, etc.). Dans une autre instance, par un arrêt du 6 novembre 2010, une cour d'appel avait condamné la SCP notariale au paiement d'une certaine somme au liquidateur de la société L. ainsi que d'une autre somme à M. L., propriétaire du fonds de commerce qui avait été mis en location-gérance au profit de la société L. ; la SCP notariale et son assureur, la société M., avaient alors agi contre la banque et la société C. pour que celles-ci soient condamnées in solidum à leur rembourser les deux tiers des condamnations prononcées par les arrêts du 28 novembre 2000 et du 6 novembre 2010. Pour déclarer irrecevable la demande visant en particulier l'arrêt du 28 novembre 2000, la cour d'appel s'était fondée sur l'autorité de la chose jugée. A tort, selon la Cour de cassation qui relève que l'objet du litige tranché par l'arrêt du 28 novembre 2000 ne portait pas sur les demandes indemnitaires formées par la société L. et M. L. à l'encontre de la SCP notariale. S'agissant de l'arrêt du 6 novembre 2010, elle relève qu'en prononçant une condamnation in solidum, le juge ne statue pas sur l'appel en garantie exercé par l'un des codébiteurs condamnés à l'encontre d'un autre, ni ne préjuge de la manière dont la contribution à la dette entre tous les codébiteurs condamnés devra s'effectuer.

newsid:436755

Procédure civile

[Brèves] Interruption de la prescription et radiation de l'affaire

Réf. : Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.193, F-P+B+I (N° Lexbase : A9962KBL)

Lecture: 2 min

N6761BTL

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Le 18 Avril 2013

Aux termes d'un arrêt rendu le 10 avril 2013, la Cour de cassation se prononce sur l'effet interruptif de la prescription résultant d'une action portée en justice (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.193, F-P+B+I N° Lexbase : A9962KBL). En l'espèce, Me X, avocate, a assisté M. C. à l'occasion d'un litige prud'homal l'opposant à son employeur et d'une instance devant le juge aux affaires familiales mettant à la charge de l'intéressé une contribution alimentaire au profit de son fils. Le client ayant cessé de verser la pension alimentaire, une procédure de paiement direct a été mise en place. L'action engagée devant le conseil de prud'hommes a fait l'objet d'une radiation du rôle, le 27 octobre 2004. Reprochant à l'avocate de ne pas l'avoir informé de la nécessité d'obtenir l'autorisation préalable du juge aux affaires familiales pour cesser le versement de la contribution alimentaire et d'avoir manqué à son devoir de diligence, en ne déposant pas ses conclusions avant la date impartie et en ne se présentant pas à l'audience de jugement, fixée au 27 octobre 2004, M. C. a recherché sa responsabilité professionnelle. Pour retenir la responsabilité de l'avocate au titre de la procédure prud'homale, la cour d'appel, après avoir relevé que celle-ci avait failli à son obligation d'assistance et de conseil en ne se présentant pas à l'audience de jugement du 27 octobre 2004 et en ne sollicitant pas la réinscription de l'affaire au rôle, retient que la radiation de l'instance a emporté reprise du cours de la prescription et que celle-ci étant désormais acquise, le client a définitivement perdu toute chance de remporter l'action engagée devant le conseil de prud'hommes. La censure sera opérée par la Cour suprême au visa des articles 2244 (N° Lexbase : L4838IRM) et 2247 (N° Lexbase : L7175IAY) du Code civil et 377 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2241H4R), ensemble l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT). En effet, si l'effet interruptif de la prescription résultant d'une action portée en justice se prolonge pendant la durée de l'instance, l'interruption de la prescription est non avenue lorsque le demandeur laisse périmer l'instance. Dès lors, en statuant ainsi, alors que le cours de la prescription avait été interrompu par l'introduction de l'instance prud'homale et que la radiation de l'affaire était sans effet sur la poursuite de cette interruption, la cour d'appel a violé les textes susvisés (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1358EUT).

newsid:436761

Procédure civile

[Brèves] L'effet dévolutif de l'appel

Réf. : Cass. civ. 2, 11 avril 2013, n° 12-15.035, F-P+B (N° Lexbase : A0891KCY)

Lecture: 1 min

N6754BTC

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Le 18 Avril 2013

Dans un arrêt rendu le 11 avril 2013, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation retient qu'un cour d'appel, saisie, par application de l'article 562, alinéa 2 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6715H7T), de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond (Cass. civ. 2, 11 avril 2013, n° 12-15.035, F-P+B N° Lexbase : A0891KCY ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E9527ETZ). En l'espèce, un tribunal d'instance avait autorisé la saisie des rémunérations de M. B. Celui-ci faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 18 mars 2010 (CA Paris, Pôle 4, 9ème ch., 18 mars 2010, n° 08/01044 N° Lexbase : A0594EUK) de ne pas annuler le jugement, faisant valoir que l'aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l'instance et que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat ; aussi, selon le requérant, en s'abstenant d'annuler, au besoin d'office, le jugement entrepris après avoir pourtant constaté qu'au jour où le premier juge avait statué, M. B. avait utilement déposé une demande d'aide juridictionnelle trois jours avant l'audience mais qu'aucun avocat n'avait encore été désigné, la cour d'appel avait violé les articles 18 et 25 de la loi du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE), ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR). Mais l'argument est écarté par la Cour suprême qui relève que la cour d'appel, saisie, par application de l'article 562, alinéa 2, du Code de procédure civile de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, était tenue de statuer sur le fond.

newsid:436754

Procédure civile

[Brèves] Conditions d'ouverture de l'opposition : l'opposition doit contenir les moyens du défaillant

Réf. : Cass. civ. 2, 11 avril 2013, n° 12-17.174, F-P+B (N° Lexbase : A0874KCD)

Lecture: 1 min

N6750BT8

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Le 18 Avril 2013

Il résulte de l'article 574 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6728H7C) que l'opposition doit contenir les moyens du défaillant ; tel est le principe rappelé par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 11 avril 2013 (Cass. civ. 2, 11 avril 2013, n° 12-17.174, F-P+B N° Lexbase : A0874KCD ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1423EUA). En l'espèce, M. J. avait formé opposition à un jugement rendu par défaut qui l'avait condamné à payer un certaine somme à M. D. M. J. faisait grief au jugement rendu par la juridiction de proximité de déclarer son opposition irrecevable. En vain. Dès lors que le demandeur se bornait dans son opposition à indiquer qu'il souhaitait faire opposition au jugement, sans exposer aucun moyen de fait ou de droit, son recours n'était pas recevable en vertu de l'article 574 du Code de procédure civile.

newsid:436750

Procédure civile

[Brèves] Les effets de l'arrêt de cassation

Réf. : Cass. civ. 2, 11 avril 2013, n° 12-15.837, F-P+B (N° Lexbase : A0917KCX)

Lecture: 1 min

N6751BT9

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Le 18 Avril 2013

Dans un arrêt rendu le 11 avril 2013, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à rappeler les effets de l'arrêt de cassation, qui entraîne en vertu de l'article 625 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6784H7E), l'annulation de tous les actes faits pour l'exécution de la décision cassée (Cass. civ. 2, 11 avril 2013, n° 12-15.837, F-P+B N° Lexbase : A0917KCX ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1490EUQ). En l'espèce, statuant sur l'appel interjeté par Mme K. du jugement d'un juge de l'exécution qui l'avait déboutée de sa demande en nullité d'un commandement aux fins de saisie-vente que lui avait fait délivrer M. P., une cour d'appel, par un arrêt du 26 janvier 2006, avait annulé ce commandement et ordonné la mainlevée de tous les actes d'exécution subséquents. Pour juger que la contestation élevée par Mme K. n'avait plus d'objet, déclarer l'instance éteinte et la cour dessaisie, la cour d'appel de Douai, statuant sur renvoi après cassation (CA Douai, 15 septembre 2011, n° 08/08324 N° Lexbase : A1240H73), avait retenu qu'à la suite de l'arrêt du 26 janvier 2006 dont les dispositions avaient force de chose jugée nonobstant le pourvoi en cassation formé contre cette décision, M. P. avait donné mainlevée de la saisie-vente litigieuse, ce dont il résultait qu'aucune procédure d'exécution forcée n'était plus en cours au moment où elle statuait. L'arrêt est censuré par la Cour suprême qui rappelle que la cassation d'une décision entraîne par voie de conséquence l'annulation de tous les actes faits pour l'exécution de celle-ci.

newsid:436751

Procédure pénale

[Brèves] De la valeur d'un procès-verbal de médiation pénale

Réf. : Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-13.672, F-P+B+I (N° Lexbase : A9957KBE)

Lecture: 2 min

N6759BTI

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Le 20 Avril 2013

Le procès-verbal établi et signé à l'occasion d'une médiation pénale constitue une transaction. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 10 avril 2013 par la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-13.672, F-P+B+I N° Lexbase : A9957KBE). En l'espèce, à la suite de la plainte en violences et extorsion de fonds déposée par Mme O. contre son concubin, M. D., ceux-ci ont signé, à l'occasion de la mission de médiation pénale à laquelle le procureur de la République avait fait procéder, un procès-verbal aux termes duquel, en contrepartie de la renonciation de Mme O. à sa plainte, M. D. s'est obligé à lui verser une certaine somme, "toutes causes de préjudices confondues", à prendre en charge deux crédits bancaires et à annuler purement et simplement la reconnaissance de dette qu'elle lui avait consentie. Après la cessation définitive de leur relation, Mme O. a assigné M. D. en exécution de ses engagements. La cour d'appel de Limoges a condamné ce dernier à payer la somme de 11 433,68 euros, de dire qu'il prendra seul en charge les divers crédits et ne pourra se prévaloir de la reconnaissance de dettes qu'elle lui a consentie (CA Limoges, 10 novembre 2011, n° 10/01591 N° Lexbase : A0959H4B). Pourvoi est formé, M. D. invoquant que le procès-verbal d'une médiation pénale ne constitue pas une transaction au sens du Code civil, qu'on ne peut transiger que sur l'intérêt civil d'un délit et que la médiation pénale ne peut contenir l'engagement du présumé auteur de réparer que le seul préjudice résultant de l'infraction. En vain. En effet, la Haute juridiction énonce que le procès-verbal établi et signé à l'occasion d'une médiation pénale, qui contient les engagements de l'auteur des faits incriminés, pris envers sa victime en contrepartie de la renonciation de celle-ci à sa plainte et, le cas échéant, à une indemnisation intégrale, afin d'assurer la réparation des conséquences dommageables de l'infraction et d'en prévenir la réitération par le règlement des désaccords entre les parties, constitue une transaction qui, en dehors de toute procédure pénale, tend à régler tous les différends s'y trouvant compris et laisse au procureur de la République la libre appréciation des poursuites en considération du comportement du mis en cause.

newsid:436759

Procédure pénale

[Brèves] Les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond

Réf. : Cass. crim., 4 avril 2013, n° 12-85.067, F-P+B (N° Lexbase : A0775KCP)

Lecture: 1 min

N6758BTH

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Le 18 Avril 2013

Aux termes d'un arrêt rendu le 4 avril 2013, la Chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle que les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond (Cass. crim., 4 avril 2013, n° 12-85.067, F-P+B N° Lexbase : A0775KCP). En l'espèce, M. R. a été déclaré coupable de conduite sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par la présence dans l'air expiré d'un taux d'alcool pur égal ou supérieur à 0,40 milligramme par litre d'air, en l'espèce 0,53 mg par litre d'air. Il a été condamné à une amende délictuelle de 250 euros et son permis de conduire a été suspendu pour une durée de trois mois. Pourvoi est formé, le prévenu reprochant à l'arrêt, d'une part, d'avoir jugé que sa culpabilité s'évinçait des mesures régulièrement prises de son taux d'alcool pur dans l'air expiré, sans constater que le résultat de la mesure lui avait été immédiatement notifié et, d'autre part, de l'avoir déclaré coupable des faits visés à la prévention sans constater qu'il n'avait pas sollicité un second contrôle de son taux d'alcoolémie. Le pourvoi sera rejeté par la Haute juridiction. En effet, il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt attaqué, ni de celles du jugement, ni d'aucunes conclusions régulièrement déposées que M. R., qui n'a pas comparu devant le tribunal correctionnel, mais dont la défense a été assurée par un avocat, ait contesté devant le premier juge, avant toute défense au fond, les conditions dans lesquelles ont été réalisées les vérifications destinées à établir la preuve de son état alcoolique. Partant, le moyen, qui revient à contester la régularité d'un acte de l'enquête, est irrecevable par application de l'article 385 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3791AZG ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2239EUH).

newsid:436758

Propriété

[Brèves] La cathédrale de Nice est bien la propriété de l'Etat russe

Réf. : Cass. civ. 3, 10 avril 2013, n° 11-21.947, FS-P+B (N° Lexbase : A0776KCQ)

Lecture: 2 min

N6744BTX

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Le 25 Avril 2013

Dans un arrêt du 10 avril 2013, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'Aix-en-Provence du 19 mai 2011 (CA Aix-en-Provence, 19 mai 2011, n° 10/01453 N° Lexbase : A0785HSU ; lire N° Lexbase : N4301BS4) qui avait retenu que la prestigieuse cathédrale Saint-Nicolas de Nice était la propriété de l'Etat de Fédération de Russie, et non de l'association cultuelle orthodoxe qui occupait l'édifice depuis 80 ans (Cass. civ. 3, 10 avril 2013, n° 11-21.947, FS-P+B N° Lexbase : A0776KCQ). Pour rappel, le tsar Alexandre II avait acquis, le 9 novembre 1865, un terrain sis à Nice. Un immeuble, devenu la cathédrale Saint-Nicolas, avait été édifié sur ce terrain de 1903 à 1912. Aux termes d'un oukase du 20 décembre 1908, le tsar Nicolas II avait ordonné qu'"à l'avenir, [son] cabinet soit considéré comme le véritable propriétaire [de cet] immeuble et figure seul à ce titre dans tous les actes publics ou privés". Suivant acte authentique du 9 janvier 1909, le consul de Russie en France, agissant au nom et comme mandataire du ministre de la Cour impériale de Russie, avait donné ce terrain avec toutes ses constructions à bail emphytéotique à l'association diocésaine de Saint-Petersbourg. La Fédération de Russie avait agi contre l'Association cultuelle orthodoxe russe de Nice, occupante des lieux depuis 1925, pour que soit constatée sa qualité de propriétaire du terrain, de la cathédrale et de son contenu. L'association faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de rejeter la fin de non recevoir opposée à l'action de la Fédération. En vain. La Cour suprême approuve les juges du fond en ce qu'ils avaient, notamment, retenu que la possession de ces biens par l'association était entachée d'équivoque et que celle-ci ne pouvait se prévaloir d'une interversion de son titre, ce après avoir relevé qu'au cours de la procédure devant le président du tribunal civil de la Seine en 1925, l'association n'avait pas prétendu que le bail emphytéotique n'existait plus, qu'elle avait affirmé alternativement avoir la détention, la possession ou la jouissance de la cathédrale, et retenu souverainement que la position exprimée par l'association devant cette juridiction n'était pas révélatrice d'une intention claire et non équivoque de se comporter en propriétaire de la cathédrale et que l'acte du 12 avril 1927 entre l'administration religieuse des églises orthodoxes d'Europe occidentale et l'association n'avait pu avoir pour effet de transférer à celle-ci la propriété des biens litigieux. De même, elle approuve la cour ayant souverainement retenu que l'association n'avait pas accompli sur la partie du terrain non désignée dans le bail emphytéotique d'actes de possession autres que ceux, entachés d'équivoque, accomplis sur l'autre partie et que ces deux parties du terrain avaient été acquises par l'empereur de Russie en 1865, et ayant déduit que l'association n'était pas fondée à prétendre avoir acquis la propriété de cette partie du terrain.

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QPC

[Evénement] Réflexions sur les aspects procéduraux de la QPC

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par Anne-Lise Lonné-Clément, rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée

Le 19 Avril 2013

A l'occasion du troisième anniversaire de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) entrée en vigueur le 1er mars 2010, l'EFB organisait un colloque, le 5 avril 2013, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Présentes à cette occasion, les éditions Lexbase vous proposent de revenir sur la table ronde portant sur les aspects procéduraux de la QPC, qui était animée par Nicolas Molfessis, Professeur de droit privé à l'Université Paris II Panthéon-Assas, et à laquelle participaient Franck Terrier, Président de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, Alain Bénabent, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et Emmanuel Piwnica, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.

Proposant une définition juridique de la QPC, le Président Terrier a relevé que le dispositif de la QPC est très singulier puisqu'il consiste à transformer un moyen soulevé dans le cadre d'un litige particulier, devant le juge ordinaire, en procès contre la loi devant le Conseil constitutionnel, et conduisant à une décision d'abrogation, ou de conformité (avec ou sans réserves d'interprétation), cette décision pouvant d'ailleurs ne pas profiter selon les circonstances, à la partie ayant soulevé la question.

Si le succès de la QPC est incontestable, le Président Terrier relève, néanmoins, que dans la vie quotidienne des juges, la procédure soulève un certain nombre de difficultés ; un certain nombre d'évolutions pourraient être envisagées, afin de rendre la QPC plus efficace en ce qu'elle permettrait plus rapidement la remise à niveau souhaitée de l'Etat de droit.

Sans revenir sur l'ensemble des mécanismes procéduraux conduisant à la QPC, le Professeur Molfessis a rappelé qu'il existe un mécanisme de double filtre devant le juge a quo, d'une part, et devant la Cour de cassation et le Conseil d'Etat, d'autre part. Ce double filtre procède de manière distincte. Il est plus rigoureux et plus sélectif lors de l'examen devant la Cour de cassation et le Conseil d'Etat que devant les premiers juges.

Ce filtrage repose sur un certain nombre de critères, à savoir notamment :

- la disposition contestée doit être applicable au litige ;
- la disposition contestée doit être de nature législative ;
- la question posée doit présenter un caractère sérieux (filtre devant la Cour de cassation et le Conseil d'Etat), ou elle ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux (filtre devant le juge a quo).

Avant que soient examinées de plus près ces conditions, et en particulier les deux premières, le Président Terrier a souhaité évoquer une problématique tenant à la règle, issue de l'ordonnance du 7 novembre 1958 (N° Lexbase : L0276AI3), interdisant au juge saisi du litige de soulever d'office une QPC. Il en résulte, selon le Président de la troisième chambre civile, que le juge qui va transmettre la question ne pourra en aucun cas l'enrichir ou l'améliorer, en vue de rectifier les erreurs ou les insuffisances du mémoire. Ce principe est strictement appliqué ; il est très fréquent que les juges du fond transmettent des QPC, enrichies et reformulées, et que la Cour de cassation considère que les ajouts du juge sont contraires à la prohibition de soulever d'office la QPC ; dans ce cas, la Haute juridiction doit se contenter d'examiner les mémoires de l'avocat. Cela constitue un véritable handicap, au regard de l'objectif du dispositif de la QPC, à savoir la modernisation la plus rapide possible et dans les meilleures conditions de notre Etat de droit ; une évolution à ce niveau serait souhaitable selon le Président Terrier.

Sur cette problématique, Emmanuel Piwnica regrette également, avec le Président de la troisième chambre civile, que le juge ne puisse pas relever d'office la constitutionnalité d'une disposition. Cela étant, il estime que le juge peut raisonnablement améliorer la question, à condition de ne pas la modifier. Il convient, selon lui, de distinguer la demande, qui porte sur une disposition, des moyens qui sont invoqués à l'appui de cette demande ; il n'est pas convaincu que la prohibition faite au juge de relever d'office une QPC puisse s'étendre à ce point à une interdiction de faire valoir un moyen pris de la méconnaissance d'une norme constitutionnelle ; il estime qu'il existe ici une autolimitation regrettable, tant du Conseil d'Etat que de la Cour de cassation, sur la faculté de relever des moyens.

1. L'applicabilité de la disposition contestée au litige

Comme l'a souligné le Président Terrier à titre introductif, la QPC est donc un moyen, et non une exception, qui va être soulevé par une partie dans le cadre du litige devant le juge ordinaire saisi de ce litige. Ce moyen doit, tout d'abord, obéir à toutes les règles du procès. En même temps, ce moyen est tout à fait particulier, puisqu'il vise seulement à faire transmettre une contestation de la loi au Conseil constitutionnel, en vue de l'abrogation de cette loi. Le législateur a voulu que ce procès de la loi s'ancre dans un litige particulier. Cette condition qui exprime et qui traduit cette option politique, c'est la condition de l'applicabilité au litige.

Sous son apparente simplicité, cette condition a pu soulever un certain nombre de difficultés ayant conduit à opposer la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat à cet égard. Il faut savoir d'ailleurs que, 10 % des QPC posées devant la Cour de cassation sont déclarées irrecevables et non renvoyées au Conseil constitutionnel en raison de l'inapplicabilité au litige de la question posée.

Le problème est que le législateur ne définit pas cette condition d'applicabilité de la question au litige. L'analyse des travaux parlementaires permet de mettre en évidence différentes définitions traduisant la volonté du législateur d'élargir cette condition. Dans une première version du texte, il avait été prévu que la disposition législative contestée devait être celle qui commandait le litige, c'est-à-dire qui permettait de trancher le litige. Dans une perspective d'élargissement, il a été retenu que la disposition contestée devait seulement être applicable au litige.

En réalité, dans la pratique de la Cour de cassation et des juges du fond, il apparaît deux conceptions.

La première conception, plus stricte, consiste à exiger que le texte en cause soit celui qui permette de trancher le litige ; autrement dit, il s'agit d'une condition très forte d'ancrage de la QPC dans le litige.

L'autre conception, plus souple, consiste à exiger seulement que le texte ait été appliqué ou invoqué à l'occasion de ce litige ; aussi, par exemple, il suffirait que le texte ait été invoqué dans les conclusions de l'une ou l'autre des parties, alors même que le moyen soulevé serait totalement inopérant. Le Conseil d'Etat a retenu le premier cette conception. La Cour de cassation a également adopté cette conception à plusieurs reprises, se traduisant par le considérant suivant : "considérant que le texte applicable au litige au sens et pour l'application des textes de la loi". Cette conception est, selon le Président Terrier, majoritaire au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, du moins en ce qui concerne la troisième chambre civile.

L'intervenant a signalé une troisième conception émergente, à savoir celle de l'effet utile. Cette approche consiste à se demander si la partie soulevant la question tirerait un quelconque avantage si le Conseil constitutionnel devait abroger le texte en cause. Le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ont été amenés à recourir à cette conception de l'effet utile.

Si la Cour de cassation a été critiquée pour avoir une conception plus étroite que le Conseil d'Etat de cette condition de l'applicabilité du texte au litige, elle a aujourd'hui évolué vers une conception plus souple rejoignant celle de son homologue administratif.

Emmanuel Piwnica a ajouté que si, en effet, la jurisprudence du Conseil d'Etat et des chambres civiles de la Cour de cassation est uniforme sur cette question de l'applicabilité des dispositions au litige, la Chambre criminelle exige, pour sa part, que le moyen visant les dispositions en cause soit totalement opérant.

2. La nature législative des dispositions visées par la QPC

Le Professeur Nicolas Molfessis a soulevé trois difficultés liées à la condition selon laquelle la QPC doit porter sur des dispositions législatives. En premier lieu, se pose la question de savoir si l'on peut formuler une QPC à l'encontre d'une disposition législative abrogée, quand bien même elle serait applicable au litige. Ensuite, il convient de se demander s'il est possible de formuler une QPC à l'encontre d'une interprétation jurisprudentielle de la Cour de cassation en faisant valoir que cette interprétation ou cette règle jurisprudence serait contraire à la Constitution. Enfin, se pose la question de savoir si l'on peut formuler une QPC à l'encontre d'une loi de transposition d'une Convention internationale.

- La QPC portant sur une interprétation jurisprudentielle d'une disposition

Sur cette problématique, Emmanuel Piwnica relève, tout d'abord, qu'une "disposition" n'est pas une "interprétation", non plus un "principe".

Il a rappelé que la Cour de cassation était restée hésitante sur cette question. Le problème s'est, par exemple, posé à propos de la motivation des décisions de cours d'assises. Si, dans un premier temps, la Cour de cassation a refusé de renvoyer la question estimant qu'elle tendait, en réalité, à contester non la constitutionnalité des dispositions qu'elle visait, mais l'interprétation qu'en avait donnée la Cour de cassation au regard du caractère spécifique de la motivation des arrêts des cours d'assises statuant sur l'action publique (Cass. QPC, 19 mai 2010, trois arrêts, n° 09-82.582 N° Lexbase : A8740EXY, n° 09-83.328 N° Lexbase : A8741EXZ et n° 09-87.307 N° Lexbase : A8742EX3), la Haute juridiction a, dans un second temps, admis de transmettre la question (Cass. crim., 19 janvier 2011, n° 10-85.159, F-P+B N° Lexbase : A7374GQ8). Ce débat commence aujourd'hui à se préciser de manière assez claire. Il faut savoir que l'on admet aujourd'hui les QPC dirigées contre des dispositions dans l'interprétation que leur donne la jurisprudence constante de la juridiction qui renvoie la question (Conseil d'Etat ou Cour de cassation) (cf. deux décisions d'octobre 2010 du Conseil constitutionnel, l'une sur renvoi du Conseil d'Etat : Cons. const., décision n° 2010-52 QPC, du 14 octobre 2010 N° Lexbase : A7696GBN ; l'autre sur renvoi de la Cour de cassation : Cons. const., décision n° 2010-39 QPC, du 6 octobre 2010 N° Lexbase : A9923GAR).

De son côté, Nicolas Molfessis a ajouté deux précisions.

Tout d'abord, lorsque l'on invoque une jurisprudence de la Cour de cassation à travers une QPC, il faut se référer au texte de loi lui-même qui est mis en cause à travers la critique de cette interprétation. Ainsi, dans une décision du 27 février 2013 (Cass. QPC, 27 février 2013, n° 12-40.100, F-D N° Lexbase : A9974I8W), alors que la question était formulée ainsi : "la jurisprudence de la Cour de cassation édictée dans son arrêt du 23 novembre 2007 porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 37 et 39 de la Constitution de 1958 ainsi que l'article 16 de la Déclaration des droits de I'Homme et du citoyen de 1789 ?", la Cour de cassation a retenu que la QPC ainsi soulevée ne visait aucune disposition législative et se bornait à contester une règle jurisprudentielle sans préciser le texte législatif dont la portée serait, en application de cette règle, de nature à porter atteinte au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs.

Ensuite, il convient de distinguer ce qui relève de l'interprétation de la loi et qui provient de la juridiction suprême de chaque ordre (Cour de cassation/Conseil d'Etat), de ce qui peut relever simplement d'une méthode d'évaluation ou d'appréciation de la part d'un juge du fond (Cass. QPC, 14 mars 2013, n° 12-24.995, FS-D N° Lexbase : A5012KAU) : alors que la question était rédigée ainsi "L'interprétation faite par la jurisprudence de l'article L. 13-13 du Code de l'expropriation pour ce qui concerne les modalités d'évaluation de l'indemnité d'expropriation ne porte-t-elle pas atteinte au droit fondamental de la propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'Homme du 26 août 1789 : - en ce que la jurisprudence de manière constante évalue les biens de rapport expropriés en appliquant la méthode de la comparaison qui est inadaptée à ce type de biens au lieu d'appliquer la méthode du revenu ou par capitalisation qui seule permet la réparation matérielle intégrale ; - en ce que les juridictions appliquent de manière constante un abattement forfaitaire (généralement de 40 %), sur la valeur des biens de rapport lorsqu'ils sont occupés, sans aucune relation avec la valeur vénale du bien qui n'a de valeur que s'il est occupé et sans aucun rapport avec les indemnités d'éviction allouées aux occupants", la Cour de cassation a estimé que la question prioritaire de constitutionnalité ne critiquait pas une interprétation jurisprudentielle constante, par la Cour de cassation, du texte visé, mais une méthode d'évaluation des biens expropriés que les juges du fond peuvent souverainement retenir.

Quant à Maître Alain Bénabent, il ajoute que la Cour de cassation vise régulièrement, dans ses décisions, non seulement des textes, mais aussi des principes ; aussi, prenant exemple sur la théorie jurisprudentielle des troubles anormaux de voisinage selon laquelle "nul ne doit porter atteinte à la propriété d'autrui", il s'est interrogé sur la question de savoir dans quelle mesure il pourrait être envisagé de diriger une QPC contre le principe dont la jurisprudence fait constamment application.

Mais, à cet égard, le Président Terrier rappelle que la QPC est un moyen visant à l'abrogation de la loi ; aussi en l'absence de loi, il est évident que la condition de transmission n'est pas remplie. Ensuite, cette solution présenterait le risque que le Conseil constitutionnel approuve certaines jurisprudences, et par là-même les cristallise en les constitutionnalisant. Aussi, il en découlerait qu'il serait fait obstacle au pouvoir prétorien qui constitue le fondement même du travail du juge serait empêché, sachant qu'il n'existe aucun droit acquis à une jurisprudence constante ; autrement dit, ce travail jurisprudentiel serait paralysé par la constitutionnalisation de la jurisprudence par le Conseil constitutionnel.

Dès lors que l'une des conditions de transmission est que l'interprétation contestée se fonde sur un texte législatif, le Président Terrier considère qu'une doctrine purement prétorienne, ou fondée sur un texte réglementaire, n'est pas justiciable de la QPC. Seule une modification de la loi permettrait de contester des principes jurisprudentiels, ce qui n'est pas souhaitable, dès lors qu'elle entraînerait une modification institutionnelle assez remarquable.

S'agissant, enfin, de la contestation par la voie d'une QPC, d'une disposition réglementaire, celle-ci n'est pas possible, seules pouvant être visées les dispositions légales ; si certains justiciables tentent de le faire indirectement en mettant en cause la disposition législative qui préside la disposition réglementaire, la Cour de cassation ne manque pas de les relever (Cass. QPC, 21 janvier 2013, n° 12-19.870, FS-P+B N° Lexbase : A9102I3I) : dans cette affaire, alors qu'il était soutenu que l'article L. 143-14 du Code rural et de la pêche maritime méconnaissait le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, la Cour de cassation a relevé que, sous couvert de la critique d'une disposition législative, la question posée ne tendait qu'à discuter la conformité au principe constitutionnel invoqué des dispositions de l'article R. 143-11 du même code (N° Lexbase : L5033AE7), qui prévoient que l'affichage en mairie constitue le point de départ du délai de recours. Aussi, la Cour retient que ces dispositions, de nature réglementaire, ne peuvent faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité.

- La QPC portant sur une disposition législative abrogée

Sur la question de savoir si une disposition abrogée peut s'appliquer, là encore, si dans un premier temps, la jurisprudence était hésitante, elle ne présente pas de difficulté aujourd'hui : une disposition abrogée est applicable et donc susceptible de donner lieu à un renvoi au Conseil constitutionnel.

- La QPC soulevée à l'encontre d'une loi de transposition d'une Convention internationale

Nicolas Molfessis a ensuite soulevé la question de l'articulation du droit conventionnel de la CESDH avec le droit constitutionnel, dans l'élaboration de cette critique supralégislative du texte. Ainsi, il convient de s'interroger sur la possibilité de critiquer une loi ayant mis en oeuvre une Directive européenne.

Emmanuel Piwnica relève que le Conseil constitutionnel a tout récemment rendu une décision à cet égard (Cons. const., 4 avril 2013, décision n° 2013-314P QPC N° Lexbase : A4672KBN) ; le Conseil constitutionnel a ordonné un renvoi préjudiciel à la CJUE s'agissant de l'interprétation de la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen, à propos d'une question portant sur l'absence de recours suspensif à l'égard d'une décision qui consisterait à étendre les effets d'un mandat ; le Conseil constitutionnel a fait application de sa jurisprudence en la matière (Cons. const., décision n° 2004-496 DC, du 10 juin 2004 N° Lexbase : A6494DCI), dont il résulte qu'à l'occasion de la transposition d'une norme européenne, lorsque le législateur national va au-delà de la simple transposition, le juge a la possibilité, en vertu de l'article 88-1 de la Constitution, d'examiner si le texte tel qu'il a été transposé est conforme à la Constitution, celle-ci renvoyant aux engagements internationaux de la France.

S'agissant du droit international indépendamment du droit de l'Union européenne, Emmanuel Piwnica a souligné que, d'une manière plus générale, le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat, ou la Cour de cassation, ont tendance à considérer que la Constitution est au sommet de la hiérarchie des normes, les Conventions internationales étant inférieures et donc, qu'en cas de conflit entre Constitution et Conventions internationales, ce conflit doit se résoudre au profit de la Constitution.

Par ailleurs, en cas de difficulté tenant à la non-conformité d'un texte à une norme supérieure, il est possible de faire valoir tant un moyen d'inconventionnalité, qu'un moyen d'inconstitutionnalité. Toutefois, rares sont les cas où les deux questions se superposent totalement ; la question de la constitutionnalité concerne la conformité objective d'un texte, alors que la question de la conventionnalité concerne une question plus précise au regard du litige, et donc procède d'une appréciation dans les circonstances de l'espèce.

De son côté, Nicolas Molfessis a ajouté que la QPC ne peut pas, bien entendu, permettre de remettre en cause un texte européen sur le terrain constitutionnel. Le contrôle de constitutionnalité ne s'applique pas au texte supralégislatif.

Toute la question consiste donc à déterminer si le texte critiqué retient des dispositions législatives qui lui sont propres ou ne procède qu'à l'application du texte européen. Si les dispositions attaquées ne procèdent qu'à une simple application du texte européen, il ne peut donner lieu à un contrôle du Conseil constitutionnel ; si, en revanche, les dispositions législatives vont au-delà de la simple transposition, il est possible de former une QPC à l'encontre de ce texte ; c'est précisément l'enjeu de la QPC précitée du 4 avril 2013 qui a renvoyé une question préjudicielle à la CJUE.

Selon le Professeur Molfessis, la question de l'articulation du droit européen et du droit national, soulève une question plus politique, qui consiste à se demander s'il est légitime, dans notre Etat de droit, que le contrôle de constitutionnalité soit concentré, c'est-à-dire appartenant in fine à un organe spécifique, à savoir le Conseil constitutionnel, tandis que le contrôle de conventionnalité est un contrôle diffus appartenant à toutes les juridictions. Et surtout, dès lors que les deux contrôles peuvent avoir le même objet, n'existerait-il pas des risques de contradiction ?

Sur cette question, le Président Terrier souligne que, dans la pratique, lorsque la Cour de cassation est saisie à la fois d'un moyen soulevé sur le plan de la constitutionnalité et d'un autre sur le plan de la conventionnalité, les griefs sont peu ou prou identiques ; or, en cas de décision de non-conformité rendue par le Conseil constitutionnel, la question de l'inconventionnalité ne se pose plus, du moins s'il ne reporte pas les effets de son abrogation ; si les Sages rejettent la QPC et considèrent le texte conforme à la Constitution, la Cour de cassation peut alors se prononcer sur le grief de l'inconventionnalité ; dans ce cas, il faut savoir qu'il résulterait d'une déclaration de conformité à la Constitution, une sorte de "présomption de conventionnalité" ainsi que l'a formulé le Président Debré lors de son intervention aux travaux de la matinée de ce colloque. Cette "présomption de conventionnalité" devrait ainsi être appliquée par les juges ; il s'agit d'un souhait politique en termes de cohérence de l'ensemble des institutions, plus qu'un souhait juridique, sachant que rien n'interdit en effet aux juges, comme l'a relevé le Président, de retenir, après un contrôle de constitutionnalité qui aurait abouti à une déclaration de conformité, que le texte ne serait pas pour autant inconventionnel. Cette question de la concurrence entre les dispositifs de protection est assez récurrente (cf. le débat sur la garde à vue). A la connaissance du Président Terrier, il n'existe pas d'exemple pour lequel, dans le cas d'un moyen en inconventionnalité, un texte aurait été déclaré non-conforme après que le Conseil constitutionnel ait déclaré le texte conforme à la Constitution ; une telle solution constituerait une trop grande incohérence manifeste des institutions.

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Responsabilité

[Jurisprudence] La consécration prétorienne d'un cas d'exclusion de la CIVI : l'OPEX !

Réf. : Cass. civ. 2, 28 mars 2013, n° 11-18.025, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2643KBI)

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N6712BTR

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par Séverin Jean, docteur en droit privé, Université Toulouse I Capitole (IEJUC)

Le 18 Avril 2013

Si le recours à la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) permet aux victimes de certaines infractions dommageables d'obtenir la réparation intégrale des préjudices consécutifs à un dommage corporel, c'est à la condition que le fait dommageable, d'une part, présente le caractère matériel d'une infraction et, d'autre part, qu'il ne relève pas d'un régime spécifique. Or, la Cour de cassation, par un arrêt du 28 mars 2013, se propose d'illustrer ces conditions en refusant à un militaire blessé, à l'occasion d'une opération extérieure (OPEX), le bénéfice de la CIVI. En effet, dans le cadre de l'opération "Licorne" en Côte d'Ivoire, le bombardement, par l'armée régulière ivoirienne, de la base de l'armée française provoqua des morts et des blessés. L'un des militaires blessés, alors qu'il était en service, reçut une pension au titre du régime d'indemnisation des victimes de guerre. Toutefois, il décida de saisir la CIVI d'une demande d'indemnisation.

La cour d'appel de Bordeaux, par un arrêt du 2 février 2011 (1), déclara sa demande irrecevable au motif notamment que le bombardement entrait dans un contexte politique ne permettant pas de considérer le fait dommageable -le bombardement- comme une simple infraction de droit commun dont pourrait se prévaloir le militaire pour demander la réparation des préjudices devant la CIVI. Le militaire forma alors un pourvoi en cassation. Au soutien de son pourvoi, il argua d'une part, que l'existence d'un contexte politique n'enlève pas le caractère délictueux du fait dommageable, de sorte qu'il ne pouvait être privé de son droit à réparation et d'autre part, que le bombardement devait s'analyser comme une infraction de droit commun, dans la mesure où il n'était pas engagé dans une guerre contre le pays hôte, mais dans une mission de maintien de la paix sous l'égide de l'ONU. Dès lors, la Cour de cassation devait se demander si un militaire en service, blessé dans le cadre d'une mission de maintien de la paix, pouvait bénéficier de la CIVI ?

La Cour de cassation rejeta le pourvoi au visa de l'article 706-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5612DYI) et des articles L. 4111-1 (N° Lexbase : L2541HZ7), D. 4122-7 (N° Lexbase : L5008IAQ) et L. 4123-4 (N° Lexbase : L6136IAI) du Code de la défense. Elle estima d'une part, que le militaire blessé en service qui participe à une OPEX n'est éligible qu'aux dispositions du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et qu'aux modalités d'indemnisation complémentaires fondées sur la responsabilité de l'Etat. D'autre part, elle reprend à son compte la motivation de la cour d'appel, en ce qu'elle considère que le bombardement s'inscrivait dans un contexte politique, de sorte que le fait dommageable ne peut s'analyser comme une infraction de droit commun.

La solution de la Cour de cassation est assurément très importante dans la mesure où elle vient préciser le recours à la CIVI. Ainsi, les magistrats du quai de l'Horloge entendent délimiter le droit à indemnisation eu égard à la notion d'OPEX (I), et mieux encore, ils consacrent le rejet du droit à réparation devant la CIVI, lorsque le fait dommageable intervient dans le cadre d'une OPEX (II).

I - La notion d'"OPEX" délimitant le droit à indemnisation

OPEX, pension et réparation. La Cour de cassation s'appuie très clairement sur la notion d'"opération extérieure" pour déterminer le droit à indemnisation du militaire français blessé dans le cadre de l'opération "Licorne". Dans cette situation, si le droit à pension est acquis sans aucune difficulté (A), les magistrats du quai de l'Horloge, en revanche, circonscrivent le droit à réparation eu égard à la notion même d'"opération extérieure" (B).

A - Le droit à pension acquis en matière d'OPEX

L'article L. 4123-4 du Code de la défense. L'article L. 4123-4 du Code de la défense dispose que "les militaires participant à des opérations extérieures ainsi que leurs ayants cause bénéficient : 1° Des dispositions des articles [...] du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre [...]". Il ressort de cette disposition que les militaires, intervenant dans le cadre d'une opération extérieure, ont un droit à pension dont les conditions sont fixées par le Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. En effet, l'article L. 2 (N° Lexbase : L1050G9R) de ce dernier dispose qu'"ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service [...]". Dès lors, il n'est guère étonnant que le demandeur -le militaire français- ait bénéficié du droit à pension dans la mesure où il a été blessé, pendant son service, à la suite d'un bombardement de sa base par l'armée régulière ivoirienne. Si son droit à pension n'est pas en cause, il n'en demeure pas moins important de déterminer ce que recouvre ce droit à pension, puisque l'on pourrait penser que l'irrecevabilité de sa demande d'indemnisation devant la CIVI tient au fait qu'il a déjà été indemnisé au titre de la pension d'invalidité militaire.

Contenu du droit à pension. Lorsque les conditions du droit à pension sont réunies, il convient de procéder à l'évaluation de son quantum. Pour ce faire, le Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre procède par la détermination préalable du taux d'invalidité auquel correspond un indice de pension qui tient compte du grade du militaire (2). Une fois l'indice de pension déterminé, il suffit de le multiplier par la valeur du point de pension, lequel est fixé par décret, pour connaître le montant annuel de la pension (3). Celle-ci peut être définitive si la blessure est incurable (4). Lorsque tel n'est pas le cas, la pension sera temporaire puisqu'elle est concédée pour trois ans, mais pourra être renouvelée "par périodes triennales après examens médicaux [...]" (5). Le contenu du droit à pension démontre qu'il ne s'agit pas à proprement parler d'une réparation intégrale, puisque la pension ne vise pas à réparer l'entier préjudice, un taux minimum de 10 % d'invalidité étant requis (6), mais constitue en quelque sorte une compensation à "l'état militaire [...] [exigeant] en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême [...]" (7).

Pension n'est pas réparation. Si le droit à pension ne saurait se confondre avec le droit à réparation intégrale, on comprend aisément que le demandeur -le militaire français- ait saisi la CIVI afin précisément d'obtenir "la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à [...] [sa] personne [...]" (8). En effet, si le droit à pension ne vise pas à réparer intégralement les préjudices consécutifs à un dommage corporel, rien n'interdit alors de saisir la CIVI, le principe de la réparation intégrale n'étant pas entamé pour solliciter le complément d'indemnisation nécessaire à la compensation de l'entier préjudice. Ce recours était, selon lui, d'autant plus envisageable, qu'il est ouvert à "toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction [...]" (9). Considérant, d'une part, que le bombardement opéré par l'armée régulière ivoirienne était à l'origine du dommage corporel, et, d'autre part, que ce fait dommageable devait s'analyser comme une infraction, le demandeur -le militaire français- pensait qu'il était parfaitement fondé à obtenir réparation auprès de la CIVI. Pourtant, la Cour de cassation juge la demande irrecevable en raison du fait que le préjudice a été subi à l'occasion d'une "opération extérieure au cours de laquelle ce militaire était en service".

B - Le droit à réparation circonscrit en matière d'OPEX

Notion d'"OPEX". Il n'existe pas de définition légale de l'opération extérieure. Selon le rapport d'information n° 2237 sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures, "les opérations extérieures s'apparentent à des engagements qui nécessitent la projection d'hommes en dehors du territoire national, sur un théâtre de crises, et qui ont pour objectif de contribuer à sa gestion" (10). Dans notre affaire, la qualification d'opération extérieure ne fait guère de doute dans la mesure où, sous l'égide de la résolution de l'ONU n° 1528 du 27 février 2004 (11), l'armée française s'est engagée dans une mission de maintien de la paix en Côte d'Ivoire où une guerre civile opposait l'armée régulière ivoirienne et des citoyens ivoiriens. Recourant à la notion d'"opération extérieure", la Cour de cassation affirme que les militaires français blessés en service à l'occasion d'une opération extérieure ne sont éligibles d'une part, qu'"aux dispositions du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre [...] [et d'autre part], qu'aux modalités d'indemnisation complémentaires fondées sur la responsabilité de l'Etat [...]". La solution des magistrats du quai de l'Horloge apporte deux informations fondamentales.

De la réparation intégrale. En premier lieu, il ne faudrait pas croire que la Cour de cassation n'entend pas réparer intégralement les préjudices subis par les militaires français blessés en service à l'occasion d'opérations extérieures. Au contraire, le principe de la réparation intégrale est observé, mais peut supposer la mise en oeuvre d'un double mécanisme : droit à pension et responsabilité de l'Etat. En effet, si la pension ne couvre pas l'entier préjudice, le militaire pensionné est en droit de saisir la juridiction administrative pour demander le complément d'indemnisation fondé sur la responsabilité de l'Etat.

De la réparation intégrale oui, mais pas par la CIVI. En second lieu, si un complément d'indemnisation peut être obtenu, lorsque la pension ne couvre pas l'intégralité du préjudice subi, il ne peut être recherché que devant une juridiction administrative, et non devant une commission d'indemnisation des victimes d'infractions. La raison ? Parce que le dommage corporel a été subi par un militaire français, en service, à l'occasion d'une opération extérieure. En d'autres termes, lorsqu'un militaire français, en service, subit un dommage corporel dans le cadre d'une opération extérieure, il ne peut pas en demander réparation devant une commission d'indemnisation des victimes d'infractions. La notion d'"opération extérieure" exclut le recours à la CIVI parce que, précisément, les militaires concernés disposent de régimes spéciaux, tels que le droit à pension et l'action en responsabilité contre l'Etat. Pour tout dire, il semble au commentateur que cet argument était largement suffisant pour déclarer irrecevable la demande d'indemnisation formulée devant la CIVI. Pourtant, la Cour cassation s'oblige à justifier sa solution en recourant à une notion teintée de complexité et d'inutilité -l'"infraction de droit commun"-, alors même qu'il suffisait de considérer que le recours à la CIVI est exclu en présence d'une OPEX, laquelle offre aux militaires français des régimes spéciaux d'indemnisation.

II - La notion d'"OPEX" excluant le droit à réparation

En matière de CIVI. Indiquons-le sans perdre de temps, la notion d'"OPEX" exclut le droit à réparation seulement devant la CIVI, puisque celui-ci peut être exercé, par exemple, au titre de régimes spéciaux. Cela étant dit, la Cour de cassation, dans cet arrêt, vient préciser que le recours à la CIVI exige de rapporter la preuve d'un fait présentant le caractère matériel d'une infraction et, chose nouvelle, celle-ci doit être de droit commun (A), ce qui est impossible lorsque le fait dommageable survient dans le cadre d'une OPEX (B).

A - L'exigence d'une infraction de droit commun en matière de CIVI

L'article 706-3 du Code de procédure pénale. Les conditions du recours à la CIVI sont prévues par l'article 706-3 du Code de procédure pénale qui dispose que "toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne[...]". La Cour de cassation, pour déclarer la demande en indemnisation devant la CIVI irrecevable au regard du texte susvisé, objecte deux arguments principaux. D'une part, l'ouverture d'une information pénale, encore en cours, dont a été saisie un juge d'instruction des armées ne peut être prise en considération pour caractériser l'apparence d'infraction dans la mesure où l'on n'en connaît pas l'issue. D'autre part, le bombardement par l'armée régulière ivoirienne, intervenant dans un contexte politique, ne permet pas de le considérer comme une infraction de droit commun.

L'ouverture d'une information pénale. Il convient au préalable d'indiquer que le recours à la CIVI peut être exercé avant même que des poursuites pénales soient engagées (12), voire après, si la réparation obtenue est jugée insuffisante. Cela étant, le fait que l'ouverture d'une information pénale n'établisse pas l'apparence d'une infraction n'est pas nouveau, puisque la Cour de cassation a déjà considéré, qu'une information ouverte du chef d'assassinat n'était pas suffisante pour établir le caractère matériel d'une infraction (13). Cette solution se comprend aisément, car il appartient à la CIVI de rechercher si les faits litigieux présentent ou non le caractère matériel d'une infraction. Dès lors, les magistrats du quai de l'Horloge, en prenant soin d'indiquer que l'issue de l'information n'est pas connue, s'inscrivent dans la continuité de cette jurisprudence. En revanche, la caractérisation de l'infraction aurait bien sûr été acquise si, à l'issue de l'information pénale, l'auteur de l'infraction avait été condamné. Nonobstant cette précision, c'est sans aucun doute le second argument développé par la Cour de cassation qui est bien plus difficile à analyser.

L'infraction de droit commun. La formulation étonne, surprend. En effet, l'arrêt commenté semble requérir l'existence non pas seulement d'un fait présentant le caractère matériel d'une infraction, comme le prévoit l'article 706-3, alinéa 1er du Code de procédure pénale, mais le caractère matériel d'une infraction de droit commun. L'utilisation de la notion "infraction de droit commun" est délicate à cerner, tant elle fait l'objet de débats doctrinaux. Il semblerait qu'il faudrait entendre par infraction de droit commun, "celle qui est soumise aux règles de fond, de compétence judiciaire ou de procédure généralement applicables aux crimes, aux délits ou aux contraventions" (14). A contrario, toutes les infractions qui obéiraient à un régime spécial devraient être considérées comme des infractions spéciales, hors du droit commun. La doctrine retient généralement (15) trois catégories d'infractions qui n'entrent pas dans la catégorie des infractions de droit commun : les infractions politiques, les infractions militaires et les infractions de presse. Si les dernières ne doivent pas retenir notre attention, il en va autrement des deux premières dans la mesure où le fait dommageable -le bombardement- est intervenu dans un contexte militaire et politique. Toutefois, il ne faut pas se méprendre, le bombardement du militaire en service dans le cadre de l'opération "Licorne" ne constitue ni une infraction politique, ni une infraction militaire.

Les infractions militaires. Celles-ci sont prévues au Titre II du Livre III de la partie législative du Code de justice militaire et se décomposent en quatre catégories : les infractions tendant à soustraire leur auteur à ses obligations militaires, comme par exemple, la désertion ; les infractions contre l'honneur et le devoir, comme par exemple, le complot militaire ; les infractions contre la discipline, comme par exemple, la rébellion ; et les infractions aux consignes, comme par exemple, le fait d'abandonner son poste en temps de paix. Toutes ces infractions montrent qu'il s'agit de sanctionner le comportement d'un militaire français et non, comme dans notre espèce, de sanctionner le comportement d'un tiers -l'armée régulière ivoirienne- à l'égard d'un militaire français.

Les infractions politiques. Celles-ci sont difficiles à identifier dans la mesure où elles ne sont pas définies par le Code pénal. En outre, même la doctrine pénaliste n'arrive pas à un consensus sur cette question. Aussi, c'est avec une extrême prudence que nous envisageons cette catégorie d'infractions. On admet généralement que constituent notamment des infractions politiques, celles visées au Titre I du Livre IV du Code pénal. Son Chapitre III, section 1 est relatif "aux atteintes à la sécurité des forces armées [...]". Or, les différentes infractions prévues dans cette section ne correspondent aucunement à notre espèce, puisqu'il est par exemple question de "provoquer à la désobéissance [...] des militaires [...]" (16). En outre, la doctrine pénaliste est généralement d'accord sur un point : le mobile de l'auteur ne saurait être suffisant pour conférer un caractère politique à une infraction (17). Par conséquent, le bombardement de l'armée française par l'armée régulière ivoirienne ne constitue pas une infraction politique faute d'une part, d'être prévue au Titre I du Livre IV du Code pénal et d'autre part, parce que le mobile est indifférent. Il n'en demeure pas moins que la Cour de cassation, en l'espèce, ne voit pas dans le bombardement une infraction de droit commun en raison du "contexte politique" dans lequel il est intervenu. Dès lors, il convient de s'efforcer de déterminer ce qu'il faut entendre par "contexte politique" du moment que celui-ci ne permet pas de qualifier l'infraction d'"infraction politique".

B - L'absence d'infraction de droit commun en matière d'OPEX

Contexte politique ? Selon les magistrats du quai de l'Horloge, "les événements [...] entrent [...] dans un contexte politique qui ne permet pas de les considérer comme une simple infraction de droit commun, ce qui rend l'article 706-3 du Code de procédure pénale inapplicable [...]". C'est donc le fait que le bombardement soit intervenu dans un contexte politique qui a pour conséquence de ne pas retenir la qualification d'"infraction de droit commun". Que faut-il entendre par "contexte politique" ? De quel contexte politique s'agit-il dans cet arrêt ?

Notion de "contexte politique". Le "contexte" désigne "l'ensemble des circonstances dans lesquelles s'insèrent un fait" (18). Si l'on y adjoint l'adjectif "politique", il s'agit alors de l'ensemble des circonstances politiques dans lesquelles s'insèrent un fait. Le fait de l'espèce est constitué par le bombardement de l'armée française, tandis que les circonstances politiques dans lesquelles s'insèrent le bombardement correspondent à la présence de l'armée française en Côte d'Ivoire en vertu d'une mission de maintien de la paix placée sous l'égide de l'ONU. C'est visiblement le sens à donner à "contexte politique" puisque la Cour de cassation conclut "que les faits à l'origine des blessures [...] relevaient d'une opération extérieure au cours de laquelle [...] [le militaire blessé était en service], [...] [de sorte] que la demande en indemnisation formée devant la CIVI était irrecevable [...]". En réalité, ce n'est pas tout à fait exact, car il semblerait qu'une fusion soit opérée entre les notions de "maintien de la paix" et d'"opération extérieure".

Maintien de la paix et opération extérieure. La rigueur commande à intégrer la notion de "maintien dans la paix" dans la catégorie plus large d'"opération extérieure". En effet, selon le rapport d'information n° 2237 sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures peuvent être classées "en trois catégories : les opérations découlant des engagements bilatéraux de défense ; les opérations de maintien de la paix directement mises en oeuvre par les Nations Unies ; les opérations, généralement de coercition, qui peuvent être exécutées par l'OTAN mais aussi par des coalitions ad hoc sur mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies" (19). Par conséquent, une opération de maintien de la paix sous l'égide de l'ONU constitue, sans nul doute, une opération extérieure.

En outre, une opération extérieure menée par la France est nécessairement d'ordre politique puisque "le critère de la qualification d'"opération extérieure" retenu par le ministère de la Défense est la décision prise par le pouvoir politique d'envoyer les troupes hors de la métropole [...]" (20).

En définitive, la notion de "contexte politique" correspond dans notre arrêt à la notion "d'opération extérieure". En d'autres termes, c'est parce que le bombardement a eu lieu à l'occasion d'une opération extérieure que ce bombardement ne peut être qualifié d'"infraction de droit commun". Dès lors, on comprend pourquoi l'argument développé par le demandeur au pourvoi n'a pas convaincu. Le militaire blessé prétendait que le fait dommageable était intervenu alors qu'il remplissait une mission de maintien de la paix et non une opération de guerre contre l'hôte, de telle façon que le bombardement devait s'analyser comme une infraction de droit commun. Mais du moment que l'on regroupe sous l'appellation "opérations extérieures" tant les opérations de coercition que de maintien de la paix, il est alors inéluctable de considérer que le bombardement -fait de guerre- s'inscrit dans le cadre d'une opération extérieure et partant, ne peut être qualifié d'infraction de droit commun.

Incidence de l'OPEX. La solution de la Cour de cassation est dès lors très claire : lorsqu'un militaire engagé dans une opération extérieure subit un dommage corporel à l'occasion d'un fait de guerre -le bombardement- ce dernier échappe à la qualification d'"infraction droit commun". Toutefois, il ne faut pas oublier de préciser, comme le font les magistrats du quai de l'Horloge, qu'encore faut-il que le militaire soit en service lorsqu'il subit le dommage. En effet, imaginons un militaire en opération extérieure qui, lors d'une permission, subit une agression. Dans cette hypothèse, l'agression pourrait être qualifiée d'"infraction de droit commun" de sorte qu'il serait en mesure de prétendre à la CIVI.

Cela étant précisé, la solution de la Cour de cassation a trois conséquences majeures. En premier lieu, la logique conduit à exclure de la CIVI les faits dommageables, lorsqu'ils se produisent à l'occasion d'une opération extérieure et qu'ils visent des militaires en service. Cette position s'explique aisément, puisqu'en pareille situation, il convient de se tourner vers les régimes spéciaux d'indemnisation -pensions militaires- et la responsabilité de l'Etat. En deuxième lieu, et bien que cet argument soit inutile en raison du fait que le spécial déroge au général, cet arrêt vient préciser les conditions du recours à la CIVI en indiquant, qu'un fait doit, non seulement présenter le caractère matériel d'une infraction, mais que celle-ci doit être qualifiée d'"infraction de droit commun". En dernier lieu, il y a lieu de penser que la jurisprudence, par cette décision, vient de consacrer une nouvelle exclusion à l'article 706-3 du Code de procédure pénale, là où ce dernier n'avait prévu que des exclusions légales...


(1) CA Bordeaux, 5ème ch., 2 février 2011, n° 09/3638 (N° Lexbase : A3625HS3).
(2) V. C. pens. mil., art. L. 8 bis et s.. (N° Lexbase : L8489G7K).
(3) C. pens. mil., art. L. 8 bis, A.
(4) C. pens. mil., art. L. 7, al. 1er (N° Lexbase : L0909AGR).
(5) C. pens. mil., art. L. 8, al. 1er (N° Lexbase : L0910AGS).
(6) C. pens. mil., art. L. 4, al. 2 (N° Lexbase : L0511AGZ).
(7) C. déf., art. L. 4111-1, al. 2 (N° Lexbase : L2541HZ7).
(8) C. pr. pén., art. 706-3, al. 1er.
(9) C. pr. pén., art. 706-3, al. 1er.
(10) F. Lamy (rapporteur), Rapport d'information n° 2237 sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures, p. 12.
(11) L'article 16 de la résolution n° 1528 de l'ONU du 24 février 2004 "autorise les forces françaises [...] à user de tous les moyens nécessaires pour soutenir l'ONUCI [...]".
(12) Cass. civ. 2, 13 décembre 2001, n° 00-12.105, FS-P+B (N° Lexbase : A6256AXY), Bull. civ. II, n° 191, p. 134.
(13) Cass. civ. 2, 7 octobre 1992, n° 91-20.881 (N° Lexbase : A6036AHZ), Bull. civ. II, n° 229, p. 114.
(14) F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit pénal général, 16ème éd. Economica, 2009, n° 146.
(15) Seulement généralement car, par exemple, le professeur Emmanuel Dreyer écrit qu'"à côté de ces catégories classiques, et en crise, il faut noter l'émergence de nouvelles catégories d'infractions" (E. Dreyer, Droit pénal général, éd. Litec, 2010, n° 220 et s..).
(16) C. pén., art. 413-3, alinéa 1er (N° Lexbase : L1786AM4).
(17) F. Desportes et F. Le Gunehec, op. cit., n° 158 et E. Dreyer, op. cit., n° 210.
(18) Dictionnaire, éd. Le Petit Robert, 1984, v° contexte (sens 2).
(19) F. Lamy (rapporteur), op. cit., p. 6.
(20) F. Lamy (rapporteur), ibid., p. 12.

newsid:436712

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[Brèves] Propos injurieux sur Facebook : injures publiques, ou non publiques

Réf. : Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 11-19.530, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9954KBB)

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N6664BTY

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Le 18 Avril 2013

Des propos injurieux tenus sur Facebook, s'ils ne peuvent être qualifiés d'injures publiques, peuvent être punies en tant qu'injures non publiques ; c'est ce qui ressort d'un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 10 avril 2013 (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 11-19.530, FS-P+B+I N° Lexbase : A9954KBB). En l'espèce, une société qui avait employé Mme Y, et sa gérante, Mme X, avaient assigné leur ancienne salariée en paiement de dommages intérêts et prescription de diverses mesures d'interdiction et de publicité, pour avoir publié sur divers réseaux sociaux accessibles sur internet, les propos suivants, qu'elles qualifiaient d'injures publiques : sarko devrait voter une loi pour exterminer les directrices chieuses comme la mienne !!!" (site MSN) ; "extermination des directrices chieuses" (Facebook) ; "éliminons nos patrons et surtout nos patronnes (mal baisées) qui nous pourrissent la vie !!!" (Facebook) ; "Rose Marie motivée plus que jamais à ne pas me laisser faire. Y'en a marre des connes". Si la cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 2, 7ème ch., 9 mars 2011, n° 09/21478 N° Lexbase : A2410H7E) avait valablement retenu que les propos ne constituaient pas des injures publiques (après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur les comptes ouverts par Mme Y tant sur le site Facebook que sur le site MSN, lesquels n'étaient en l'espèce accessibles qu'aux seules personnes agréées par l'intéressée, en nombre très restreint, et retenu que celles-ci formaient une communauté d'intérêts), elle se voit reprocher de ne pas avoir recherché, comme il lui incombait de le faire, si les propos litigieux pouvaient être qualifiés d'injures non publiques, punies par l'article R. 621-2 du Code pénal (N° Lexbase : L0963ABB) (cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E4089ETM et l’Ouvrage "Droit pénal spécial" N° Lexbase : E0159EX8).

newsid:436664

Responsabilité

[Brèves] Exercice abusif de la liberté d'expression : quid des propos mensongers ?

Réf. : Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-10.177, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9956KBD)

Lecture: 1 min

N6739BTR

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Le 18 Avril 2013

La tenue de propos mensongers n'est pas constitutif d'un exercice abusif de la liberté d'expression. Telle est la solution qui se dégage d'un arrêt rendu le 10 avril 2013 (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-10.177, FS-P+B+I N° Lexbase : A9956KBD). En l'espèce, reprochant à Mme G. et à l'Association pour la sauvegarde du site et le maintien du souvenir, musée de Pegasus-Bridge (l'ASPEG) d'avoir fait figurer sur un site internet, d'une part, des fausses informations et des images truquées de nature à entretenir une confusion préjudiciable au musée Mémorial Pegasus qu'il exploite, d'autre part, des documents provenant de celui-ci, sans que son autorisation ait été sollicitée, le Comité du débarquement les avait assignées en cessation de ces agissements ; Mme G. et l'ASPEG avaient formé une demande reconventionnelle en restitution de documents et en paiement de dommages-intérêts. Pour interdire à Mme G. de reproduire sur son site internet les propos litigieux et de se prévaloir d'un lien quelconque direct ou indirect avec le Comité du débarquement et/ou le musée Mémorial Pegasus de Ranville et pour la condamner in solidum avec l'ASPEG à payer des dommages-intérêts, la cour d'appel avait retenu que lesdits propos revêtaient un caractère mensonger et que ceux-ci comme la confusion entretenue par Mme G. et l'ASPEG sur leur site internet lui avaient causé un préjudice. L'arrêt est censuré, au visa de l'article 10 de la CESDH (N° Lexbase : L4743AQQ), par la Cour suprême qui, après avoir rappelé que la liberté d'expression est un droit dont l'exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi, relève que les propos reproduits, fûssent-ils mensongers, n'entraient dans aucun de ces cas (cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité N° Lexbase : E7784EQD).

newsid:436739

Responsabilité

[Brèves] Atteinte à la présomption d'innocence : affichage par un médecin, dans la salle d'attente, d'un jugement, non irrévocable et expurgé, condamnant son associé

Réf. : Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 11-28.406, F-P+B+I (N° Lexbase : A9955KBC)

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N6740BTS

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Le 23 Avril 2013

Porte atteinte à la présomption d'innocence, l'affichage par un médecin, sur la porte de la salle d'attente de son cabinet de consultation, lieu public par destination, du jugement correctionnel condamnant son associé pour abus de confiance, en une version expurgée, et précédée de la mention par laquelle il informe ainsi les patients de sa séparation d'avec celui-ci. Telle est la solution qui se dégage d'un arrêt rendu le 10 avril 2013 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 11-28.406, F-P+B+I N° Lexbase : A9955KBC). En l'espèce, le médecin ayant procédé à un tel affichage faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 20 octobre 2011 (CA Aix-en-Provence, 20 octobre 2011, n° 10/20974 N° Lexbase : A9811H7I) de le condamner, sous astreinte, au retrait du jugement ainsi affiché. En vain. La première chambre civile de la Cour de cassation approuve la cour d'appel ayant relevé qu'avait été supprimé le passage relatif à l'argumentation par laquelle M. C. avait plaidé sa relaxe, et omise l'indication que celui-ci avait relevé appel de la décision, puis exactement énoncé que l'atteinte portée à la présomption d'innocence est réalisée chaque fois qu'avant sa condamnation irrévocable, une personne est publiquement présentée comme nécessairement coupable des faits pénalement répréhensibles pour lesquels elle est poursuivie, ajoutant que l'affichage d'une décision de justice ne peut s'assimiler à l'immunité propre dont bénéficie celui qui se livre au compte-rendu de débats judiciaires, une telle activité devant du reste être menée avec fidélité et bonne foi, conditions que démentaient les expurgations opérées sur la pièce affichée ; aussi, selon la Haute juridiction, la décision, qui fait ainsi ressortir le caractère manifestement illicite du trouble présent dans le litige sur lequel elle statue, est légalement justifiée (cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité N° Lexbase : E4096ETU).

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Responsabilité

[Brèves] Responsabilité de l'huissier de justice en cas de non-restitution de ses effets personnels à la personne expulsée

Réf. : Cass. civ. 2, 11 avril 2013, n° 12-15.948, F-P+B (N° Lexbase : A0890KCX)

Lecture: 2 min

N6752BTA

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Le 18 Avril 2013

Dans un arrêt rendu le 11 avril 2013, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation retient la personne expulsée n'ayant pas obtenu la restitution de ses effets personnels peut engager la responsabilité de l'huissier de justice ayant suivi l'exécution de la mesure d'expulsion (Cass. civ. 2, 11 avril 2013, n° 12-15.948, F-P+B N° Lexbase : A0890KCX). En l'espèce, l'expulsion de M. L. ayant été pratiquée le 31 août 2010, un procès-verbal d'enlèvement de biens présentant une valeur marchande avait été établi le 15 septembre 2010, par M. G., huissier de justice, ces biens étant transférés chez un commissaire-priseur ; un procès-verbal d'enlèvement des biens sans valeur marchande comprenant des effets personnels et des documents avait été établi le 16 septembre 2010 par l'huissier de justice, les biens étant transférés en un autre lieu ; précédemment, un procès-verbal de saisie-vente avait été dressé et signifié à M. L.. Ce dernier avait sollicité, devant le juge de l'exécution, la condamnation de l'huissier de justice à des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le fait de n'avoir pu récupérer ses effets personnels et sa documentation professionnelle que le 25 novembre 2010. Pour rejeter cette demande, la cour d'appel avait retenu que les biens se trouvant dans le local avaient fait l'objet de plusieurs saisies mobilières, que le commissaire-priseur avait reçu deux avis à tiers détenteur et que l'huissier de justice ne disposait plus, à compter de la désignation du séquestre d'aucun pouvoir et d'aucune qualité pour restituer le mobilier et les effets personnels de M. L.. A tort, selon la Cour suprême qui, au visa des articles L. 122-2 (N° Lexbase : L5811IRN), L. 433-1 (N° Lexbase : L5909IRB) et R. 433-1 (N° Lexbase : L2520ITI) du Code des procédures civiles d'exécution, retient que l'indisponibilité résultant des mesures d'exécution forcées précédemment exercées ne pouvait porter sur les effets personnels de M. L., que la personne expulsée est en droit d'obtenir la restitution de ses biens personnels pendant le délai d'un mois à compter de la signification du procès-verbal d'expulsion et que l'huissier de justice, seul responsable de l'exécution de la mesure d'expulsion, reste tenu de l'obligation de restitution (cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E4036EUZ).

newsid:436752

Responsabilité médicale

[Brèves] Infections nosocomiales contractées avant la loi du 4 mars 2002 et recours entre coresponsables : un partage de responsabilité s'opère en cas d'impossibilité d'établir une faute à l'encontre d'aucune des personnes responsables d'un même dommage

Réf. : Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-14.219, F-P+B+I (N° Lexbase : A9959KBH)

Lecture: 1 min

N6760BTK

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Le 18 Avril 2013

Lorsque la responsabilité civile d'un établissement et d'un médecin, tous deux tenus d'une obligation de sécurité de résultat, peut être engagée en raison de l'infection nosocomiale dont un patient a souffert, le recours s'opère par parts égales tant qu'aucune faute n'a été établie à l'encontre de l'un d'eux, la preuve de ce que les mesures d'asepsie nécessaires n'avaient pas été prises ne pouvant résulter de la seule présence, dans l'organisme du patient, d'un germe habituellement retrouvé dans les infections nosocomiales. Telle est la solution dégagée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 10 avril 2013 (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-14.219, F-P+B+I N° Lexbase : A9959KBH). En l'espèce, pour dire que la clinique, déclarée responsable, in solidum avec M. P., chirurgien, des dommages subis par M. C., à la suite d'une infection nosocomiale contractée par ce dernier, lors d'une intervention chirurgicale pratiquée le 4 février 1997 dans les locaux exploités par la clinique, devait garantir ce dernier des condamnations prononcées contre lui, la cour d'appel s'est bornée à relever, qu'il ressortait du rapport amiable d'un expert que l'un des deux germes, identifiés comme étant à l'origine de l'infection, était nosocomial. La clinique ne produisant aucun élément médical contraire, la présence de ce germe relevait de sa responsabilité dès lors qu'un établissement de soins doit prendre toutes les mesures propres à éviter les infections. En conséquence, pour les juges du fond il y avait lieu de retenir une faute de la clinique. L'arrêt sera censuré au visa de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT).

newsid:436760

Santé

[Brèves] Information des citoyens par les autorités nationales des données d'identification de l'entreprise fabriquant ou distribuant des denrées alimentaires non préjudiciables à la santé, mais impropres à la consommation

Réf. : CJUE, 11 avril 2013, aff. C-636/11 (N° Lexbase : A1366KCL)

Lecture: 1 min

N6756BTE

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Le 18 Avril 2013

Le droit de l'Union autorise les autorités nationales à fournir des données d'identification lors de l'information des citoyens sur des denrées alimentaires non préjudiciables à la santé, mais impropres à la consommation ; en particulier, il s'agit du nom de la denrée, de l'entreprise ou du nom commercial sous lequel elle a été fabriquée, traitée ou distribuée. Telle est la solution qui se dégage d'un arrêt rendu par la CJUE le 11 avril 2013 (CJUE, 11 avril 2013, aff. C-636/11 N° Lexbase : A1366KCL). En l'espèce, estimant qu'elle avait subi un préjudice considérable en raison des communiqués de presse des autorités bavaroises, une société avait intenté une action en dommages-intérêts contre ce dernier. Le tribunal régional de Munich saisi de l'affaire avait demandé à la Cour de justice si le droit de l'Union s'opposait à la réglementation allemande qui avait permis aux autorités publiques de fournir ces informations. Dans son arrêt rendu du 11 avril 2013, la Cour estime que le droit de l'Union ne s'oppose pas à une réglementation nationale, telle que la réglementation allemande en cause, permettant, dans le respect des exigences du secret professionnel, que l'information diffusée aux citoyens relative aux denrées alimentaires non préjudiciables à la santé mais impropres à la consommation humaine mentionne le nom de la denrée ou de l'entreprise ou le nom commercial sous lequel elle a été fabriquée, traitée ou distribuée. A cet égard, la Cour rappelle qu'une denrée alimentaire impropre à la consommation humaine est considérée comme "dangereuse" par le Règlement. En effet, bien qu'une telle denrée ne soit pas préjudiciable à la santé -dans la mesure où on peut la qualifier d'inacceptable pour la consommation humaine-, elle ne répond pas néanmoins aux prescriptions de sécurité des denrées alimentaires telles qu'exigées par le règlement. Dès lors, cette denrée impropre à la consommation humaine peut porter atteinte aux intérêts des consommateurs, dont la protection est l'un des objectifs poursuivis par la législation alimentaire. Il s'ensuit que les autorités nationales peuvent en informer les consommateurs, dans le respect des exigences du secret professionnel.

newsid:436756

Successions - Libéralités

[Jurisprudence] Donation-partage et composition des lots : quand la Cour de cassation revisite dangereusement la notion de partage anticipé

Réf. : Cass. civ. 1, 6 mars 2013, n° 11-21.892, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0602I98)

Lecture: 12 min

N6711BTQ

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par Sophie Deville, Maître de conférences en droit privé, Institut de droit privé EA 1920, Université Toulouse 1 Capitole

Le 18 Avril 2013

Assurément, l'arrêt rendu par la première chambre civile le 6 mars 2013 en matière de partage anticipé ne manquera pas de susciter l'attention -voire l'inquiétude ?- de la doctrine et des professionnels du notariat. L'intérêt qui devra être porté à cette jurisprudence est évident, en raison de l'importance pratique de ces actes et du faible nombre de décisions traitant de la notion même de donation-partage. En l'espèce, deux époux communs en biens réalisent, le 29 décembre 1995, une donation-partage par laquelle ils disposent de divers biens dépendant de la communauté et de leurs masses propres au profit de leurs six descendants directs. L'un des enfants recueille une maison d'habitation en pleine propriété moyennant versement d'une soulte déterminée aux autres copartagés, ces derniers se trouvant allotis de quotes-parts indivises ayant pour objet plusieurs parcelles de terres et de bois. L'acte contient, en outre, une clause rédigée en ces termes : "Du consentement de toutes les parties, les parcelles de terres et de bois [...] ne feront pour le moment l'objet d'aucune attribution privative et demeureront dans l'indivision entre les donataires copartagés [...], copropriétaires dudit bien chacun pour un cinquième. Il est bien entendu que le bien en cause a été donné en vue de son attribution privative par voie de donation-partage ; par suite, cette attribution devra être opérée dans le respect des proportions dans lesquelles les donataires aux présentes ont été gratifiés, et dans les conditions prévues à l'article 1076, alinéa 2, du Code civil" (N° Lexbase : L1154ABD). En 2002, l'un des bénéficiaires alloti de droits indivis décède en laissant pour lui succéder son conjoint et ses cinq enfants, qui agissent en justice afin d'obtenir le partage des biens concernés.

Les juges d'appel considèrent que l'acte constitue une libéralité entre vifs portant partage anticipé, principalement au motif que les stipulations abritent la volonté des auteurs de se dessaisir actuellement, mais encore de distribuer leurs biens par la composition de six lots, dont l'un opère cession de droits privatifs sur un immeuble moyennant versement d'une soulte chiffrée dans l'acte. Ils poursuivent en énonçant que la clause litigieuse visant les lots constitués de droits indivis s'analyse comme un maintien dans l'indivision dont l'issue dépend, en vertu de l'article 1076, alinéa 2, du Code civil, de la seule volonté des donateurs. De ce fait, elle ne crée pas une situation d'indivision conventionnelle entre les bénéficiaires, qui ne peuvent demander le partage sur le fondement de l'article 1873-3 du Code civil (N° Lexbase : L2079ABM). Un pourvoi est formé devant la Cour de cassation. Il est principalement reproché à la cour d'appel de qualifier l'acte de donation-partage et de refuser, dans le même temps, la demande en partage des biens indivis sur le fondement de la clause visant directement l'article 1076, alinéa 2, du Code civil. La première chambre civile sanctionne l'arrêt d'appel au visa des articles 1075 (N° Lexbase : L1150AB9) et 1076 dans leur rédaction antérieure à celle de la loi du 23 juin 2006 n° 2006-728 (N° Lexbase : L0807HK4), ainsi que de l'article 1873-3 du Code civil (N° Lexbase : L2079ABM). Après avoir énoncé qu'"[...] il n'y a de donation-partage que dans la mesure où l'ascendant effectue une répartition matérielle de ses biens entre ses descendants", les Hauts magistrats refusent à la convention conclue en 1995 cette qualité parce que cinq des six lots formés n'attribuent que des droits indivis aux donataires. L'acte ne peut, dès lors, constituer un partage à leur égard, malgré les termes employés par les parties qui ne lient pas les juges. Par suite, et à défaut de réalisation ultérieure du partage par les ascendants, les cessions réalisées doivent être envisagées comme des libéralités pures et simples. A ce titre, la donation des parcelles abrite une indivision conventionnelle à laquelle il peut être mis fin par les gratifiés.

On l'aura compris, le succès de la prétention dépend tout entier de l'interprétation de la convention. Cette dernière est, en l'espèce, compliquée par l'existence de la clause relative au maintien dans l'indivision visant l'article 1076, alinéa 2, du Code civil, selon lequel le partage anticipé peut se réaliser en deux temps, à condition que le disposant intervienne à la donation et au partage postérieur. Ceci étant, la solution proposée par la Cour de cassation nous paraît discutable à plusieurs titres. Tout d'abord, elle procède, à notre sens, d'une analyse maladroite de l'opération et notamment de la clause litigieuse. Mais au-delà, elle conduit à revenir sur la notion même de partage anticipé, alors qu'une issue identique aurait, semble-t-il, pu être obtenue sans recours à une disqualification.

I - Une disqualification contestable de l'acte portant donation-partage

La donation-partage occupe une place prépondérante parmi les instruments d'anticipation successorale. Elle réalise tout à la fois une disposition de biens présents et un partage de succession. Il n'est pas étonnant que la loi du 23 juin 2006 ait considérablement élargi son domaine en consacrant, à côté de la forme classique qui peut désormais allotir les héritiers présomptifs du disposant (C. civ., art. 1075), la donation-partage transgénérationnelle qui opère transmission à des descendants de degrés différents (C. civ., art. 1078-4 et s. N° Lexbase : L0237HPH). Plus largement, les anciens partages d'ascendants ont aujourd'hui laissé place aux libéralités-partages, réalisées entre vifs par le disposant, avec l'accord des donataires copartagés, ou à cause de mort dans le but d'imposer aux héritiers une répartition dont seul le testateur a l'initiative. Outre cette promotion légale justifiée par les objectifs du texte de 2006, ces institutions bénéficient des faveurs de la jurisprudence récente (1), et les praticiens les ont rapidement intégrées car elles répondent à certaines attentes actuelles.

En parallèle, il semble que, depuis quelques années, la Cour de cassation exerce un contrôle rigoureux des qualifications, notamment en matière de donation-partage. La question est d'importance, principalement au regard du régime successoral spécifique dont bénéficie cette convention, par opposition aux donations pures et simples. Ainsi, par une décision remarquée du 6 février 2007 (Cass. civ. 1, 6 février 2007, n° 04-20.029, FS-P+B N° Lexbase : A9467DTS), la première chambre civile a refusé la nature de partage anticipé à une pluralité de donations successives, consenties par des père et mère à leurs enfants, au cours d'un intervalle de six années. Alors que les juges du fond, en application d'une ancienne jurisprudence bien connue (2), avaient admis l'existence d'une donation-partage au motif que chacune des opérations procédait d'une volonté initiale répartitrice des ascendants, la Cour de cassation réfute l'argumentation en précisant que le partage anticipé ne peut résulter que d'un acte unique réalisant l'ensemble des attributions, sous réserve de l'hypothèse visée au second alinéa de l'article 1076 du Code civil, inapplicable à l'affaire. S'il est vrai que la situation différait nettement de celle qui avait conduit les juges à qualifier l'acte de partage d'ascendant en 1985 (les donations avaient été conclues par actes séparés, mais le même jour, et la seconde faisait clairement référence à la première), l'arrêt marque "un durcissement progressif de la jurisprudence relative au formalisme des donations-partages".

La présente décision constitue une nouvelle illustration de la sévérité prétorienne. En l'espèce, les ascendants avaient procédé, dans un acte unique expressément consenti à titre de partage anticipé, à la constitution de plusieurs lots destinés à chacun de leurs enfants, un seul ayant pour objet des droits divis. Une clause différait par ailleurs le partage des biens indivis composant les autres lots, ce dernier devant intervenir dans les conditions prévues à l'article 1076, alinéa 2, du Code civil. Alors que la cour d'appel retient la qualification de donation-partage en excluant, en application de la clause litigieuse, toute cessation de l'indivision sur la seule initiative des indivisaires allotis, la première chambre civile disqualifie, pour sa part, l'intégralité de l'opération. Après avoir précisé que la donation-partage suppose une répartition matérielle des biens entre les descendants du disposant, elle énonce que "l'acte litigieux, qui n'attribuait que des droits indivis à cinq des gratifiés, n'avait pu, à leur égard, opérer un partage [...]". Les magistrats poursuivent en considérant que la clause visant les parcelles indivises constate la volonté des disposants de procéder ultérieurement à un partage, comme les y autorise l'article 1076, alinéa 2, du Code civil. Or, en l'absence de répartition postérieure à l'acte abritant les libéralités, la qualification de donation pure et simple créant une indivision conventionnelle doit être substituée à celle de donation-partage.

A n'en pas douter, l'existence de la clause a fortement influé sur la solution. Cette dernière n'en est pas moins contestable, parce qu'elle prend des distances avec la logique innervant le partage d'ascendant, qui n'avait, d'ailleurs, pas échappé aux juges d'appel. C'est, en effet, le caractère répartiteur qui est classiquement déterminant de la qualification. La composition de lots immédiatement reçus par les bénéficiaires prévient la formation de l'indivision successorale, de sorte que les héritiers n'auront à aucun moment des droits indivis sur l'ensemble du patrimoine héréditaire. L'exigence d'un partage opéré entre les donataires interdit certainement de qualifier de donation-partage un acte qui ne les allotirait que de portions indivises ou de quotes-parts sur l'ensemble des biens, voire sur un bien déterminé, objet unique de la convention (4). En revanche, un allotissement de chacun pour partie en droits privatifs et pour partie en droits indivis est concevable, car conforme à l'impératif de répartition (5). Il devrait, à notre sens, en être de même lorsque la convention portant partage anticipé comporte certains lots abritant des droits privatifs et d'autres constitués de seules portions indivises. Même si l'acte n'attribue pas de droits divis à chaque bénéficiaire, il consiste bien dans un partage de la succession entre les copartagés : ceux qui sont allotis de droits privatifs n'ont aucun droit sur les biens indivis constituant le lot des autres, et inversement. En bref, la nécessité d'un acte répartiteur n'impose nullement des allotissements exclusifs de droits divis. C'est pourtant ce que semble affirmer la Cour, dès son attendu, en faisant maladroitement référence à une répartition "matérielle" des biens, alors même que la convention abrite bien un partage de la succession des ascendants, entre les attributaires de portions indivises d'une part, et le copartagé recevant des droits privatifs d'autre part. A cet égard, peu importe que l'acte réalise entre les cinq gratifiés de quotités indivises un partage de l'ensemble immobilier sur lequel s'exercent leurs droits...

Une seconde critique, complémentaire de la première, peut être formulée à l'encontre de l'interprétation de la clause. Certes, la loi réserve la possibilité à l'auteur du partage anticipé de le réaliser en deux temps, à la condition que les allotissements soient opérés selon sa volonté. Mais ceci suppose en principe que l'acte abritant les libéralités, encore pures et simples à ce stade, ne contienne pas les éléments nécessaires à la réalisation du partage ultérieur. Or, en l'espèce, les ascendants avaient procédé à un inventaire de leurs biens, composé six lots dont l'objet était clairement déterminé, et convenu du versement d'une soulte chiffrée dans l'acte. Ces précieux indices auraient dû orienter vers la reconnaissance du caractère répartiteur de la convention, en dépit de la référence -expresse mais malheureuse- à l'article 1076, alinéa 2, du Code civil.

Si l'argumentation développée par la première chambre civile est dans cette affaire regrettable, la solution risque d'avoir une portée bien plus grande, et par là même d'affecter l'appréhension de l'acte de donation-partage. La généralité des termes de l'attendu ainsi que les motifs conduisent à remettre en cause la nature de partage anticipé, dès lors que certains héritiers seront allotis en droits indivis seulement, parce que l'acte ne pourra "à leur égard, opérer un partage". Si l'on pousse le raisonnement à l'extrême, il n'y aura donation-partage que lorsque chaque copartagé se trouvera, dès conclusion de l'acte, détenteur de droits privatifs sur certains biens de la succession. On imagine les impacts d'une telle jurisprudence en pratique, tant les libéralités-partages abritant des lots constitués de quotes-parts indivises sont nombreuses, et les effets de la disqualification déterminants au plan de la liquidation successorale subséquente. Certes, il sera toujours possible de pallier les incidences néfastes de la requalification, mais la démarche nécessitera une réincorporation des libéralités antérieures dans un nouvel acte de donation-partage autrement composé. Au-delà, et bien que l'arrêt ne vise que la libéralité-partage entre vifs, il faudrait en étendre la teneur à la forme testamentaire puisqu'elle procède de la même logique répartitive, à la différence que le partage est imposé par le testateur aux héritiers copartagés. Ceci est d'autant plus troublant que la Cour vient de consacrer la validité du testament-partage bénéficiant à des descendants de degrés différents... D'ailleurs, qu'en sera-t-il des donations-partages transgénérationnelles ? Il est en la matière acquis que l'ascendant peut, le cas échéant, procéder à un partage par souche, sans division entre les membres de cette dernière (C. civ., art. 1078-4, alinéa 2 N° Lexbase : L0237HPH). S'agira-il toujours, dans cette configuration, de partages anticipés pour la Cour de cassation ?

On le voit, les conséquences de cette décision sont aussi importantes qu'inopportunes, alors même qu'il aurait pu, selon nous, être fait droit à la demande des indivisaires en sanctionnant la clause litigieuse, sans pour autant revenir sur la nature de l'acte tout entier.

II - Une alternative concevable à la disqualification : la sanction de la clause de maintien dans l'indivision

En effet, une autre analyse était peut être possible. La cour d'appel s'était d'ailleurs engagée dans cette voie en retenant que la convention constituait une donation-partage, pour ensuite interpréter de manière indépendante la stipulation relative au maintien dans l'indivision de certains copartagés, et rejeter la requête des demandeurs. Les juges semblent l'avoir appréhendée au titre des charges et conditions affectant une libéralité en retenant qu'elle prévoyait un maintien dans l'indivision subordonné à la volonté des ascendants donateurs, qui pouvaient seuls décider du partage éventuel des biens.

A ce stade, se pose inévitablement la question de la validité d'une telle clause. S'il est admis que l'auteur d'une libéralité -fût-elle consentie à titre de partage anticipé- l'affecte de charges ou de conditions, ces dernières ne doivent pas être impossibles ou illicites selon l'article 900 du Code civil (N° Lexbase : L0040HP8). Même si elle ne figure pas au nombre des stipulations les plus fréquentes, une clause de maintien dans l'indivision est a priori concevable pour peu qu'elle s'accompagne de garanties veillant à sa licéité, au regard du principe fondamental posé à l'article 815 du Code civil (N° Lexbase : L9929HN3) selon lequel "nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision". Elle est d'ailleurs bien davantage susceptible de prendre place dans un acte entre vifs que dans une disposition à cause de mort, parce que la donation suppose l'acceptation des bénéficiaires, qui ont consenti aux charges et conditions imposées par le donateur (6). Dès lors, le maintien dans l'indivision semble admissible s'il est justifié par un intérêt sérieux et légitime, mais surtout s'il est limité dans le temps. Il y a lieu en la matière d'opérer par renvoi aux textes régissant l'indivision conventionnelle et notamment à l'article 1873-3 du Code civil (N° Lexbase : L2079ABM) qui la limite à cinq années. En l'absence de détermination de durée, il faut en revanche considérer que le partage peut être demandé à tout moment, pour ne pas porter atteinte à l'article 815 du Code civil.

Or, il apparaît qu'en l'espèce la stipulation prend indiscutablement de larges distances avec ces principes. D'abord, l'acte n'indique à aucun moment les raisons qui justifieraient un maintien dans l'indivision. Mais surtout, il ressort des termes de la clause que l'initiative de la demande en partage est toute entière réservée aux ascendants donateurs. En bref, la durée de l'indivision est subordonnée à la volonté de ces derniers, qui se ménagent la possibilité de maintenir comme bon leur semble l'état existant. Tout laisse d'ailleurs à penser que les parents n'avaient aucunement l'intention de permettre un quelconque partage des parcelles de leur vivant. Empreinte de potestativité, et dans le même temps contraire aux dispositions légales organisant l'indivision, la clause aurait dû à notre sens être réputée non écrite sur le fondement de l'article 900 du Code civil (N° Lexbase : L0040HP8). Cette sanction aurait permis de considérer que les bénéficiaires se trouvaient liés, en raison de leur consentement à l'acte, par une indivision conventionnelle à durée illimitée à laquelle ils pouvaient mettre fin à tout moment. La convention n'en serait pas moins demeurée partage d'ascendant, puisque les exigences nécessaires à cette qualification étaient, nous semble-t-il, honorées.

Pour conclure, qu'il nous soit permis de souhaiter que la première chambre civile revienne rapidement sur sa jurisprudence, car elle ne peut que nuire à l'attractivité du remarquable arrangement de famille que constitue la donation-partage -voire à celle de l'ensemble des libéralités-partages-.


(1) La Cour de cassation vient d'admettre la validité d'un testament-partage réalisé au profit de descendants de degrés différents (Cass. civ. 1, 7 novembre 2012, n° 11-23.396, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4315IWQ). Les auteurs sont néanmoins divisés quant à l'interprétation de la décision : I. Corpart, Le testament-partage, une anticipation successorale réussie par une transmission générationnelle, Rev. Lamy Droit Civil, 2013, n° 3, p.52 ; F. Sauvage, Le testament-partage fait à des descendants de degrés différents est-il bien né ? JCP éd. G, 2013, n° 8, p.362 ; JCP éd. G, 2013, n° 9, p. 442, obs. R. Le Guidec ; RJPF, 2013, n° 1, p.37, obs. W. Hannecart-Weyth ; I. Dauriac, Intergénérationnel n'est pas transgénérationnel, Defrénois, 2013, n° 5, p. 225.
(2) Cass. civ. 1, 17 avril 1985, n° 84-11.908 (N° Lexbase : A2997AAA), Bull. civ. I, n° 118 ; D., 1986, Jurisp., p. 243, note J.-C. Groslière ; Defrénois, 1987, n° 34030, obs. G. Champenois ; JCP éd. N, 1987, I, 77.
(3) M. Nicod, obs. sous Cass. civ. 1, 6 février 2007, préc., D., 2007, Pan., p. 2135. Il a fait l'objet d'une réception nuancée par la doctrine. Certains auteurs perçoivent un revirement de jurisprudence, le partage anticipé nécessitant désormais l'élaboration d'un acte unique sous réserve de l'article 1076, alinéa 2, du Code civil, alors que d'autres semblent conclure à la validité de donations-partages réalisées par le biais de donations distinctes lorsque l'ensemble s'inscrit dans un projet répartiteur expressément mentionné dans chacun des actes. Pour la première position : M. Grimaldi, RTDCiv., 2007, p. 611. Pour la seconde : M. Nicod, préc..
(4) Req., 20 janvier 1947, S., 1947, I, p. 69 ; JCP éd. N, 1948, II, 4589, note Voirin.
(5) Ce même si les allotissements en droits privatifs sont moins conséquents que les lotissements indivis. CA Limoges, 20 mars 2008, n° 07/00015 ; Defrénois, 2009, p.1602, obs. A. Chamoulaud-Trapiers.
(6) Sur le refus d'application d'une clause testamentaire de maintien dans l'indivision pendant une durée indéterminée : Cass. civ. 1, 5 janvier 1977, n° 75-15.199 (N° Lexbase : A1262CGT), Bull. civ. I, n° 15. D., 1977, inf. rap., p. 173.

newsid:436711

Voies d'exécution

[Brèves] Conditions de dénonciation d'une surenchère

Réf. : Cass. civ. 2, 11 avril 2013, n° 12-10.053, F-P+B (N° Lexbase : A0735KC9)

Lecture: 1 min

N6748BT4

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Le 18 Avril 2013

L'article 96 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 (N° Lexbase : L3872HKM), devenu l'article R. 322-52 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2471ITP), n'exige pas que les conclusions, déposées au greffe dans le délai de quinze jours de la dénonciation de la surenchère, contiennent, à peine d'irrecevabilité, tous les moyens pouvant être invoqués au soutien de la contestation de sa validité. Telle est la précision fournie par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 11 avril 2013 (Cass. civ. 2, 11 avril 2013, n° 12-10.053, F-P+B N° Lexbase : A0735KC9). En l'espèce, par jugement d'adjudication du 30 septembre 2010, M. C. avait été déclaré adjudicataire d'un bien immobilier appartenant à M. M. ; Mme S. avait, par acte du 11 octobre 2010, formé une surenchère du dixième qu'elle avait dénoncée le 13 octobre 2010 à M. C. qui, par acte du 26 octobre 2010, en avait contesté la validité. Mme S. faisait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa surenchère, faisant valoir que toutes les contestations relatives aux surenchères doivent être formées par leur auteur dans les quinze jours qui lui sont impartis pour déposer son recours ; selon la requérante, en jugeant le contraire et en déclarant recevables les moyens d'irrégularité de la surenchère tardivement invoqués par M. C. le 20 janvier 2010, moyens qui ne figuraient pas dans ses conclusions initiales du 26 octobre 2010, la cour d'appel avait violé les articles 95 et 96 du décret du 27 juillet 2006 devenus R. 322-51 (N° Lexbase : L2470ITN) et R. 322-52 du Code des procédures civiles d'exécution. L'argument est écarté par la Haute juridiction qui approuve les juges du fond d'avoir précisé la règle précitée, et d'avoir ensuite retenu, pour décider que la surenchère était irrecevable, que la déclaration de surenchère n'était pas accompagnée de l'attestation de la remise à l'avocat du surenchérisseur des garanties exigées par l'article 95 du même décret, devenu l'article R. 322-51 du Code des procédures civiles d'exécution.

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Voies d'exécution

[Brèves] Inapplicabilité du sursis à exécution à une décision de rétractation de l'inscription d'une sûreté judiciaire autorisée sur requête

Réf. : Cass. civ. 2, 11 avril 2013, n° 12-18.255, F-P+B (N° Lexbase : A0825KCK)

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N6749BT7

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Le 18 Avril 2013

La procédure du sursis à exécution est inapplicable à une décision de rétractation de l'inscription d'une sûreté judiciaire autorisée sur requête. Telle est la solution qui se dégage d'un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 11 avril 2013 (Cass. civ. 2, 11 avril 2013, n° 12-18.255, F-P+B N° Lexbase : A0825KCK). En l'espèce, un juge de l'exécution, saisi sur requête, ayant autorisé une banque à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur des biens immobiliers appartenant à M. V., avait rétracté sa décision et ordonné la mainlevée de l'inscription provisoire ; la banque ayant interjeté appel de cette décision, avait saisi le premier président de la cour d'appel d'une demande de sursis à l'exécution. Pour accueillir la demande, l'ordonnance rendue avait retenu qu'il existait des moyens sérieux de réformation de la décision déférée. A tort, selon la Cour suprême qui relève que la sûreté judiciaire avait été autorisée sur requête, puis rétractée par décision du juge de l'exécution, ce dont il résultait que les dispositions de l'article R. 121-22 du Code de procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2166ITE) n'étaient pas applicables.

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