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par Aurélie Dort, Maître de conférences, Faculté de Droit, Économie et Administration de Metz, Université de Lorraine
Le 29 Décembre 2021
Mots-clés : contrôle fiscal • fraude fiscale • data mining • algorithmes
La lutte contre l’évasion et la fraude fiscale est devenue un enjeu majeur de souveraineté et de redressement des comptes publics, et constitue une priorité de l’action publique. Les scandales financiers tels les Panama Papers ou plus récemment les Pandora Papiers ne font qu’alimenter cette nécessité de lutter contre l’évasion et la fraude fiscale. L’annexe du projet de loi de finances pour 2021 relatif à la lutte contre la fraude fiscale dispose en ce sens que « l'objectif d'amélioration de l'efficacité de la lutte contre la fraude s’appuie […] sur la détection des comportements frauduleux et le ciblage de plus en plus efficace des opérations de contrôle, le renforcement de l’approche judiciaire des fraudes, le développement des moyens consacrés à la lutte contre certaines formes de fraude, en particulier la fraude internationale, et l’amélioration du recouvrement suite à contrôle fiscal » [1].
L’administration fiscale a donc pour objectif de détecter plus efficacement les incohérences déclaratives mais aussi d’exploiter les informations des différentes sources pour mieux cibler les affaires. Elle utilise ainsi pleinement les nouvelles potentialités de l’exploitation des données, et notamment le data mining qu’elle souhaite par ailleurs optimiser [2].
Afin de mieux cibler ces opérations de contrôle, la Direction générale des finances publiques dispose désormais « d’un outil d’analyse des données non structurées (text-mining) » en plus de développer « l’exploitation des données, toujours enrichies (ex. : données des plateformes d’échanges, des réseaux sociaux), ou d’informations acquises auprès d’entreprises privées (dans le respect du règlement général sur la protection des données RGPD), ou a recours à des data-scientists » [3].
Rappelons que le data mining est le procédé permettant de trouver des corrélations ou des patterns entre de nombreuses bases de données. Il repose sur des algorithmes complexes et sophistiqués permettant de segmenter les données et d’évaluer les probabilités futures [4]. Si le terme est récent, la technologie ne l’est pas puisque l’analyse des données s’est développée en parallèle du développement du numérique, de l’informatique et des réseaux.
La délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF) le définit en 2014 comme « une démarche méthodologique rigoureuse développée en vue de révéler de l’information contenue dans les systèmes d’information, en mettant en exergue d’éventuelles corrélations significatives entre les données observées » [5]. Le data mining se compose dès lors pour l’administration fiscale d’un « ensemble de techniques relevant du domaine des statistiques et des mathématiques permettant, à partir d'un important volume de données, d’extraire des informations visant à améliorer la connaissance des […] comportements de fraude […] et permettre d’engager des actions adaptées à l’objectif poursuivi [de] lutte contre la fraude » [6]. Le data mining permet ainsi de faire parler l’information en établissant des liens et corrélations entre les données observées [7]. Deux cas de figure peuvent alors se présenter : soit la recherche de critères discriminants de fraude en l’absence d’historique de cas détectés ; soit il y a déjà un contexte avec des informations relatives à des cas de fraude déjà identifiés.
Différentes étapes doivent être respectées dans une démarche de data mining. Tout d’abord, la cible à atteindre doit être définie, ainsi que le périmètre. Ensuite les données doivent être fiabilisées. Il convient ensuite de procéder à une déclaration auprès de la CNIL. L’efficacité du data mining est conditionnée par la qualité des données collectées, mais aussi par l’identification des compétences à mobiliser ainsi que par l’exhaustivité des contrôles menés. L’un des objectifs principaux du recours au data mining est donc de permettre une exploitation « de plus en plus fine » [8] des données collectées afin de permettre un ciblage plus efficace des contrôles fiscaux à initier. Le data mining est ainsi une « discipline qui se situe au croisement de l’étude statistique et de l’intelligence artificielle » [9]. Appliqué à la matière fiscale, il vise à identifier des caractéristiques de fraudes complexes pour rétablir une certaine équité fiscale. À partir des données, l’algorithme va calculer la probabilité qu’un dossier comporte un risque de fraude et « l’outil va ainsi se perfectionner au fil du temps en mettant en relation les dossiers désignés avec les motifs de rehaussement opérés » [10].
Dès 2013, l’administration fiscale s’est engagée à moderniser des contrôles fiscaux à travers la Mission Requête et Valorisation. La première expérimentation menée par cette mission a été mise en place dès 2014 avec le ciblage de la fraude et valorisation des requêtes (CFVR) [11]. Ce programme a pour objectif d’améliorer l’efficacité des opérations de contrôle fiscal grâce à l’introduction de méthodes d’analyses modernes des données [12], et vise ainsi à détecter la fraude à la TVA. L’expérimentation a ensuite été étendue en 2017 à la recherche des fraudes perpétrées par les particuliers. Dans la continuité, la loi de finances pour 2020 [13] permet à l’administration fiscale et aux douanes d’investiguer et d’exploiter les données recueillies sur les réseaux sociaux et les plateformes en ligne de vente ou d’échanges de biens et services. Les conditions d’application de la mesure seront néanmoins précisées plus d’un an plus tard dans un décret publié le 13 février 2021 [14] après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) [15]. Les contrôles sont désormais mieux ciblés grâce à l’utilisation de ses nouvelles modalités d’exploitation des données et des méthodes d’analyse prédictive. L’optimisation du contrôle fiscal provient à la fois du recours à l’intelligence artificielle, mais aussi en raison du développement du datamining. Ces techniques « basées sur le recoupement de données, l’analyse statistique et l’apprentissage automatique permettent un traitement optimal du volume et de la masse des données détenues par la DGFiP » [16]. Le traitement automatisé des données envisagées devrait notamment « détecter plus facilement les fausses domiciliations à l’étranger de personnes physiques » [17]. En 2019, 22 % des contrôles fiscaux ont été programmés en utilisant des méthodes d’analyse des données. Ce sont ainsi 100 000 dossiers issus du ciblage qui ont été adressés aux services opérationnels de contrôle fiscal [18]. Le recours au data mining a ainsi permis de rapporter près de 785 millions d’euros en 2019 [19], et 794 millions d’euros de droits et pénalités en 2020 [20]. Il est d’ailleurs intéressant de constater que si les montants ont peu évolué entre 2019 et 2020, la part des contrôles ciblés par Intelligence Artificielle (IA) et data mining [CF-51] soit quant à elle passée de 21,95 % à 32,49 % [21]. Dorénavant, près d’un contrôle sur trois est donc ciblé par l’intelligence artificielle ou le data mining. Ce développement du recours au numérique est pleinement souhaité par l’administration fiscale qui rappelle par ailleurs dans sa lettre interne que « la montée en puissance des contrôles ciblés par le data mining reposera par ailleurs, en 2021 et 2022, sur l’exploitation accrue des données extérieures aux déclarations fiscales afin d’avoir une vision plus globale des entreprises et des particuliers qui prenne en compte les éléments de contexte (patrimoine et comportement des dirigeants, antécédents fiscaux ...) » [22]. Afin de faciliter l’exploitation des données recueillies sur les plateformes collaboratives et les réseaux sociaux, il est notamment prévu une transformation du système d’information relatif à l’administration fiscale à travers notamment la mise en œuvre du projet PILAT (Pilotage et analyse du contrôle). Ce projet a pour objet d’aider les agents « à mieux cibler la fraude et à automatiser les travaux de suivi en améliorant les interfaces entre les nombreuses applications numériques dédiées au contrôle fiscal » [23]. Ce projet vise ainsi à « décloisonner les bases de données de l'ensemble des acteurs impliqués dans le recouvrement et dans le contrôle de la fraude » et vient dès lors compléter le projet CFRV. Ces changements actent par conséquent la « transformation profonde et pérenne du contrôle fiscal français dans ses formes, sa nature et du paradigme dans lequel il s’insère » [24].
Force est de constater qu’à travers le développement des algorithmes et du numérique, on assiste à une réelle numérisation des contrôles fiscaux. Avec la numérisation, les informations d’un support sont converties en données numériques qui pourront ensuite être traitées par des dispositifs informatiques. L’article 154 de la loi de finances pour 2020 [25], qui autorise les administrations fiscale et douanière à collecter automatiquement des données personnelles sur les réseaux sociaux, concerne, de manière limitative, la détection des fraudes les plus graves. Elle illustre ainsi comment les administrations fiscales et douanières ont franchi une étape supplémentaire dans la numérisation des contrôles. Cette numérisation des contrôles fiscaux n’est cependant pas sans limites puisque l’utilisation des algorithmes est encadrée (I), mais aussi limitée (II).
I. La numérisation des contrôles fiscaux, une utilisation encadrée
L’utilisation des données personnelles recueillies par l’administration fiscale est encadrée tant dans son champ d’application (A) que dans sa mise en œuvre (B).
A. Un champ d’application strictement défini
L’encadrement de cette expérimentation a été clairement déterminé puisque l'administration fiscale et l'administration des douanes et droits indirects peuvent, chacune pour ce qui la concerne, collecter et exploiter au moyen de traitements informatisés et automatisés n'utilisant aucun système de reconnaissance faciale les contenus, librement accessibles sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne, manifestement rendus publics par leurs utilisateurs. Sont concerné ici toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service.
Il n’est ainsi permis que l’exploitation des seuls contenus rendus publics. Sont donc visés les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter, LinkedIn), les sites de vente en ligne (Leboncoin, Vinted, eBay) ainsi que les plateformes d’échange de services (Blablacar, Airbnb, Allovoisins, Jwebi….) [26]. La collecte des contenus librement accessibles et manifestement rendus publics sur les sites ne concerne toutefois que les contenus « se rapportant à la personne qui les a délibérément divulgués et dont l'accès ne nécessite ni saisie d'un mot de passe ni inscription sur le site en cause peuvent être collectés et exploités ». Le décret du 11 février 2021 précise d’ailleurs que la collecte de ces contenus « au moyen d'identités d'emprunt ou de comptes spécialement utilisés à cet effet par l'une des administrations [fiscale ou douanière] est prohibée, sous la seule réserve de la création de comptes destinés à être utilisés par l'intermédiaire d'interfaces de programmation mises à disposition par les opérateurs de plateforme ». Il est également précisé que « lorsque la personne est titulaire sur internet d'une page personnelle permettant le dépôt de commentaires ou toute autre forme d'interactions avec des tiers, ces commentaires et interactions ne peuvent faire l'objet d'aucune exploitation ».
B. Une mise en œuvre délimitée
L’article 154 de la loi de finances pour 2020 dispose notamment que l’expérimentation mise en place est prévue pour une durée de 3 ans. Elle fera ensuite l’objet « d’une analyse d'impact relative à la protection des données à caractère personnel dont les résultats sont transmis à la Commission nationale de l'informatique et des libertés » ainsi que d’une « première évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement ainsi qu'à la Commission nationale de l'informatique et des libertés au plus tard dix-huit mois avant son terme ». Il est également prévu qu’un bilan définitif de l'expérimentation soit transmis au Parlement ainsi qu'à CNIL au plus tard six mois avant son terme. Le Conseil constitutionnel dispose par ailleurs que « pour apprécier s'il convient de pérenniser le dispositif expérimental en cause au terme du délai de trois ans fixé par la loi, il appartiendra au législateur de tirer les conséquences de l'évaluation de ce dispositif et, en particulier, au regard des atteintes portées aux droits et libertés précités et du respect des garanties précitées, de tenir compte de son efficacité dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ». De plus, « à la lumière de cette évaluation, la conformité à la Constitution de ce dispositif pourra alors de nouveau être examinée » [27].
Le déroulement de l’expérimentation est précisé dans le décret du 11 février 2021 qui dispose qu’elle se déroulera en deux temps. Tout d’abord, est mise en place une « phrase d’apprentissage et de conception » qui permettra à l’administration « de développer des outils de collecte et d'analyse des données et d'identifier des indicateurs qui ne sont pas des données à caractère personnel, tels que des mots-clés, des ratios ou encore des indications de dates et de lieux, caractérisant les manquements et infractions recherchés, ainsi que les modélisations de détection des activités frauduleuses ». Dans un second temps, les outils de traitement seront utilisés dans une phase d’exploitation qui est constituée par la collecte et la sélection des données pertinentes, puis leur transfert éventuel pour analyse, auprès du service des impôts compétents.
Les données concernées sont donc non seulement limitées, mais leur exploitation est également encadrée. Si le développement des outils technologiques est indispensable pour permettre aux services, administrations et directions de traiter l’ensemble des données qu’ils reçoivent et de détecter les fraudes les plus complexes, le ratio de rentabilité reste bien moindre pour les contrôles ciblés par intelligence artificielle ou datamining et ayant donné lieu à rectification [28]. L’utilisation des données numériques recueillies est limitée.
II. La numérisation des contrôles fiscaux, une utilisation limitée
L’utilisation des données collectées est limitée au regard de leur exploitation (A), mais aussi en raison de la protection même de ces données (B).
A. Une limitation dans l’exploitation des données
Il n’y a pour l’instant pas de traitement automatisé du contrôle fiscal. Les traitements ne peuvent effectivement être « réalisés que par des agents de la direction générale des finances publiques ayant au moins le grade de contrôleur, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur général des finances publiques » [29].
De plus, les traitements de collecte et de recherche des données pertinentes sont retracés dans un journal recensant les opérations de collecte, de modification, de consultation, de communication, d'interconnexion et d'effacement des données. Les journaux des opérations de consultation et de communication permettent d'établir le motif, la date et l'heure de celles-ci et, l'identification de la personne qui a consulté ou communiqué les données à caractère personnel, ainsi que l'identité des destinataires de ces données à caractère personnel. Les journaux contiennent les références des bases de données et variables consultées et la nature des requêtes effectuées. Les informations des journaux sont conservées pendant une durée d'un an.
Chaque trimestre, un ou plusieurs agents s’assurent, au moyen des outils de traçabilité, que seuls les agents spécialement habilités consultent et réalisent les traitements. Ils s'assurent également, au moyen d'outils spécifiques développés en ce sens, que seules les données strictement nécessaires à la recherche des manquements et infractions visées sont collectées et traitées.
Lorsque les traitements réalisés permettent d'établir qu'il existe des indices qu'une personne ait pu commettre un des manquements ou infractions recherchés, les informations traitées sont transmises de manière sécurisée et contrôlée aux seuls agents des services de la Direction générale des Finances publiques ou de la direction générale des douanes et des droits indirects chargés de la recherche et du contrôle qui sont territorialement compétents. Ces informations, qui se limitent aux renseignements strictement utiles à la mission de ces agents et dans la limite de leur besoin d'en connaître, précisent la personne physique ou morale visée, les infractions ou manquements détectés, et le ou les indices de nature à concourir à leur constatation. Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être opposés au contribuable que dans le cadre d'une procédure de contrôle fiscal ou douanier [30].
Un droit d’accès aux informations collectées peut être exercé auprès du service dont dépendant les agents habilités. L’article 11 du décret du 11 février 2021 prévoit toutefois expressément que le droit d’opposition ne s’applique pas aux traitements proprement dits. Il serait en effet contraire à l’objectif de lutte contre la fraude fiscale de permettre aux contribuables de s’opposer à la collecte d’informations les concernant.
Quant à la durée de conservation des données, elle dépend de leur nature et de leur utilisation. Les données sensibles et les autres données manifestement sans lien avec les infractions visées (les activités commerciales occultes, les domiciliations fiscales frauduleuses, les activités illicites) sont détruites au plus tard cinq jours ouvrés après leur collecte. En vertu de l’article 8 du décret du 11 février 2021, lorsqu'elles sont de nature à concourir à la constatation des manquements et infractions mentionnés précédemment, les données collectées strictement nécessaires sont conservées pour une période maximale d'un an à compter de leur collecte et sont détruites à l'issue de cette période. Toutefois, lorsqu'elles sont utilisées dans le cadre d'une procédure pénale, fiscale ou douanière, ces données peuvent être conservées jusqu'au terme de la procédure. Les autres données sont détruites dans un délai maximum de trente jours à compter de leur collecte.
Rappelons qu’est entendu par données sensibles, « celles qui révèlent la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique, les options politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale d’une personne ; les données génétiques et biométriques et celles concernant la santé ou la vie ou l’orientation sexuelle » [31]. Elles ne peuvent faire l’objet d’aucune exploitation.
Le data mining s’inscrit pleinement comme un outil supplémentaire utilisé par l’administration pour détecter, identifier la fraude fiscale. S’il s’agit là des mises en œuvre les plus connues, certaines utilisations du data mining sont moins transparentes. Pour lutter contre la fraude, le fisc a signé un partenariat avec la société américaine de conseil informatique Accenture. Les Alpes-Maritimes, la Charente-Maritime et la Drôme ont expérimenté ce logiciel qui repère les anomalies fiscales en croisant les déclarations des contribuables, les vues aériennes et les plans de cadastre [32].
B. L’expression d’une conciliation constitutionnelle équilibrée
La numérisation des contrôles fiscaux amène le Conseil constitutionnel a opéré une conciliation constitutionnelle entre la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale et d’autres droits à valeur constitutionnelle comme le droit à la vie privée, la liberté d’expression et de communication.
La fraude fiscale se définit comme la méconnaissance volontaire par le contribuable de ses obligations fiscales tandis que l’évasion correspond plus généralement à « l’ensemble des comportements qu’ils soient légaux ou non, visant la minoration de l’impôt dû » [33]. La lutte contre la fraude et celle contre l’évasion fiscale ont toutes deux étés érigées en objectifs de valeur constitutionnelle, et ceci dès 1983 [34] pour la première, en 2010 pour la seconde [35]. Depuis 2011, il se réfère régulièrement à l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale [36].
Cet objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale doit néanmoins être concilié avec d’autres droits et libertés fondamentaux, notamment avec le droit au respect de la vie privée [37] qui découle de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 [38]. Il appartient en effet au législateur d’assurer « la conciliation entre le respect de la vie privée et d’autres exigences constitutionnelles, telles que la recherche des auteurs d’infractions et la prévention d’atteintes à l’ordre public » [39].
Le Conseil constitutionnel a ainsi déjà pu se prononcer sur des dispositions instituant des traitements de données à caractère personnel. Dans la décision n°2012-652 DC, il a précisé la nature du contrôle exercé en la matière en affirmant que « la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée ; […] par suite, la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif » [40].
Quant à la protection constitutionnelle de la liberté d’expression et de communication, elle se fonde sur l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 [41]. Dans sa décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984, le Conseil constitutionnel a jugé qu’il s’agissait d’« une liberté fondamentale, d’autant plus précieuse que son exercice est l’une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale » [42].
Concernant l’article 154 de la loi de finances pour 2020, le Conseil constitutionnel a donc confronté les dispositions aux exigences qui s’attachent au respect de la vie privée et de la liberté d’expression et de communication. Il a ainsi caractérisé les atteintes portées à ces exigences constitutionnelles, puis il a identifié les finalités poursuivies avant d’examiner en dernier lieu les différentes conditions et garanties prévues par la loi de nature à limiter les atteintes portées aux exigences constitutionnelles. Ce contrôle complet lui a permis d’affirmer que le législateur a « assorti le dispositif critiqué de garanties propres à assurer, entre le droit au respect de la vie privée et l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, une conciliation qui n’est pas déséquilibrée ». Pour les mêmes motifs, il a jugé que l’atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication était nécessaire, adaptée et proportionnée aux objectifs poursuivis.
Le Conseil constitutionnel est cependant venu limiter davantage l’utilisation qui pouvait être faite des données ainsi collectées. S’il a validé pour l’essentiel la collecte expérimentale de données sur les réseaux sociaux par l’administration fiscale [43], il a toutefois censuré la possibilité pour l’administration d’utiliser ces données pour la recherche du défaut ou retard de production d’une déclaration fiscale dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure. Il juge en effet que « dans une telle situation, l'administration, qui a mis en demeure le contribuable de produire sa déclaration, a déjà connaissance d'une infraction à la loi fiscale, sans avoir besoin de recourir au dispositif automatisé de collecte de données personnelles. Dès lors, en permettant la mise en œuvre d'un tel dispositif pour la simple recherche de ce manquement, les dispositions contestées portent au droit au respect de la vie privée et à la liberté d'expression et de communication une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi » [44]. Le dispositif est donc conforme à la Constitution en l’état actuel des choses. Néanmoins le Conseil constitutionnel a tout de même rappelé que la pérennisation d’un tel dispositif est susceptible de faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité, sans que puisse s’y opposer l’autorité de chose jugée attachée à la décision commentée.
[1] Projet de loi de finances pour 2021, « Lutte contre l’évasion fiscale et la fraude en matière d’impositions de toutes natures et de cotisations sociales », Annexe, 2021, p. 9.
[2] Ibidem, p.12
[3] Projet de loi de finances pour 2022, « Lutte contre l’évasion fiscale et la fraude en matière d’impositions de toutes natures et de cotisations sociales », Annexe, 2022, p. 9.
[4] Bastien L., Data Mining : qu’est-ce que l’exploration de données ?, Lebigdata, 31 janvier 2018 [en ligne].
[5] Délégation nationale à la Lutte contre la Fraude, « Le « data mining », une démarche pour améliorer le ciblage des contrôles », ministère de l’Économie et des Finances, 2014, p. 2.
[6] Délégation nationale à la Lutte contre la Fraude, « Le « data mining », une démarche pour améliorer le ciblage des contrôles », ministère de l’Économie et des Finances, 2014, p. 2.
[7] C. Lequesne-Roth, « La science des données numériques au service du contrôle fiscal français. Réflexions sur l’Algocratie », in A. Pariente (dir.), Les chiffres en finances publiques, Paris, éd.
Mare & Martin, 2019.
[8] J.-P. Lieb, G. Exerjean, « Efficacité du contrôle fiscal et protection des contribuables : la perpétuelle recherche d’un équilibre des armes », Option Finances, 23 juillet 2018, n° 1472, pp. 55-56.
[9] M. Kimri et P. Legros, « Le régime juridique du contrôle fiscal algorithmique – De l’expérimentation à l’encadrement du recours aux dispositifs algorithmiques fiscaux », Droit fiscal, n° 5, 4 février 2021, p. 122.
[10] P. Cocheteux, « Contrôle fiscal : vers une autre informatique liée aux réorganisations au sein de la DGFIP », LPA, 22 décembre 2017, 129u9, p. 9.
[11] Arrêté du 21 février 2014, portant création par la Direction générale des Finances publiques d'un traitement automatisé de lutte contre la fraude dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes », JORF n° 0055 du 6 mars 2014 ; arrêté du 16 juillet 2015, modifiant l’arrêté du 21 février 2014 portant création par la direction générale des finances publiques d’un outil de lutte contre la fraude dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes », JORF n° 0225 du 29 septembre 2015.
[12] Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État, Avis sur le programme « CFVR », 13 mars 2019.
[13] Loi n° 2019-1479, du 28 décembre 2019, de finances pour 2020 (N° Lexbase : L3002LZ9).
[14] Décret n° 2021-148, du 11 février 2021, portant modalités de mise en œuvre par la direction générale des finances publiques et la direction générale des douanes et droits indirects de traitements informatisés et automatisés permettant la collecte et l’exploitation de données rendues publiques sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne (N° Lexbase : L1395L33).
[15] Délibération n° 2020-124, du 10 décembre 2020, portant avis sur un projet de décret portant modalités de mise en œuvre par la direction générale des finances publiques et la direction générale des douanes et droits indirects de traitements informatisés et automatisés permettant la collecte et l’exploitation de données rendues publiques sur les sites internet des opérateurs de plateformes en ligne (demandes d’avis n° 2218895 et 2218896) (N° Lexbase : Z307781C).
[16] F. Perrotin, « Contrôle fiscal et intelligence artificielle : des résultats prometteurs », LPA, 20 janvier 2021, n° 157h8, p. 4.
[17] Exposé sommaire de l’amendement n° II-CF1379, Assemblée nationale, 1er novembre 2019.
[19] DGFIP, Rapport d’activité, 2019, p. 35.
[20] DGFIP, Rapport d’activité, 2020, p. 30.
[21] DGFIP, Rapport d’activité, 2020, p. 61.
[23] A. De Montgolfier, Rapport général fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances adopté par l’Assemblée nationale pour 2020, Tome 3 – Les moyens des politiques publiques et les dispositions spéciales (seconde partie de la loi de finances), Annexe n° 15a – Gestion des finances publiques et des ressources humaines, crédits non répartis. Action et transformation publique, Sénat, 21 novembre 2019, p. 29.
[24] C. Lequesne-Roth, « La lutte contre la fraude à l’ère digitale – Les enjeux du recours à l'intelligence artificielle par l'administration financière », Droit fiscal, n° 5, 4 février 2021, p. 120.
[25] Loi n° 2019-1479, du 28 décembre 2019, de finances pour 2020.
[26] F. Perrotin, « Contrôle fiscal et intelligence artificielle : des résultats prometteurs », LPA, 20 janvier 2021, n° 157h8, p. 4.
[27] Cons. const., Décision n°2019-796 DC, du 27 décembre 2019, Loi de finances pour 2020, paragraphe n° 96 (N° Lexbase : A8973ZHS).
[28] C. Nougein et T. Carcenac, Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur les moyens du contrôle fiscal, 22 juillet 2020, p. 12 et 61.
[29] Décret n° 2021-148, du 11 février 2021, portant modalités de mise en œuvre par la direction générale des finances publiques et la direction générale des douanes et droits indirects de traitements informatisés et automatisés permettant la collecte et l’exploitation de données rendues publiques sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne, art. 9 (N° Lexbase : Z36415S9).
[30] Décret n° 2021-148, du 11 février 2021, portant modalités de mise en œuvre par la direction générale des finances publiques et la direction générale des douanes et droits indirects de traitements informatisés et automatisés permettant la collecte et l’exploitation de données rendues publiques sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne, art. 10 (N° Lexbase : Z36416S9).
[31] Cons. const., décision n° 2019-796 DC, du 27 décembre 2019, paragraphe 87 (N° Lexbase : A8973ZHS).
[32] A. Lebelle et M. Pelloli, Accenture, la nouvelle arme antifraude du fisc, sévit maintenant dans la Drôme, Le Parisien, 1er décembre 2019 [en ligne].
[33] B. Lignereux, Précis de droit constitutionnel fiscal, LexisNexis, 2020, p. 413.
[34] Cons. const., décision n° 83-164 DC, du 29 décembre 1983, cons. 27 (N° Lexbase : A8074ACZ).
[35] Cons. const., décision n° 2010-16 QPC, du 23 juillet 2010, cons. 6 (N° Lexbase : A9194E4B).
[36] Cons. const., décision n° 2011-165 QPC, du 16 septembre 2011, cons. 5 (N° Lexbase : A7449HX8).
[37] Cons. const., décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, cons. 45 (N° Lexbase : A8782ACA).
[38] « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ».
[39] Cons. const., décision n° 2011-209 QPC, du 17 janvier 2012, cons. 3 (N° Lexbase : A5323IAE).
[40] Cons. const., décision n° 2012-652 DC, du 22 mars 2012, cons. 8 (N° Lexbase : A3670IGZ).
[41] « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
[42] Cons. const., décision n° 84-181 DC, du 11 octobre 1984, cons. 37 (N° Lexbase : A8097ACU).
[43] B. Lignereux, Précis de droit constitutionnel fiscal, LexisNexis, 2020, p. 527.
[44] Cons. const., décision n° 2019-796 DC, du 27 décembre 2019, paragraphe 94 (N° Lexbase : A3062Z9B).
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par Virginie Pradel, Fiscaliste
Le 17 Novembre 2021
Mots-clés : contrôle fiscal • fraude fiscale • aviseurs fiscaux
Plusieurs affaires au cours des dernières années ont mis en évidence l’ampleur de la fraude et de l’évasion fiscales en France et dans le monde : LuxLeaks en 2014, Swiss Leaks (HSBC) en 2015, Panama Papers en 2016 ou encore OpenLux et Pandora Papers en 2021.
Dans ce cadre, la lutte contre les montages fiscaux opaques de grande envergure est apparue comme l’une des priorités absolues de l’OCDE, de l’UE et aussi de nombreux États.
Plusieurs mesures ont été récemment adoptées en France pour renforcer cette lutte, parmi lesquels l’indemnisation des aviseurs fiscaux. Lors de l’examen de la seconde partie du PLF pour 2022, les députés français ont adopté plusieurs amendements (amendement N° II-3551 [en ligne] et N° II-3552 [en ligne]) visant à reconduire l’expérimentation des aviseurs fiscaux jusqu’au 31 décembre 2023.
Rappels liminaires
Le principe de l’indemnisation des aviseurs fiscaux existe depuis de nombreuses années en France. Ce dernier a cependant reposé longtemps sur des bases juridiques fragiles. En outre, il présentait des résultats décevants en raison de son utilisation déconcentrée et de la faiblesse des montants à recouvrer.
L’ancien système a finalement été abandonné en 2004 par Nicolas Sarkozy.
I. L’introduction de l’indemnisation des aviseurs fiscaux en droit français
Les dispositions de l’article 109 de la loi de finances pour 2017 sont venues combler un vide en droit français. Cet article a autorisé l’indemnisation de toute personne fournissant un renseignement à l’administration fiscale ayant amené à la découverte d’un manquement à certaines règles fixées par le code général des impôts.
Il s’agissait initialement de lutter contre la fraude fiscale internationale. Aussi les règles et obligations visées concernaient-elles la domiciliation fiscale, la déclaration de comptes et assurances-vie détenus à l’étranger, la territorialité de l’impôt sur les sociétés, etc.
Précisions : À la différence du système d’indemnisation antérieur à 2004, le dispositif de 2017 a été entouré des garanties nécessaires permettant à l’administration fiscale d’exploiter le cas échéant les informations obtenues. L’article 109 de la loi de finances pour 2017 précise en effet que « l’administration peut recevoir et exploiter les renseignements » ayant amené à la découverte d’un manquement aux règles ou aux obligations déclaratives en question afin, d’une part, d’éviter qu’un agent public recueillant l’indication soit accusé de recel et, d’autre part, de permettre son utilisation dans le cadre du contrôle de l’impôt, même si son origine est irrégulière. Dans ce dernier cas, les visites domiciliaires, prévues par l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L0419LTP) sont néanmoins prohibées. |
II. La pérennisation de l’indemnisation des aviseurs fiscaux en droit français
L’article 21 de la loi n° 2018-898, du 23 octobre 2018, relative à la lutte contre la fraude (N° Lexbase : L5827LMR) a pérennisé le dispositif de l’indemnisation des aviseurs fiscaux, par le biais d’un amendement de M. Fabien Roussel, à l’issue de ses deux premières années d’expérimentation, soit au 1er janvier 2019.
Un premier rapport d’information de 2019 a mis en lumière le succès du dispositif et a formulé les six recommandations suivantes :
Précisions : Lors de la rédaction du rapport d’information de 2019, deux aviseurs fiscaux ont été indemnisés. Les renseignements que ces derniers ont transmis à l’administration fiscale ont permis le recouvrement de près de 90 millions d’euros de droits et de pénalités. Au total, l’administration fiscale a reçu un peu moins d’une centaine de signalements dont la moitié ont été classées sans suite. Une trentaine d’enquêtes fiscales étaient toujours en cours au moment de la remise du rapport d’information et treize dossiers faisaient l’objet d’un contrôle fiscal. |
L’article 175 de la loi de finances pour 2020 a codifié ce dispositif à l’article L. 10-0 AC du LPF (N° Lexbase : L6492LUY) et l’a sensiblement étendu.
Cet article a tout d’abord étendu le champ de ce dispositif à la TVA. Sont visés, sans limitation de durée, les renseignements concernant les opérations de fraude à la TVA dans le cadre des transactions nationales et internationales.
Par ailleurs, cet article a prévu, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, une généralisation de l’indemnisation des aviseurs fiscaux pour les informations relatives à tout autre agissement, manquement ou manœuvre susceptible d’être sanctionné par les pénalités fiscales suivantes :
Cette généralisation s’applique lorsque le montant des droits éludés excède 100 000 euros.
Le décret n° 2021-61, du 25 janvier 2021 (N° Lexbase : L9372LZ7), a codifié à l’article R. 10-0 AC-1 du LPF l’autorisation du Gouvernement précitée et l’a étendu aux manquements aux règles de la TVA. Il a également permis à l’administration fiscale de procéder à l’expérimentation précitée. Le décret n° 2017-601 (N° Lexbase : L8394LDA) pris pour l’application de l’article 109 de la loi de finances pour 2017 est par conséquent abrogé. Ce décret n° 2021-61 du 25 janvier 2021 est entré en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 28 janvier 2021.
Dans un contexte de révélations des Pandora Papers concernant l’évasion fiscale par le biais de sociétés offshore, un rapport sur le rôle des aviseurs (informateurs) fiscaux a été publié fin septembre 2021. Ce rapport souligne notamment que :
Ces dossiers concernent :
La rapporteure Christine Pirès-Beaune souligne dans le rapport que le dispositif d’indemnisation des aviseurs fiscaux bénéficie désormais d’une plus grande notoriété. Les prises de contact sont passées ainsi de 27 en 2017 à 71 en 2020. Il bénéficie du reste d’une plus grande acceptabilité sociale alors qu’il était décrié par des journalistes et certains milieux professionnels.
III. Une indemnisation répandue des aviseurs fiscaux
L’indemnisation des aviseurs fiscaux a été mise en œuvre dans plusieurs États (une dizaine selon le rapport d’information du 5 juin 2019 relatif aux aviseurs fiscaux), parmi lesquels on trouve le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, la Belgique, le Danemark, l’Inde, l’Allemagne et la Corée du Sud.
La rémunération légale des aviseurs est toutefois exclue dans plusieurs États. Certains d’entre eux utilisent ainsi les informations transmises par les aviseurs, sans les indemniser (Autriche, Espagne, Canada pour les fraudes domestiques, Grèce, Portugal, Slovaquie).
IV. Distinction entre les aviseurs fiscaux et les lanceurs d’alerte
Le régime juridique encadrant les aviseurs fiscaux se distingue de celui des lanceurs d’alerte, bien que la mise en place des deux dispositifs soit concomitante. L’article 6 de la loi n° 2016-1691, du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (N° Lexbase : L6482LBP) dispose en effet qu’un lanceur d’alerte « révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi » un crime, un délit ou une violation grave et manifeste d’une convention internationale, d’une loi ou d’un règlement de même qu’une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général dont il a eu personnellement connaissance. Le lanceur d’alerte bénéficie de protections particulières contre des représailles professionnelles (licenciement, sanctions, discriminations…). Cela n’est pas le cas de l’aviseur fiscal, même si celui-ci bénéficie de la garantie du respect de son anonymat.
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Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 5 novembre 2021, n° 437996, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A85557A4)
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N9371BYQ
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par Marie-Claire Sgarra
Le 23 Novembre 2021
► Le Conseil d’État a, dans un arrêt du 5 novembre 2021, apporté des précisions sur l'octroi automatique d'un sursis d'imposition pour les plus-values résultant de certaines opérations qui ne dégagent pas de liquidités.
Les faits :
🔎 Principe. Les dispositions applicables au report d'imposition ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés (CGI, art. 150-0 B).
⚖️ Plusieurs précisions du CE
⚖️ Solution du CE
👉 La cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, au regard du seul apport réalisé au profit de la société G... Patrimoine, que le produit retiré par cette société du rachat des titres apportés, n'avait pas été réinvesti dans une activité économique.
👉 En jugeant qu'était sans incidence sur la qualification d'abus de droit qu'elle retenait, la circonstance que l'opération, envisagée dans sa globalité, avait eu pour objectif principal de scinder les actifs de la société Pharmacie Centrale et de permettre aux associés de cette société de retrouver leur autonomie grâce à la restructuration de leur patrimoine professionnel respectif, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
👉 En déduisant de l'ensemble des éléments ainsi relevés que l'opération d'apport réalisée au profit de la société G... Patrimoine, suivie du rachat des titres apportés, était constitutive d'un abus de droit, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
💡 Sursis d’imposition et abus de droit, les différentes étapes jurisprudentielles ✔ Le Conseil d’État a appliqué l’abus de droit en matière de report d’imposition (CE 8° et 3° ssr., 8 octobre 2010, n° 301934, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3490GBU et CE 8° et 3° ssr., 8 octobre 2010, n° 313139, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3503GBD), et l’a ensuite étendu au sursis d’imposition (CE 9° et 10° ssr., 27 juillet 2012, n° 327295, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0694IR7). ✔ Plus tard, le Conseil d’État a refusé de transmettre une QPC au Conseil constitutionnel, relative au régime de sursis d'imposition automatique des plus-values d'échange de titres, tel qu'interprété par la jurisprudence en cas d'apport-cession de titres (CE 9° et 10° ch.-r., 22 septembre 2017, n° 412408, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7392WSL). ✔ Le CE a précisé ensuite que lorsqu’une opération d’apport-cession de titres est placée en sursis d’imposition avant le 14 novembre 2012, le réinvestissement du produit de la cession dans l’acquisition de titres appartenant au contribuable ne présente pas un caractère économique (CE 9° et 10° ch.-r., 10 juillet 2019, n° 411474, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6816ZIB). ✔ Dans une affaire de gain réalisé par un dirigeant à l’occasion de la vente d’actions qu’il avait acquises dans le cadre d’un management package, les juges ont qualifié un circuit juridique d’« artificiel » alors que tous les maillons de la chaîne avaient de la substance (CE 9° et 10° ch.-r., 12 février 2020, n° 421444, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A34993EC). Lire en ce sens, les conclusions du Rapporteur public, A. Iljic, Lexbase Fiscal, mars 2020, n° 817 (N° Lexbase : N2601BYY). ✔ Dernièrement, enfin, le CE a jugé dans le cadre d’une opération d’apport-cession que le nantissement de sommes en vue de couvrir une garantie de passif ne caractérise pas un réinvestissement (CE 3° et 8° ch.-r., 28 mai 2021, n° 442711, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A48694TI). Lire en ce sens, les conclusions du Rapporteur public, R. Victor, Lexbase Fiscal, juillet 2021, n° 871 (N° Lexbase : N8091BYC). |
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Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 5 novembre 2021, n° 433212, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A85517AX)
Lecture: 5 min
N9381BY4
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par Marie-Claire Sgarra
Le 19 Novembre 2021
► Le Conseil d’État est venu apporter des précisions sur le droit à restitution d’une retenue à la source sur des dividendes versés à une société non-résidente en situation déficitaire ;
► Les entreprises doivent justifier de ce caractère déficitaire.
Les faits :
🔎 Principes :
Pour aller plus loin : v. A. Gros, ÉTUDE : Luxembourg, in Les conventions fiscales internationales, Lexbase (N° Lexbase : E17564ER). |
⚖️ Précisions du Conseil d’État :
👉 La retenue à la source prélevée sur de tels dividendes doit donc être restituée à la société bénéficiaire.
👉 Il appartient à la société non-résidente qui sollicite la restitution du prélèvement à la source effectué sur ses dividendes de source française, de justifier devant le juge de l'impôt, au titre de chacun des exercices considérés, de l'existence de résultats déficitaires. Lorsque le redevable produit ces éléments, il appartient à l'administration d'apporter des éléments en sens contraire. Il revient alors au juge de l'impôt de se déterminer au vu de l'instruction et d'apprécier, compte tenu de l'argumentation des parties, si, pour chaque exercice en litige, le redevable justifie de sa demande en restitution.
⚖️ Solution en l’espèce
Pour établir l'existence d'une situation déficitaire au titre des quatre exercices en litige, la société a seulement produit une attestation d'un cabinet d'expert-comptable se bornant à indiquer que la société était en situation fiscale déficitaire pour les années d'imposition 2009 à 2016.
👉 En prononçant la restitution des retenues à la source au vu de cette attestation, alors que, par ses seules mentions, elle ne pouvait, faute d'être étayée par d'autres pièces, permettre à la société de justifier du caractère déficitaire des résultats des exercices en cause et de la prise en compte effective des dividendes de source française dans l'appréciation de ces déficits, la cour a commis une erreur de droit et méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve.
💡 Jurisprudences antérieures sur la retenue à la source sur les dividendes versés aux sociétés étrangères déficitaires 📌 La CJUE a jugé que, du fait de la différence de technique d'imposition des dividendes entre les sociétés non-résidentes, qui sont imposées immédiatement et définitivement lors de leur perception par une retenue à la source, et les sociétés résidentes, qui sont imposées en fonction du résultat net bénéficiaire ou déficitaire enregistré, la législation française procure un avantage fiscal substantiel aux sociétés résidentes en situation déficitaire dont ne bénéficient pas les sociétés non-résidentes déficitaires et que cette différence de traitement dans l'imposition des dividendes, qui ne se limite pas aux modalités de perception de l'impôt, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux qui n'est pas justifiée par une différence de situation objective (CJUE, 22 novembre 2018, aff. C-575/17, Sofina SA N° Lexbase : A0191YNE). 📌 Plus tard, le CE a tiré les conséquences de la jurisprudence européenne. Ainsi, en jugeant que l’avantage de trésorerie dont bénéficie une société résidente déficitaire percevant des dividendes, imposables seulement au titre de l’exercice au cours duquel les résultats de cette société sont ou redeviennent bénéficiaires, par rapport à la retenue à la source frappant les dividendes perçus pour une société non-résidente, même en cas de situation déficitaire, procède d’une technique différente d’imposition qui ne constitue pas une différence de traitement constitutive d’une restriction à la liberté de circulation des capitaux, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit (CE 9° et 10° ch.-r., 27 février 2019, n° 398662, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2137YZ8). Lire sur cet arrêt, F. Chidaine, Retenue à la source sur les dividendes versés aux sociétés étrangères déficitaires : la censure est confirmée, Lexbase Fiscal, mai 2019, n° 782 (N° Lexbase : N8846BXW). |
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Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 5 novembre 2021, n° 431576, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A85487AT)
Lecture: 3 min
N9385BYA
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par Marie-Claire Sgarra
Le 15 Novembre 2021
► Il résulte de l'article 1499 du CGI (N° Lexbase : L7109LZC) et des articles 324 AE (N° Lexbase : L0400IEK), 38 quater (N° Lexbase : L6524HL9) et 38 quinquies (N° Lexbase : L3750HZW) de l'annexe III au même Code que les immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière doivent être évaluées d'après leur prix de revient, qui est celui inscrit à l'actif du bilan ;
► Sauf pour la société à démontrer que des dépenses inscrites au registre de ses immobilisations constitueraient en réalité des charges déductibles, l'administration fiscale peut se fonder sur ces énonciations comptables, opposables à la société, pour établir, selon la méthode comptable prévue par l'article 1499 du CGI, la valeur locative des immobilisations.
Les faits :
⚖️ Solution du Conseil d’État :
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Réf. : Conseil de l’Union européenne, communiqué de presse, 9 novembre 2021
Lecture: 2 min
N9390BYG
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par Marie-Claire Sgarra
Le 15 Novembre 2021
► Le Conseil de l’Union européenne a donné son feu vert à des règles plus strictes et plus larges en matière de taxation routière (Directive « Eurovignette ») afin d'encourager des activités de transport plus propres et plus efficaces.
La législation révisée comprend un nouveau système visant à limiter les émissions de CO2 afin de réduire l'empreinte carbone des transports, conformément au pacte vert pour l'Europe et à l'accord de Paris.
📌 Péages fondés sur la distance et droits d'usage fondés sur la durée (vignettes)
📌 Écologisation des redevances routières. Un nouvel outil à l'échelle de l'UE sera introduit pour faire varier les redevances d'infrastructure et les droits d'usage pour les véhicules utilitaires lourds en fonction des émissions de CO2. La variation sera basée sur les normes en vigueur en matière de CO2.
📌 Redevance pour coûts externes. La redevance pour coûts externes liés à la pollution atmosphérique deviendra obligatoire pour les véhicules utilitaires lourds après une période de transition de quatre ans, lorsque des péages seront appliqués. Toutefois, les États membres seront autorisés à ne pas appliquer cette redevance, après notification à la Commission, s'il en résulte un détournement de trafic qui entraînerait des conséquences négatives involontaires.
📌 Taxation facultative. Les États membres utiliseront les recettes générées par les redevances de congestion facultatives, ou leur équivalent en valeur financière, pour résoudre les problèmes de congestion ou pour développer des transports et une mobilité durable en général.
⏲️ Le vote intervenu le 9 novembre 2021 signifie que le Conseil a adopté sa position en première lecture. Le texte doit à présent être adopté par le Parlement européen en deuxième lecture avant d'être publié au Journal officiel de l'UE. La Directive entrera en vigueur 20 jours après sa publication. Les États membres disposeront d'un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la directive pour intégrer les dispositions dans leur droit national.
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Réf. : Parlement européen, communiqué de presse, 11 novembre 2021
Lecture: 1 min
N9388BYD
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par Marie-Claire Sgarra
Le 15 Novembre 2021
► Le Parlement européen a approuvé, le 11 novembre 2021, les règles obligeant les grandes multinationales à déclarer publiquement les impôts qu’elles paient dans chaque pays de l’UE.
📌 Que prévoit cette nouvelle législation ? Les multinationales et leurs filiales dont les revenus annuels dépassent 750 millions d’euros – et qui sont actives dans plus d’un pays de l’UE – devront publier le montant des impôts qu’elles paient dans chaque État membre. Ces informations devront également être rendues publiques sur internet, selon un modèle commun dans un format lisible par machine.
Les données fournies par les entreprises devront être ventilées en divers éléments spécifiques, incluant :
💡 Les filiales ou succursales dont le chiffre d’affaires est inférieur au seuil fixé seront également tenues de faire une déclaration si elles sont réputées n’exister que pour aider l’entreprise à éviter les nouvelles obligations de déclaration.
⏲️ La Directive entrera en vigueur 20 jours après sa publication au Journal officiel de l’UE. Les États membres auront alors 18 mois pour la transposer dans leur droit national. Cela signifie que les entreprises devront se conformer aux premières dispositions de la directive d’ici mi-2024. La législation comprend une clause de révision ; les règles seront réexaminées dans quatre ans et élargies après une évaluation.
Pour consulter la proposition de Directive [en ligne].
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Réf. : MINEFI, communiqué de presse, 9 novembre 2021
Lecture: 1 min
N9386BYB
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par Marie-Claire Sgarra
Le 15 Novembre 2021
► Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance de la République française, et Vincent Van Peteghem, ministre des Finances du Royaume de Belgique, ont signé une nouvelle convention fiscale bilatérale.
Cette nouvelle convention modernise les règles prévues par la convention actuellement en vigueur, signée le 10 mars 1964, qui n’étaient plus en ligne avec les derniers standards internationaux, notamment les avancées du projet « BEPS » de l’OCDE (érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices), auxquels les deux Etats sont mutuellement attachés.
Tout en conservant les équilibres issus de la convention actuelle, notamment pour les travailleurs frontaliers, la nouvelle convention comporte des dispositions favorables aux intérêts des deux parties. Elle contient, en particulier, une nouvelle définition de la résidence ainsi que des dispositions relatives aux établissements stables et aux dispositifs généraux d’anti-abus. Elle permet aussi de préserver le droit d’imposer des deux États concernant les plus-values afférentes aux biens immobiliers qui y sont situés ou en cas de participation substantielle dans une de leurs sociétés. Elle permet enfin d’encourager le développement du volontariat international en entreprise.
L’entrée en vigueur du nouveau texte interviendra à l’issue du processus de ratification législatif à venir.
Pour aller plus loin : A. Gros, ETUDE : Belgique in Les conventions fiscales internationales (N° Lexbase : E1688EU3). |
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newsid:479386
Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 5 novembre 2021, n° 433367, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A85527AY)
Lecture: 4 min
N9372BYR
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par Marie-Claire Sgarra
Le 16 Novembre 2021
► Les prestations dont la rémunération est susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu, pour l'essentiel par elle, et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte.
Les faits :
🔎 Principe (CGI, art. 155 A). Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières :
⚖️ En appel, la CAA de Paris a jugé qu'au cours des années en litige, la société de droit britannique n'avait aucune activité réelle et que les décisions relatives à l'entretien des marques et brevets étaient prises par la requérante qui devait, dès lors, être regardée comme réalisant les prestations de gestion du portefeuille de ces marques et brevets. La cour en a déduit que l'administration pouvait faire application des dispositions de l'article 155 A du CGI précitées pour imposer au nom des requérants les redevances versées en exécution du contrat de licence.
⚖️ Solution du CE. En statuant par ces motifs alors, d'une part, que les redevances versées en contrepartie de la concession du droit d'exploiter une licence de marques et brevets ne peuvent être regardées comme la contrepartie d'un service rendu au sens et pour l'application de l'article 155 A du CGI et que, d'autre part, l'entretien, le renouvellement, l'extension des marques et brevets et, plus généralement, l'accomplissement des actes nécessaires au maintien de leur protection ne peuvent être regardés comme une activité dissociable de la concession même de ces licences de marques et brevets, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit.
💡 Le Conseil d’État (CE 3° et 8° ch.-r., 4 novembre 2020, n° 436367, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A517433Z) avait jugé qu’un pilote d’hélicoptères envoyé à l’étranger par une société française, mais payé par une société interposée basée à Jersey devait être considéré :
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newsid:479372
Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 5 novembre 2021, n° 431747, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A85507AW)
Lecture: 6 min
N9384BY9
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par Marie-Claire Sgarra
Le 17 Novembre 2021
► Le décompte de l’intérêt de retard afférent aux rehaussements d’impôt sur les sociétés résultant de la réduction d’un report du déficit d’ensemble doit être arrêté à la date de la proposition de rectification notifiée à la société mère et non à celle notifiée à la société intégrée.
Les faits :
⚖️ Solution du Conseil d’État :
💡 Sur l’objet des intérêts de retard, le CE a jugé que l'intérêt de retard a pour objet de compenser forfaitairement le préjudice financier subi par le Trésor du fait de l'encaissement tardif de sa créance. Il présente donc le caractère d'une réparation pécuniaire et non d’une sanction (CE Contentieux, avis du 12 avril 2002, n° 239693, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6303AY4). De ce fait, l’intérêt de retard n’a pas à être motivé. 💡 Pour l'application de la tolérance dite du vingtième, le CE a jugé que les dispositions du CGI instituent une tolérance. L'insuffisance des résultats déclarés ne doit pas dépasser le vingtième de la base d'imposition rectifiée pour chaque filiale redressée. Puis, si la rectification des écritures comptables d'une société membre d'un groupe intégré devait entraîner une diminution de son résultat négatif sans incidence sur le montant de l'impôt sur les sociétés tel qu'il serait dû par celle-ci en l'absence d'option pour le régime de l'intégration fiscale et un accroissement du résultat bénéficiaire initialement déclaré par le groupe fiscal intégré au titre de l'exercice concerné, l'administration fiscale ne pourrait pas réclamer un intérêt de retard à la société intégrante au titre des redressements mis à sa charge sur le fondement des dispositions relatives à l'intégration fiscale si l'insuffisance des résultats déclarés par la société membre du groupe intégré était inférieure au vingtième de la base d'imposition rectifiée de celle-ci. Cependant, cela n'interdit pas à l'administration fiscale d'assortir les redressements, qu'elle a prononcés à l'encontre de la société intégrante, de l'intérêt de retard au seul motif que la rectification des écritures comptables de la société membre du groupe intégré a pour seul effet une diminution du résultat déficitaire déclaré par celle-ci, sans conséquence sur le montant de l'impôt qui aurait été dû par cette société en l'absence d'option pour le régime de l'intégration fiscale (CE 9° et 10° ssr., 2 juin 2010, n° 309114, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2026EYP). |
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