Réf. : CA Versailles, 13ème ch., 28 février 2013, n° 12/06573 (N° Lexbase : A7332I83)
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N6326BTH
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par Alexandre Bordenave, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, chargé d'enseignement à l'ENS Cachan
Le 28 Mars 2013
Ce sont ces confirmations que nous nous proposons de commenter en étudiant successivement ce que la cour arrête quant au droit du cessionnaire Dailly sur les créances cédées à l'état futur (I) et ce qui nous est exprimé concernant l'exercice de ces droits (II). A propos de ces deux sujets, nous verrons l'effet utile de la décision de la cour d'appel de Versailles, consacrant (si besoin était) une forme d'absolutisme des prérogatives du cessionnaire Dailly.
I - Le droit du bénéficiaire d'une cession Dailly sur les créances futures
En dépit de la rédaction généreuse de l'article L. 313-27 du Code monétaire financier (N° Lexbase : L6399DIT), dont l'alinéa 1er énonce que "la cession [...] prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs", surviennent souvent des débats quant à l'effet d'une cession Dailly de créances futures, en particulier lorsque s'ouvre une procédure collective. C'est à une réaffirmation de la position prétorienne habituelle que procède l'arrêt commenté (A), qui tranche également sans surprise en faveur de l'absence d'incidence de ce que le titulaire des créances cédées n'était pas ici un établissement de crédit (B).
A - L'efficacité de la cession Dailly de créances futures
Figure classique des financements immobiliers structurés, la cession Dailly tenait une place centrale dans le schéma de financement du projet Coeur Défense. En effet, de sorte qu'ils puissent appréhender directement les flux économiques du projet, à savoir les loyers, dès la mise en place du financement en juillet 2007, les bailleurs de fonds de l'affaire avaient bénéficié d'une cession Dailly à titre de garantie de l'intégralité des créances présentes ou futures dont bénéficiait ou était susceptible de bénéficier le SVP au titre des contrats de bail relatifs à l'immeuble conclus ou à conclure.
Toute aussi classique est la question tenant à l'effet de l'ouverture d'une procédure collective sur le périmètre d'une cession Dailly de créances futures : l'ouverture en question vient-elle faire obstacle au droit du bénéficiaire de la cession sur les créances nées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure qui, est-il utile de le rappeler, était en l'occurrence une procédure de sauvegarde ?
Sur ce point, deux arrêts de la Cour de cassation, respectivement datés du 7 décembre 2004 (6) et du 22 novembre 2005 (7), avaient marqué une intention assez évidente d'interpréter largement et à la faveur du cessionnaire les dispositions de l'article L. 313-27 du Code monétaire et financier, faisant ainsi de la cession Dailly de créances futures un instrument de garantie des plus efficaces. C'est dans cette droite ligne que se situe la cour d'appel de Versailles qui, dans son arrêt, souligne que "par le seul effet de la signature et de la remise du bordereau de cession [...], les créances de loyers même à échoir résultant de baux déjà consentis et celles de baux à conclure [...] ont été cédées au FCT, de sorte que leur paiement n'a pu être affecté par l'ouverture de la procédure collective". Les juges yvelinois confirment ainsi les conclusions du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 19 janvier 2009.
A notre sens, même si la solution n'est pas novatrice, jamais d'affirmation prétorienne aussi forte n'avait résonné s'agissant de l'effet d'une cession Dailly de créances futures, même simplement en germe puisque la date de conclusion des baux est négligée par la cour d'appel de Versailles. C'est une première victoire pour les créanciers bénéficiaires de cessions Dailly à titre de garantie, et l'assurance quasi-certaine que l'on discutera bien moins ces questions devant les tribunaux.
B - Le transfert accessoire de créances cédées via un bordereau Dailly
Elément perturbateur du débat de l'espèce : le bénéficiaire de la cession Dailly à titre de garantie était le FCT, soit un organisme de titrisation. Or, l'article L. 313-23 du Code monétaire et financier limite, sans doute possible, la population des bénéficiaires de cessions Dailly aux seuls établissements de crédit. Un organisme de titrisation n'étant pas un établissement de crédit, on peut donc s'interroger sur sa capacité à bénéficier d'une cession Dailly à titre de garantie.
La question est, en vérité, bien plus simple qu'elle ne paraît : en l'espèce, lorsque la créance de prêt a été cédée au FCT, qui était alors un fonds commun de créances (8), elle l'a été avec tous ses accessoires en application de l'article L. 214-43 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7604HIH) alors dans sa rédaction de l'époque (9). Les créances cédées à titre de garantie via une cession Dailly à l'établissement de crédit qui a "originé" le prêt avant de le céder au FCT étaient donc un accessoire de la créance de prêt cédée au FCT. Ces créances se sont donc transportées au FCT par voie accessoire, peu importe le fait qu'un organisme de titrisation lui-même ne puisse être bénéficiaire d'une cession Dailly.
Dans un arrêt du 16 octobre 2007 (10), la Chambre commerciale de la Cour de cassation était déjà arrivée à cette conclusion. Il n'est donc pas étonnant qu'ici la cour d'appel de Versailles la reprenne à son compte et conclue que le FCT est bien le bénéficiaire au titre du bordereau Dailly au coeur des discussions. On peut observer que, puisque la cour d'appel de Versailles statue quant à la situation juridique applicable en 2007, sa solution n'est pas rendue s'agissant d'un organisme de titrisation. Néanmoins, on voit mal en quoi cette solution élaborée s'agissant des fonds communs de créances ne pourrait être généralisée à leurs successeurs que sont les organismes de titrisation. C'est d'autant plus vrai quand on sait qu'une réflexion est engagée en ce moment même autour de la possibilité de faire des organismes de titrisation des cessionnaires Dailly à titre principal, et non plus uniquement à titre accessoire comme nous l'avons vu ici, ce qui permettrait, par exemple, la structuration de plateformes de titrisation de créances de crédit d'impôt, chose quasi-impossible à l'heure actuelle, puisque comme nous le disions dans notre précédente chronique (11), le Code général des impôts oblige, le plus souvent, que la mobilisation du crédit d'impôt procède d'une cession Dailly.
La cour d'appel de Versailles confirme ainsi qu'un bordereau Dailly peut bénéficier par voie accessoire à un non-établissement de crédit, lequel reçoit alors la pleine propriété des créances cédées à l'état futur, même si lesdites créances ne naissent que postérieurement au jugement d'ouverture d'une procédure collective du cédant. Présentés ainsi les droits du cessionnaire Dailly à titre de garantie sont donc extrêmement forts ; encore faut-il qu'ils puissent être exercés sans contrainte.
II - L'exercice des prérogatives du cessionnaire Dailly
Ayant reçu la propriété pleine et entière des créances cédées à titre de garantie (12), on pourrait s'étonner du besoin qu'il y a à réfléchir à l'exercice par le cessionnaire Dailly de ses droits. C'est pourtant nécessaire puisque l'opposabilité de la cession au débiteur implique une notification dont la nature quant à la logique des procédures collectives doit être clarifiée (A) et immaculée de tout abus de droit (B). L'affaire "Coeur Défense", grâce à l'arrêt de la cour d'appel de Versailles que nous étudions, nous fournit des éclaircissements sur ces deux points.
A - La notification, ni réalisation, ni résiliation
L'article L. 313-28 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9261DYN) dispose que le cessionnaire Dailly "peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée [...] de payer entre les mains du signataire du bordereau". En matière de cession Dailly à titre de garantie, elle est souvent, un peu rapidement, assimilée à une forme de réalisation de la sûreté : en notifiant le débiteur cédé, le cessionnaire reçoit directement les sommes dues au titre de la créance et peut ainsi les compenser avec les sommes qui lui sont dues au titre de la dette principale.
Dans l'arrêt du 28 février 2013, le demandeur à l'instance s'est essayé à ce discours : puisque la notification des cessions Dailly portant sur les créances, y compris futures, de loyers est intervenue postérieurement au jugement d'ouverture, elle serait inopposable à la procédure collective en ce qu'elle reviendrait à la mise en oeuvre d'une garantie en violation des articles L. 622-7 (N° Lexbase : L3389ICI), L. 622-21 (N° Lexbase : L3452ICT) et L. 622-30 (N° Lexbase : L3418ICL) du Code de commerce. L'argument n'a pas prospéré devant la cour d'appel de Versailles, laquelle ne voit pas dans la notification d'une cession Dailly une mesure de réalisation d'une sûreté, mais une simple "mesure d'information". Il s'agit, selon nous, d'une juste lecture de l'article L. 313-28 du Code de commerce. Il faut être prudent quant à l'extension de cette position à des dispositions légales assez proches, à l'image de l'article 2363 du Code civil (N° Lexbase : L1190HIW), relatif à la notification au débiteur d'une créance nantie au titre du droit commun. Car ce qui emporte vraisemblablement l'adhésion des juges est que, comme nous l'avons expliqué plus avant, les créances sont sorties du patrimoine à titre futur, ce qui balaie aussi tout l'argumentaire relatif à l'interdiction des paiements de dettes antérieures, avant même la notification qui n'est sous cet angle plus qu'une modalité pratique de mise en oeuvre du mécanisme de cession Dailly à titre de garantie. C'est d'ailleurs cette même idée qui conduit les magistrats versaillais à considérer qu'il est inutile de procéder à une quelconque action en revendication des créances cédées : il n'est pas nécessaire de rendre ainsi la cession opposable à la procédure collective parce que l'article L. 313-27 dispose qu'elle l'est par la simple signature du bordereau ; en contrepoint, une information spécifique peut être adressée, sous la forme d'une notification, au débiteur cédé avec les vertus de l'article L. 313-28 du Code monétaire et financier. Il peut être procédé à cette notification à tout moment : voilà un apport louable, une fois encore sous forme d'une clarification, de l'arrêt commenté. Gageons que, pour autant, l'habitude installée depuis l'affaire "Coeur de Défense" consistant à notifier les locataires-débiteurs ab initio et à organiser conventionnellement la restitution d'une partie des sommes correspondant aux loyers au bailleur-cédant se perpétuera : c'est un bon moyen d'éviter des cauchemars pratiques quand s'ouvre une procédure collective !
A propos de la notification, le demandeur a également argué qu'elle pouvait se lire comme la résiliation du mandat de recouvrement donné au cédant tant que la cession à titre de garantie n'est pas notifiée. Il est vrai que, le plus clair du temps, reprenant l'analyse communément admise, les conventions organisant des cessions Dailly à titre de garantie font aussi du cédant un recouvreur, ayant reçu un mandat spécial du cessionnaire pour recouvrer les sommes correspondant au paiement des créances cédées à titre de garantie. Notifier revient donc, et c'est également de la sorte que l'expriment généralement les accords contractuels conclus à cet effet, à mettre fin au mandat de recouvrement initialement donné au cédant ; aussi, comme le demandeur de l'espèce, pourrait-on plaider que la notification constitue la résiliation d'un contrat en cours, prohibée par l'article L. 622-13 du Code de commerce. A juste titre, la cour d'appel de Versailles voit les choses différemment : le mandat en question n'étant qu'une série de clauses d'une convention plus large qui prévoyait les conditions de résiliation de ce mandat, la notification n'est en fait, d'une part, que la simple exécution d'un contrat dont il n'était pas contesté qu'il était resté en cours et, d'autre part, que le simple arrêt de la mission d'encaissement du mandat de recouvrement. Par prudence formelle, on continuera donc de faire figurer les clauses relatives à ce mandat dans des conventions à multiples objets plutôt que d'en faire un contrat de recouvrement séparé.
Au final, les conclusions fort tranchées de la cour d'appel de Versailles contribuent à clarifier, si besoin était, la nature de la notification au débiteur d'une cession Dailly et à asseoir cette mesure comme une arme extrêmement simple et efficace au profit du créancier cessionnaire.
B - L'usage abusif de la notification
La notification a beau être un mode redoutable d'exercice d'un droit pour le créancier cessionnaire, elle n'est pleinement productive d'effets que si elle ne se heurte pas trop aisément à la lutte contre les abus de droit. Autrement dit, si l'on peut sans difficulté voir dans la notification de la cession Dailly par le créancier un abus de droit, beaucoup de ce qui a été dit précédemment n'a guère d'intérêt pratique.
On ne saurait imaginer que la notification d'une cession Dailly puisse rester hors champ de la théorie de l'abus de droit, et il n'est donc guère étonnant que la cour d'appel de Versailles ait été amenée par le demandeur à se prononcer sur cette question. Dans ses prétentions, le demandeur avance, en effet, que "la notification d'une cession Dailly par un créancier portant sur l'intégralité des revenus du cédant est disproportionnée, fautive, dénuée d'intérêt légitime et contraire à l'intérêt commun des parties".
Une fois encore, cette position ne séduit pas juges de renvoi, et à raison. Et cela parce que la notification d'une cession Dailly n'est que l'exercice simple d'une faculté légale, doublée en l'espèce d'une faculté contractuelle. Par ailleurs, le FCT avait pris l'engagement de restituer une partie des sommes perçues sous forme de paiement de loyers pour permettre au cédant de continuer à assurer l'entretien et l'exploitation de l'immeuble Coeur Défense. Cette bonne volonté affichée par le FCT, concrétisée dans les faits, suffit ainsi à démontrer l'absence de toute faute ou abus dans l'exercice du droit de notification de la cession Dailly. A cet égard, il est légitime de s'interroger quant à savoir s'il est impératif que des tempérances de cette espèce soient toujours exigées du cessionnaire pour qu'il ne puisse lui être reproché d'user de son droit de notification à mauvais escient. A notre sens, cela peut participer d'une économie globale des droits réciproques mais ne devrait pas être trop rapidement érigé en condition sine qua none : ce serait manifestement ajouter aux dispositions du Code monétaire et financier. Si l'on peut concevoir que les juges des référés, édiles de l'urgence, puissent y être très sensibles, nous trouverions regrettable que le fond du droit se dérobe ainsi : sauf à agir de manière déraisonnable, ou en violation de ses engagements contractuels pris par ailleurs, le cessionnaire Dailly doit pouvoir notifier le débiteur cédé comme bon lui semble, sans contrepartie systématique et obligatoire.
L'arrêt rendu le 28 février 2013 par la cour d'appel de Versailles en matière de cession Dailly est une bonne nouvelle pour la résilience du modèle de financements immobiliers structurés à la française : il démontre que notre droit national, sans se départir du souci d'équilibre qui l'anime, connaît des instruments simples et efficaces pour assurer la sécurité juridique des droits des bailleurs de fonds. Alors que ces derniers ont certainement été quelque peu ébranlés par l'arrêt inattendu rendu le 19 février 2013 par la Cour de cassation concernant le gage de stocks (13), c'est une très bonne chose. Jeune trentenaire, la cession Dailly se présente ainsi sous un jour meilleur que jamais, telle une pierre angulaire de tout financement structuré qui se respecte. Que les bailleurs de fonds l'encensent de leurs plus hautes louanges en lui chantant : "Tu es Petrus, et super hanc petram aedificabo credentiam meam" (14) !
(1) T. com. Paris, 3 novembre 2008, aff. n° 2008077996 (N° Lexbase : A8599EB4).
(2) CA Versailles, 13ème ch., 19 janvier 2012, n° 11/03519 (N° Lexbase : A3680ICB) et nos obs. Coeur Défense, épisode III : la revanche des débiteurs, Lexbase Hebdo n° 285 du - édition affaires (N° Lexbase : N0424BTU).
(3) Cass. com., 8 mars 2011, n° 10-13.988, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0445G7M), E. Le Corre-Broly, in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Mars 2011 (2ème esp.), Lexbase Hebdo n° 243 du 17 mars 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N7432BRP) ; D., 2011, p. 743, obs. A. Lienhard ; D., 2011, p. 919, note P.-M. Le Corre ; RTDCom, 2011, p. 420, obs. J.-L. Vallens ; RTDCiv, 2011, p. 351,obs. B. Fages ; JCP éd. E, 2011, 1215, note A. Couret et B. Dondero, et 1263, n° 1, obs. Ph. Pétel ; Act. proc. coll., 2011, comm. 106, note B. Saintourens ; Gaz. Pal., 1er-2 avril 2011, p. 7, note Fl. Reille ; Dr. sociétés, 2011, comm. 160, note J.-P. Legros ; également, D. Gibirila, L'affaire "Coeur de defense" revue et corrigée par la Cour de cassation, Journal sociétés, juin 2011, p. 73.
(4) CA Versailles, 13ème ch., 28 février 2013, n° 12/02755 (N° Lexbase : A7433I8S).
(5) Qui ne sont, normalement, pas les principaux sollicités d'une cour d'appel statuant sur renvoi.
(6) Cass. com., 7 décembre 2004, n° 02-20.732, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0137DG8), Bull. civ. IV, n° 213 ; D., 2005, 230, note Ch. Larroumet ; M.-E. Mathieu, La protection du cessionnaire par le transport de la créance cédée vers son patrimoine, Lexbase Hebdo n° 156 du 24 février 2005 - édition affaires (N° Lexbase : N4719ABE).
(7) Cass. com., 22 novembre 2005, n° 03-15.669, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A7428DLP), Bull. civ. IV, n° 330 ; Banque et droit, avril 2006, 67, obs. Th. Bonneau ; M.-E. Mathieu, Propos autour de la cession Dailly, véritable cession fiduciaire de créances, Lexbase Hebdo n° 196 du 5 janvier 2006 - édition affaires (N° Lexbase : N2770AKS).
(8) Les fonds communs de titrisation n'ayant été créés que par l'ordonnance n° 2008-556 du 13 juin 2008 (N° Lexbase : L9095H3A), complétée par le décret n° 2008-711 du 17 juillet 2008 (N° Lexbase : L7272IAL). En l'espèce, le FCT avait été transformé en fonds commun de titrisation début 2009 pour profiter de quelques-unes des prérogatives nouvelles du régime nouveau de la titrisation à la française.
(9) Laquelle, sur ce point du transfert de plein droit et sans formalités des accessoires, n'a pas changé avec la réforme.
(10) Cass. com., 16 octobre 2007, n° 06-14.675, FS-P+B (N° Lexbase : A8061DY9), RTDFin., 2007, n° 4, p. 124, obs. X. de Kergommeaux, E. Barres et A. Bordenave.
(11) Nos obs., La mobilisation de créances de remboursement de crédits d'impôt, source de financement pour les entreprises, Lexbase Hebdo n° 325 du 31 janvier 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N5585BTZ).
(12) Ou d'escompte, aucune différence n'étant à faire en la matière.
(13) Cass. com., 19 février 2013, n° 11-21.763, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3699I8I), A. Cerles, Le gage sans dépossession sur meubles corporels de l'article 2333 du Code civil interdit aux établissements de crédit ?, JCP, éd. G., 2013, 299 ; V. Téchené, Consécration du caractère exclusif du régime juridique du gage de stock, Lexbase Hebdo n° 329 du 28 février 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N6011BTS).
(14) Librement inspiré d'une pièce de musique sacrée en vogue ces derniers jours à Rome...
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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Réf. : CJUE, 14 mars 2013, aff. C-419/11 (N° Lexbase : A6628I9D)
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N6396BT3
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Le 28 Mars 2013
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Réf. : Cass. civ. 3, 6 mars 2013, n° 11-27.331, FS-P+B (N° Lexbase : A3099I9N)
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par Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"
Le 13 Juin 2022
Le coût des travaux de ravalement, de toiture et de chauffage collectif incombe au propriétaire sauf stipulations expresses du contrat de bail commercial. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 6 mars 2013.
En l'espèce, le propriétaire d'un local à usage commercial dans un immeuble collectif l'avait donné à bail. Le bail stipulait que "le preneur fera son affaire de l'entretien, de la remise en état de toutes réparations de quelque nature qu'elles soient, de même de tous remplacements qui deviendraient nécessaires en ce compris les grosses réparations définies à l'article 606 du Code civil (N° Lexbase : L3193ABU)". Le bailleur avait réclamé paiement de travaux de ravalement, réparations de toiture et remplacement de chaudière collective de l'immeuble au prorata de la surface occupée, puis lui avait délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire. Le locataire a saisi le tribunal de grande instance afin de voir juger ce commandement nul et de voir le bailleur débouté de ses prétentions. Condamné par les juges du fond au paiement des sommes réclamées (CA Reims, 13 septembre 2011, n° 10/01742 N° Lexbase : A7096H39), le preneur s'est pourvu en cassation.
1 - Sur les règles générales applicables à la répartition des charges de travaux
La répartition des charges de travaux entre bailleur et preneur est envisagée par le Code civil.
S'agissant du bailleur, l'article 1719 du Code civil (N° Lexbase : L8079IDL) dispose que :
"Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations".
L'article 1720 de ce code (N° Lexbase : L1842ABT) précise également que :
"Le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.
Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives".
L'article 1754 du Code civil (N° Lexbase : L1887ABI) dispose que "les réparations locatives ou de menu entretien dont le locataire est tenu, s'il n'y a clause contraire, sont celles désignées comme telles par l'usage des lieux". Ces réparations sont énumérées, de manière non exhaustive, par ce même texte ("entre autres"), à savoir, "les réparations à faire :
- Aux âtres, contre-coeurs, chambranles et tablettes de cheminées ;
- Au recrépiment du bas des murailles des appartements et autres lieux d'habitation à la hauteur d'un mètre ;
- Aux pavés et carreaux des chambres, lorsqu'il y en a seulement quelques-uns de cassés ;
- Aux vitres, à moins qu'elles ne soient cassées par la grêle ou autres accidents extraordinaires et de force majeure, dont le locataire ne peut être tenu ;
- Aux portes, croisées, planches de cloison ou de fermeture de boutiques, gonds, targettes et serrures".
L'article 1755 du Code civil (N° Lexbase : L1888ABK) prévoit, enfin, que "aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure" (voir également, au moment de la restitution des locaux, l'article 1730 du Code civil N° Lexbase : L1852AB9).
Les règles de répartition des charges de travaux en cours de bail pourraient être schématisées, sur la base de ces dispositions, de la façon suivante : le bailleur est tenu d'effectuer toutes les réparations nécessaires, sauf les réparations locatives ou de menu entretien qui incombent de manière résiduelle au preneur, à moins qu'elles ne soient dues à la vétusté ou à un cas de force majeure, auxquels cas elles incombent au bailleur. L'obligation de délivrance du bailleur, qui n'épuise pas ses effets lors de l'entrée en jouissance des locaux selon un mouvement jurisprudentiel récent, peut également avoir vocation à faire peser sur le bailleur l'obligation d'exécuter certains travaux en cours de bail.
Il est toutefois prévu (C. civ., art.1754) la possibilité d'une clause contraire concernant les obligations dont le preneur est tenu. La jurisprudence reconnaît également traditionnellement que l'article 1720 du Code civil, "qui met à la charge du bailleur toutes les réparations, autres que locatives, de la chose louée qui peuvent devenir nécessaire n'est pas d'ordre public" (Cass. civ. 3, 7 février 1978, n° 76-14.214 N° Lexbase : A7236AG4). Il a également été affirmé que "par des clauses expresses, le bailleur peut s'exonérer de l'obligation de délivrer la chose louée en bon état et de l'entretenir pour servir a l'usage auquel elle est destinée, ces obligations n'étant pas de l'essence des contrats de louage" (Cass. soc., 11 octobre 1962, n° 61-11.459 N° Lexbase : A9615AG9).
Bien que aucune disposition ne le prévoie expressément, la jurisprudence reconnaît également la validité des clauses qui opèrent un transfert de la charge de la vétusté au preneur (en ce sens, Cass. civ. 3, 18 décembre 2012, n° 11-24.761, F-D N° Lexbase : A1629IZD).
Il n'est donc pas rare que les baux comportent des stipulations qui dérogent aux dispositions légales relatives à la répartition du coût des travaux, en visant notamment l'article 606 du Code civil. Ce texte, qui concerne la détermination des charges incombant au nu-propriétaire, définit les "grosses réparations" et précise que les autres réparations sont des réparations d'entretien, celles qui incombent à l'usufruitier (C. civ., art. 605 N° Lexbase : L3192ABT).
A la difficulté de déterminer ce qui ressortit des réparations locatives, compte tenu de l'absence de précision de l'article 1754 du Code civil, s'ajoute dans ce cas celle de l'interprétation des contrats. L'arrêt rapporté en offre une illustration, tout en visant à y remédier, à propos des travaux de ravalement, de toiture et de chauffage collectif.
2 - Sur les travaux de ravalement
Il avait été jugé, en présence d'un bail ne semblant comporter aucune stipulation dérogeant à la répartition légale des charges de travaux, que les travaux de ravalement incombaient au bailleur au titre de son obligation d'entretien, même si le ravalement n'affectait pas l'intégrité des gros murs (Cass. civ. 3, 21 février 1996, n° 94-14.008 N° Lexbase : A0013CY7).
Il a été jugé également que lorsqu'une clause mettait expressément à la charge du bailleur que les réparations de gros-oeuvre (Cass. civ. 2, 12 avril 1995, n° 93-12.849 N° Lexbase : A7647ABT) ou que le bail ne mettait pas à la charge du preneur les grosses réparations (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 27 janvier 2010, n° 08/12588 N° Lexbase : A7795ESI), les travaux de ravalement incombait au bailleur dès lors qu'ils portaient sur le gros-oeuvre. En revanche, si le bail comporte des clauses similaires et que le ravalement n'affecte ni la structure, ni la solidité de l'immeuble, il a été considéré que les travaux de ravalement incombaient au preneur (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 19 octobre 2011, n° 10/04543 N° Lexbase : A9899H7R).
Toutefois, dès lors que le ravalement a été ordonné par une décision administrative, la charge en incombe au bailleur, au titre de son obligation de délivrance, à moins qu'une clause du bail mette à la charge du preneur les travaux imposés par l'administration (Cass. civ. 3, 28 septembre 2005, n° 04-14.577, FS-P+B N° Lexbase : A5924DKM).
Il résultait de ces décisions que ces clauses générales relatives aux travaux, à tout le moins lorsqu'elles ne se contentaient pas de viser les lieux loués seulement mais également en outre l'immeuble ou les parties communes (CA Paris, 27 janvier 2010, n° 08/12588 N° Lexbase : A7795ESI), pouvaient avoir pour effet de mettre à la charge du preneur le coût des travaux de ravalement en fonction, éventuellement, et selon les clauses du bail, de la nature de ces derniers (relatifs ou non au gros-oeuvre).
Un arrêt de la Cour de cassation du 19 décembre 2012 semblait toutefois devoir conduire à condamner une telle approche (Cass. civ. 3, 19 décembre 2012, n° 11-25.414, FS-P+B N° Lexbase : A1478IZR). Dans cette décision, en effet, la Haute cour a affirmé que les dépenses de ravalement ne constituent pas des charges locatives (synonyme a priori de réparations locatives) et, sans se retrancher derrière le pouvoir souverain des juges du fond ou sans analyser la clause du bail qui transférait au preneur certaines charges afférentes aux parties communes, elle a précisé que ces dépenses ne pouvaient être mises à la charge du preneur, sauf stipulation "expresse contraire".
L'arrêt rapporté se situe dans le prolongement de cette décision. Dans cette espèce, le bail stipulait une clause selon laquelle "le preneur fera son affaire de l'entretien, de la remise en état de toutes les réparations, de quelque nature qu'elles soient, de même de tous remplacements qui deviendraient nécessaires, en ce compris les grosses réparations définies à l'article 606 du Code civil". La cour d'appel avait estimé que le bail mettait à la charge du preneur non seulement les réparations portant sur la chose louée, mais encore "toutes autres". Selon les informations figurant dans l'arrêt du 19 décembre 2012 et dans l'arrêt de la cour d'appel ayant donné lieu à cette décision (CA Caen, 23 juin 2011, n° 06/00945 N° Lexbase : A8241HUR), il ne semble pas pourtant qu'il ait été expressément envisagé que les réparations portant sur l'immeuble ou des parties communes soient à la charge du preneur. Il pourrait être certes soutenu que les grosses réparations visent nécessairement des "parties communes" ou que ces parties communes font partie de l'objet du bail (voir, Cass. civ. 3, 19 décembre 2012, n° 11-23.541, FS-P+B+I N° Lexbase : A1296IZZ, concernant les obligations du bailleur, qui précise que les parties communes d'un centre commerciale sont les accessoires nécessaires à l'usage de la chose louée ; cf. nos obs. Les obligations (particulières ?) du bailleur de centre commercial, Lexbase Hebdo n° 325 du 31 janvier 2013 - édition affaires N° Lexbase : N5608BTU).
Le pourvoi du preneur s'était essentiellement axé sur cette question de l'absence de clause mettant à la charge du preneur les travaux portant sur l'immeuble collectif, en se fondant sur la nécessité d'une interprétation stricte des clauses du bail relatives aux travaux qui ne pouvaient concerner, selon le preneur, que les locaux loués.
La réponse de la Cour de cassation ne se situe toutefois pas exactement à ce niveau. Le refus de faire peser sur le preneur la charge des travaux de ravalement n'est pas, en effet, fondé sur le fait que le bail ne mettait pas à la charge du preneur les travaux sur l'immeuble ou les parties communes, mais sur le fait qu'aucune clause "expresse" du bail ne mettait les travaux de ravalement à la charge du preneur.
Ne semblent pas non plus déterminante, ni dans cette décision du 6 mars 2013, ni dans celle précité du 19 décembre 2012, la nature des travaux de ravalement (entretien et /ou travaux de gros-oeuvre).
La solution serait donc désormais la suivante : quelles que soient les clauses du bail relatives aux travaux et quelle que soit la nature des travaux de ravalement, ces derniers incombent au bailleur, à moins qu'une clause du bail ne mette expressément les travaux de ravalement à la charge du preneur.
3 - Sur les travaux de toiture
La Cour de cassation a affirmé que la clause mettant à la charge du preneur les grosses réparations ou celles visées à l'article 606 du Code civil (qui incluent "le rétablissement [...] des couvertures entières"), ainsi que celles de la toiture, ne permettait pas d'exonérer le bailleur de la réfection de cette dernière, dès lors qu'elle était totale (Cass. civ. 3, 11 décembre 1984, n° 83-13.063 N° Lexbase : A2459AAC ; Cass. civ. 3, 10 mai 1991, n° 89-18.165 N° Lexbase : A4621AC7 ; Cass. civ. 3, 16 mai 2000, n° 98-20.555 N° Lexbase : A9367AT4). Par un arrêt "inédit" postérieur, la Haute cour avait cependant jugé que le bailleur ne pouvait être condamné à supporter la charge des travaux de réfection totale d'une toiture en présence d'une clause par laquelle le preneur s'était engagé à faire à ses frais les réparations nécessaires, y compris les grosses réparations visées à l'article 606 du Code civil (Cass. civ. 3, 7 janvier 2009, n° 07-19.112, FS-D N° Lexbase : A1548ECC). Dans un arrêt postérieur, qui marquait un retour vers les solutions initialement dégagées, la Cour de cassation avait précisé que la clause du bail, transférant au preneur la charge des grosses réparations et celle du clos et du couvert, devait être interprétée restrictivement et ne pouvait inclure la réfection totale de la toiture (Cass. civ. 3, 29 septembre 2010, n° 09-69.337, FS-P+B N° Lexbase : A7698GAD ; nos obs. La charge des travaux de réparation en matière de bail commercial, Lexbase Hebdo n° 414 du 28 octobre 2010 - édition privée N° Lexbase : N4477BQU).
L'arrêt rapporté du 6 mars 2013, à l'instar de la solution dégagée pour le ravalement, précise, sans égard aux clauses générales du bail relatives aux charges ou à la nature des travaux relatifs à la toiture (de la réfection totale au simple entretien), que les travaux de toitures incombent au bailleur sauf stipulation "expresse" contraire.
Il n'est toutefois pas certain que, même en présence d'une telle clause, et compte tenu des arrêts antérieurs, le preneur puisse être tenu des travaux de toiture dès lors qu'ils consistent en sa réfection totale.
4 - Sur les travaux de chauffage collectif
Dans un arrêt du 25 octobre 1983, la Cour de cassation avait refusé, en présence d'un bail mettant à la charge du bailleur les travaux visés par l'article 606 du Code civil, de mettre à la charge de ce dernier, sur ce fondement, le coût du remplacement des chaudières du chauffage central au motif que l'énumération des travaux par ce texte était limitative (Cass. civ. 3, 25 octobre 1983, n° 82-11.261 N° Lexbase : A7594AGD).
La solution serait différente aujourd'hui, à tout le moins concernant la motivation, puisque pour la troisième chambre civile, désormais, l'énumération des travaux de l'article 606 du Code civil ne semble pas pouvoir être limitative (Cass. civ. 3, 13 juillet 2005, n° 04-13.764, FS-P+B N° Lexbase : A9339DIQ).
La solution serait surtout différente au regard de l'arrêt du 6 mars 2013 qui précise que les travaux de chauffage collectif ne peuvent être mis à la charge du preneur sauf stipulation expresse contraire, les clauses générales relatives à la répartition des travaux (gros travaux, entretien, etc.) ne pouvant, à elles seules, suffire à opérer un tel transfert.
Si cette interprétation était retenue, à savoir que les travaux de ravalement, de toiture et de chauffage collectif n'incomberaient au preneur qu'en présence d'une clause visant expressément ces travaux au titre de ceux à la charge du preneur, sans qu'une stipulation générale relative aux travaux, même si elle vise ceux portant sur l'immeuble, puisse permettre ce transfert, l'arrêt du 6 mars 2013 aurait le mérite de clarifier les solutions en matière de répartition du coût des travaux de ravalement, de toiture et de chauffage collectif. Il permettrait aux parties, mais les obligerait également, si elles souhaitent mettre les travaux de ravalement, de toiture et de chauffage collectif à la charge du preneur, de le prévoir expressément lors de la rédaction du bail. L'intérêt d'une telle approche résiderait dans la prévisibilité des solutions pour le futur et dans l'obligation ainsi faite aux parties d'exprimer clairement leur volonté. Elle pourrait, en revanche, perturber corrélativement, en raison du caractère rétroactif de la jurisprudence, la portée d'accords antérieurs.
La question se pose également de la portée de cette décision : les charges que les parties désirent faire supporter au preneur devront-elles être expressément et précisément énumérées ou la nécessité d'une clause expresse sera-t-elle limitée aux seuls travaux de ravalement, de toiture et de chauffage collectif, ou d'une manière plus générale, aux travaux portant sur l'immeuble ou les équipements communs ?
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Réf. : Cass. civ. 3, 20 mars 2013, n° 11-28.788, FS-P+B (N° Lexbase : A5818KAQ)
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Le 04 Avril 2013
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Réf. : AMF, communiqué de presse du 22 mars 2013
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Le 28 Mars 2013
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Réf. : CA Versailles 19 février 2013 n° 11/04961, 12ème ch. (N° Lexbase : A2173I8Y)
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Le 28 Mars 2013
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Réf. : Aut. conc., avis n° 13-A-08, 11 mars 2013 (N° Lexbase : X2359AMC)
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Le 03 Avril 2013
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Réf. : Commission européenne, communiqué de presse IP/13/24 du 19 mars 2013
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Le 28 Mars 2013
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Réf. : AMF, communiqué de presse du 22 mars 2013
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Le 28 Mars 2013
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Réf. : Cass. civ. 1, 20 mars 2013, n° 11-26.241, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5929KAT)
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N6363BTT
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Le 02 Avril 2013
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Réf. : CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 14 février 2013 n° 12/02595 (N° Lexbase : A8572I7M)
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Le 28 Mars 2013
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Le 28 Mars 2013
Lexbase : Quelle est la tendance observée concernant l'activité globale des fusions-acquisitions ?
Isabelle Eid : De l'avis des praticiens corporate de CMS, il ressort que 2012 fut une nouvelle fois une année incertaine, lors de laquelle l'activité globale des fusions-acquisitions a été maintenue, avec une valeur totale des transactions avoisinant presque exactement celle de 2011. Dans un contexte difficile, les cibles "saines" moins nombreuses sont courtisées par un certain nombre de candidats ; ce qui favorise les vendeurs en termes d'allocation du risque, ainsi que les transactions à prix fixe.
2012, tout comme 2011, a vu une augmentation du nombre des opérations assorties d'un mécanisme de prix fixe en particulier en Europe, où la croissance a été plus notable au Royaume-Uni, au Benelux et dans les pays d'Europe Centrale et Orientale. Cette évolution s'explique notamment par l'augmentation du nombre de cessions en 2012 par les investisseurs financiers ou les fonds de capital-investissement, qui privilégient ordinairement cette catégorie d'opérations.
Si cette tendance à la hausse est visible dans tous les secteurs, c'est dans les secteurs des TMT (Technologie Media Communication) (croissance de 43 %), financements de projets (29 %) et dans l'industrie (53 %) qu'elle a été la plus significative.
On constate néanmoins une orientation inverse en France et en Allemagne. En effet, la France, qui avait lancé la tendance des transactions à prix fixe il y deux ans déjà, suivie par l'Allemagne en 2012, connaît aujourd'hui une évolution contraire avec une diminution nette du recours aux opérations assorties de ce type de mécanisme (18 % en 2012 contre 48 % en 2011).
Deux raisons peuvent expliquer la diminution des locked box dans ces pays :
- dans les transactions à prix fixe, l'acquéreur assume les risques entre la date des comptes de référence et la date de closing ;
- par ailleurs, les limitations ou exceptions (franchise plafond) à la mise en jeu des garanties de passif s'appliquent dans le cadre d'une transaction à prix fixe. Ce qui n'est pas le cas, par exemple, dans le cadre d'un ajustement du prix.
Par conséquent, côté acquéreur, ce dernier ne sera pas enclin à adopter une locked box lorsque l'audit aura révélé certains risques en amont de la mise en jeu de la garantie de passif. L'étude met ainsi en lumière l'importance croissante des analyses précontractuelles qui peuvent être de plusieurs natures : financière, juridique, stratégique, fiscale, notamment pour valoriser les actifs fiscaux, ou plus spécifiques selon les secteurs. L'optimisation des droits de propriété intellectuelle est notamment un sujet incontournable dans les Medtech et les Sciences de la vie.
Du côté du vendeur, un audit réalisé par ce dernier ("Vendor Due Diligence") dans un processus de vente lui donne un avantage certain dans les négociations et lui facilite l'obtention d'offres fermes et financées.
Lexbase : Concernant les garanties, quelles sont les conclusions de cette cinquième étude ?
Isabelle Eid : En ce qui concerne les garanties de passif, l'étude démontre une généralisation des limitations et exceptions contractuelles aux garanties de passif.
D'abord, côté vendeur, les exceptions et limitations aux garanties de passif plutôt favorables aux vendeurs se généralisent en Europe, avec :
- des plafonds de garantie qui continuent de diminuer, avec 54 % des transactions désormais assorties d'un plafond de garantie représentant moins de la moitié du prix de rachat. A noter que la France affiche la proportion la plus élevée de transactions prévoyant des plafonds bas dans les contrats de garantie, 67 % comportant un plafond inférieur ou égal à 25 % du prix de cession, notamment dans les secteurs de l'industrie et de l'hôtellerie ;
- des périodes de garantie comprises entre 12 et 24 mois sont de plus en plus observées (62 % des transactions). Les périodes de garantie supérieures à 24 mois sont particulièrement présentes dans les secteurs de Sciences de la vie et des Financements de projets ;
- les clauses de minimis et les seuils globaux d'indemnisation (basket) se généralisent également, et les indemnisations "au premier dollar" restent la norme. Cette tendance s'est accentuée au cours de l'année 2012 à l'exception de la France où dans 81% des cas, les transactions sont assorties d'un seuil global d'indemnisation prévoyant des "franchises d'indemnisation", ce qui représente de loin la proportion la plus élevée d'Europe. Vient ensuite l'Allemagne avec 43 % des transactions prévoyant des "franchises d'indemnisation" ;
- par ailleurs, le traitement de la data room dans les garanties de passif tend également à s'uniformiser en Europe : tandis que dans les années 2007-2010, celle-ci était majoritairement exonératoire de la garantie au Royaume-Uni (à 69 %), ce n'était pas le cas en Allemagne (37 %) et surtout en France (19 % des transactions en 2011). L'étude montre qu'en 2012, le traitement de la data room comme élément exonératoire tend à s'uniformiser entre les pays d'Europe avec, d'une part, un tassement de cette tendance au Royaume-Uni (56 % contre 69 % en 2007/2010), et, d'autre part, un accroissement de cette pratique en Allemagne et en France, pays dans lequel 43 % des transactions appliquent désormais (contre 19 % en 2011) de telles dispositions contractuelles favorables au vendeur puisqu'elles permettent à ce dernier de ne pas indemniser l'acquéreur de tout fait ou élément qui aurait été révélé en amont dans la data room.
Ensuite, côté acquéreur, un nombre significatif d'opérations sans plafond de garantie (20 %) est observé. Phénomène au premier abord étonnant, cette pratique s'explique comme suit : lorsque les seules garanties données sont des garanties sur les titres, les acheteurs ne sont alors pas préparés à accepter un plafond dans ces cas précis. Ce qui met en lumière également une tendance, côté acquéreur, en faveur de déclarations simples -et déplafonnées- plutôt qu'une garantie de passif trop contraignante en termes de limitations ou d'exceptions et donc à la mise en oeuvre difficile. L'acquéreur revient ainsi à des indemnisations sur des bases principalement légales pour ne pas se voir opposer les limitations et exceptions contractuelles usuelles aux garanties de passif.
On observe par ailleurs une diminution significative du nombre d'opérations imposant au vendeur des clauses de non-concurrence. La France dispose notamment d'un des plus faibles taux d'Europe avec 35 % des opérations comportant de telles clauses. Cette défaveur conjoncturelle de la pratique pour ces clauses n'est pas sans rappeler le regard acéré que les juges français portent sur elles et aux contentieux importants auxquels elles donnent lieu.
Enfin, la principale tendance significative favorable aux acheteurs est l'aisance relative avec laquelle ils parviennent désormais à obtenir des sûretés pour sécuriser les recours en garantie.
Lexbase : L'étude met en lumière les pratiques contractuelles comparées en matière de cession d'actions en Europe et aux Etats-Unis. Pouvez-vous nous en donner quelques exemples ?
Isabelle Eid : En effet cette cinquième étude met en lumière les pratiques contractuelles comparées en matière de cession d'actions en Europe et aux Etats-Unis avec par exemple :
- les clauses dites de "earn-out" (ajustement du prix sur les performances futures de l'entreprise cible), ces mécanismes ayant un succès globalement limité en Europe (16 % seulement des opérations en 2012) à la différence des Etats-Unis ;
- les clauses de minimis et seuils globaux d'indemnisation dont l'utilisation se généralise en Europe, mais contrairement à l'évolution observée aux Etats-Unis, les indemnisations "au premier dollar" restent la norme et cette tendance s'est accentuée au cours de l'année 2012 ;
- les clauses dites de "material adverse change" (MAC) qui restent relativement rares et concernent seulement 14 % des transactions en Europe, ce qui contraste fortement avec les Etats-Unis où la majorité (93 %) des transactions sont assorties de clauses MAC.
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Réf. : Cass. com., 19 mars 2013, n° 12-15.283, F-P+B (N° Lexbase : A5907KAZ)
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N6359BTP
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Le 29 Mars 2013
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Réf. : Cass. com., 19 mars 2013, n° 12-14.213, F-P+B (N° Lexbase : A5783KAG)
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Le 29 Mars 2013
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Réf. : Cass. com., 19 mars 2013, n° 11-23.155, F-P+B (N° Lexbase : A5798KAY)
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Le 04 Avril 2013
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Réf. : CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 12 février 2013, n° 12/08903 (N° Lexbase : A7428I7A)
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N6365BTW
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Le 28 Mars 2013
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Réf. : Cass. civ. 2, 21 mars 2013, n° 11-25.462, F-P+B (N° Lexbase : A5973KAH)
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N6364BTU
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Le 30 Mars 2013
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Réf. : CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 14 février 2013 n° 12/02595 (N° Lexbase : A8572I7M)
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N6366BTX
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Le 28 Mars 2013
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N6353BTH
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par Christophe Paulin, Professeur de droit, Directeur du Master de droit des transports, Université Toulouse I Capitole
Le 28 Mars 2013
L'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 12 mars 2013, qui a reçu les honneurs d'une publication au Bulletin, vient opportunément rappeler aux plaideurs les principes d'indemnisation du préjudice dans le transport routier international de marchandises.
En l'espèce, une cargaison de crevettes surgelées est confiée à un prestataire pour un transport entre Vitrolles et Lisbonne. Les marchandises, endommagées à la suite d'un incendie, sont finalement détruites. Le transport ayant donné lieu à diverses sous-traitances, les assureurs de la marchandise et ceux du transporteur principal assignent les transporteurs effectifs en responsabilité. La cour d'appel de Rennes calcule alors l'indemnité d'après le prix de vente de la marchandise par l'expéditeur au destinataire, lui permettant ainsi d'obtenir une réparation non seulement des marchandises perdues, mais également du gain manqué, en l'occurrence le bénéfice de la vente (CA Rennes, 14 janvier 2009, n° 07/04453 N° Lexbase : A0897HGC).
L'arrêt est cassé sur pourvoi, sous le visa des articles 23 et 25 de la Convention du 19 mai 1956, relative au contrat de transport international de marchandises par route ([LXB=L4084IPX)] dite "CMR") : "selon ces textes, l'indemnité mise à la charge du transporteur pour perte ou avarie doit être calculée d'après la valeur de la marchandise au lieu et à l'époque de la prise en charge", de sorte que l'indemnité aurait dû être fonction du prix payé par l'expéditeur pour acquérir la marchandise et non du prix de vente, au lieu et à l'époque de la livraison.
L'arrêt rappelle deux enseignements pratiques.
D'abord, il précise que le demandeur d'une indemnité doit impérativement établir son préjudice, c'est-à-dire le prouver, tant dans son existence que dans son montant, conformément aux principes élémentaires de la responsabilité civile. Il est fréquent, en effet, que l'on réclame au transporteur le montant de l'indemnité d'assurance, l'indemnisation d'une marchandise censée ne plus être commercialisable et qui a été opportunément détruite, une somme déterminée arbitrairement et unilatéralement par le demandeur... quand on ne se contente pas de demander simplement le montant des limitations de responsabilité du transporteur, comme si celles-ci constituaient une réparation forfaitaire. La censure de l'arrêt d'appel remémorera aux juges du fond, parfois indulgents à cet égard, la nécessité de la preuve du préjudice.
Il rappelle, ensuite, l'identique nécessité d'évaluer le préjudice conformément à la règle de droit, lorsque le texte applicable prévoit des règles d'évaluation. Ce n'est pas le cas du droit français, en vertu duquel l'arrêt n'aurait probablement pas été censuré. C'est, en revanche, celui de la CMR.
Le texte régit le contrat de transport routier lorsque le lieu de prise en charge de la marchandise et celui de la livraison sont situés dans deux Etats différents, dont l'un au moins est partie à la convention. En vertu de ce principe simple, tous les transports au départ de la France, comme en l'espèce, sont soumis à la CMR, dont l'application est impérative pour le juge français, qui doit, si besoin, la relever d'office. Or, l'article 23 de la CMR pose une règle précise, selon laquelle l'indemnité due par le transporteur est calculée d'après la valeur de la marchandise au lieu et à l'époque de la prise en charge. Ceci exclut effectivement que le juge retienne le prix de revente de la marchandise au moins lorsqu'il est clairement établi qu'il s'apprécie à la date et au lieu de la livraison (Cass. com., 27 mai 1981, n° 80-10157, publié N° Lexbase : A2064CKN, Bull. civ. IV, n° 254).
Faut-il pour autant, comme paraît le faire la Cour de cassation, poser en postulat que le prix de revente s'apprécie au regard de la livraison et retenir le prix d'achat, qui s'apprécierait lors de la prise en charge ? Cela semble discutable. D'abord, le prix de revente pourrait correspondre aux conditions de la convention : le contrat de vente est généralement conclu lors de la prise en charge, voire avant et non lors de la livraison. Ensuite, le lieu de conclusion du contrat est celui de l'émission de l'acceptation, c'est-à-dire celui de l'acheteur et donc, en pratique, le lieu de destination. Il n'est donc pas établi que l'évaluation retenue par la cour d'appel violait ouvertement les critères légaux et il aurait été intéressant qu'il y ait une précision à cet égard. Il n'est pas davantage acquis que le prix d'achat de la marchandise par l'expéditeur réponde aux conditions légales : ce prix correspond-il à la valeur de la marchandise au lieu de la prise en charge ? Il paraît plutôt refléter celle en vigueur dans le pays du premier vendeur.
Le prix de la marchandise dans les relations entre l'expéditeur et l'acheteur ne constitue pas, du reste, un critère pertinent au regard de la CMR. L'article 23 précise, en effet, non seulement qu'il convient de se référer à la valeur de la marchandise, mais également comment celle-ci s'apprécie. La référence se fait alors par rapport au cours de la bourse, à défaut au prix courant du marché ou, enfin, d'après la valeur usuelle de marchandises de même nature et qualité.
Il ne suffira donc pas, devant la cour de renvoi, d'établir le prix d'achat de la marchandise par l'expéditeur pour satisfaire aux conditions légales et obtenir l'évaluation d'un préjudice dont la réparation sera ensuite limitée par les plafonds d'indemnisation.
La question de la place du destinataire dans le contrat de transport est une question récurrente. Le présent arrêt rendu le 12 mars 2013 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation y apporte une réponse, tardive mais sans doute bienvenue, dans le cas où le contrat, relatif à un transport maritime, a donné lieu à un connaissement.
En l'espèce, un transport de véhicules est réalisé par la société CMA CGM entre le Japon et la Lybie, en vertu de deux connaissements émis dans le cadre d'une opération de crédit documentaire. Le transporteur assignait alors le destinataire mentionné au connaissement, en l'occurrence un établissement bancaire, en paiement de surestaries, frais supplémentaires afférents au stockage des conteneurs. L'action était portée devant les juridictions françaises, conformément à la clause attributive de compétence insérée aux connaissements. La cour d'appel ayant admis l'application de cette clause, le pourvoi la contestait, au motif que rien n'établissait que les parties au litige étaient liées par une convention (CA Aix-en-Provence, 12 mai 2010, n° 09/05386 N° Lexbase : A4930E3Y, rendu sur renvoi après cassation par Cass. civ., 1, 16 décembre 2008, n° 07-18.834, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8595EBX, Bull. civ. I, n° 283).
C'est donc la question de la place du destinataire dans le contrat de transport, en vertu du connaissement, qui était clairement posée à la Cour de cassation.
Il est parfaitement admis que le destinataire est partie au contrat de transport, quand bien même il n'a pas participé à sa conclusion. Cette solution repose sur un impératif pratique : il convient d'éviter que le destinataire ne puisse, en agissant en responsabilité délictuelle contre le transporteur, éluder l'application des réglementations du contrat de transport, et dont la finalité est précisément de protéger le prestataire.
Pour les transports terrestres, l'intégration du destinataire au contrat de transport repose sur l'article L. 132-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L5640AIQ), quoique son interprétation demeure controversée. S'agissant du transport maritime, ce texte n'apporte pas même un modeste secours, faute d'être applicable. La solution la plus généralement admise par la doctrine est que le destinataire adhère au contrat par une acceptation manifestée au moment où il prend livraison de la marchandise. Cette conception n'est pas satisfaisante. Elle invoque une volonté utopique : le destinataire, qui entend seulement recevoir sa marchandise, n'envisage pas d'adhérer au contrat de transport. Par ailleurs, le destinataire qui refuse la marchandise échappe alors au contrat de transport, de sorte que le transporteur est privé du bénéfice de la réglementation, au moment où il en a le plus besoin. Il en est de même en cas de perte de la marchandise.
L'existence d'un connaissement de transport maritime peut alors donner un autre fondement et une plus grande généralité à l'intégration du destinataire dans le contrat de transport. Le connaissement, en effet, est un titre de transport, négociable. La transmission du connaissement permet alors à ses titulaires successifs d'intégrer le contrat de transport et de s'en voir appliquer les clauses. Cette conception, dite cambiaire, du connaissement, se pratique surtout dans les droits anglo-saxons.
Le droit français se montre plus réservé. La jurisprudence, non sans ambiguïté, estime qu'il ne résulte d'aucun texte que le porteur du connaissement, en acceptant la livraison de la marchandise, succède aux droits et obligations du chargeur (Cass. com., 4 mars 2003, n° 01-01.043, FS-P N° Lexbase : A3581A7R, Bull. civ. IV, n° 33), tandis que la doctrine se montre plutôt hostile à la théorie cambiaire du connaissement.
L'arrêt pourrait alors constituer un pas dans cette direction. Certes, en l'espèce, la négociabilité du connaissement n'était pas en cause et le destinataire ne devenait pas partie au contrat de transport par la transmission de ce document. En revanche, la Cour régulatrice estime que le destinataire figurant sur le connaissement se trouve partie au contrat, "matérialisé" par le connaissement. Dès lors que la Cour admet, ainsi, que ce document représente le contrat, un pas important est franchi, l'adhésion au contrat se faisant naturellement par la mention sur le connaissement ou la transmission de ce titre représentatif.
On regrettera, en revanche, la précision selon laquelle le destinataire se prévalait du contrat de transport. Un élément volontaire serait-il encore requis, qui relativiserait la représentativité du connaissement. Il est vrai que, en ce qui concerne le destinataire simplement mentionné au connaissement, rien n'établit sa volonté d'être partie au contrat, tant qu'il ne s'est pas prévalu du connaissement. Il en va différemment de celui qui, succédant au destinataire initial, accepte le connaissement qui lui est transmis, donnant ainsi son accord à son intégration dans le contrat.
Le transporteur aérien est-il tenu de prendre le passager en charge lorsque l'exécution de cette obligation est, par son ampleur, pratiquement irréalisable ? C'est à cette question que répond l'arrêt de la CJUE rendu le 31 janvier 2013, s'inscrivant dans l'interprétation consumériste la plus absolue de la réglementation européenne.
Le Règlement n° 261/2004 du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol (N° Lexbase : L0330DYU), a pour objectif, clairement établi et maintes fois répété, la protection des passagers aériens. Dans cette perspective, ce texte accorde différents droits aux passagers, dont celui à une "prise en charge", comprenant notamment hébergement et restauration, en cas d'annulation d'un vol. En l'espèce, cette obligation du transporteur aérien était confrontée à l'annulation massive des vols suite à l'éruption d'un volcan islandais devenu célèbre. La compagnie Ryanair n'avait pas assumé son obligation à l'égard d'un passager dont le vol avait été annulé, en raison de la fermeture des espaces aériens, suite à l'éruption. Le passager, qui était resté bloqué près d'une semaine sur son lieu de départ, assignait la compagnie en remboursement des sommes qu'il avait dû engager à la suite de son immobilisation, et qui représentaient près de dix fois le prix du billet.
A la demande du transporteur, la juridiction posait alors une question préjudicielle à la Cour de justice, sur le point de savoir si l'obligation de prise en charge restait exigible alors que des circonstances "éminemment extraordinaires" avaient entraîné l'annulation du vol. Il semblait nécessaire de rajouter ce qualificatif, des circonstances simplement extraordinaires ne suffisant pas, en effet, à dispenser le transporteur de son obligation, conformément à la lettre du texte.
Peut-être maladroitement posée, ou habilement interprétée par la Cour de justice, la question ne pouvait susciter qu'une réponse négative. En effet, le passager ressent le même besoin de prise en charge quelle que soit la cause de l'annulation de son vol. Le Règlement, qui n'exonère pas le transporteur en cas de "circonstances extraordinaires", n'évoque pas la notion de circonstances particulièrement extraordinaires. Du reste, les premières, qui comprennent tous les incidents hors de la maîtrise du transporteur, ne laissent guère d'événement hors de leur champ d'application. C'est ce que rappelle la Cour en rejetant la question et en maintenant, par conséquent, l'obligation et la responsabilité du transporteur.
On peut alors déplorer que la question de la possibilité même d'exécuter une telle obligation n'ait pas été plus clairement posée à la Cour. En effet, alors que la fermeture des espaces aériens avait immobilisé environ 10 millions de passagers, dont 1,4 million pour la seule compagnie en cause, la question se posait clairement de savoir si les circonstances ne devaient pas dispenser le transporteur, non en ce qu'elles affectaient la réalisation des vols, mais au regard de la possibilité même d'exécuter l'obligation. Comment en effet les transporteurs auraient-ils pu prendre en charge tous les passagers touchés par un tel événement ? Et, ne pouvant tous les assister, pouvaient-ils ne le faire que pour certains d'entre eux ? Une dispense s'imposait alors, devant l'impossibilité manifeste d'exécuter l'obligation.
Pour autant, si une réponse plus précise eût alors pu être donnée, il n'est nullement acquis que la Cour aurait adopté cette solution favorable au transporteur. Dans le présent arrêt, la Cour estime déjà que l'objectif de protection des passagers justifie des "conséquences économiques négatives, mêmes considérables" pour les transporteurs.
La question de la qualification du contrat de transport est récurrente, en raison des intérêts pratiques attachés à l'opération, comme de l'absence de réponse satisfaisante de la jurisprudence. En particulier, la Cour de cassation a longtemps laissé entendre que cette qualification supposait que le déplacement constitue non seulement l'obligation principale du contrat, mais, au-delà, la prestation unique, à défaut de quoi le contrat se devait d'être qualifié de contrat d'entreprise.
Cet arrêt de la Cour de cassation affirme enfin clairement que le contrat de transport s'accommode d'une pluralité de prestations, dès lors que les obligations autres que le déplacement sont accessoires à celui-ci. En l'espèce, il s'agissait d'un contrat portant sur la collecte et le transport d'échantillons d'analyse. L'arrêt est d'autant plus significatif qu'auparavant, la même juridiction avait rejeté la qualification de contrat de transport à l'égard d'une convention semblable (Cass. com., 3 mai 2011, n° 10-11.255 , F-D N° Lexbase : A7761HIB ; cf. nos obs. in Chronique trimestrielle de droit des transports - Juin 2011 (3ème commentaire), Lexbase Hebdo n° 255 du 16 juin 2011 - édition affaires N° Lexbase : N4337BSG).
On ne peut manquer de signaler ce très important arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, qui recevra un commentaire plus étoffé dans une prochaine édition. En l'espèce, il s'agissait de l'affrètement d'un aéronef destiné à emmener des voyageurs assister à une manifestation sportive en Europe. L'aéronef ne s'étant pas présenté au départ et le voyage ayant été annulé, l'organisateur a assigné le fréteur en réparation, sur le fondement de l'article 19 de la Convention de Montréal du 28 mai 1999, relative à la responsabilité du transporteur aérien. Le texte pose le principe de la responsabilité du transporteur en cas de retard. L'arrêt, qui mérite d'être précisé en raison de diverses confusions quant aux textes concernés, se prononce sur les causes d'exonération de responsabilité du transporteur aérien.
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