Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 20 octobre 2021, n° 445685, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6512493)
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N9283BYH
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par Marie-Claire Sgarra
Le 10 Novembre 2021
► Le Conseil d’État a jugé dans un arrêt du 20 octobre 2021 que la majoration de l’apport d’un usufruit temporaire ne constitue pas un avantage occulte.
Les faits :
🔎 Principe. Sont notamment considérés comme revenus distribués les rémunérations et avantages occultes (CGI, art. 111 N° Lexbase : L8673L4Y).
⚖️ Solution du Conseil d’État :
L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon est annulé.
💡 Dans le cas d'un apport à prix volontairement minoré cette fois-ci, le Conseil d’État a jugé qu’il y avait lieu de prendre en compte les circonstances de la valorisation de l’apport. Ainsi, lorsqu’une société bénéficie d’un apport pour une valeur que les parties ont délibérément minorée par rapport à sa valeur vénale, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l’avantage ainsi octroyé constitue une libéralité consentie à la société bénéficiaire de l’apport (CE 3°, 8°, 9° et 10° ch.-r., 9 mai 2018, n° 387071, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6254XML). Lire sur cet arrêt les conclusions du Rapporteur public, Y. Bénard, Lexbase Fiscal, juin 2018, n° 745 (N° Lexbase : N4451BX7). Plus récemment, le CE a jugé, dans le sillage de l’arrêt du 9 mai 2018, qu’afin de déterminer si un apport d’actif immobilisé à prix minoré constitue une libéralité, il est nécessaire de prendre en compte les circonstances de fait susceptibles d’avoir une incidence sur la valorisation des titres apportés (CE 3° et 8° ch.-r., 21 octobre 2020, n° 434512, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A46903YD). Lire sur cet arrêt, F. Laffaille, Valeur d’un apport de titres, présomption d’intention libérale, existence d’une contrepartie, Lexbase Fiscal, décembre 2020, n° 846 (N° Lexbase : A46903YD). |
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Réf. : MINEFI, communiqué de presse, 29 octobre 2021
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N9289BYP
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par Marie-Claire Sgarra
Le 02 Novembre 2021
► Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance et Alain Griset, ministre délégué chargé des Petites et Moyennes Entreprises avaient annoncé que le Plan de Relance, présenté en septembre 2020, bénéficierait à hauteur de 40 milliards d’euros aux entreprises de moins de 250 salariés. Un an après la mise en œuvre du plan, les ministres annoncent que plus de 24 milliards d’euros ont déjà été déployés soit 60 % du Plan de Relance au profit des TPE et des PME.
En ce qui concerne les mesures fiscales on notera la baisse de 3,2 milliards d’euros d’impôts de production.
Dans le détail, ces impôts seront allégés grâce à :
S’ajoutent 110 millions d’euros mis en œuvre au bénéfice de TPE/PME dans le cadre des dispositifs de renforcement des fonds propres à travers des prêts participatifs. Par ailleurs, le label « Relance » permet d’orienter plus de 22 milliards d’euros d’épargne vers des fonds d’investissement pour soutenir les fonds propres et les quasi-fonds propres des entreprises françaises et en particulier des PME et ETI.
Dossier de presse [en ligne].
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Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 4 octobre 2021, n° 443133, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A210648I)
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N9347BYT
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par Franck Laffaille, Professeur de droit public (IDPS) - Université de Paris XIII
Le 08 Novembre 2021
Présomption de transfert de bénéfices il y a lorsque l’administration met en exergue la différence entre le montant constaté des recettes et le montant qui aurait résulté de l’application du taux de marge nette moyen d’un panel d’entreprises comparables. Cependant, les juges du fond adoubant la position de l’administration entachent leur décision d’erreur de droit en ne recherchant pas si la tête du groupe fiscal intégré assume – par sa position fonctionnelle au sein du groupe – des risques spécifiques. Il y a plus. Ces mêmes juges du fond entachent leur arrêt d’une insuffisance de motivation s’ils ne répondent pas à l’argumentation du contribuable centrée sur les conséquences d’un risque stratégique par lui assumé, risque pouvant justifier une baisse de marge sur plusieurs exercices.
Tels sont les principes émergeant de la décision du Conseil d’État en date du 4 octobre 2021 (n° 443133). Le juge de cassation annule la décision de la cour administrative d’appel de Versailles (CAA Versailles, 22 juin 2020, n° 18VE02849 N° Lexbase : A61103QD) ayant fait droit aux demandes de l’administration, arrêt ayant annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil (TA Montreuil, 23 avril 2018, n° 1608787 N° Lexbase : A3545498). Nous sommes en présence d’une société – RKS – qui a pour activité la fabrication de roulement sur mesure de très grandes dimensions. Cette société RKS est contrôlée par le groupe suédois SKF via la SAS SKF Holding France. Après vérification de compatibilité, l’administration remet en cause les prix auxquels la société RKS facture ses produits aux sociétés distributrices du groupe SKF à l’étranger. La société SKF Holding France – tête du groupe fiscal intégré auquel appartient la société RKS – est assujetti à des cotisations supplémentaires d’IS et de contribution sociale sur l’IS au titre des exercices 2009 et 2010 (5 385 325 euros, pénalités incluses).
Le Conseil d’État opère lecture de l’article 57 du CGI (N° Lexbase : L9738I33). S’agissant de l’établissement de l’impôt dû par les entreprises sous dépendance ou possédant le contrôle d’entreprises situées hors de France, il est procédé à l’incorporation des bénéfices indirectement transférés aux résultats accusés par les comptabilités. Cela vaut que les bénéfices soient transférés par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, ou par tout autre moyen. S’il n’existe pas d’éléments précis permettant d’opérer les rectifications envisagées en amont, la méthode suivante est retenue : « les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement ». À l’aune de cet article 57 du CGI, l’administration est réputée établir l’existence d’un avantage qu’il lui est loisible de réintégrer dans les résultats d’une entreprise française à cette condition : démontrer que les prix facturés par cette entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée – ou les prix facturés par cette entreprise étrangère – sont inférieurs ou supérieurs aux prix pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement. Par cette dernière formule (entreprises similaires exploitées normalement), il faut entendre des entreprises dépourvues de liens de dépendance. Toutefois, de réintégration de l’avantage dans les résultats il ne saurait y avoir dans l’hypothèse où l’entreprise française justifie l’avantage en question, fruit de « contreparties au moins équivalentes ». Dans cette hypothèse, l’administration ne peut invoquer la présomption de transfert de bénéfices si elle ne procède pas à cette comparaison avantage/contreparties au moins équivalentes. Il revient à l’administration – légitime fardeau probatoire oblige – de démontrer l’existence d’un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu. A cette seule condition, l’administration est réputée avoir démontré que l’entreprise a consenti à une libéralité en procédant à des facturations à un prix insuffisant (ou en les payant à un prix excessif).
Lorsqu’elle cherche à établir l’existence d’une majoration des prix d’achat ou d’une minoration des prix de vente – entre une entreprise établie en France et une entreprise étrangère qui lui est liée – l’administration peut se fonder sur une comparaison : à savoir la comparaison d’un « ratio financier pertinent de l’une ou l’autre entreprise » (à l’instar du taux de marge sur les transactions) avec celui d’entreprises similaires exploitées normalement (sans lien de dépendance). Tel est d’ailleurs ce qui est préconisé par les principes de l’OCDE applicables aux prix de transfert à l’attention des multinationales et des administrations publiques.
Il est ainsi une hypothèse où peut être constatée, par l’administration, une différence entre les prix pratiqués par une entreprise française avec les entreprises qui lui sont liées et les prix pratiqués entre des entreprises similaires exploitées normalement. Il appert que cette différence peut être regardée comme ne constituant pas un avantage dépourvu de contrepartie susceptible d’être réintégré dans les résultats de l’entreprise. Encore faut-il que la différence constatée soit justifiée par les risques que l’entreprise assume et qui sont susceptibles d’affecter sa rentabilité. La charge probatoire pèse alors sur l’entreprise : il lui échoit la tâche se démontrer qu’elle a vocation naturelle à assumer de tels risques à raison des fonctions par elle exercées au sein du groupe. Il lui revient encore d‘expliquer en quoi le fameux écart entre les ratios financiers constatés et ceux des entreprises similaires (exploitées normalement) est inhérent à la réalisation desdits risques.
Posés ces jalons économico-juridiques, reste à cogiter sur le sort de la société requérante au regard des prétentions de l’administration. Cette dernière – lors du contrôle de la société RKS – utilise la méthode dite « transactionnelle de marges nettes » : est réalisée une comparaison du ratio de marge nette sur le chiffre d’affaires à raison des opérations en cause avec le ratio de huit entreprises exerçant des activités similaires (le juge parle d’activités voisines, ce qui n’est pas tout à fait la même chose) et dépourvues de lien de dépendance. Il s’avère que le ratio de marge nette de la société est de – 10,46 % (2009) et de – 21,87 % (2010), chiffres qui interrogent eu égard au ratio de marge nette moyen des entreprises ciblées au titre de la comparaison (2,33 % en 2009, 2,62 % en 2010). La différence constatée étant significative, l’administration pouvait postuler à bon droit, selon le Conseil d’État, une présomption de transfert de bénéfices s’agissant des transactions visées (et ce à hauteur de la différence entre le montant des recettes et celui qui aurait résulté de l’application du taux de marge nette moyen établi au titre de la comparaison avec des entreprises similaires/voisines). La Cour d’appel de Versailles n’a pas, sur ce point, commis d’erreur de droit en estimant que l’administration avait réussi à établir une présomption de transfert de bénéfices via le jeu de la comparaison.
Reste que la société SKF Holding France soutient – devant cette même cour administrative d’appel de Versailles – assumer « un rôle fonctionnel plus important que celui d’une simple unité de production au sein du groupe SKF ». Cela implique – selon la société – assurer des risques de développement et de nature commerciale. De tels risques – ayant affecté pour les années visées son bénéfice d’exploitation - seraient à la source de la situation improprement dénoncée par l’administration. Le Conseil d’État ne se montre pas insensible à une telle argumentation centrée sur la notion de risques. En matière de prix de transfert, il convient de regarder si une société dispose de « fonctions de contrôle et d’atténuation effective (du) risque ainsi que de la capacité financière de l’assumer ». Si tel est le cas, elle peut être regardée comme ayant effectivement vocation à assumer un risque économique inhérent à la politique de prix de transfert du groupe.
Or, dans le cas présent, la cour administrative d’appel de Versailles a estimé que la société RKS n’avait pas vocation à assumer des pertes économiques découlant de son exploitation en se fondant sur ce qu’on pourrait dénommer théorie de l’absence. Pour être plus clair et précis, le juge d’appel s’est contenté de constater que la société ne possédait pas le statut « d’entrepreneur principal » au sein du groupe SKF. En d’autres termes, et toujours par la négative, la cour administrative d’appel de Versailles s’est abstenue de rechercher si la position fonctionnelle de la société au sein du groupe lui donnait une quelconque vocation à assumer les « risques spécifiques » par elle invoqués. Il s’agit tant des risques stratégiques (cf. le choix de développer ou non de nouveaux produits) que des risques opérationnels (cf. l’efficacité des processus de production »). En d’abstenant de réaliser une telle quête, la cour administrative d’appel de Versailles a entaché son arrêt d’erreur de droit.
Ainsi que mentionné dans les propos introductifs, le Conseil d’État formule un second grief à l’encontre du juge d’appel : il estime insuffisamment motivée la décision du 22 juin 2020. La cour administrative d’appel ne répond point à l’argumentation de la société SKF Holding France lorsque celle-ci avance des arguments pour justifier la baisse de marge de la société RKS sur les deux exercices visés. L’argumentation en défense consiste à soutenir que la société a subi « les conséquences d’un risque stratégique lié à son choix de réorienter son unique activité vers le secteur éolien ». Le propos n’est pas de peu eu égard à la novation stratégique choisie. Cependant, cela n’empêche pas la Cour d’appel de soutenir que le taux de marge négatif de la société RKS n’est pas l’enfant de la réalisation d’un risque que celle-ci avait vocation à assumer. La cour administrative d’appel se fonde sur le résultat consolidé du groupe SKF (toutes activités confondues, entre 6 et 14 %), sur le fait que les achats de matières premières de la société ont été stables, que ses ventes n’ont pas connu de baisses en volume (à l’exception des éoliennes). La chute du taux de marge s’expliquerait alors par le niveau des prix (résultant du barème fixé chaque mois par la société-mère suédoise) et non par une conjoncture défavorable et une contraction consécutive du chiffre d’affaires. En ne cogitant pas sur le lien présumé/potentiel entre baisse de marge de la société et risque stratégique (ici une réorientation de l’activité unique en direction du secteur éolien), la cour administrative d’appel de Versailles a insuffisamment motivé sa décision. D’autres éléments avancés par la contribuable en appel méritaient peut-être débat : quid de l’étroitesse du marché en question (la production de roulements sur mesure de très grandes dimensions à destination de l’industrie civile et militaire) ? Quid du faible nombre de clients ? Quid de la grande dépendance envers les matières premières (l’acier) ? Autant de questions susceptibles de présenter un intérêt discursif et argumentatif dès lors qu’il s’agit de jauger la matière fiscale à l’aune de la problématique – car stratégique – notion économique de risque. Le Conseil d’État est muet sur ces questions.
L’arrêt attaqué est annulé.
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Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 20 octobre 2021, n° 449292, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6515498)
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N9280BYD
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par Marie-Claire Sgarra
Le 16 Novembre 2021
► La circonstance que certains titres sont grevés d’un engagement de conservation ne constitue pas un obstacle à la méthode de la valeur moyenne pondérée pour le calcul d’une plus-value de cession de titres appartenant à une série de titres de même nature acquis pour des prix différents ;
► Pour le calcul du prix moyen pondéré, il doit être tenu compte de tous les titres de même nature, y compris ceux couverts par un engagement de conservation.
Les faits :
🔎 Principe. Les gains nets mentionnés à l'article 150-0 A du CGI (N° Lexbase : L0732L7A) sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. En cas de cession d'un ou plusieurs titres appartenant à une série de titres de même nature acquis pour des prix différents, le prix d'acquisition à retenir est la valeur moyenne pondérée d'acquisition de ces titres.
⚖️ Solution du CE. En appel, pour juger que les requérants n'étaient pas fondés à soutenir que le prix d'acquisition à retenir pour le calcul de la plus-value de cession des titres de la société financière détenus en pleine propriété par l’épouse et cédés le 11 juillet 2013 devait être égal à la moyenne pondérée du prix d'acquisition de l'ensemble des titres de cette même société qu'elle détenait en pleine propriété à la date de la cession, y compris les titres pour lesquels elle avait souscrit un engagement de conservation, la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce que ces derniers titres, compte tenu de l'engagement de conservation dont ils avaient fait l'objet, ne pouvaient être regardés comme constituant, avec les titres cédés, une série de titres de même nature. À tort selon le CE qui juge que la CAA a commis une erreur de droit.
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N9305BYB
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par Jérôme Mazeres, Fiscaliste - Diplômé en gestion de patrimoine, Les fourmis du patrimoine
Le 08 Novembre 2021
Mots-clés : pacte Dutreil • donation-partage • patrimoine
Transmettre son patrimoine à ses enfants implique de bien comprendre les enjeux civils et fiscaux jalonnant cette opération.
Outre la volonté de transmettre, le dirigeant sera également confronté à une difficulté particulière : celle d’équilibrer les lots.
Celle-ci peut notamment être franchie au moyen d’une donation-partage. Cette stratégie, cumulée à l’application du pacte Dutreil peut s’avérer payante.
Il convient à ce titre de souligner que la responsabilité des conseils n’avisant pas leurs clients de la possibilité de faire application de ce régime de faveur est susceptible d’être sanctionnée [1].
Il convient également de relever que le pacte Dutreil est un sujet d’actualité. D’une part, les commentaires administratifs publiés le 6 avril 2021 sont susceptibles d’entraîner la modification de certaines pratiques, dans l’attente de commentaires définitifs.
D’autre part, plusieurs amendements ont été déposés dans le cadre de l’étude du projet de loi de finances pour 2022. Certains amendements proposent notamment de porter le taux de l’abattement de 75 % à 90 % [2].
Nous reviendrons sur l’intérêt civil de la donation-partage (I) et son impact sur la mise en œuvre du pacte Dutreil (II). Nous profiterons également de ce second temps pour analyser certaines modifications apportées par les commentaires administratifs du 6 avril 2021.
I. Les différentes formes de la donation-partage au service de l’équilibre de la transmission
A. Les différentes formes de la donation-partage
L’article 1075 du Code civil (N° Lexbase : L1828ABC) dispose que la donation-partage est l’acte par lequel une personne fait, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits.
Comme son nom l’indique, la donation-partage réunit deux opérations, une donation et un partage.
Attention, la donation et le partage peuvent tout à fait être réalisés au moyen d’acte séparé [3]. L’ascendant doit cependant intervenir aux deux actes.
Il n’est pas nécessaire que la donation-partage porte sur l’ensemble des biens. À ce titre, le professeur Philippe Malaurie indique qu’« il n’est pas nécessaire qu’elle comprenne tous les biens du disposant : la libéralité-partage peut être partielle quant aux biens. Ceux qui demeurent indivis sont attribués ou partagés après le décès du disposant, selon le droit commun du partage » [4].
On peut mettre en avant, outre la donation-partage simple réalisée par un parent portant sur ses biens, trois typologies de donation-partage [5].
1) La donation-partage conjonctive
Il s’agit d’une donation-partage qui est consentie conjointement par les époux à l’égard de leurs enfants, communs ou non.
Il n’est ici pas tenu compte de l’origine des biens. Chaque donataire pourra être alloti de biens communs ou de biens propres.
Cette donation comporte donc une donation du père, une de la mère, et un partage.
Ce type de donation-partage permet de gérer les lots des enfants. En effet, à titre d’exemple, le lot de l’un des enfants ne pourra être constitué que de biens communs ou de biens communs et de biens propres de l’un des membres du couple par exemple.
Les droits de mutation à titre gratuit sont calculés distinctement sur les biens donnés par chaque ascendant. Au cas des biens de communauté, ils sont considérés comme donnés par moitié par chacun des époux [6].
En présence d’un enfant non commun, celui-ci peut-être allotis de biens propres ou de biens communs également. Dans ce dernier cas, l’époux auteur du descendant a seul la qualité de donateur. Son conjoint doit consentir à la donation sans être codonateur [7].
Dans cette situation, les biens communs donnés aux enfants non communs seront soumis pour le tout au tarif en ligne directe.
2) La donation-partage cumulative
La donation-partage cumulative s’entend de l’hypothèse où, l’un des parents étant décédé, le survivant donne ses biens afin de les fondre avec ceux formant la succession du prédécédé en vue d’un unique partage [8].
Si la donation-partage cumulative n’est pas visée par le Code civil, celle-ci a cependant été validée par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation [9].
3) La donation-partage transgénérationnelle
L’article 1075-1 du Code civil dispose : « toute personne peut également faire la distribution et le partage de ses biens et de ses droits entre des descendants de degrés différents, qu'ils soient ou non ses héritiers présomptifs ».
Cette possibilité a été ouverte par la loi du 23 juin 2006 afin tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie.
La donation-partage transgénérationnelle permet d’une certaine de façon d’effectuer un « saut de génération » [10]. Au moyen de celle-ci, les grands-parents peuvent allotir les petits enfants, sous réserve de la participation des parents de ces derniers, qui doivent consentir que leurs propres enfants soient allotis en leur lieu et place.
💡 Attention, en cas de donation-partage transgénérationnelle, la représentation, c’est-à-dire ce mécanisme du droit civil qui permet d’appeler les représentants aux droits du représenté ne joue pas. Dans cette situation les droits sont liquidés en fonction du lien de parenté entre l’ascendant donateur et les descendants allotis (CGI, art. 784 B N° Lexbase : L3796HWI). Autrement dit, si les grands-parents effectuent une donation-partage au profit des petits-enfants, c’est en fonction de ce lien que seront déterminés l’application du barème des droits, ainsi que les abattements, et non par rapport à la génération intermédiaire des parents. |
B. Absence de rapport, et gel des valeurs : les atouts de la donation-partage
Si la donation-partage s’inscrit dans une logique d’anticipation de la succession, afin d’éviter des querelles familiales sur les biens à partager lors de la succession, elle dispose de plusieurs atouts non négligeable.
1) L’absence de rapport
D’une part, les biens faisant l’objet d’une donation-partage ne sont pas soumis au rapport. On peut constater que cette règle n’est pas explicitement visée par l’article 843 du Code civil (N° Lexbase : L9984HN4).
À ce titre, l’article 843 du Code civil dispose « Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale ». On est donc en présence d’un mécanisme qui a vocation à assurer l’égalité entre les héritiers.
Il est cependant assez logique que la donation-partage ne soit pas rapportable. En effet, le rapport permet de reconstituer la masse successorale à partager entre les héritiers. Dès lors que la donation-partage procède par anticipation à cette répartition du vivant du défunt, il semble logique que la donation-partage ne fasse pas l’objet du rapport.
Ce point a notamment été affirmé par un arrêt rendu par la 1ère chambre civile [11]. Il convient cependant de relever que plus récemment la portée de ce principe a été étendue au cas des donations incorporées dans la donation-partage [12].
Ainsi, cette libéralité n’est pas prise en compte lors de la liquidation de la succession dans le cadre des opérations préalables au partage successoral. C’est l’un des intérêts de la donation-partage.
2) Le gel des valeurs
La donation-partage comme toute donation est également soumise aux règles concernant la réserve héréditaire.
Celle-ci est définie par l’article 912 du Code civil (N° Lexbase : L0059HPU) comme la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à la succession et s'ils l'acceptent.
Autrement dit, il s’agit d’une quote-part qui doit nécessairement revenir à l’héritier réservataire. S’il reçoit moins que celle-ci, il dispose d’une action spécifique appelée action en réduction.
La réserve individuelle des héritiers réservataires, les enfants pour simplifier, est opposée à la quotité disponible, qui elle demeure libre d’affectation.
La quotité disponible (QD) et la réserve individuelle (RI) vont varier en fonction du nombre d’héritier réservataire.
💡 Par exemple en présence d’un enfant la QD sera de ½ et la RI de ½. En présence de deux enfants, la QD sera de 1/3, et la RI de 1/3 pour chacun des deux enfants. |
Ainsi pour déterminer cette masse, outre les biens existants au jour du décès, il faudra tenir compte des biens donnés. À ce stade, on tiendra compte de l’ensemble des donations effectuées, que celles-ci soient rapportables ou non. Cela inclut donc le cas de la donation-partage.
Or, si la donation a été effectuée il y a plusieurs années, il est tout à fait possible que le bien ait pris de la valeur. Cela est d’autant plus vrai pour des biens immobiliers, une entreprise ou des parts de sociétés.
En principe, on tiendra compte de la valeur de ces biens au jour du décès d’après leur état au jour de la donation [13].
Si le bien donné à l’un des enfants a vu sa valeur augmentée, alors il est tout à fait possible qu’il ait consommé intégralement sa réserve individuelle, et qu’il consomme en tout ou partie celle des autres héritiers réservataires. Il s’exposera ainsi à une éventuelle action en réduction.
On trouve ici un autre intérêt majeur de la donation-partage, à savoir le gel des valeurs au jour de la donation-partage.
💡 Un exemple permettra d’illustrer cet avantage. Monsieur DURANT a deux enfants Alexandre et Germain. Il procède à la donation en avancement de part successorale en 2010 d’un bien immobilier à Alexandre d’une valeur de 150 000 euros, et des parts de la société Les Fourmis également d’une valeur de 150 000 euros au profit de Germain. Il s’agit de donation simple. |
En 2022, Monsieur DURANT décède. On supposera que les biens n’ont connu aucune amélioration, cependant ils ont pris de la valeur.
L’immeuble donné à Alexandre vaut 200 000 euros et les parts sociales données à Germain valent 1 000 000 euros.
On supposera que Monsieur DURANT ne laisse aucun bien.
Lors du décès, on procède à la réunion fictive. La quotité disponible s’élève à 400 000 euros ([200 000 + 1 200 000] / 3). La réserve individuelle de chaque enfant s’élève également à 400 000 euros.
On constate qu’Alexandre n’a pas pu bénéficier de sa réserve. Il pourra agir en réduction, car sa réserve individuelle a été atteinte.
On constate ici que, là où Monsieur Durant pensait bien faire en effectuant une donation simple, de biens de valeurs similaires en 2010, en réalité il a contribué a créé un déséquilibre susceptible d’entraîner une action de l’un des enfants à l’encontre de l’autre.
La donation-partage permet de geler les valeurs, et dans l’exemple ci-dessus d’éviter une action en réduction.
On retiendra, lors de la réunion fictive en cas d’application de gel des valeurs, les valeurs initiales, soit 150 000 euros pour chaque bien.
Pour faire application du gel des valeurs, il convient néanmoins de remplir les deux conditions cumulatives suivantes [14] :
Attention tout de même, comme le relève le professeur Alice Tisserand-Martin [15], « cela ne se vérifie que si la donation-partage est équilibrée, c’est-à-dire respectueuse de la réserve héréditaire au jour où elle est consentie ».
Cependant, il est possible de contourner cette difficulté avec une renonciation anticipée à l’action en réduction.
On comprend ainsi que la donation-partage revêt un fort intérêt sur le terrain du droit civil. Ces stratégies, accompagnées de la mise en place d’un pacte Dutreil en cas de transmission d’entreprise ou de parts de sociétés exerçant une activité éligible sont d’autant plus importantes en pratique.
II. Le pacte Dutreil, un abattement sous conditions
Dans le cadre de schéma de transmission de titres de sociétés familiales, les techniques de la donation-partage et du pacte Dutreil peuvent être combinées. Outre l’intérêt de la donation-partage, vu précédemment, la mise en place d’un pacte Dutreil permettra d’alléger l’assiette des droits de mutation à titre gratuit, au moyen de l’abattement de 75 %. L’application de ce régime de faveur implique de remplir des conditions exigeantes.
Il sera notamment possible de transmettre les parts à un seul des héritiers sous réserve du versement d’une soulte aux autres héritiers.
A. Des conditions exigeantes et complexes s’inscrivant dans la durée
Attention, il n’est pas possible de mettre en œuvre un pacte Dutreil sur n’importe quel type d’activité.
En effet, la société doit exercer une activité de nature industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Ainsi, les activités de nature patrimoniale ne peuvent pas faire l’objet d’un pacte Dutreil. Cependant, il convient de relever que les activités mixtes peuvent faire l’objet de l’application de l’article 787 B du Code général des impôts (N° Lexbase : L5936LQW).
La société doit conserver une activité éligible au pacte Dutreil durant la durée de l’application des engagements collectif, unilatéral et individuel.
La doctrine administrative [16] en date du 6 avril 2021, apporte un peu de souplesse en cas de changement d’activité.
En effet, il n’y aura pas de remise en cause du pacte Dutreil si l’activité nouvelle est exercée immédiatement après ou concomitamment avec l’ancienne, et revêt une nature industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
À titre d’exemple, si une SARL exerçant une activité de vente de vêtement, vend son fonds de commerce durant la durée d’application des engagements de conservation, et ne développe pas une nouvelle activité, outre les conséquences au regard de la fiscalité professionnelle, le bénéfice de l’abattement de 75 % pourra faire l’objet d’une remise en cause.
Il s’agit ici d’un point de sensibilisation important pour les héritiers.
La mise en œuvre du pacte Dutreil nécessite de remplir plusieurs conditions.
1) La nécessité de conclure un engagement de conservation
Les engagements de conservation collectif et individuel.de conservation des titres sont l’une des conditions essentielles d’application du pacte Dutreil au cas d’une donation.
Il convient à ce stade d’indiquer que l’engagement collectif est d’une durée minimum de deux ans, celui-ci pouvant faire l’objet, notamment, de clause de prorogation de délai.
La donation-partage doit intervenir durant cette première période. L’engagement collectif de conservation doit porter à minima sur 34 % des droits de vote et 17 % des droits financiers au cas de sociétés non cotés.
Au cas de sociétés côtées, l’engagement collectif doit porter sur à minima, 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote.
On voit ici, que la condition de seuil permet d’avoir des schémas de transmission à la carte. Une partie des titres pourra faire l’objet d’une donation-partage, et une autre partie, celle non compris dans l’engagement collectif pourra faire l’objet d’une cession. On ménage ainsi la volonté de donner du parent, et son besoin de disponibilités.
Il convient de relever que cet engagement peut être conclu avec d’autres associés, ou tout seul. On parlera dans ce dernier cas d’engagement unilatéral.
Durant cette phase de deux ans, voire plus en cas de clause de prorogation de délai, et après la transmission à titre gratuit, le pacte est figé. Il n’est en principe pas possible d’effectuer d’opérations de cession de titres compris dans le pacte auprès de non-signataire, sauf à remettre en cause l’avantage fiscal. Il existe cependant quelques exceptions, dont l’apport des titres donnés à une société holding.
À compter de la transmission, le donataire devra poursuivre l’engagement collectif jusqu’à son terme.
Il est possible dans certaines situations d’éviter de conclure l’engagement collectif et de basculer directement sur l’engagement individuel. On parlera ici d’engagement collectif réputé acquis. Pour pouvoir bénéficier de ce régime, le parent procédant à la donation doit détenir les parts depuis au moins deux ans, et exercer (elle ou son conjoint, partenaire de PACS ou concubin notoire), une fonction de direction ou son activité principale depuis au moins deux ans.
Une fois l’engagement collectif éteint, un engagement individuel de quatre ans prend sa suite.
Il est intéressant de savoir, en cas de donation-partage, sur quelle(s) personne(s) portera le respect de cette obligation.
Dans l’hypothèse où chacun des enfants serait alloti de titres de la société, dans le cadre de la donation-partage, l’engagement individuel sera propre à chacun.
Autrement dit, si l’un ne respecte pas son engagement, notamment parce qu’il cède ses titres à un tiers durant cette période de quatre ans, alors l’abattement de 75 % sera remis en cause. L’avantage fiscal sera conservé à l’égard des autres enfants, sous réserve qu’ils respectent à titre individuel l’obligation conserver leurs titres durant quatre ans.
Dans l’hypothèse d’une donation-partage avec soulte, l’ancienne réponse ministérielle Vachet [17] reprise par les commentaires administratifs [18] à jour au 6 avril 2021, précise que c’est l’enfant bénéficiaire des titres qui devra conserver les titres durant la période d’engagement individuel de conservation.
2) La nécessité d’exercer une fonction de direction
Parmi les conditions nécessaires à l’application du pacte Dutreil, il est impératif que l’un des associés signataires ou l’un des héritiers, donataires ou légataires exercent une fonction de direction pendant l’engagement collectif, et durant les trois années qui suivent la date de la transmission.
Il convient de relever que l’analyse de la fonction de direction est différente selon qu’il s’agit d’une société relevant de l’impôt sur les sociétés ou d’une société relevant de l’impôt sur le revenu.
Au cas des sociétés relevant de l’impôt sur les sociétés, la fonction de direction vise : la fonction de gérant, nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, d'associé en nom d'une société de personnes ou de président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions.
La lettre de l’article 787 B, d du Code général des impôts n’impose pas de conditions de rémunération. La nouvelle mouture de la doctrine administrative, ayant donné lieu à une consultation publique, confirme par ailleurs cette analyse [19].
Au cas d’une société relevant de l’impôt sur le revenu, il est exigé l’exercice d’une activité professionnelle à titre principale. Cette notion s’apprécie de manière analogue à celle utilisée en matière d’impôt sur la fortune immobilière pour les biens professionnels. Cette condition sera source de difficulté notamment en présence d’héritiers exerçant une activité différente et sans lien avec l’activité transmise. Cette disparité de condition est notamment source de difficultés dans des schémas de transmissions d’exploitation agricole, quand les enfants exercent des activités sans liens avec l’activité agricole, comme des activités médicales par exemple.
Concernant la personne devant exercer cette fonction de direction, il convient de relever que les derniers commentaires administratifs concernant le pacte Dutreil semblent opérer un « revirement d’analyse » [20]. Jusqu’au 6 avril 2021, la doctrine administrative [21] admettait que la fonction de direction, postérieurement à la transmission, puisse être exercée soit par le signataire initial, soit par l’héritier, le donataire ou légataire. Au cas d’une donation-partage, cela signifie que le parent pouvait conserver la fonction de direction. A priori, il n’était pas obligatoire pour le(s) enfant(s) d’exercer la direction de la société.
Les commentaires administratifs résultant de la mise à jour du 6 avril 2021 [22] opèrent une distinction entre d’une part la période courant jusqu’à la transmission, et la période post-transmission.
Pour la période courant jusqu’à la transmission, la fonction de direction doit être exercée par un associé signataire de l’engagement de conservation unilatéral ou collectif.
Pour la période courant à compter de la transmission, la fonction de direction doit être exercée par l’un des héritiers, légataires ou donataires qui a pris l’engagement de conserver les titres reçus du fait de la transmission à titre gratuit, ou par l’un des associés signataires de l’engagement unilatéral ou collectif et encore tenu au respect de cet engagement.
Dès lors, la fonction de direction ou l’activité principale ne pourra a priori reposer sur l’associé signataire qu’à la condition qu’il détienne encore des titres soumis à un engagement de conservation unilatéral ou collectif.
On peut se demander si ce positionnement de l’administration fiscale correspond véritablement à la lettre de l’article 787 B, d du Code général des impôts. Ce positionnement est d’autant plus surprenant que les commentaires administratifs font référence de manière explicite à la réponse Moreau [23]. Pour rappel, la réponse Moreau visait le cas du pacte réputé acquis, pour lequel il n’y a pas de signataire.
Au cas de la donation-partage des titres, cela implique au vu des derniers commentaires administratifs, que l’enfant bénéficiant du lot comprenant les titres soit en mesure d’exercer pleinement la fonction de direction ou d’exercer son activité principale. On pourrait éventuellement aménager cet exercice dans le cadre de l’engagement collectif de conservation, en prévoyant un pacte portant sur un nombre de titres un peu plus important que celui ayant vocation à être donné, de façon à faire porter jusqu’à l’expiration de l’engagement collectif la fonction de direction sur le donateur [24]. Cependant, au-delà de l’engagement collectif, il faudra impérativement que la fonction de direction ou l’exercice de l’activité principale soit porter par le donataire ayant reçu les titres de la société.
On pourrait éventuellement s’interroger sur l’opportunité et les risques d’abus de droit lier à l’insertion de clauses de prorogation de l’engagement collectif, post-transmission, permettant de faire porter la fonction de direction sur le parent donateur afin de valider la période de trois ans après la donation.
3) Cas particulier de la donation-partage transgénérationnelle
Si l’application conjointe du pacte Dutreil dans le cadre d’une donation-partage est possible, y compris avec soulte [25], un certain nombre de questions demeurent au cas de la donation-partage transgénérationnelle.
Il est vrai que ni la rédaction de l’article 787 B du Code général des impôts, ni la doctrine administrative à jour au 6 avril 2021, ne semblent exclure une telle possibilité.
Parmi les questions entourant la donation-partage transgénérationnelle, on peut notamment penser à celle posée par le député Jean-Michel Clément [26]. Sa question portait notamment sur le mécanisme de la réincorporation d’une donation antérieure.
Comme vu ci-dessus, la donation-partage transgénérationnelle permet d’effectuer un saut de génération avec le consentement de la génération intermédiaire. Elle peut porter sur des biens que les grands-parents ont déjà donnés à leurs enfants. Les enfants premiers donataires réincorporent alors à la masse à partager les biens qu’ils avaient reçus.
En cas de réincorporation de titres ayant déjà fait l’objet de l’application du pacte Dutreil, il convient de se demander si celle-ci n’entraîne pas la déchéance de l’exonération partielle prévue à l’article 787 B du Code général des impôts.
Cette question est d’autant plus délicate que la question posée par le député Jean-Michel Clément n’a pas trouvé de réponse, et a été retirée le 20 juin 2017.
Comme le souligne Jean-François Desbuquois, il convient d’être prudent sur cette pratique, tant que l’administration fiscale ne l’aura pas confirmée [27].
Il sera également intéressant à l’avenir que l’administration fiscale se positionne sur des schémas de séquençage des opérations, tel que mis en avant par Jean-François Desbuquois : réincorporation des titres, conclusion de l’engagement collectif sur les titres repris par les grands-parents, puis donation aux petits-enfants[28].
Il peut être opportun de sécuriser ces opérations au moyen d’un rescrit.
B. L’application de l’abattement en présence d’une soulte
L’application l’abattement de 75 % prévu par l’article 787 B du Code général des impôts peut se cumuler avec la réduction de droit prévue à l’article 790 du même Code (N° Lexbase : L8960IQW).
💡 Attention, l’application de la réduction de droit à hauteur de 50 % visé par l’article 790 du Code général des impôts nécessite de remplir plusieurs conditions cumulatives :
|
Il convient également de relever, dans une moindre mesure, que le régime du pacte Dutreil n’est pas exclusif de l’application de l’abattement de 300 000 euros en cas de dons aux personnels salariés visés à l’article 790 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L2507IBH). Attention, le cumul des abattements visés aux articles 787 B et 790 A du Code général des impôts portera sur la valeur des parts représentatives du fonds de commerce [29].
Les modalités d’application de l’abattement de 75 % peuvent varier selon que la donation-partage est effectuée avec ou sans soulte.
1) En l’absence de soulte
En présence d’une donation-partage pure et simple, chacun des donateurs sera alloti en raison de ses droits dans la masse totale des biens donnés.
Dès lors, les droits de donation et l’application de l’abattement de 75 % seront calculés en fonction des titres que chacun d’eux a reçus.
2) En présence d’une soulte
En cas de donation-partage avec soulte, la réponse ministérielle Vachet [30] précise : « Dans l’hypothèse envisagée d’une donation-partage avec soulte de titres bénéficiant de l’exonération partielle prévue à l’article 787 B du CGI, les règles traditionnelles de liquidation des donations-partages avec soulte sont applicables. Ainsi, dans une telle hypothèse, la liquidation des droits est effectuée selon les attributions théoriques ».
Dans une telle situation, c’est bien l’ensemble des donataires qui vont pouvoir bénéficier de l’abattement de 75 % du pacte Dutreil.
💡 Exemple comparatif Monsieur Dupont est âgé de 71 ans. Son patrimoine se compose de parts d’une entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL), dans laquelle il exerce son activité principale. Monsieur a conclu un pacte Dutreil sur ces titres sous forme d’engagement unilatéral. Les parts de l’EARL sont évaluées à 400 000 euros. Il est également propriétaire de 20 hectares de terres agricoles estimées à 200 000 euros. On partira du principe que les terres ne bénéficient pas d’un avantage fiscal particulier. 📌 Donation-partage sans soulte Dans le premier cas, Monsieur Dupont effectue une donation-partage au profit de ses deux enfants, Alexandre et Germain. Chacun reçoit des biens correspondants à ses droits. Alexandre reçoit 300 000 euros de parts de l’EARL. Germain reçoit 200 000 euros de terres et 100 000 euros de parts de l’EARL. Dans schéma, l’assiette taxable est la suivante :
💰 Biens reçus : 300 000 euros de parts de l’EARL 💰 Abattement pacte Dutreil de 75 % : 225 000 euros 💰 Assiette taxable aux DMTG : 75 000 euros 💰 Abattement de 100 000 euros Alexandre ne paiera donc pas de droit de mutation à titre gratuit.
💰 Biens reçus : 100 000 euros de parts de l’EARL 💰 Abattement pacte Dutreil de 75 % : 75 000 euros 💰 Valeur retenue pour les DMTG : 25 000 euros 💰 Biens reçus : 200 000 euros de terres agricoles 💰 Assiette taxable aux DMTG : 225 000 euros 💰 Abattement de 100 000 euros : 125 000 euros Montant des droits : 23 194 euros 📌 Donation-partage avec soulte Alexandre reçoit les 400 000 euros de titres de l’EARL. Germain reçoit les 200 000 euros de terres ainsi qu’une soulte de 100 000 euros d’Alexandre. 💰 Valeur taxable des actions : 100 000 euros. 💰 Valeur taxable des terres : 200 000 euros. Chacun est réputé recevoir la moitié des biens donnés, soit 150 000 euros chacun. Chacun bénéficie de l’abattement à hauteur de 100 000 euros. La fraction imposable de chacun aux droits de mutation à titre gratuit s’élève à 50 000 euros. Chacun devra ainsi s’acquitter de 8 194 euros de droits, soit 16 388 euros au global. |
On constate ainsi que le mécanisme de la soulte permet, dans une moindre mesure et dans certaines situations, de minorer le montant des droits à payer. Le pacte Dutreil s’applique ainsi sur l’ensemble des donataires.
Cet exemple permet également de mettre en exergue les limites de ces schémas de transmission avec soulte, dans la mesure où ce partage de l’assiette d’imposition rend l’un des donataires redevable des droits de mutation à titre gratuit, alors qu’il ne l’aurait pas été dans le premier cas.
3) Quid de l’apport des titres issus d’une donation-partage avec soulte ?
L’exemple ci-dessus illustre l’une des difficultés des schémas de donation-partage avec soulte, à savoir le financement de la soulte.
Il pourrait être intéressant d’apporter les titres de la société à une société holding, afin de permettre le financement de celle-ci via les dividendes.
Il convient ici de relever que la loi de finances pour 2019 (loi n° 2018-1317, du 28 décembre 2018, de finances pour 2019 N° Lexbase : L6297LNK) a apporté de la souplesse. Cependant, la rédaction maladroite du texte, et les débats parlementaires ont suscité des difficultés d’application. Pour rappel, il est possible d’apporter les titres donnés à une société holding durant la phase de l’engagement collectif ou de l’engagement individuel.
L’abattement de 75 % ne sera pas remis en cause par suite d'un apport partiellement rémunéré par la prise en charge d'une soulte consécutive à un partage de titres d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale à une société dont la valeur réelle de l'actif brut est, à l'issue de l'apport et jusqu'au terme des engagements de conservation, composée à plus de 50 % de participations dans la société qui sont soumises à ces mêmes engagements.
Les conditions suivantes doivent également être remplies à l’issue de l’opération d’apport et jusqu’au terme des engagements collectifs ou unilatéral et individuel :
Enfin, il est également nécessaire que la société holding prenne l’engagement de conserver les titres apportés jusqu’au terme des engagements collectif, unilatéral ou individuel de conservation. Les associés de la société holding doivent quant à eux conserver les titres reçus en contrepartie de l’apport jusqu’au terme des différents engagements.
Les conditions portant sur la fonction de direction et relative à la détention des titres de la société holding posaient des difficultés, qui demeurent suite aux commentaires administratifs en date du 6 avril 2021. Il était notamment question de savoir si ces conditions devaient être remplies par l’enfant bénéficiaire de la donation, le parent donateur ou bien les deux.
Avant ceux-ci, la réponse ministérielle Patriat [31] avait apporté quelques précisions.
Le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance a pu indiquer en cas de donation-partage de titres à plusieurs donataires, que l’apport par chacun d’eux des titres reçus à une société holding distincte ne portent pas en tant que telle atteinte à l’application de l’abattement de 75 %, sous réserve de respecter, pour chacun des enfants apporteurs pris isolément, les conditions visées ci-dessus.
La réponse Patriat répond à ces questions en indiquant « les bénéficiaires de l’exonération en détiennent au moins les 75 % du capital et des droits de vote et que l’un d’entre eux en assure la direction ».
Les commentaires administratifs [32] du 6 avril 2021 affinent la réponse Patriat.
Durant la phase d’engagement collectif, les titres de la holding doivent être détenus à hauteur de 75 % par les parents et/ou les enfants bénéficiaires de la donation. Il en est de même de la fonction de direction, qui peut être exercée par le parent donateur ou l’enfant alloti des titres.
Durant la phase d’engagement individuel, on retrouve les mêmes difficultés que celles évoquées précédemment.
Il est impératif que les enfants donataires détiennent 75 % des titres de la société holding. De même, durant cette phase c’est l’enfant qui devra exercer la fonction de direction.
Il est donc nécessaire lors de la constitution de la société holding d’éviter des situations où le parent donateur détiendrait plus de 25 % des titres de la société holding bénéficiant de l’apport. À défaut, il faudrait vraisemblablement envisager de corriger cette situation avant l’expiration de l’engagement collectif. Concernant la fonction de direction, l’introduction d’une clause de prorogation de délai peut également se poser, avec toutes les réserves que l’on peut émettre.
On voit ici en creux les faiblesses de l’engagement réputé acquis qui, s’il permet de gagner les deux ans d’engagement collectif, compresse le temps pour corriger les situations, et limite les options quant à la sécurisation de la fonction de direction.
En restructurant une partie de ses commentaires administratifs, très imprégnés par la réponse Moreau, l’administration fiscale fragilise un certain nombre de pratiques. Il est nécessaire que la transmission soit effectuée au profit d’un enfant ayant véritablement vocation à exercer une fonction de direction.
Il sera ainsi intéressant de voir le positionnement de l’administration fiscale dans le cadre de futurs commentaires définitifs.
[1] Pour un exemple, voir CA Chambéry, 24 octobre 2017, n° 16/00475 (N° Lexbase : A2358WXM).
[2] Amendement n° I-CF473 présenté par M. Mattei le 30 septembre 2021, ayant donné lieu à un rejet [en ligne].
[3] C. civ., art. 1076 (N° Lexbase : L1829ABD).
[4] P. Malaurie, Les successions, les libéralités, Paris, Defrenois, 2012 n° 1067.
[5] JCl. Ingénierie du patrimoine - Fascicule n° 1160 – donation-partage n° 68.
[6] BOI-ENR-DMTG-20-20-10 n° 120 (N° Lexbase : X7764AL7).
[7] BOI-ENR-DMTG-20-20-10 n° 130.
[8] Cass. civ. 1, 28 mai 2015, n° 14-13.479, F-P+B (N° Lexbase : A8193NIB).
[9] Cass. civ. 1, 29 mai 1980 n° 79-12.762 (N° Lexbase : A4537CKA).
[10] JCl. Ingénierie du patrimoine – libéralités – FASC. 1170.
[11] Cass. civ. 1, 16 juillet 1997 n° 95-13.316 (N° Lexbase : A0410AC8).
[12] Cass. civ. 1, 4 juillet 2018 n° 16-15.915, F-P+B (N° Lexbase : A5673XXE).
[13] C. civ., art. 922 (N° Lexbase : L0071HPC).
[14] C. civ., art. 1078 (N° Lexbase : L0233HPC).
[15] A. Tisserand-Martin, Les petites affiches, 28 juin 2007, n° 129, p. 27.
[16] BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 17 (N° Lexbase : X6754ALQ).
[17] QE n° 81926 de M. Vachet Léon, JOANQ 27 décembre 2005 p. 11907, réponse publ. 28 mars 2006 p. 3343, 12e législature (N° Lexbase : L9826HIR).
[18] BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 340.
[19] BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 290.
[20] Actes pratiques et stratégies patrimoniales n° 2, avril 2021.
[21] BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 19 mai 2014, n° 390.
[22] BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 390 à jour au 6 avril 2021.
[23] QE n° 99759 de M. Yannick Moreau, JOANQ 11 octobre 2016, réponse publ. 7 mars 2017 p. 1983, 14ème législature (N° Lexbase : L7071LDA).
[24] La revue fiscale du patrimoine, n° 5, mai 2021, act. 71.
[25] BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 340, à jour au 06 avril 2021 ; RM VACHET n° 81926 précitée.
[26] QE n° 59152 de M. Jean-Michel Clément, JOAN 8 juillet 2017.
[27] JF. Desbuquois, Les pactes Dutreil, EFE 2017, p. 54 n° 42.
[28] Voir note 27.
[29] BOI-ENR-DMTG-20-30-20-20 n° 320 et 330 (N° Lexbase : X7443ALA).
[30] Voir note 25.
[31] QE n° 06410 de M. François Patriat, JO Sénat 2 août 2018 p. 3929, réponse publ. 3 septembre 2020 p. 3895, 15ème législature (N° Lexbase : L9121LZT).
[32] BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 83 et suivants, à jour au 6 avril 2021.
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Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 20 octobre 2021, n° 450268, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A652049D)
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par Marie-Claire Sgarra
Le 03 Novembre 2021
► L'article 1586 sexies du CGI (N° Lexbase : L7120LZQ) fixe la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la CVAE et au plafonnement de la CET ;
► La fraction non remboursée d'une avance remboursable qui fait l'objet d'un abandon de créance et qui a eu pour contrepartie la création ou l'acquisition d'éléments d'actif immobilisé ou le financement d'activités de long terme a par suite le caractère d'une subvention d'investissement, qui ne fait pas partie de cette liste.
Les faits :
⚖️ En appel, pour juger que l'administration avait pu à bon droit regarder l'abandon de créances consenti par l'État en 2011 comme constituant une subvention d'exploitation, devant être prise en compte pour le calcul de la valeur ajoutée en vue de l'établissement de la CVAE, la cour s'est fondée sur les circonstances que la réalisation de travaux de développement et de recherche en matière aéronautique, que l'avance prévue par le protocole du 29 décembre 1998 avait pour objet de financer, constituait une activité courante et ordinaire de la société, que cette avance était remboursable sur les produits d'exploitation tirés de la vente des appareils de la gamme A340-500 et A340-600 et que l'abandon au profit de la société de son solde non encore remboursé en cas d'échec du programme était corrélé aux dépenses réalisées pour le financement de celui-ci.
⚖️ Solution du CE. « En statuant ainsi sans rechercher si, comme il était soutenu devant elle, la fraction non remboursée de cette avance avait eu pour contrepartie la création ou l'acquisition d'éléments de son actif immobilisé ou le financement d'activités de long terme et avait par suite le caractère d'une « subvention d'investissement », la cour a commis une erreur de droit.
Quelques rappels jurisprudentiels 💡 S'agissant de la détermination du plafond des cotisations de taxe professionnelle, le CE a retenu dans un arrêt du 4 août 2006 qu’il convenait de retenir une définition comptable des postes entrant dans la valeur ajoutée visée par l'article 1647 B sexies (N° Lexbase : L7142LZK) du CGI (CE 9° et 10° ssr., 4 août 2006, n° 267150, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7938DQ3). 👉 Lire sur cet arrêt, F. Dal Vecchio, Plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée et indemnité versée au titre de l'article 1792 du Code civil : fin de partie pour les contribuables, Lexbase Fiscal, octobre 2006, n° 233 (N° Lexbase : N4191ALS). 💡 S'agissant du calcul de la cotisation minimale de taxe professionnelle, le CE a jugé dans un arrêt du 9 mai 2018 que les dépenses de mécénat présentant un caractère récurrent pour l’entreprise sont déductibles pour la détermination de la valeur ajoutée (CE 3°/8°/9°/10° ch.-r., 9 mai 2018, n° 388209, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6255XMM). 💡 S'agissant du calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, le Conseil d’État a jugé dans un arrêt du 29 juin 2018 que les taxes qui grèvent le prix des biens et services vendus par l’entreprise sont les seules taxes sur le chiffre d’affaires et assimilées qui sont déductibles de la valeur ajoutée (CE 9° et 10° ch.-r., 29 juin 2018, n° 416346, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5134XUP). |
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Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 22 octobre 2021, n° 434900, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A01607A8)
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par Marie-Claire Sgarra
Le 29 Octobre 2021
► Le Conseil d’État a jugé, dans un arrêt en date du 22 octobre 2021, que pouvaient être prises en compte pour le calcul de la TEOM les dépenses correspondant à une quote-part du coût des directions ou services transversaux centraux de la collectivité.
Les faits :
🔎 Principe. Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du CGCT (N° Lexbase : L9628INW), dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal (CGI, art. 1520 N° Lexbase : L8981LNX).
👉 La TEOM susceptible d'être instituée sur le fondement de ces dispositions n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l'établissement de coopération intercommunale compétent pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets et non couvertes par des recettes non fiscales affectées à ces opérations. 👉 Le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant des dépenses exposées pour ce service, déduction faite, le cas échéant, du montant des recettes non fiscales de la section de fonctionnement. 👉 Les dépenses susceptibles d'être prises en compte sont constituées de la somme de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle qu'elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe. |
⚖️ Pour juger disproportionné le taux de TEOM adopté par le conseil de la métropole de Lyon pour l'année 2016, la cour administrative d'appel a retenu qu'il n'y avait pas lieu d'inclure, dans les dépenses de fonctionnement à prendre en compte au titre du service public de collecte et de traitement des déchets ménagers, les dépenses représentatives de la quote-part d'activité de chaque service transversal de la métropole de Lyon, au motif que la ventilation de ces dépenses par service au moyen d'une comptabilité analytique dénuée de clef de répartition ne permettait pas d'établir que ces dépenses auraient été exposées pour le fonctionnement du seul service de collecte et de traitement des déchets.
⚖️ Solution du CE. « En jugeant que la comptabilité analytique produite par la métropole de Lyon ne comportait pas de clef de répartition permettant d'établir si les dépenses en cause étaient directement exposées pour le service de collecte et de traitement des déchets, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ». La métropole de Lyon est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
💡 Rappel des jurisprudences antérieures relatives au taux de la TASCOM Le Conseil d’État a, au fil des années, assoupli sa position concernant le taux de la TEOM. Le point de départ de ce changement de cap est un arrêt du 31 mars 2014, la célèbre affaire « Auchan » (CE 3° et 8° ssr., 31 mars 2014, n° 368111, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6437MIA). Dans cette décision, le CE a apporté des clarifications concernant le champ d'application et la détermination du taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et en a exclu les « déchets assimilés » produits par les entreprises et les administrations. Par ailleurs, lorsque la TEOM est instituée, une redevance spéciale doit obligatoirement être instaurée pour couvrir ces coûts de gestion des déchets dits « assimilés ». Dans un autre arrêt marquant en date du 25 juin 2018 (CE 3° et 8° ch.-r., 25 juin 2018, n° 414056, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9105XTE), le CE a précisé que la somme des excédents de fonctionnement résultant de l’exécution des budgets des années précédentes et reportée en section de fonctionnement n’a pas à être prise en compte au titre des recettes du service. |
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Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 20 octobre 2021, n° 448562, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6512493)
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N9281BYE
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par Marie-Claire Sgarra
Le 10 Novembre 2021
► Pour déterminer si les surfaces de stationnement doivent être regardées comme annexées, il y a lieu de rechercher si leur utilisation contribue directement à l'activité qui y est déployée.
Les faits :
🔎 Principe. Il résulte de l'article 231 ter du CGI (N° Lexbase : L8679L49) que le législateur a entendu inclure dans le champ d'application de la taxe sur les surfaces commerciales les surfaces de stationnement annexées à des locaux à usage de bureaux, à des locaux commerciaux ou à des locaux de stockage, sous réserve qu'ils ne soient pas topographiquement intégrés à un établissement de production.
⚖️ Précisions du CE. Les surfaces de stationnement s'entendent des seules aires, couvertes ou non, destinées au stationnement des véhicules, à l'exclusion des dépendances immédiates et indissociables de celles-ci, telles les voies de circulation internes desservant les emplacements de stationnement :
👉 des aires de dépôt de bus destinées au remisage, en dehors des horaires de service, des bus exploités commercialement par la société contribuable et, le cas échéant, à leur immobilisation aux fins d'entretien ou de réparation ne contribuent pas directement à l'activité déployée dans les locaux de bureaux auxquels ils sont attenants ; ces aires ne peuvent donc être regardées comme des surfaces de stationnement annexées à un local ;
👉 les places de stationnement réservées aux chauffeurs de bus accueillent les véhicules personnels de ces derniers durant les heures de service des bus ; elles ne contribuent donc pas davantage de manière directe à l'activité déployée dans les locaux de bureaux auxquelles elles sont attenantes, nonobstant la circonstance alléguée par l'administration que les chauffeurs de bus auraient accès à ces locaux pour bénéficier d'un vestiaire et de services annexes ou pour les besoins des services gestionnaires ;
👉 les voies de circulation attenantes aux surfaces de stationnement ne sont pas situées dans le champ d'application de la taxe.
C'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement perçue en Île-de-France auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014.
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Réf. : CJUE, 6 octobre 2021, aff. C- 717/19, Boehringer Ingelheim RCV GmbH & Co. KG Magyarországi Fióktelepe (N° Lexbase : A9492483)
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N9285BYK
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par Marie-Claire Sgarra
Le 09 Novembre 2021
► La législation européenne, applicable en matière de TVA, s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit qu’une entreprise pharmaceutique ne peut déduire de sa base d’imposition à la TVA ajoutée la partie de son chiffre d’affaires provenant de la vente de médicaments subventionnés par l’organisme d’assurance maladie étatique qu’elle reverse à cet organisme, en vertu d’un contrat conclu entre ce dernier et cette entreprise, au motif que les montants versés à ce titre n’ont pas été déterminés sur la base des modalités préalablement fixées par ladite entreprise dans le cadre de sa politique commerciale et que ces versements n’ont pas été effectués dans un but promotionnel ;
► Elle s’oppose également à une réglementation nationale qui subordonne la réduction a posteriori de la base d’imposition à la TVA à la condition que l’assujetti ayant droit au remboursement dispose d’une facture à son nom établissant l’exécution de la transaction donnant lieu audit remboursement, même lorsqu’une telle facture n’a pas été émise et que l’exécution de cette transaction peut être établie par d’autres moyens.
Les faits :
🖊️ Sur la première question préjudicielle : Faut-il interpréter l’article 90, paragraphe 1, de la Directive [TVA] en ce sens que cette disposition s’oppose à une réglementation nationale telle qu’applicable dans l’affaire au principal, en vertu de laquelle une entreprise pharmaceutique qui, en vertu d’une convention dont la conclusion est facultative, reverse à l’organisme d’assurance maladie étatique une partie de son chiffre d’affaires provenant de ses ventes de produits pharmaceutiques et, partant, ne reçoit pas la totalité de la contrepartie de ces produits, n’a pas droit à une réduction ultérieure de sa base d’imposition à la TVA au seul motif que ces versements n’obéissent pas à des modalités fixées à l’avance par cette entreprise dans le cadre de sa politique commerciale et à l’objectif principal de promouvoir les ventes ?
⚖️ La CJUE a déjà eu l’occasion de juger que la Directive TVA (N° Lexbase : L7664HTZ) doit être interprétée en ce sens que la remise accordée, en vertu d’une loi nationale, par une entreprise pharmaceutique à une entreprise d’assurance maladie privée entraîne une réduction de la base d’imposition en faveur de cette entreprise pharmaceutique, lorsque des livraisons de produits pharmaceutiques sont effectuées par l’intermédiaire de grossistes à des pharmacies qui effectuent ces livraisons à des personnes couvertes par une assurance-maladie privée, laquelle rembourse à ses assurés le prix d’achat des produits pharmaceutiques (CJUE, 20 décembre 2017, aff. C‑462/16, Boehringer Ingelheim Pharma GmbH & Co. KG N° Lexbase : A2534W8D).
👉 Une partie de la contrepartie obtenue à la suite de la vente des médicaments par l’entreprise pharmaceutique n’ayant pas été perçue par celle-ci en raison de la contribution qu’elle verse à l’organisme d’assurance maladie étatique, lequel reverse aux pharmacies une partie du prix de ces médicaments, il y a lieu de considérer que le prix de ces derniers a été réduit après le moment où s’est effectuée l’opération.
👉 Les conditions de la réduction a posteriori de la base d’imposition prévues par la législation nationale, en vertu desquelles les versements, qui donnent droit à une telle réduction, doivent être déterminés sur la base des modalités préalablement fixées par cette entreprise dans le cadre de sa politique commerciale et effectués dans un but promotionnel, auraient pour conséquence de priver toutes les entreprises pharmaceutiques, ayant conclu des conventions de prise en charge avec l’organisme d’assurance maladie étatique, de la possibilité de réduire leur base d’imposition à la TVA a posteriori, au titre des contributions versées à cet organisme, alors même qu’il y a effectivement eu une réduction de prix après le moment où s’était effectuée l’opération de la Directive TVA.
👉 Lesdites conditions ne sauraient donc être considérées comme relevant de la marge d’appréciation dont disposent les États membres en vertu de cette disposition.
🖊️ Sur la deuxième question préjudicielle : En cas de réponse affirmative à la première question, faut-il interpréter l’article 273 de la Directive [TVA] en ce sens que cette disposition s’oppose à une réglementation nationale telle qu’applicable dans l’affaire au principal, qui subordonne la réduction a posteriori de la base d’imposition à la condition que l’assujetti ayant droit au remboursement dispose d’une facture à son nom établissant la réalisation de l’opération ouvrant droit à remboursement, dans le cas où il existe d’autres documents témoignant de manière appropriée de l’opération permettant une réduction a posteriori de la base d’imposition, que cette opération repose sur des données vérifiables a posteriori, pour partie publiques et officielles, et qu’elle permet d’assurer l’exacte perception de la TVA ?
Rappelons qu’en cas de réduction de prix après le moment où s’effectue l’opération il est prévu que la base d’imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres.
Ici, la société ne dispose pas de factures portant sur les versements qu’elle a effectués au bénéfice de l’organisme d’assurance maladie étatique, ce dernier n’ayant émis que des demandes de paiement.
👉 Dans une telle hypothèse, les principes de neutralité de la TVA et de proportionnalité exigent que l’État membre concerné permette à l’assujetti d’établir, par d’autres moyens, devant les autorités fiscales nationales, que l’opération donnant droit à la réduction de la base d’imposition a effectivement été réalisée.
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Réf. : CJUE, 21 octobre 2021, aff. C-373/19, Finanzamt München Abteilung III (N° Lexbase : A54787A7)
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N9288BYN
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par Marie-Claire Sgarra
Le 05 Novembre 2021
► La notion d’« enseignement scolaire ou universitaire », au sens de la Directive TVA (N° Lexbase : L7664HTZ), doit être interprétée en ce sens qu’elle ne recouvre pas l’enseignement de la natation dispensé par une école de natation.
Les faits. Une société exploite une école de natation sous la forme d’une société civile de droit commun ; dans le cadre de son activité, elle dispense des cours de niveaux différents portant sur l’apprentissage des bases et des techniques de la natation et considère que ces prestations doivent être exonérées de la TVA.
🖊️ Question préjudicielle. L’enseignement de la natation relève-t-il également de la notion d’enseignement scolaire ou universitaire au sens de la Directive TVA ?
⚖️ Plusieurs réponses apportées par les jurisprudences antérieures :
⚖️ Solution de la CJUE. Par cette notion, le législateur de l’Union a entendu viser un certain type de système d’enseignement qui est commun à l’ensemble des États membres, indépendamment des caractéristiques propres à chaque système national.
La juridiction de renvoi souligne qu’il existe un intérêt général caractérisé à l’enseignement de la natation.
Toutefois, la Cour précise que si l’enseignement de la natation dispensé par une école de natation, tel que celui en cause au principal, revêt une importance certaine et poursuit un objectif d’intérêt général, il n’en constitue pas moins un enseignement spécialisé et dispensé de manière ponctuelle, qui n’équivaut pas, à lui seul, à la transmission de connaissances et de compétences portant sur un ensemble large et diversifié de matières, ainsi qu’à leur approfondissement et à leur développement, qui est caractéristique de l’enseignement scolaire ou universitaire.
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