Lexbase Affaires n°442 du 5 novembre 2015

Lexbase Affaires - Édition n°442

Bancaire

[Jurisprudence] L'indivisibilité conventionnelle des contrats de prêt et de vente

Réf. : Cass. civ. 1, 10 septembre 2015, deux arrêts, n° 14-13.658, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8672NNI) et n° 14-17.772, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8673NNK)

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par Alexandre Bordenave, Avocat au barreau des Hauts-de-Seine, chargé d'enseignement à l'ENS Cachan

Le 05 Novembre 2015

Face à l'effet relatif des conventions, la doctrine s'est efforcée d'élaborer une théorie des groupes de contrats (1). Ces derniers se caractérisent soit par une "identité d'objet" (2), on parle alors de chaînes de contrats ; soit par la poursuite d'un objectif commun (3) : il s'agit dans ce dernier cas d'un ensemble contractuel. Dans deux arrêts rendus le 10 septembre 2015 par sa première chambre civile, la Cour de cassation remet cette notion à l'honneur en en tirant toutes les conséquences.
Les faits des deux espèces sont fort proches, et l'on oserait dire assez banals : un prêt avait été conclu pour assurer le financement d'un équipement, dans un cas un toit photovoltaïque, dans l'autre une éolienne. Lorsque le contrat de vente de l'équipement se trouva résolu, se posa la question de la résolution du contrat prêt corrélatif : les deux cours d'appel (4) saisies se prononcèrent en faveur de la résolution, constatant que l'affectation du prêt à la vente liait nécessairement leurs sorts. Les prêteurs se pourvurent en cassation et la Haute juridiction dut alors trancher la problématique suivante : s'agissant d'un prêt affecté à l'achat d'un équipement, la résolution du contrat de vente de cet équipement emporte-t-elle résolution du contrat du prêt ayant été conclu pour financer ladite acquisition ?
La première chambre civile rejeta les deux pourvois en répondant par l'affirmative à cette question, au nom d'une indivisibilité conventionnelle entre le contrat de prêt et le contrat de vente. Cette solution, dégagée sans qu'aucune condition résolutoire n'ait été stipulée par les parties, ne doit guère surprendre à l'aune de la théorie des ensembles contractuels. Nous tâcherons d'en dégager le fondement (I), avant d'en apprécier la portée au regard de certaines pratiques contractuelles (II).

I - Le fondement de l'indivisibilité conventionnelle entre le contrat de prêt affecté et le contrat de vente

Dans chacune des espèces commentées, le caractère "affecté" du prêt fut le critère déterminant des décisions judiciaires. Pour cette raison, ces dernières cousinent avec une solution connue en droit de la consommation (A), même si leur fondement relève au moins implicitement d'une mise en jeu du concept de cause (B).

A - Une solution inspirée du droit de la consommation

Le Code de la consommation est familier de la notion de crédit affecté, à laquelle il consacre ses articles L. 311-30 (N° Lexbase : L9543IME) et suivants. Le crédit affecté est, selon l'article L. 311-1, 9°, de ce code (N° Lexbase : L6640IMU), le "crédit servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers. La même disposition poursuit en ajoutant que le crédit et le contrat que le crédit finance "constituent une opération commerciale unique". De cette affectation, l'article L. 311-32 du Code de la consommation (N° Lexbase : L9540IMB) tire une conséquence importante : le contrat de crédit affecté "est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé".

Au cas présent, les crédits étaient indubitablement des crédits affectés, puisque destinés au financement d'un équipement précis. Par ailleurs, l'arrêt relatif au toit photovoltaïque implique un vendeur ayant renseigné lui-même l'offre de crédit et reçu directement les fonds empruntés de la part du prêteur : la proximité avec l'"opération commerciale unique" mentionnée par l'article L. 311-1, 9°, précité est frappante !

Pourtant, du fait leurs montants respectifs (5), et à défaut d'une stipulation contractuelle les y soumettant volontairement, aucun des crédits en cause ne relevait des dispositions du Code de la consommation. Ce n'est donc pas de ce chef que les arrêts d'appel ont été rendus et les pourvois rejetés par la Cour de cassation. Il n'en demeure pas moins qu'il est difficilement contestable que les magistrats ont pu être influencés par la règle prévue par l'article L. 311-32 du Code de la consommation et ont pu vouloir l'étendre à d'autres cas d'affectation conventionnelle.

B - Une solution implicitement fondée sur la notion de cause

Au demeurant, force est de constater que les arrêts du 10 septembre 2015 creusent un sillon jurisprudentiel existant. Ainsi, avant même que le législateur ne lie, en droit de la consommation, le sort du contrat de crédit et celui dont l'objet est financé par le crédit, la jurisprudence avait retenu, dans un célèbre arrêt du 1er juillet 1997, que les parties pouvaient conventionnellement rendre indivisibles un contrat de vente et un contrat de prêt, de sorte que l'annulation du premier entraîne la caducité du second (6). De même, dans un domaine similaire, celui de la location financière, les arrêts rendus le 17 mai 2013 en Chambre mixte avaient posé un principe selon lequel "les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants" et que "sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance" (7).

Si ces solutions peuvent tantôt susciter l'émoi tantôt remporter un satisfecit, un semblant de consensus se dégage pour admettre que leur fondement juridique est paré d'une évidente ambiguïté. Pour preuve de cette ambivalence, on tient, pour ce qui nous occupe ici, que les décisions commentées sont rendues l'une sous le visa de l'article 1218 du Code civil (N° Lexbase : L1320ABI) relative à l'indivisibilité de l'obligation (et non du contrat) (8) et l'autre sans visa mais avec une référence à l'adage accessorium sequitur principale au nom du caractère "accessoire" du contrat de crédit (9). Reconnaissons que l'on a déjà vu plus convaincant !

Ce flou semble la résultante d'une part de non-dit dans les deux arrêts de la première chambre civile que nous commentons, part qui attrait au recours implicite à une notion aujourd'hui promise à une certaine désuétude : la cause. En effet, au nom de la théorie des ensembles contractuels, il peut bien y avoir lieu de considérer que le contrat de vente est susceptible de constituer à la fois la cause objective du contrat de prêt, parce que celui-ci lui est affecté conventionnellement, et sa cause subjective, dès lors qu'elle entre dans le champ contractuel par la connaissance que le prêteur a de l'opération globale (10). La disparition rétroactive de cette cause, par exemple en cas d'annulation de la vente, peut constituer une cause de nullité de ce dernier si elle vient à disparaître rétroactivement (11). L'arrêt susmentionné du 1er juillet 1997 paraissait aller en ce sens. Vraisemblablement pour éviter d'alimenter par la controverse une notion elle-même âprement controversée, tout comme peut-être certaines des conséquences extrêmes de la nullité (en lui préférant une résolution ou une caducité plus douces), la voie retenue par la Cour de cassation consista cette fois à ne pas rééditer cette approche, ce que nous mettrons au crédit de sa sagesse.

Au final, s'il n'est pas déraisonnable de voir dans la notion de cause subjective le fondement profond des arrêts du 10 septembre 2015, celle-ci ne fait que hanter de sa présence spectrale l'indivisibilité conventionnelle entre un contrat de prêt et un contrat de vente que semble reconnaître la Cour de cassation plus aisément que jamais, aucune stipulation expresse ou action de concert entre le vendeur et le prêteur n'étant exigée (12).

Tâchons dorénavant de saisir l'impact de ces jurisprudences importantes, notamment en gardant à l'esprit l'enjeu qu'elles représentent potentiellement pour le prêteur.

II - La portée pratique de l'indivisibilité conventionnelle entre un contrat de prêt et un contrat sous-jacent (13)

Compte tenu de certains standards de marché, la tentation est grande de relativiser la portée des jurisprudences qui nous retiennent ici (A). Néanmoins, les conséquences qu'elles emportent sont subtilement différentes de celles des clauses généralement employées, ce qu'un prêteur avisé ne devrait pas ignorer (B).

A - Les clauses liant le sort du contrat de prêt et du contrat sous-jacent

Au moins dans certains financements de montants notables ou suffisamment structurés, il est conventionnellement très usuel de lier "intimement" (14) le contrat de prêt et le contrat sous-jacent. En ce sens, deux voies sont généralement empruntées :

- la plus usitée est celle de la clause de cas de défaut, autrement dit de déchéance du terme, qui stipule que, entre autres événements, si le contrat sous-jacent est annulé ou résolu (15), les sommes empruntées deviennent immédiatement exigibles ;

- celle, plus rare, de la clause de remboursement anticipé obligatoire qui stipule que si le contrat sous-jacent est annulé ou résolu, tout ou partie des sommes empruntées est remboursable par anticipation. Cette technique peut être employée s'agissant d'un prêt à objets multiples (16) pour n'appliquer le remboursement anticipé qu'à la quote-part correspondant au contrat sous-jacent devenu caduc.

De telles clauses aboutissent à un effet proche de celui qu'a la nullité, la résolution ou la caducité d'un contrat de contrat sous-jacent sur le contrat de crédit qualifié d'indivisible avec lui. En effet, elles gravent dans le marbre contractuel une véritable indivisibilité objective entre les deux actes et aboutissent à mettre à la charge de l'emprunteur une obligation de remboursement immédiat dès lors que le contrat sous-jacent est affecté par un événement tel que sa nullité, sa résolution ou sa caducité.

B - La rudesse pour le prêteur du régime d'indivisibilité

Much ado about nothing ? Certainement pas ! Car le régime que charrie l'indivisibilité conventionnelle est d'une souplesse très limitée pour le prêteur, pour au moins deux raisons :

- en premier lieu, l'indivisibilité conventionnelle devrait, par construction, avoir un effet mécanique sur le contrat de prêt : si le contrat sous-jacent est résolu, le contrat de prêt est nécessairement résolu lui aussi. En matière de clause de remboursement anticipé obligatoire ou de cas de défaut, cette décision revient au prêteur. Les deux situations sont donc très différentes, la première privant le prêteur de l'opportunité stratégique d'exciper ou non de ses prérogatives contractuelles ;

- en second lieu, l'arrêt portant le numéro de pourvoi 14-17.772 l'illustre, l'indivisibilité conventionnelle paraît emporter une obligation pour le prêteur de s'assurer de la bonne exécution du contrat sous-jacent, obligation qui ne peut être exécutée en se contentant de la remise d'attestations sommaires ou équivoques. A défaut, sa responsabilité contractuelle peut se trouver mise en jeu. Plus que jamais, il conviendra donc pour les prêteurs de se montrer particulièrement vigilants, pour de ne pas dire curieux, quant aux opérations financées par les crédits qu'ils fournissent. Cela continuera de plaider pour la remise de documents toujours plus nombreux (jusqu'au contrat sous-jacent lui-même) et précis à titre de conditions préalables à la signature du contrat de crédit.

On ne peut donc conclure trop rapidement à l'équivalence entre le régime échafaudé dans les prétoires et celui qui fait figure de standard de marché. Devant la probable impossibilité (et le caractère inopportun) de diviser le contrat de prêt et le contrat sous-jacent dans bon nombre de cas, il faut que le prêteur soit prêt à faire face, pour des raisons qui lui sont largement (pour ne pas dire exclusivement), exogènes, à la caducité du contrat de prêt pouvant le contraindre de facto à un impossible retour au statu quo ante (17).

Appelant à une prise de conscience pratique, les arrêts rendus par la première chambre civile le 10 septembre 2015 font résonner un bon sens qui devrait susciter l'adhésion si ce n'était la délicatesse de leur fondement. Cette situation juridique bancale devrait se régler avec l'adoption de la réforme du droit des obligations qui verra émerger dans le Code civil un article 1186 disposant, en son alinéa 2, qu'un contrat est caduc "lorsque des contrats ont été conclus en vue d'une opération d'ensemble et que la disparition de l'un d'eux rend impossible ou sans intérêt l'exécution d'un autre". Caducité n'est ni nullité, ni résolution, mais la position de la Cour de cassation que nous avons étudiée trouvera enfin un fondement clair : au moins une raison de se satisfaire du tremblement de terre juridique qui se profile fatalement à l'horizon...


(1) On relira, en particulier, B. Teyssié, Les groupes de contrats, LGDJ, 1975.
(2) B. Teyssié, op. cit., n° 69 et s..
(3) Idem, n° 274 et s..
(4) CA Aix-en-Provence, 26 novembre 2013, n° 11/20770 (N° Lexbase : A1683KQE) pour le pourvoi n° 14-13.658 et CA Paris, Pôle 2, 2ème ch., 28 février 2014, n° 12/22661 (N° Lexbase : A0743MGM) pour le pourvoi n° 14-17.772.
(5) Dans chaque cas supérieur à 21 500 euro qui était, au moment des faits, le plafond au-delà duquel les dispositions relatives au crédit à la consommation ne s'appliquent plus. Ce montant a été porté à 75 000 euros (C. consom., art. L. 311-3 N° Lexbase : L7830IZZ) par la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 (N° Lexbase : L6505IMU).
(6) Cass. civ. 1, 1er juillet 1997, n° 95-15.642 (N° Lexbase : A0519AC9), D., 1998, 32, note. L. Aynès.
(7) Cass. mixte, 17 mai 2013, deux arrêts, n° 11-22.768, P+B+R+I (N° Lexbase : A4414KDT) et n° 11-22.927, P+B+R+I (N° Lexbase : A4415KDU) ; D. Bakouche, Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants, Lexbase Hebdo n° 533 du 27 juin 2013 - édition privée (N° Lexbase : N7670BTA).
(8) Fondement qui n'avait pas été retenu par la cour d'appel, laquelle semblant avoir tranché au nom du fourre-tout de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC).
(9) Comprenez : conclu uniquement parce qu'une vente avait lieu.
(10) Lorsque, comme c'était le cas dans les arrêts de septembre 2015, il verse directement les fonds au vendeur ou exige une attestation de réalisation de la vente.
(11) Par exemple, comme c'était ici le cas, si les contrats de vente sont résolus.
(12) A la faveur d'un objectivisme qui n'est pas sans rappeler les arrêts de mai 2013 (préc. note 7).
(13) Nous employons à dessein cette expression vague pour attirer l'attention du lecteur sur le fait que, en pratique, le contrat auquel le prêt est affecté peut être de natures et d'objets très divers : acquisition d'actions de société, acquisition d'un immeuble, partenariat public-privé...
(14) Pour reprendre un terme utilisé dans l'arrêt du 1er juillet 1997 (préc. note 6).
(15) Pour être plus complet, une telle clause a généralement un objet qui dépasse le seul contrat sous-jacent : elle stipule les mêmes effets s'agissant de la nullité ou la résolution de tout contrat (contrat inter-créancier, sûretés...) participant à l'opération globale que finance le prêt. Notre propos est généralisable à ce cas.
(16) Par exemple, plusieurs acquisitions immobilières.
(17) Par exemple lorsque l'emprunteur fait l'objet d'une liquidation judiciaire, ce qui était le cas dans les arrêts du 10 septembre 2015.

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Bancaire

[Brèves] Blanchiment : abaissement du seuil de vérification d'identité des clients occasionnels des changeurs manuels

Réf. : Décret n° 2015-1338 du 22 octobre 2015, modifiant le seuil de prise d'identité du client occasionnel des changeurs manuels (N° Lexbase : L0286KNW)

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N9748BUL

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Le 12 Novembre 2015

Un décret, publié au Journal officiel du 24 octobre 2015 (décret n° 2015-1338 du 22 octobre 2015, modifiant le seuil de prise d'identité du client occasionnel des changeurs manuels N° Lexbase : L0286KNW), abaisse le seuil de prise d'identité du client occasionnel des changeurs manuels. L'article R. 561-10 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L0743KNT) impose aux changeurs manuels de vérifier l'identité de leurs clients occasionnels pour les opérations supérieures à 8 000 euros. Dans le cadre des mesures visant à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme, le présent décret fixe un seuil de 1 000 euros au-delà duquel la prise d'identité est rendue obligatoire pour les opérations de change manuel. Le texte entrera en vigueur le 1er janvier 2016 (cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E5059ERS).

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Bancaire

[Brèves] Interdépendance du contrat de crédit affecté et du contrat de vente : absence de mention du paiement du prix à l'aide d'un crédit à amortissement différé dans le contrat principal

Réf. : Cass. civ. 1, 28 octobre 2015, n° 14-11.498, FS-P+B (N° Lexbase : A5316NUG)

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N9742BUD

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Le 10 Novembre 2015

Dès lors que le contrat de crédit affecté et le contrat de vente ou de prestation de services qu'il finance sont interdépendants, la mention, dans le second, que le prix sera payé à l'aide d'un crédit à amortissement différé, supplée le silence du premier quant à cette modalité de remboursement. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 28 octobre 2015 par la première chambre de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 28 octobre 2015, n° 14-11.498, FS-P+B N° Lexbase : A5316NUG). En l'espèce, le 8 juin 2009, M. X a accepté une offre de crédit accessoire à la vente et l'installation de matériel photovoltaïque, émise par une banque, d'un montant de 21 400 euros, remboursable par mensualités progressives. Après lui avoir notifié la déchéance du terme pour défaut de règlement des échéances, la banque l'a assigné en paiement par acte du 2 avril 2012. L'emprunteur a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt d'appel qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion biennale et qui l'a condamné au paiement (CA Nîmes, 14 novembre 2013, n° 12/05654 N° Lexbase : A4702KPT). En effet, selon le demandeur au pourvoi, en retenant, pour déclarer recevable comme non forclose l'action en paiement intentée le 2 avril 2012 par la banque à l'encontre de celui-ci au titre du contrat de crédit affecté conclu le 8 juin 2009, l'existence d'un différé de remboursement des échéances de ce prêt pendant onze mois en se fondant sur des éléments extrinsèques à ce contrat, quand elle relevait que les parties n'avaient pas coché, dans le corps de cet acte, la case relative à cette période de différé, ce dont il résultait qu'elles avaient écarté tout différé de remboursement, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC). Enonçant le principe précité, la Cour régulatrice rejette le pourvoir. En effet, l'arrêt d'appel a relevé que, bien que ni les conditions particulières, ni les conditions générales de l'offre préalable de crédit accessoire à la vente du toit photovoltaïque signée par l'emprunteur n'en mentionnent l'existence, le contrat de vente comporte l'indication expresse des modalités de financement et stipule un report de paiement de onze mois. Ainsi, pour la Haute juridiction, c'est sans méconnaître la loi des parties, et par une interprétation que l'ambiguïté des clauses de cet ensemble contractuel rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que le délai de forclusion n'avait pu commencer à courir avant le premier incident de paiement non régularisé ayant suivi la période de différé d'amortissement, ce dont elle a pu déduire qu'était recevable l'action en paiement introduite par la banque moins de deux ans plus tard .

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Bancaire

[Brèves] Computation du délai biennal de forclusion : absence d'effet du report d'échéances impayées à l'initiative du prêteur

Réf. : Cass. civ. 1, 28 octobre 2015, n° 14-23.267, FS-P+B (N° Lexbase : A5318NUI)

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N9743BUE

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Le 07 Novembre 2015

Le délai biennal prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation (N° Lexbase : L9548IML), dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 (N° Lexbase : L6505IMU), qui n'est susceptible ni d'interruption, ni de suspension, court à compter du premier incident de paiement non régularisé, compte tenu des règles d'imputation des paiements énoncées aux articles 1253 (N° Lexbase : L1370ABD) et suivants du Code civil ; le report d'échéances impayées à l'initiative du prêteur est sans effet sur la computation de ce délai. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 28 novembre 2015 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 28 octobre 2015, n° 14-23.267, FS-P+B N° Lexbase : A5318NUI ; sur le principe du report du point de départ du délai de forclusion, au premier incident non régularisé suivant le premier réaménagement ou rééchelonnement, cf. par ex., Cass. civ. 1, 22 avril 1992, n° 90-14.664 N° Lexbase : A5247AHS). Pour déclarer recevable l'action en paiement d'une banque contre des emprunteurs, l'arrêt d'appel (CA Grenoble, 13 janvier 2014, n° 11/05048 N° Lexbase : A5184KT8) retient, après étude du détail de la créance et du tableau d'amortissement, et au regard du montant des mensualités qu'à la date du 8 mars 2010, un peu plus de dix-huit échéances demeuraient impayées et en déduit que la banque a assigné (le 7 mai 2010) les emprunteurs avant l'expiration du délai biennal qui avait commencé à courir le 1er octobre 2008. Mais énonçant le principe précité, la Cour de cassation censure sur ce point l'arrêt d'appel au visa de l'article L. 311-37 du Code de la consommation : en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, quelle était la date du premier incident de paiement non régularisé, abstraction faite des annulations de retard unilatéralement opérées par la banque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. En outre, pour condamner les emprunteurs à payer la totalité des sommes réclamées par la banque, l'arrêt d'appel a retenu que celle-ci justifie de mises en demeure à eux adressées le 4 décembre 2009 leur enjoignant "de régler sous huitaine la somme de 12 296,05 euros sous peine de saisine du tribunal compétent pour condamnation à paiement de la créance" et qu'ainsi, elle a régulièrement prononcé la déchéance du terme et en a informé les emprunteurs. La Haute juridiction censure également l'arrêt d'appel sur ce point, au visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) : en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si ces lettres permettaient, au regard des exigences des conditions générales du prêt, de tenir pour acquise la déchéance du terme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale (cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E9065AGT).

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Baux commerciaux

[Brèves] Sur la promesse de cession de droit au bail sous condition suspensive de conclusion d'un nouveau bail

Réf. : Cass. civ. 3, 22 octobre 2015, n° 14-20.096, FS-P+B (N° Lexbase : A0269NUI)

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N9731BUX

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Le 05 Novembre 2015

La clause d'une promesse de cession de droit au bail subordonnée à la signature d'un nouveau bail prévoit une condition portant sur un élément essentiel à la formation du contrat devant être réputée non écrite. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2015 (Cass. civ. 3, 22 octobre 2015, n° 14-20.096, FS-P+B N° Lexbase : A0269NUI). En l'espèce, le titulaire d'un bail commercial s'était engagé à le céder, sous diverses conditions suspensives, dont la signature d'un nouveau bail commercial, devant être réalisées le 15 septembre 2012. Des pourparlers entre la société propriétaire et le candidat cessionnaire se sont prolongés au-delà de cette date. Invité à signer l'acte de cession le 15 janvier 2013, le cessionnaire potentiel ne s'était pas présenté en invoquant la caducité du compromis. Le locataire l'a alors assigné aux fins de voir déclarer la vente parfaite et de le voir condamné au paiement de diverses sommes. Cette demande a été rejetée par les juges du fond au motif que le juge n'a pas le droit de modifier la loi des parties en appréciant la cohérence des contrats et en procédant à leur réfaction par des considérations propres et qu'il n'y a pas lieu de déclarer non écrite la clause subordonnant la cession de bail à la signature d'un nouveau bail (CA Nîmes, 24 avril 2014, n° 13/01081 N° Lexbase : A4982MKQ). Le locataire s'est pourvu en cassation. La Cour de cassation a censuré la décision des juges du fond, au visa de l'article 1168 du Code civil (N° Lexbase : L1270ABN), au motif que la clause qui prévoit une condition portant sur un élément essentiel à la formation du contrat doit être réputée non écrite (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E6805AER).

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Baux commerciaux

[Brèves] Article L. 631-7 du Code de la construction et étendue de la garantie du notaire rédacteur d'acte

Réf. : Cass. civ. 1, 28 octobre 2015, n° 14-17.518, F-P+B (N° Lexbase : A5235NUG)

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Le 06 Novembre 2015

La restitution du dépôt de garantie consécutive à la nullité d'un bail commercial ne constituant pas en soi un préjudice indemnisable, le notaire, garant subsidiaire de la restitution envers la seule partie qui en est créancière, en cas de défaillance avérée de celle qui en est débitrice, ne peut être condamné à en garantir le bailleur, celui-ci fût-il insolvable. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 28 octobre 2015 (Cass. civ. 1, 28 octobre 2015, n° 14-17.518, F-P+B N° Lexbase : A5235NUG). En l'espèce, le cessionnaire du droit au bail portant sur un local à usage mixte, exerçant une activité de parfumeur, s'est vu consentir par le propriétaire un nouveau bail, exclusivement commercial, suivant acte authentique reçu le 4 mars 2008. Le 16 février 2011, le cessionnaire, soutenant que cet acte contrevenait aux prescriptions d'ordre public de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L8996IZ9), dès lors que le changement d'affectation conventionnel des locaux d'habitation n'avait pas été précédé d'une autorisation administrative, a assigné en nullité le bailleur, qui a appelé le notaire en garantie. Les juges du fond ont prononcé la nullité du bail notarié par application de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation (CA Douai, 29 novembre 2012, n° 11/06698 N° Lexbase : A8546IXS). Le bailleur a été condamné à restituer au locataire une certaine somme au titre du dépôt de garantie versé en exécution de ce bail. Le notaire, condamné à garantir le bailleur de l'ensemble des condamnations consécutives à cette annulation, s'est pourvu en cassation. La Cour de cassation a censuré l'arrêt objet du pourvoi mais seulement en ce qu'il condamnait le notaire à garantir le bailleur de la condamnation au paiement du dépôt de garantie. La Haute cour précise, en effet, que la restitution du dépôt de garantie consécutive à la nullité d'un bail commercial ne constituant pas en soi un préjudice indemnisable, le notaire, garant subsidiaire de la restitution envers la seule partie qui en est créancière, en cas de défaillance avérée de celle qui en est débitrice, ne peut être condamné à en garantir le bailleur, celui-ci fût-il insolvable (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E9202CD8).

newsid:449805

Droit financier

[Brèves] Possibilité pour un fonds d'investissement d'octroyer des prêts : consultation de l'AMF

Réf. : AMF, communiqué de presse du 22 octobre 2015

Lecture: 1 min

N9745BUH

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Le 05 Novembre 2015

Selon un communiqué de presse du 22 octobre 2015, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a lancé, le même jour, une consultation publique sur la possibilité, pour des fonds d'investissement de droit français, de prêter directement à des entreprises. Les contributions des participants sont attendues d'ici le 4 décembre 2015. Le Règlement n° 2015/760 du 29 avril 2015, sur les fonds européens d'investissement de long terme (N° Lexbase : L6422I8D), autorise des fonds à consentir, sous certaines conditions, des prêts à des entreprises. Il entrera en application en décembre 2015. A cette occasion, l'AMF propose d'adapter la réglementation française afin de concilier innovation et cadre juridique sécurisé. Ainsi, pour limiter les risques systémiques, l'octroi de prêts est envisagé pour des fonds professionnels qui ne pourraient ni emprunter, ni consentir des prêts dont la durée dépasserait la vie du fonds. L'AMF propose de reprendre, notamment, des dispositions applicables aux entreprises d'assurance pour assurer une uniformité de traitement entre prêteurs. Les propositions soumises à consultation concernent :
- la société de gestion (organisation, moyens, expertise, agrément, etc.) ;
- le fonds (types de fonds autorisés à prêter, limitation de l'activité de ces fonds, etc.) ;
- le prêt (qualité des bénéficiaires, maturité des prêts, etc.).

newsid:449745

Concurrence

[Brèves] Pouvoir exclusif de la cour d'appel de Paris pour statuer sur les contredits formés contre les décisions rendues en matière de pratiques anticoncurrentielles

Réf. : Cass. com., 20 octobre 2015, n° 14-15.851, FS-P+B (N° Lexbase : A0196NUS)

Lecture: 2 min

N9740BUB

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Le 11 Novembre 2015

Les dispositions investissant la cour d'appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les contredits formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L1769KGM) sont une règle d'ordre public dont l'inobservation est sanctionnée par une fin de non-recevoir qui doit être relevée d'office par le juge. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 20 octobre 2015 (Cass. com., 20 octobre 2015, n° 14-15.851, FS-P+B N° Lexbase : A0196NUS ; cf. Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-10.016, F-P+B N° Lexbase : A0915NGY, selon lequel l'inobservation de la règle d'ordre public investissant la cour d'appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce est sanctionnée par une fin de non-recevoir que le juge doit relever d'office). En l'espèce, imputant à la société G. une rupture sans motif légitime du contrat de gérance-mandat qui les liait et, à titre subsidiaire, une rupture brutale des relations commerciales sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la société R. l'a, le 20 juin 2012, assignée devant le tribunal de commerce de Lille métropole. La compétence de cette juridiction ayant été contestée par la société G. au profit du tribunal de commerce d'Agen, désigné par la clause attributive de compétence stipulée dans le contrat, le tribunal de commerce de Lille métropole s'est déclaré compétent. La société G. a formé un contredit qui a été transmis à la cour d'appel de Douai. Cette dernière a rejeté le contredit, en retenant que la seule invocation de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, fût-ce à titre subsidiaire, commande l'application des règles d'ordre public dérogatoires de compétence territoriale des juridictions spécialisées désignant le tribunal de commerce de Lille métropole. Enonçant la solution précitée, la Cour régulatrice censure l'arrêt d'appel au visa des articles 125 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1421H4E), L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L9159IEX)

newsid:449740

Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Le préjudice personnel du dirigeant est distinct du préjudice subi par la collectivité des créanciers de la société

Réf. : Cass. com., 29 septembre 2015, n° 13-27.587, F-P+B (N° Lexbase : A5676NSZ)

Lecture: 5 min

N9806BUQ

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR (CRJFC, EA 3225), UFR SJEPG (Université de Franche-Comté)

Le 05 Novembre 2015

Le désaccord entre associés, tout spécialement lorsque ces derniers sont liés par un lien de parenté peut provoquer des situations irrémédiables ainsi que d'importantes conséquences juridiques et financières, tel que l'illustre l'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 29 septembre 2015 (1).
En l'espèce, l'associé d'une SARL détenteur de 99 % du capital social en est également le gérant. La société a été constituée en 1987. L'associé-gérant a engagé son frère en qualité de salarié. Puis en 1996, il a engagé un second salarié en qualité de chef de publicité. En mars 2010, l'associé minoritaire a démissionné puis a constitué une nouvelle société, immatriculée le 9 avril 2010. Il a été rejoint par le salarié qui a également démissionné à la même époque. S'estimant victimes d'actes de concurrence déloyale, l'associé-gérant de la première société a assigné la société concurrente en paiement de dommages-intérêts. Par jugement du 31 août 2010, la société s'estimant victime de cette concurrence déloyale a été placée en liquidation judiciaire. Par un premier jugement, le tribunal de grande instance a estimé qu'il n'y avait pas eu de concurrence déloyale de la part de la société concurrente. Le gérant de la société débitrice et le mandataire ont interjeté appel. Par un arrêt du 9 octobre 2013 (2), la cour d'appel a réformé le jugement considérant que l'ancien associé et l'ancien salarié avaient effectivement commis des actes de concurrence déloyale. Toutefois elle a retenu que l'implication de la société concurrente dans l'état de cessation des paiements de la société débitrice ne doit pas conduire à faire supporter les dettes nées antérieurement à la création de la première. Au final, la cour considère que la société débitrice a subi un préjudice au titre des commandes détournées la société concurrente. Elle y ajoute le préjudice subi par l'associé-gérant de la société débitrice et composé de l'intégralité du capital social qu'il a apporté et de la rémunération qu'il aurait pu percevoir si la liquidation judiciaire de la société n'avait pas été prononcée.
Sur le pourvoi rédigé par la société concurrente, la Cour de cassation censure les juges du fond sur le visa des articles L. 622-20 (N° Lexbase : L7288IZX) et L. 641-4 (N° Lexbase : L7328IZG) du Code de commerce ainsi que de l'article 31 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1169H43) pour ne pas avoir distingué entre la perte de l'associé, qui n'est qu'une fraction du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers, et la perte pour l'avenir des rémunérations qu'il aurai pu percevoir en tant que dirigeant social, celle-ci constituant un préjudice distinct et personnel. L'arrêt du 29 septembre 2015, qui se situe dans un courant jurisprudentiel récent, confirme la distinction entre les qualités d'associé et de dirigeant d'une société sous procédure collective, et tout spécialement en liquidation judiciaire (I). En outre, cette décision confirme la position de la Cour de cassation à propos de la différence de nature entre le préjudice subi par l'associé en raison de la perte de son investissement et le préjudice subi par la perte des rémunérations à venir en sa qualité de dirigeant social (II).

I - La nécessaire distinction de la qualité d'associé et de dirigeant

Consécutivement à certaines décisions rendues à propos des conditions d'éligibilité aux procédures collectives qui ont pu créer une certaine confusion entre les qualités d'associé et de dirigeant et plus spécialement de gérant (3), il faut distinguer la qualité d'associé, de celle de gérant, et plus globalement de dirigeant social. Il est vrai que les décisions rendues sur ce point concernent des formes de sociétés pour lesquelles les associés peuvent avoir tous la qualité de gérant (SNC) ou bien ne peuvent être choisis que parmi une certaine catégorie d'associés (4).

Le législateur n'a pas défini la notion d'associé. Toutefois, il peut être défini comme étant la personne physique ou morale qui est membre d'un groupement constitué sous forme de société et dont la participation est conditionnée par la réalisation d'un apport en contrepartie duquel il reçoit des droits sociaux (5). Après la constitution de la société, cette personne peut acquérir cette qualité par l'acquisition des droits sociaux à titre gratuit (transmission en vifs ou à cause de mort) ou à titre onéreux, notamment par une cession (6). Ainsi, par l'apport ou l'acquisition de droits sociaux, l'associé devient un créancier de la société (7), au titre de la valeur nominative des droits sociaux dont il est propriétaire. Il a vocation à en être remboursé lors de la dissolution de la société, sauf pour l'apporteur en industrie (8). Par conséquent, après le prononcé de la liquidation judiciaire de la société, en application de l'article 1844-7, 7° du Code civil (N° Lexbase : L7356IZH), dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 (N° Lexbase : L7194IZH), la société est dissoute. L'associé est alors créancier de la valeur de son apport, même s'il s'agit d'un créancier particulier, dispensé d'avoir à déclarer sa créance au passif de la procédure collective de la personne morale débitrice.

A l'opposé, le dirigeant de société n'est pas nécessairement et cumulativement un associé de la société qu'il dirige. Selon la forme de société, il existe ou non (9) une obligation légale (10) pour le dirigeant d'être associé de la société. Laissant de côté la controverse entre la théorie institutionnelle et la théorie conventionnelle de la société, il semble possible de considérer que le dirigeant de société est un mandataire social (11), chargé de représenter la société dans les conditions et selon les modalités prévues par le régime juridique applicable à chaque forme de société. Il est désigné et révoqué par les associés (12). Par ailleurs, il peut recevoir une rémunération pour ses fonctions de mandataires. En outre, il peut, lorsque la loi l'y autorise, cumuler un contrat de travail avec son mandat social.

Au titre de ce dernier, il est responsable des fautes qu'il a commises dans la gestion de la société (13) dont le droit des entreprises en difficulté prévoit une application particulière lorsqu'il apparaît que l'actif de la procédure collective ne permet pas de régler la totalité des créances : l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif (14). A l'occasion de la mise en oeuvre de cette responsabilité particulière, la Cour de cassation a rappelé formellement la différence entre l'associé et le dirigeant, dans la mesure où il n'est pas possible de reprocher une faute de gestion à l'associé, tout spécialement lors de la constitution de la société, contrairement au dirigeant de société (15). La distinction devant être opérée entre la qualification des fonctions dans la société entraîne des effets quant à la nature du préjudice subi par ces acteurs après la défaillance de la société.

II - La distinction de la nature du préjudice de l'associé et du dirigeant après la liquidation judiciaire de la société

L'arrêt du 29 septembre 2015, en censurant les juges du fond, rappelle les effets de la distinction des qualités d'associé et de dirigeant quant à la nature des préjudices subis par cette personne du fait du prononcé de la liquidation judiciaire de la société débitrice.

Ainsi, le préjudice subi par l'associé du fait de la défaillance et de l'insolvabilité de la société résulte du non-remboursement de son apport, qui constitue une créance. Cette solution n'est pas nouvelle. Elle a été énoncée sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW) (16) et rappelée dernièrement par un arrêt du 28 janvier 2014 (17) : la perte de valeurs des droits sociaux de l'associé de la société débitrice "ne constitue pas un dommage personnel distinct de celui subi collectivement par tous les créanciers du fait de l'amoindrissement ou de la disparition de ce patrimoine". Par conséquent, en l'absence de préjudice personnel de l'associé, ce dernier ne peut agir en responsabilité contre la société concurrente reconnue responsable des actes de concurrence déloyale. Pour cette raison, la Cour de cassation a rendu sa décision sur le visa notamment des articles L. 622-20 et L. 641-4 du Code de commerce, selon lesquels le mandataire de justice a seul qualité pour agir dans l'intérêt collectif des créanciers. L'associé n'a pas qualité pour agir en réparation du préjudice subi collectivement par l'ensemble des créanciers. Cette solution est traditionnelle (18). La réparation du préjudice subi par la société ne peut être demandée que par le mandataire judiciaire, et en l'espèce, le liquidateur.

Toutefois, l'associé fondateur a cumulativement la qualité de dirigeant. A ce titre il recevait une rémunération. La Cour de cassation a admis que le créancier ayant subi un préjudice personnel et distinct puisse agir seul contre un tiers après l'ouverture de la procédure collective de la société. Cependant, l'admission de la preuve d'un tel préjudice est difficile à rapporter tant la Haute cour est stricte en la matière (19). Récemment, elle l'a admis pour les salariés victimes d'un licenciement après la défaillance de la société-employeur en considérant que "l'action en réparation des préjudices invoqués par des salariés licenciés, étrangère à la protection et à la reconstitution du gage commun des créanciers, ne relève pas du monopole" du mandataire judiciaire (20). Dans l'arrêt rapporté du 29 septembre 2015, elle considère que "la perte pour l'avenir des rémunérations qu'il aurait pu recevoir en tant que dirigeant social" est un préjudice distinct et personnel à ce dernier. Un tel préjudice l'autorise à agir en réparation contre la société responsable des actes de concurrence déloyale à l'origine de la défaillance financière de la société dont il est le dirigeant social.

Au final la reconnaissance d'un préjudice personnel et distinct donne qualité à agir au dirigeant, créancier. A l'opposé, le rejet de cette qualification donne compétence exclusive au mandataire judiciaire d'agir dans l'intérêt collectif des créanciers afin de défendre le gage commun des créanciers de la procédure collective.


(1) Préjudice subi par le dirigeant associé d'une société en liquidation judiciaire du fait d'actes de concurrence déloyale, Lexbase Hebdo n° 439 du 8 octobre 2015 - édition affaires (N° Lexbase : N9331BU7).
(2) CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 9 octobre 2013, n° 11/18903 (N° Lexbase : A4417KMK).
(3) Cass. civ. 2, 5 décembre 2013, n° 11-28.092, F-P+B (N° Lexbase : A8437KQK), nos obs., Eligibilité des associés de sociétés de personnes aux procédures collectives, JCP éd. E 2014, 1207 ; JCP, éd. G, 2014, 96, note Ph. Roussel Galle ; JCP éd. E, 1173, n° 1, obs. Ph. Pétel ; Act. proc. coll. 2014, n° 20, obs. N. Borga, Dr. sociétés, 2014, comm. 89, note J.-P. Legros ; Rev. proc. coll., 2014, comm. 42, obs. Gjidara-Decaix ; D., 2013, Actu. 2911, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés, 2014, p. 199, obs. L.-C. Henry et p. 443 note A. Quiquerez ; LEDEN, janvier 2014, p. 2, obs. I. Parachkévova ; LPA, 5 février 2014, note Nemoz-Rajot ; RLDA, février 2014. 16, obs. H. Guyader ; Bull. Joly Sociétés, 2014, p. 184, note F.-X. Lucas ; Bull. Joly entr. diff., 2014, p. 78, note J.-P. Sortais, V. Téchené, Possibilité d'ouvrir une procédure collective à l'encontre d'un associé de SNC, Lexbase Hebdo n° 365 du 16 janvier 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N0224BUT). Cf. également, Cass. com., 4 novembre 2014, n° 13-20.711, F-D (N° Lexbase : A9251MZN), Bull. Joly entrp. diff., 2015, p.13 note A. Cerati-Gautier ; Bull. Joly Sociétés, 2015, p. 26,note B. Brignon, RD rur. 2015, comm. 41.
(4) Le gérant doit être a choisi par les "associés exploitants" selon l'article L. 324-8, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L5736IME), c'est-à-dire une personne physique qui participe à la réalisation de l'objet social, une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du même code N° Lexbase : L4457I4T).
(5) A. Viandier, La notion d'associé, LGDJ, 1978 ; nos obs., L'obligation aux dettes sociales des associés en cas de défaillance de la société, Mel. D. Tricot, Dalloz-Litec, 2011, p. 487.
(6) M. Cozian, A. Viandier, Fl. Deboissy, Droit des sociétés, 28ème éd., LexisNexis, 2015, n° 339 et s..
(7) M. A. Rakotovahiny, La contrepartie des apports, Jour. Sociétés, août 2013, p. 56.
(8) D. Gibirila, Droit des sociétés, 5ème éd., Ellipses 2015, spéc. n° 305 ; M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, préc., n° 512.
(9) Absence d'obligation légale de cumul pour les SNC, SARL, SAS et les SA notamment
(10) Notamment pour les sociétés agricoles d'exploitation à forme spéciale, les sociétés ayant pour objet social la réalisation d'une activité libérale à l'exception de la SAS.
(11) C. civ., art 1984 (N° Lexbase : L2207ABD) et s..
(12) M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, préc. n° 280.
(13) C. civ., art 1992 (N° Lexbase : L2215ABN).
(14) C. com., art L. 651-1 (N° Lexbase : L8962INA) et s..
(15) Cass. com., 10 mars 2015, n° 12-15.505, FS-P+B (N° Lexbase : A3151ND3), JCP éd. E, 2015, 1261, note B. Dondero ; Act. proc. coll., 2015, comm.. 107, obs. J. Vallansan ; Dr. sociétés, 2015, comm.. 117, note J.-P. Legros ; Gaz. Pal. éd. spéc. Diff. des entrep.,19 juillet 2015, p. 31 note Th. Montéran ; Gaz. Pal, 8 mai 2015, p. 14, obs. A.-F. Zattara-Gros ; Bull. Joly entrep. diff., 2015, p. 248, note Th. Favario ; Bull. Joly Sociétés, 2015, p. 244, note I. Parachkévova ; Rev. sociétés, 2015, p; 406, note L.-C. Henry et p. 468 note D. Porracchia ; RLDA, 2015, p. 18 note D. Voinot ; RLDC, 2015, p. 30, note L. Louvel ; Dr. & patr., septembre 2015, p. 97, obs. M.-H. Monsèrie-Bon ; Jour. Sociétés, mai 2015, p. 54 obs. A. Cerati-Gautier.
(16) Cass. com., 14 décembre 1999, n° 97-14.500, publié (N° Lexbase : A8738AH4) Bull civ. IV, n° 230 ; D., 2000, p. 90 note J. Faddoul ; Rev. proc. coll. 2002, p. 119, obs. A. Martin-Serf ; RTDCom., 2000, p. 157, obs. M. Cabrillac.
(17) Cass. com., 28 janvier 2014, n° 12-27.901, F-P+B (N° Lexbase : A4435MDM), Bull. civ. IV, n° 22 ; RLDA, 2014, comm. 5033, nos obs. ; Rev. proc. coll., 2015, comm. 44, obs. Fl. Reille, Proc., 2014, comm.. 66, obs. Bl. Rolland ; Bull. Joly Sociétés, 2014, p. 261, note I. Parachkévova ; Dr. sociétés, 2014, comm. 118, obs. J.-P. Legros
(18) Ass. plén., 9 juillet 1993, n° 89-19.211, publié (N° Lexbase : A4199AGM), Bull. Ass. plén., n° 13 ; D., 1993, p. 469, concl. M. Jéol, et p. 475 note F. Derrida ; Dr. sociétés, 1993, n° 26, obs. Y. Chaput.
(19) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz-Action 2015-2016, n° 611.36.
(20) Cass. com., 2 juin 2015, n° 13-24.714, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8367NIQ) ; D., 2015, p. 1970 obs F.-X. Lucas ; JCP éd. E, 2015, 1422, obs. Ph. Pétel ; Proc., 2015, comm. 305, obs. Bl. Rolland ; Bull. Joly entrp. Diff, 2015, p ; 269, note P.-M. Le Corre ; P.-M Le Corre in Chronique de droit des entreprises en difficulté - Juillet 2015, Lexbase Hebdo n° 432 du 16 juillet 2015 - édition affaires (N° Lexbase : N8395BUH).

newsid:449806

[Brèves] Impossibilité pour la sous-caution de se prévaloir de la disproportion de son engagement à l'égard de la caution principale

Réf. : CA Lyon, 15 octobre 2015, n° 14/03568 (N° Lexbase : A3666NTX)

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N9746BUI

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Le 05 Novembre 2015

Dès lors qu'une sous-caution ne s'est engagée en cette qualité qu'à l'égard de la caution principale, et non à l'égard de la banque (créancier principal de l'opération) qui est la seule à pouvoir être qualifiée de créancier professionnel, elle ne peut invoquer à son bénéfice les dispositions de l'article L. 341-4 du Code de la consommation (N° Lexbase : L8753A7C), relatives à l'exigence de proportionnalité de l'engagement. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 15 octobre 2015 (CA Lyon, 15 octobre 2015, n° 14/03568 N° Lexbase : A3666NTX). En effet, pour les juges lyonnais, la qualité de créancier professionnel doit s'entendre comme celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec son activité professionnelle, même si celle-ci n'est pas principale et n'a pas pour objet la délivrance de crédit. Or, en l'espèce, la caution n'est intervenue au contrat de prêt que comme caution principale et non comme établissement financier dispensateur de crédit. En outre, elle n'avait pas la qualité de créancier au moment de l'acte de cautionnement litigieux, cette qualité ne pouvant lui être attribuée qu'à compter de son paiement entre les mains de la banque (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E8923BXR).

newsid:449746

[Brèves] Exceptions opposables par le débiteur principal à la caution exerçant son recours subrogatoire : cas de l'irrégularité du TEG

Réf. : CA Grenoble, 6 octobre 2015, n° 13/01108 (N° Lexbase : A8728NS3)

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N9747BUK

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Le 05 Novembre 2015

La caution, subrogée dans les droits du créancier principal, ne peut avoir plus de droits que celui-ci. Le débiteur poursuivi peut dès lors lui opposer les mêmes exceptions et moyens de défense dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire. La caution professionnelle garantissant un prêt, qui justifie avoir payé la dette du débiteur principal, peut donc se voir opposer par celui-ci l'irrégularité du taux effectif global du prêt alors même que le prêteur n'est pas attrait à la cause. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 6 octobre 2015 par la cour d'appel de Grenoble (CA Grenoble, 6 octobre 2015, n° 13/01108 N° Lexbase : A8728NS3). Toutefois, lorsque la mention du taux effectif global figurant dans un acte de prêt est erronée, le délai de la prescription quinquennale de l'action en annulation de la stipulation d'intérêt litigieuse commence à courir à compter de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur ou, lorsque tel n'est pas le cas, de la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur. En l'occurrence, le débiteur principal qui invoque la non-prise en compte du coût de la garantie, du taux de l'assurance, de l'assurance incendie et de la domiciliation des revenus, n'établit pas avoir eu connaissance, postérieurement à la conclusion du contrat de prêt, des éléments leur ayant révélé l'erreur alléguée. Par conséquent, l'exception soulevée plus de cinq ans après l'acceptation de l'offre de prêt est irrecevable comme étant prescrite (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E0144A8T).

newsid:449747

Informatique et libertés

[Brèves] "Safe harbor" : le G29 demande aux institutions européennes et aux gouvernements d'agir sous trois mois

Réf. : CNIL, article du 16 octobre 2015

Lecture: 2 min

N9741BUC

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Safe harbor" : le G29 demande aux institutions européennes et aux gouvernements d'agir sous trois mois - ">

Le 05 Novembre 2015

Le G29 s'est réuni le 15 octobre 2015 pour analyser les conséquences de la décision de la CJUE du 6 octobre 2015 invalidant le "Safe Harbor" (CJUE, 6 octobre 2015, aff. C-362/14 N° Lexbase : A7248NSA ; lire N° Lexbase : N9505BUL). Les "CNIL européennes" ont adopté une approche commune sur la question, en demandant aux institutions européennes et aux gouvernements concernés de trouver, avant le 31 janvier 2016, des solutions juridiques et techniques permettant de transférer des données vers le territoire américain dans le respect des droits fondamentaux. De telles solutions pourraient intervenir dans le cadre de négociations d'un accord intergouvernemental offrant des garanties fortes aux citoyens européens. Les négociations actuelles portant sur un nouvel accord "Safe Harbor" pourraient constituer une partie de la solution. Dans tous les cas, ces solutions devront s'appuyer sur des mécanismes clairs et contraignants et comporter au minimum des obligations de nature à garantir le contrôle des programmes de surveillance par les autorités publiques, la transparence, la proportionnalité, l'existence de mécanismes de recours et la protection des droits des personnes. En parallèle, le G29 poursuit son analyse de l'impact de la décision de la CJUE sur les autres outils de transfert (BCR, clauses contractuelles types) mais considère que durant cette période, ces outils peuvent encore être utilisés par les entreprises. Les autorités de protection des données se réservent néanmoins la possibilité de contrôler certains transferts, notamment à la suite des plaintes qu'elles pourraient recevoir. Si aucune solution satisfaisante n'était trouvée avec les autorités américaines avant la fin du mois de janvier 2016 et en fonction de l'évaluation en cours des outils de transferts par le G29, les autorités s'engagent à mettre en oeuvre toutes les actions nécessaires, y compris des actions répressives coordonnées. Au regard de la décision de la CJUE, il apparaît très clairement que les transferts de données depuis l'Union européenne vers les Etats-Unis ne sont plus possibles sur la base de la décision de "Safe Harbor" du 26 juillet 2000. En tout état de cause, les transferts qui s'opèreraient encore sur cette base juridique sont illégaux. Enfin, le G29 insiste sur les responsabilités partagées des autorités de protection, des institutions européennes, des Etats membres et des entreprises pour élaborer des solutions robustes. Dans ce contexte, les entreprises doivent, en particulier, mettre en oeuvre des solutions juridiques et techniques pour limiter les risques éventuels qu'elles prennent en transférant des données à l'étranger, quant au respect des droits fondamentaux des personnes (source : CNIL, article du 16 octobre 2015).

newsid:449741

Internet

[Brèves] Application de la réglementation des services de médias audiovisuels à l'offre de courtes vidéos sur le site internet d'un journal

Réf. : CJUE, 21 octobre 2015, aff. C-347/14 (N° Lexbase : A7049NTA)

Lecture: 2 min

N9654BU4

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Le 29 Octobre 2015

L'offre de courtes vidéos sur le site internet d'un journal peut relever de la réglementation des services de médias audiovisuels. Tel est le cas lorsque cette offre a un contenu et une fonction autonomes par rapport à ceux de l'activité journalistique du journal en ligne. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la CJUE le 21 octobre 2015 (CJUE, 21 octobre 2015, aff. C-347/14 N° Lexbase : A7049NTA). Dans cette affaire, un site internet exploitant un journal en ligne, comporte principalement des articles de presse écrite, Toutefois, en 2012, un lien intitulé "vidéo" menait vers un sous-domaine permettant, grâce à un catalogue de recherche, de regarder plus de 300 vidéos. Ces vidéos, d'une longueur pouvant aller de 30 secondes à plusieurs minutes, portaient sur des sujets variés, mais très peu avaient un rapport avec les articles figurant sur le site du journal. Une question préjudicielle relative à l'interprétation de la Directive sur les services de médias audiovisuels (Directive 2010/13 du 10 mars 2010 N° Lexbase : L9705IGK), qui vise, entres autres, à protéger les consommateurs et, plus particulièrement, les mineurs, a été posée à la CJUE. Cette Directive établit des exigences que les services de médias audiovisuels doivent respecter, notamment en ce qui concerne les communications commerciales et le parrainage. Pour la Cour, la mise à disposition, sur un sous-domaine du site internet d'un journal, de vidéos de courte durée qui correspondent à de courtes séquences extraites de bulletins d'informations locales relève de la notion de "programme" au sens de la Directive, la durée des vidéos étant sans importance. Par ailleurs, afin d'apprécier l'objet principal d'un service de mise à disposition de vidéos offert dans le cadre de la version électronique d'un journal, il convient d'examiner si ce service a un contenu et une fonction autonomes par rapport à ceux de l'activité journalistique de l'exploitant du site internet et n'est pas seulement un complément indissociable de cette activité, notamment en raison des liens que présente l'offre audiovisuelle avec l'offre textuelle. Ainsi une version électronique d'un journal, en dépit des éléments audiovisuels qu'elle contient, ne doit pas être considérée comme un service audiovisuel si ces éléments sont secondaires et servent uniquement à compléter l'offre des articles de presse écrite. Toutefois, la Cour considère qu'un service audiovisuel ne doit pas systématiquement être exclu du champ d'application de la Directive au seul motif que l'exploitant du site internet concerné est une société d'édition d'un journal en ligne. Une section vidéo qui, dans le cadre d'un site internet unique, remplirait les conditions pour être qualifiée de service de médias audiovisuels à la demande ne perd pas cette caractéristique pour la seule raison qu'elle est accessible à partir du site internet d'un journal ou qu'elle est proposée dans le cadre de celui-ci.

newsid:449654

Propriété intellectuelle

[Brèves] Sur la preuve de la propriété des supports matériels de photographies

Réf. : Cass. civ. 1, 28 octobre 2015, n° 14-22.207, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1472NU3)

Lecture: 1 min

N9664BUH

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Le 05 Novembre 2015

L'éditeur ayant financé les supports vierges et les frais techniques de développement de photographies, il en résulte qu'il est le propriétaire originaire des supports matériels des photographies. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 28 octobre 2015 (Cass. civ. 1, 28 octobre 2015, n° 14-22.207, FS-P+B+I N° Lexbase : A1472NU3). En l'espèce, un photographe, a réalisé, entre 1974 et 1984, des reportages pour un magazine. Reprochant à l'éditeur de ne pas lui avoir restitué les clichés photographiques dont il lui avait remis les négatifs aux fins de reproduction dans ce magazine, sans toutefois lui en avoir cédé la propriété corporelle, il l'a assigné en réparation du préjudice en résultant. Pour s'opposer à cette demande, la société a soutenu être propriétaire des supports matériels des photographies litigieuses. La cour d'appel de Versailles condamne l'éditeur à payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice patrimonial résultant de la non-restitution des clichés photographiques, retenant qu'il ne rapporte pas la preuve de l'acquisition des supports transformés par l'intervention du photographe. Mais énonçant la solution précitée, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel au visa des articles 544 du Code civil (N° Lexbase : L3118AB4) et L. 111-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3330ADP).

newsid:449664

Sociétés

[Le point sur...] L'admission jurisprudentielle de la présence d'un non associé à l'assemblée d'une société

Lecture: 17 min

N9673BUS

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par Dominique Vidal, Professeur émérite, CREDECO GREDEG UMR 7321 CNRS/UNS

Le 05 Novembre 2015

1. Dans quelle mesure une personne qui n'a pas qualité d'associé peut-elle être présente à l'assemblée d'une société ? Un associé peut-il imposer la compagnie d'un avocat ou d'un huissier de justice ? La collectivité des salariés peut-elle y être présente ? Un organe de presse peut-il y déléguer un journaliste ? 2. La présence de certaines autres personnes dépourvues de la qualité d'associé ne fait aucune difficulté. Il en est ainsi du commissaire aux comptes, dont le "noyau dur" de la mission consiste, précisément, à présenter certains rapports qualifiés à l'assemblée de la société dont il assure le contrôle légal (1).

3. Il en est de même de tout autre acteur de révision légale (commissaire aux apports, commissaire à la fusion, etc.) investi par la loi d'effectuer une diligence à l'assemblée, ainsi que des personnes (secrétaire, notaire) chargées d'intervenir dans la rédaction du procès-verbal de l'assemblée.

4. Outre l'évidence de la présence des dirigeants associés ou actionnaires (gérant associé, président d'une SA), la présence à l assemblée des dirigeants le cas échéant non associés ne fait guère difficulté. La solution va de soi lorsqu'un tel personnage a qualité à convoquer et présider l'assemblée, tel le gérant non associé d'une société civile, d'une SARL, d'une société en nom collectif ou d'une société en commandite, ou le président d'une SAS.

5. Il en est de même du directoire, dès lors que celui-ci a compétence à convoquer l'assemblée, encore que la question ait pu se poser, semble-t-il, de la présence de tous les membres du directoire ou de son seul président. A notre avis, bien que le directoire ne soit pas au sens technique un organe collégial, la présence de tous les membres du directoire doit pouvoir être admise, y inclus par conséquent les membres du directoire qui n'ont pas la qualité de directeur général.

6. C'est la nature des pouvoirs généraux du directoire, lesquels consistent à agir en toute circonstance dans l'intérêt de la société, qui doit commander la solution. Pour cette même raison, on ne conçoit pas que dans la forme classique de SA, les directeurs généraux et directeurs généraux délégués ne puissent accéder à l'assemblée. Leur présence relève par nature du domaine de leurs obligations, sauf exception factuelle justifiée par l'intérêt social.

7. Il en est de même pour les membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance ; bien que ces organes n'exercent pas de compétence décisionnaire directe, le fait pour les membres du conseil d'administration de participer à la détermination des orientations de l'activité sociale, ou pour les membres du conseil de surveillance d'exercer le contrôle permanent de la société ou d'opérer toute vérification jugée opportune se comprend, à notre avis, en ce compris la présence aux assemblées.

8. Parmi les présents à une assemblée de société qui n'ont pas la qualité d'associé ou d'actionnaire, les mandataires et autres représentants soulèvent une autre problématique, laquelle fait l'objet de soins législatifs et réglementaires particuliers. La question est hors de notre propos, techniquement dans la mesure où l'associé représenté est juridiquement "présent", et pratiquement dès lors que par hypothèse la présente étude est circonscrite à la présence de personnes qui sont présentes à titre distinct de la qualité d'associé.

9. Demeure pareillement hors de notre propos la présence prévue par les textes de certains représentants de la collectivité des salariés (C. trav., art. L. 2323-67 N° Lexbase : L2904H9G).

10. Enfin, au titre des exceptions prévues par les textes entendues au sens large, il faut signaler la présence de journalistes à l'assemblée d'une société ouverte. Prescrite par la COB -désormais AMF- (2) pour les sociétés faisant alors appel public à l'épargne et évidemment transposable aujourd'hui aux sociétés dont les titres sont inscrits sur un marché financier réglementé, la solution s'inscrit dans le particularisme juridique de telles sociétés (3).

11. Reste la question, plus ouverte, que posent certaines personnes dont la présence n'est pas prévue par les textes, mais souhaitée par certains associés et repoussée par d'autres. Cette perspective soulève parfois non seulement un conflit d'intérêts, mais aussi un conflit de légitimités, auxquels il appartient au juge de donner une solution.

12. Pour examiner ce contentieux de la présence d'un non associé à l'assemblée d'une société, on examinera en premier lieu les conditions de cette admission (I). On devra également s'interroger sur les sanctions qui peuvent s'attacher à la méconnaissance de ces conditions (II).

I - Les conditions de l'admission de tiers à une assemblée

13. Suivant une jurisprudence bien établie, la réunion d'une assemblée de société revêt en principe un caractère privé. La solution a été expressément rappelée par la COB (4) pour les sociétés dont (désormais) les titres sont inscrits sur un marché financier réglementé. Elle vaut encore, et à plus forte raison, pour les sociétés "fermées". Elle est donc la solution de principe pour toutes les sociétés. A quelles conditions de forme et de fond peut-on y déroger ?

A - Conditions de forme

14. On peut concevoir en premier lieu que les statuts de la société permettent à tout associé d'être assisté d'un avocat, et/ou de provoquer l'intervention d'un huissier de justice. Admettons que cette hypothèse est rarissime, et que les rédacteurs de statuts y sont en général fort peu enclins.

15. Admettons encore, cependant, que dans une société où l'intuitus personae est renforcé, dans une SAS par exemple, les fondateurs peuvent avoir un intérêt partagé réel à s'y autoriser mutuellement une telle faculté, en particulier l'assistance d'un avocat.

16. Hors la prévision des statuts, le principe est que le caractère privé d'une assemblée interdit qu'une personne étrangère soit admise à y participer ou même à y assister, sans une décision qui écarte ledit principe. Mais quel type de décision ?

17. S'il apparaît une division entre les associés, un tel accord peut-il être donné à la majorité de l'assemblée ? On l'admet parfois, comme l'admet le rapport annuel de la COB pour 1982 qui prévoit qu'"il appartient à l'assemblée de se prononcer par un vote" ; on ne connaît pas de décision de justice qui puisse venir confirmer (ni d'ailleurs infirmer) cette opinion. Certains auteurs (5) considèrent au contraire qu'"une assemblée générale n'a pas le pouvoir d'imposer la présence d'un tiers à une minorité qui la refuse, pas plus qu'un associé n'est fondé en droit à exiger une telle présence".

18. A notre avis, cette dernière opinion mérite la meilleure considération, tant il est loin d'être certain que l'assemblée statuant à la majorité puisse s'octroyer un tel pouvoir. Une décision à l'unanimité pourrait assurément prendre une telle décision, ne serait-ce que par le défaut de grief que pourrait ultérieurement faire valoir un associé contestataire. Enfin, si une majorité entend le décider sans aucune opposition dans le cas où la minorité se limite à s'abstenir, c'est-à-dire dans l'hypothèse d'un consensus, il y a matière à hésiter.

19. La solution qui s'impose donc comme la plus sûre est celle de l'autorisation judiciaire. La procédure de référé est ici parfaitement adaptée. L'associé qui souhaite se faire accompagner par un avocat ou faire acter les opérations de l'assemblée par un huissier de justice aura juste le temps, à réception de la convocation, d'engager cette procédure, au besoin d'heure à heure si le temps lui est spécialement compté.

20. Une procédure sur requête est-elle envisageable ? Elle peut sembler fragile, dans la mesure où il lui manque le contradictoire. Toutefois, la pratique en fournit des exemples, et l'on peut certes considérer qu'il peut s'avérer judicieux d'éviter d'ouvrir un front judiciaire hostile de manière prématurée.

21. En tout état de cause, la société pourra prendre l'initiative de venir en référé contester l'ordonnance rendue sur requête, à condition que la chronologie des opérations le lui permette. Le cas échéant, l'assemblée pourrait être ajournée pour permettre la liquidation de ce contentieux, et si d'aventure cela devait conduire à tenir la nouvelle réunion au-delà du délai requis par les textes, il y a tout lieu de supposer que le report judiciaire fondé sur ce motif serait accordé.

22. Dans ce contexte général, on peut citer une affaire dans laquelle la présence de l'huissier avait été sollicitée sur requête par application de l'article 875 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0854H4E). La Cour de cassation (6) rappelle que, par application de cet article, le président peut ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement. Elle observe que la cour d'appel a constaté que ces conditions étaient remplies pour la désignation de l'huissier compte tenu de la date de convocation des associés et de celle prévue de l'assemblée. Elle décide, en conséquence, que la cour d'appel en a exactement déduit que l'ordonnance avait été prise régulièrement.

23. Quant à la compétence territoriale, il a été logiquement jugé (7) que le juge compétent est celui du lieu où la mesure demandée doit être exécutée, c'est-à-dire en l'occurrence le lieu où l'assemblée a été convoquée.

B - Conditions de fond

24. La jurisprudence rendue sur ce point n'est pas très abondante. On dispose de quelques indications sur les critères en vertu desquels la jurisprudence admet la présence d'un avocat ou d'un huissier de justice.

1° - La présence d'un huissier de justice

25. Avant même la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales (loi n° 66-537 N° Lexbase : L6202AGS), on avait admis la désignation d'un huissier de justice chargé de constater la régularité de la réunion ou de procéder au décompte des voix (8). Ce premier cas d'ouverture s'impose. On ne voit pas, du moins a priori et sauf circonstance exceptionnelle, ce qui peut empêcher le juge des référés de prendre une telle mesure a minima qui ne porte en elle aucun risque de perturber le déroulement de l'assemblée ni d'influer sur la teneur des débats. Chacun ne peut en effet que se féliciter d'un surcroît de précautions relatives à la régularité de l'assemblée

26. Dans un arrêt de 1975, la cour d'appel de Colmar (9) statue sur une demande de désignation d'un huissier de justice, assisté d'une sténotypiste et muni d'un magnétophone, aux fins de "consigner tous discours, déclarations ou interventions". L'ordonnance qui avait procédé à la désignation est infirmée, au motif qu'une telle désignation n'est pas abandonnée à la volonté arbitraire des actionnaires et que les motifs de la demande doivent nécessairement être graves et intéresser le fonctionnement de la société.

27. Le motif invoqué par le demandeur était "l'ordre du jour et ses problèmes" ; or, cet ordre du jour portait sur l'approbation des comptes, l'affectation des bénéfices et une augmentation de capital, projets de délibérations sur lesquels la cour dit que les actionnaires allaient se prononcer conformément à la loi "sans que fût mis en place et fonctionnât tout un appareil non seulement gênant, mais même humiliant".

28. La recherche d'un point d'équilibre est donc tracée : le juge des référés se livre à une pesée des intérêts entre la légitimité apparente de la demande et l'aspiration a priori légitime de la société à ce que ses organes sociaux fonctionnent comme à l'habitude. Cette seconde légitimité n'est d'ailleurs pas une prime à la paresse ; elle peut à l'occasion s'autoriser d'une conformité à l'intérêt social dès lors qu'il s'agit de faire prévaloir une tranquillité de bon aloi sur un risque de désordre. Tout dépend des circonstances, lesquelles sont appréciées par le juge.

29. La Cour de cassation (10) devait rejeter le pourvoi contre cet arrêt, rendant expressément hommage à la "précision de ses motifs".

30. La jurisprudence se fixe peu à peu. En 1978, la cour de Paris (11) considère qu'un actionnaire est recevable à demander l'assistance d'un huissier de justice avec pour mission de prendre note de l'intégralité des débats ; mais c'est à la condition que la demande soit justifiée par des motifs gaves intéressant directement le fonctionnement de la société.

31. Dans l'arrêt précité rendu le 22 mars 1988 (n° 23), la Cour de cassation considère que la cour d'appel a "exactement énoncé" que seuls des motifs graves intéressant le fonctionnement de la société peuvent justifier la désignation d'un huissier de justice pour assister aux débats d'une assemblée. La désignation est justifiée en l'espèce dès lors que les documents accompagnant la requête établissaient l'existence de dissensions aiguës entre le groupe majoritaire et la minorité, cela laissant redouter que, non seulement les intérêts de ceux-ci, mais encore ceux de la société soient gravement lésés, la société ayant de surcroît refusé d'inscrire à l'ordre du jour des projets de résolutions proposés par la minorité.

32. En 1992 et selon une jurisprudence désormais bien établie, la cour d'appel de Paris (12) décide encore que le juge peut désigner un huissier de justice chargé d'établir une relation écrite complète des débats, dès lors que cette désignation répond à des motifs graves intéressant le fonctionnement de la société ; en l'espèce, les actionnaires s'opposaient parallèlement dans plusieurs instances civiles et pénales, de telle sorte que le compte rendu établi par le bureau de l'assemblée risquait fort de manquer de sincérité.

33. A notre avis, c'est d'une manière non restrictive que l'on peut entendre les "motifs graves intéressant le fonctionnement de la société" ; ils pourraient pareillement concerner la structure de la société.

34. D'autre part, ainsi que la décision de la Cour de cassation de 1988 le suggère, l'intérêt social pourrait devenir le principe régulateur essentiel, au-delà des oppositions entre groupes d'associés, ainsi que l'on peut l'observer dans d'autres mécanismes de l'intervention du juge dans les sociétés (mandat ad hoc, expertise de minorité, administration provisoire, abus de majorité, abus de minorité (13)).

2° - La présence d'un avocat

35. La question a donné lieu à une jurisprudence encore plus parsemée que pour l'huissier de justice. Bien plus, on ne connaît pas d'exemple de contentieux de l'intervention du juge des référés. C'est donc par extrapolation que l'on peut envisager la transposition pour l'avocat des principes et exceptions connus pour l'huissier. Avec toutefois quelques adaptations.

36. La première est à l'évidence que l'associé ne saurait demander la "désignation" d'un avocat. Il demande l'autorisation d'être accompagné de l'avocat de son choix. Corrélativement, la détermination de la mission de l'avocat est évidemment de la seule compétence des relations de ce dernier avec son client. La décision judiciaire est donc ici doublement limitée quant à son objet.

37. Limitée à ce point, la décision judiciaire est-elle nécessaire ? La question s'est trouvée posée dans un contentieux où l'associé prétendait pouvoir être accompagné de son avocat sans autorisation judiciaire. Plus précisément, l'associé demande la suspension des résolutions adoptées lors d'une assemblée qui a décidé sa révocation de ses fonctions de gérance et son exclusion en faisant valoir que ces mesures ont été prises au mépris des droits de la défense en ce que son avocat avait été empêché d'assister à cette assemblée.

38. On sait, en effet, que le principe du contradictoire investit peu à peu le droit des sociétés, qu'il s'agisse de la révocation d'un dirigeant (14) ou de l'exclusion d'un associé (15), les deux circonstances étant réunies en l'espèce.

39. Or, le respect de la contradiction est au service de l'exercice des droits de la défense et l'argument du demandeur consistait à faire considérer que l'assistance de son avocat était une modalité du respect des droits de sa défense. L'argument est habile, et il est suivi par la cour d'appel (16) qui, pour dire que la décision d'exclusion était constitutive d'un trouble manifestement illicite, retient qu'en l'absence de toute précision dans les statuts et les textes légaux et réglementaires applicables à ce type de société (une société d'exercice libéral) sur les modalités par lesquelles un associé menacé d'exclusion pouvait faire valoir sa défense, les associés ne pouvaient arbitrairement refuser à l'intéressée de mettre en oeuvre les moyens qu'elle estimait opportuns pour se défendre.

40. La cour ajoute : "[...] ces moyens étant ceux habituellement utilisés lorsqu'une personne est mise en cause et qu'en refusant, lors de cette assemblée générale, la présence d'un avocat aux côtés de Mme X, ses associés ont porté atteinte aux droits de celle-ci de se défendre sur les reproches formulés à son égard". L'enchaînement des arguments pouvait paraître péremptoire.

41. Pourtant, cet arrêt est censuré (17), au motif que l'assemblée de la société "n'était pas un organe juridictionnel ou disciplinaire, mais un organe de gestion interne à la société", ce dont il résultait qu'aucun trouble manifestement illicite n'était caractérisé.

42. La motivation est discutable : d'une part, l'avocat n'intervient pas que dans le contexte juridictionnel ou disciplinaire, mais aussi à titre de conseil, en particulier en droit des sociétés ; d'autre part, les qualifications du droit processuel mériteraient d'être vérifiées pour le cas d'une révocation et d'une exclusion qui définissent sans doute un litige donnant lieu à un contentieux. Il demeure que la Cour de cassation exprime une préférence pour la paix sociale (celle des sociétés). Dont acte.

43. L'enseignement pratique de cette décision est que l'associé qui entend être assisté de son avocat lors de l'assemblée de sa société devra avoir la prudence de faire le détour procédural d'une demande d'autorisation judiciaire.

44. Quant aux critères de l'autorisation judiciaire de la présence d'un avocat, la jurisprudence n'en donne pas d'exemple. Il est raisonnable de considérer que les critères dégagés à propos de la désignation d'un huissier de justice représentent une base de référence, du moins a minima.

45. En effet, il est envisageable, à notre avis, que l'avocat soit également autorisé dans des circonstances qui ne suffiraient pas à autoriser la désignation d'un huissier de justice, c'est-à-dire à caractériser des motifs graves intéressant le fonctionnement de la société. Il suffirait, à notre avis, que l'associé ait un motif légitime à être assisté de son avocat. Le statut de l'associé et la définition des droits professionnels de l'avocat sont de nature à justifier une telle solution.

46. Au demeurant, la décision judiciaire peut moduler l'autorisation en précisant les modalités de la présence de l'avocat à l'assemblée en lui permettant, par exemple, ou bien en ne lui permettant pas, d'y prendre la parole.

II - Les sanctions d'une présence non autorisée

47. Sauf erreur ou omission, la question demeure inédite en soi ; mais fort heureusement, des éléments de réflexion existent qui ne sont pas inédits.

La question se pose sur le plan d'éventuelles responsabilités civiles (A) et du point de vue d'une éventuelle annulation de l'assemblée (B).

A - Responsabilités civiles

48. Le premier type de sanction relève de l'application du droit commun de la responsabilité civile appliqué aux sociétés. Les dirigeants sociaux qui accueillent à l'assemblée une personne qui n'a pas qualité à y participer commettent une faute (violation des lois ou des statuts) de nature à engager leur responsabilité. Certes, ce sont le plus souvent des associés minoritaires et/ou contestataires qui formuleront la demande de la présence d'un huissier de justice, et en conséquence lesdits dirigeants auront de fait plutôt tendance à éviter ou à repousser une telle participation. Mais selon les circonstances, une telle présence peut éventuellement être le fait des dirigeants.

49. S'agissant de la présence d'un avocat, il semble raisonnable d'admettre que celle de l'avocat de la société soit toujours admissible par la nature des choses, dans la mesure où l'on peut considérer qu'elle contribue à la régularité de la vie sociale, et à celle de la tenue de l'assemblée en particulier.

50. La solution serait sans doute différente, en cas d'opposition avérée entre un dirigeant et un groupe significatif d'associés, de l'éventuelle présence de l'avocat personnel dudit dirigeant (même si en pratique il est vrai que la distinction est souvent subtile).

51. Toujours sur le plan de la responsabilité civile, on peut envisager celle des associés. La jurisprudence tient pour recevable une telle responsabilité, en particulier dans le contexte de leur participation à l'assemblée, qu'ils soient majoritaires ou minoritaires.

52. Ce peut être le cas non seulement lorsque le comportement relève d'une intention de nuire, mais aussi en l'absence d'une telle intention : il en est ainsi, par exemple, du non respect des droits de la défense et de la loyauté dans les rapports sociaux (18). Tel pourrait être le cas de la présence non autorisée d'un tiers imposée par une majorité fautive d'associés.

53. Plus généralement, la jurisprudence admet la qualification de faute de l'associé dans l'exercice de son droit de vote (19) et il suffit, pour finir de s'en convaincre, de faire référence aux "théories" jurisprudentielles de l'abus de majorité et de l'abus de minorité (20).

54. Observons au passage que ce risque de responsabilité doit éclairer la question de savoir si l'autorisation de la présence d'un tiers peut émaner d'une décision de l'assemblée ; de ce point de vue également, mieux vaut reconnaître sur ce point la seule compétence judiciaire.

B - Annulation de l'assemblée ?

55. Aux termes de l'article L. 235-1, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L6338AIL), "la nullité d'une société ou d'un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d'une disposition expresse du présent livre ou des lois qui régissent la nullité des contrats". Quant aux autres assemblés, leur nullité "ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent livre ou des lois qui régissent les contrats". Selon l'article 1844-10, alinéa 3, du Code civil (N° Lexbase : L2030ABS), "la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent titre ou de l'une des causes de nullité des contrats en général". Etant donné qu'il n'existe pas de disposition expresse visant l'annulation d'une assemblée modifiant les statuts d'une société commerciale pour présence d'une personne non autorisée, la question ne se pose donc que sur le point de savoir s'il y a ici matière à une disposition impérative.

56. Pour apprécier si une règle de droit des sociétés est "impérative", c'est la raison d'être de la disposition qui doit être prise en compte, davantage que les termes de sa formulation ou sa forme législative ou réglementaire et l'interprétation de cette disposition soulève des difficultés animées par la contradiction entre la volonté législative de cantonner le domaine des nullités et le souci d'assurer une certaine effectivité au contenu de la règle de droit.

57. En l'absence de toute jurisprudence sur ce point, il est difficile de dire si la présence d'une personne non autorisée est susceptible d'entraîner la nullité de l'assemblée. En réalité, la question se subdivise en deux. La première question est de savoir s'il s'agit de la violation d'une disposition impérative de la loi. L'interprète aura tendance à supposer que non ; mais il n'a aucune autorité pour en décider. Par contre, c'est sur un second plan que la question, si elle se pose, peut fort probablement trouver sa solution.

58. La jurisprudence tire conséquence de la structure des textes, qui énoncent que la nullité "ne peut résulter que" des cas qu'ils définissent, pour en déduire que la nullité demeure facultative. Les exemples abondent. Les juges saisis d'une demande d'annulation de l'assemblée irrégulièrement convoquée ne sont pas liés par la constatation de l'existence d'une telle irrégularité (21). Une assemblée convoquée par un conseil d'administration irrégulièrement désigné n'est pas nulle de plein droit (22). L'annulation de l'assemblée convoquée par un organe irrégulièrement composé n'est qu'une faculté pour le juge (23). Les associés sont convoqués, à peine de nullité en cas de grief (a contrario : pas de nullité sans un tel grief), quinze jours au moins avant la réunion de l'assemblée (24).

59. De cette jurisprudence abondante et constante, il est raisonnable de déduire que sauf cas tout à fait exceptionnel, la présence d'une personne non autorisée à l'assemblée d'une société ne sera pas constitutive d'une cause de nullité de cette assemblée.


(1) D. Vidal et K. Luciano, Droit général des sociétés, Gualino, 2015, n° 1474 à 1533.
(2) Rapport annuel COB pour 1974, p. 22 ; bulletin COB, juillet 1979, p. 10 ; rapport annuel COB pour 1982, p. 22.
(3) D. Vidal et K. Luciano, Droit spécial des sociétés, Gualino, 2015, n° 483/688.
(4) Rapport annuel COB pour 1982, p. 22.
(5) S. de Vendeuil, Accès de l'huissier aux assemblées générales, JCP éd. E, 1er avril 1993, act.100080.
(6) Cass. com., 22 mars 1988, n° 86-16.785 (N° Lexbase : A7754AAG), Rev. jur. com., 1989, p.111 ; Rev. sociétés,1988, 261
(7) Cass. civ. 2, 18 novembre 1992, n° 91-16.447 (N° Lexbase : A5961AHA), RJDA, n° 1/1993, p.16 ; D.,1993, 91.
(8) T. com. Seine, 12 octobre 1945, Rev. sociétés, 1946, p.172, note Dalsace ; CA Douai, 15 juillet 1948, JCP, 1949, II, 5057, note Bastian.
(9) CA Colmar, 30 juillet 1975, D., 1976, 47, note J.-J. Burst ; Rev. sociétés, 1976, 493, note J.G. ; RTDCom., 1976, 576, n° 38.
(10) Cass. com., 15 février 1977, n° 75-14.672 (N° Lexbase : A3192AGC) ; JCP éd G, 1979, II, 19020, note J.-J. Burst.
(11) CA Paris, 15 novembre 1978 ; Rev. sociétés, 1979, 338, note J. G..
(12) CA Paris, 14ème ch., sect. B, 21 février1992, n° 91/2478 (N° Lexbase : A4288A39); D., 1992, IR 151 ; Rev. sociétés, 1992, 558.
(13) Cf. D. Vidal et Luciano, Cours de droit général des sociétés, Gualino, 2015, n° 1696 à 1889.
(14) Cass. com., 24 février 1998, n° 95-12.349 (N° Lexbase : A0023AUE), Rev. sociétés, 1998, p. 571, Dr. sociétés, juin 1998, nº 94, p. 14, nos obs. ; CA Paris, 25ème ch., sect. B, 4 septembre 1998, n° 1996/88734 (N° Lexbase : A5956DH3), RJ com., 1999, p. 366, nos obs. ; CA Paris, 5ème ch., sect. B, 28 janvier 1999, n° 1997/09415 (N° Lexbase : A7592A3L), Bull. Joly Sociétés, 1999, p. 1001, § 2365, note C. Ruellan, Dr. sociétés, mai 1999, nº 81, p. 18, nos obs. ; CA Paris, 24 novembre 1998, Dr. sociétés, février 1999, nº 25, p. 15, nos obs. ; CA Versailles, 4 octobre 2001, n° 98/05192 (N° Lexbase : A3328A4Z), Bull. Joly Sociétés, 2001, p. 1282, § 277, P. Le Cannu, Dr. sociétés, mars 2002, nº 45, F.-X. Lucas ; Cass. com., 12 mai 2004, n° 00-19.415, F-D (N° Lexbase : A1892DC3), JCP éd. E, 2004, 914 ; Cass. com., 30 novembre 2004, n° 01-15.382, F-D (N° Lexbase : A1153DEG), Bull. Joly Sociétés, mars 2005, p. 3876, § 76, P. Le Cannu.
(15) Cass. com., 13 juillet 2010, n° 09-16.156, FS-P+B (N° Lexbase : A6801E4N), RTDCom., 2011.727, obs. C. Champaud, D. Danet ; Dr. sociétés, 2010, comm. 200, note H. Hovasse ; D. Gibirila, L'exclusion d'un associé d'une société coopérative à capital variable, Lexbase Hebdo n° 407 du - édition privée (N° Lexbase : N0409BQ9).
(16) CA Rennes, 5 avril 2005.
(17) Cass. com., 10 mai 2006, n° 05-16.909, FS-P+B (N° Lexbase : A3792DP7), Bull. Joly Sociétés, 2006, § 239, p.1154, note J.-J. Daigre ; Dr. Sociétés, juillet 2006, comm. 110, H. Hovasse.
(18) CA Versailles, 29 mars 2007, n° 06/01432 (N° Lexbase : A6197DY8), Bull. Joly Sociétés, 2007, § 273, p.973, note S. Messai-Bahri.
(19) Cass. com., 13 mars 2001, n° 98-16.197 (N° Lexbase : A0074ATW), Bull. Joly Sociétés, 2001, § 192, p.891, note C. Prieto ; Dr. sociétés, 2001, n° 78, note Th. Bonneau.
(20) Adde, I. Parachkevova, L'associé responsable, Bull. Joly Sociétés, 2015, p. 165.
(21) Cass. com., 6 juillet 1983, n° 82-12.910 (N° Lexbase : A3729AG9), Rev. sociétés, 1984, p. 76, Y. Guyon ; CA Paris, 3ème ch., sect. A, 8 avril 1986, n° M 4331 (N° Lexbase : A9467A7R), JCP éd. E, 1986, I, 15846 ; CA Paris, 3ème ch., sect. A, 15 novembre 1988, n° 87-11577 (N° Lexbase : A3683ILY), JCP éd. E 1989, II, 15562 ; Cass. com., 5 décembre 2000, n° 98-13.904 (N° Lexbase : A1244AIW), Bull. Joly Sociétés, 2001, p. 262, § 71, note P. Le Cannu, JCP éd. E, 2001, 897, Dr. aff., 2001, p. 239, A. Lienhard.
(22) Cass. com., 9 juillet 2002, n° 99-10.453, FS-P (N° Lexbase : A0967AZT), JCP éd. E, 2002, p. 1555 ; Dr. sociétés, décembre 2002, n° 222, F.-X. Lucas ; RTDCom., 2002, p. 692 ; Bull. Joly Sociétés, 2002, p. 939, A. Couret ; Rev. sociétés, 2002, p. 716, Y. Guyon.
(23) Cass. civ. 3, 24 septembre 2003, n° 02-13.039, FS-D (N° Lexbase : A6344C9T), Dr. sociétés, févr. 2004, p. 16, n° 21, F.-X. Lucas.
(24) Cass. mixte, 16 décembre 2005, n° 04-10.986, FS-P (N° Lexbase : A0530DML) Rev. sociétés, 2006, p. 327, note B. Saintourens ; Bull. Joly Sociétés, 2006, § 107, p. 536, note L. Grosclaude.

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Sociétés

[Questions à...] Point d'étape sur la mixité dans les conseils d'administration et de surveillance : encore des efforts à fournir ! - Questions à Michel Dumont, Président, et Lucille Desjonquères, Directrice générale, Leyders Associates

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 06 Novembre 2015

La loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle (N° Lexbase : L2793IP7), dite aussi loi "Copé-Zimmermann", pose une obligation de respecter un quota minimum de membres de chaque sexe afin d'assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et des conseils de surveillance des entreprises. Si comme son nom l'indique, ce texte a pour objet une représentation équilibrée des deux sexes dans les conseils, il vise bien entendu en pratique à féminiser ces derniers, puisque la part des femmes administratrices était alors très faible. La loi prévoit donc une féminisation progressive des conseils qui doit s'achever le 1er janvier 2017. A quatorze mois de cette échéance, Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de faire un point d'étape sur l'obligation de représentation équilibrée dans les conseils avec Michel Dumont, Président, et Lucille Desjonquères, Directrice générale, Leyders Associates, qui ont accepté de répondre à nos questions.

Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les obligations des entreprises en matière de représentation équilibrée des conseils prévues par la loi du 17 janvier 2011 ? Quelles entreprises sont visées par cette obligation ?

Lucille Desjonquères et Michel Dumont : La loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011, renforcée par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance des sociétés cotées et à l'égalité professionnelle (N° Lexbase : L9079I3N), dite loi "Copé-Zimmermann", prévoit une proportion de femmes de 20 % en 2014 (1) et 40 % en 2017 (2).

Ces nouvelles règles ont été reprises par le code AFEP-MEDEF qui émet des recommandations en matière de bonnes pratiques de gouvernance. Rappelons que ces quotas ont été également fixés à 40 % au 1er janvier 2017 pour les conseils d'administration et de surveillance des entreprises non cotées de plus de 250 salariés et de plus de 50 millions de chiffre d'affaires.

La fonction publique est également concernée par cette évolution depuis le vote de la loi "Sauvadet" du 12 mars 2012 (loi n° 2012-347, relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique N° Lexbase : L3774ISL) (3) qui prévoit entre autres des dispositions relatives à la lutte contre les discriminations. Ainsi les EPIC, le SEM, les CCI, les Chambres d'agriculture et les 117 fédérations sportives sont elles aussi concernées.

Lexbase : Quelles sont les sanctions prévues en cas de non-respect de cette obligation ?

Lucille Desjonquères et Michel Dumont : En cas de non-respect de la loi, les sanctions prévues sont la suspension temporaire du versement des jetons de présence, la nullité des nominations prises par un conseil non conforme et la possibilité d'être écarté (depuis le 1er décembre 2014 pour les sociétés de plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires) des appels d'offres publics en cas de manquement sur les obligations relatives à l'égalité professionnelle entre hommes et femmes.

Lexbase : L'intervention du législateur sur cette question était-elle, selon vous, nécessaire ?

Lucille Desjonquères et Michel Dumont : La solution idéale eut été d'observer une féminisation des instances naturelle et fluide. En l'absence de celle-ci et à l'observation récurrente d'inégalités professionnelles, force est de constater l'importance et la nécessité d'une intervention du législateur.

Il est nécessaire, dans ce contexte, de rassurer les dirigeants du bien-fondé de cette initiative. Les quotas permettent d'apporter des compétences, de l'enrichissement, de la valeur et de la diversité.

Il n'est nullement question de mettre des femmes pour mettre des femmes mais de donner à celles-ci des opportunités dont elles ont la pleine légitimité.

Lexbase : Leyders Associates est actif dans ce mouvement de féminisation. Comment ?

Lucille Desjonquères et Michel Dumont : Dans le contexte de la loi "Copé-Zimmermann", le cabinet d'approche direct Leyders Associates s'est rangé à la fois du côté des femmes et des entreprises contraintes de féminiser leurs instances. 
"Femmes au coeur des Conseils" a ainsi vu le jour pour s'inscrire comme leur point de rencontre.

Comment ? En proposant, d'une part, un vivier de femmes de tous secteurs, tous métiers, toutes nationalités, identifiées, approchées et validées pour leurs compétences, savoir-être, bienveillance, courage, disponibilité et audace. Et d'autre part, dans le cadre d'une offre globale, la possibilité d'évaluer un conseil existant, pour mieux recommander un cahier des charges d'une ou de plusieurs candidates attendues parfaitement ciblées et en phase avec la stratégie de l'entreprise et de ses actionnaires.

Lexbase : A mi-parcours de ce mouvement de féminisation des conseils, où en est-on ? Avez-vous des statistiques à nous communiquer ?

Lucille Desjonquères et Michel Dumont : A mi-parcours, force est de constater que les sociétés cotées sont plutôt bonnes élèves car en grande majorité elles comptent près de 35 % de femmes dans les conseils. Certaines expriment leurs difficultés à atteindre les 40 % sachant qu'elles vont axer leur recherche au sein des femmes présentes dans les Comex. Comme on le sait, le plafond de verre n'a pas permis de nombreuses nominations dans ces instances d'où une pénurie et la nécessité des quotas.

En bref le serpent se mord la queue...

Leyders Associates a donc identifié les femmes figées notamment dans les comités de direction et néanmoins pleinement légitimes dans les instances supérieures pour répondre efficacement à une refonte de conseils professionnalisés.

Concernant les sociétés non cotées, il est encore trop tôt pour observer les efforts entrepris.

Nous sommes néanmoins inquiets car il semblerait qu'un grand nombre d'entre elles soient mal informées sur le sujet.

En effet, les médias ont peu communiqué sur les obligations légales dont elles font l'objet et il est à craindre que si l'information leur parvient trop tardivement, elles cocheront des cases pour mettre des femmes sans prendre le temps de se préoccuper de mettre les compétences adaptées.

Les résultats ne permettront pas aux entreprises d'optimiser leurs conseils, et seront désastreux pour l'image des femmes.

Lexbase : Quid des quotas dans les autres pays de l'Union européenne ? Et du reste du monde ?

Lucille Desjonquères et Michel Dumont : Le premier pays à avoir instauré des quotas de parité est la Norvège en 2003. Les entreprises cotées à la Bourse d'Oslo ont ensuite eu quatre ans pour se conformer à ces exigences. Les sociétés d'Etat, parapubliques et municipales ont, elles aussi, dû s'y plier.

L'Allemagne se voit imposer 30 % de femmes dans les conseils d'administration dès 2016 et l'Espagne 40 % en 2015. En Espagne, le quota de 40 % de femmes dans les conseils des entreprises doit être atteint d'ici 2015. L'Italie est contrainte aux mêmes règles que la France.

Le Portugal et la Belgique poursuivent clairement un mouvement adopté en grande majorité par l'ensemble de l'Union européenne.

Il en est de même pour la Suisse qui suit les traces de l'Union européenne.

L'Angleterre encourage fortement les entreprises à féminiser leurs instances en précisant que des quotas seront appliqués si les résultats observés ne sont pas conformes aux attentes escomptées.

Le Luxembourg et l'Irlande sont en cours de débats.

A noter que les sociétés en SAS ne sont pas assujetties à la loi "Copé-Zimmermann"

Celles-ci sans avoir de CA de façon statutaire ont des réunions de direction ou les femmes auraient leur pleine légitimité. Sachant que les quotas ne sont pas une punition mais un apport de valeur, il serait appréciable qu'elles montrent l'exemplarité en répondant aux règles de base sans obligation.

La position de l'Union européenne sur le sujet encourage les Etats membres à prendre des lois réservant aux femmes au moins 40 % des places dans les conseils d'administration jusqu'en 2020. Dans un communiqué du Parlement européen il est montré que si le rythme actuel de croissance (0,5 % par an) du nombre de femmes dans les conseils est maintenu, les femmes n'atteindront pas 40 % avant un demi-siècle !


(1) A l'issue de l'assemblée générale de 2013.
(2) A l'issue de l'assemblée générale de 2016.
(3) La proportion de personnalités qualifiées de chaque sexe nommées en raison de leurs compétences, expériences ou connaissances administrateurs dans les conseils d'administration, les conseils de surveillance ou les organes équivalents des établissements publics non mentionnés à l'article 1er de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983, relative à la démocratisation du secteur public (N° Lexbase : L6981AGN), ne peut être inférieure à 40 %. Cette proportion doit être atteinte à compter du deuxième renouvellement du conseil d'administration, du conseil de surveillance ou de l'organe équivalent intervenant à partir de la promulgation de la présente loi. Lorsque le conseil d'administration, le conseil de surveillance ou l'organe équivalent est composé au plus de huit membres, l'écart entre le nombre des administrateurs de chaque sexe ne peut être supérieur à deux.

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Sociétés

[Brèves] Arrêté des comptes 2015 : publication des recommandations de l'AMF

Réf. : AMF, recommandation DOC-2015-08, 28 octobre 2015

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Le 05 Novembre 2015

En complément des thèmes prioritaires définis par l'ESMA, l'AMF a publié, le 28 octobre 2015, ses recommandations en vue de l'arrêté des comptes 2015 (AMF, recommandation DOC-2015-08, 28 octobre 2015). L'AMF demande principalement aux sociétés de fournir des descriptions ou des explications en annexes. Concernant l'implications comptables de l'environnement économique, lorsqu'une société est exposée de manière significative à des sous-jacents économiques volatils (taux d'intérêt, matières premières ou change) ou à des pays soumis à des incertitudes diverses, l'AMF recommande de prendre en compte l'ensemble de ces éléments lors de la préparation des comptes (notamment pour les actifs et passifs financiers à la juste valeur, les provisions et les tests de dépréciation) et d'adapter en conséquence le détail des informations fournies sur les expositions comptables, les hypothèses utilisées et leur sensibilité. L'AMF détaille des recommandations spécifiques adaptées en fonction de chacune de ces grandes thématiques (taux d'intérêt, prix des matières premières, risques spécifiques, etc.). Par ailleurs, afin de répondre à leurs besoins de financement et de trésorerie à court ou long terme, certaines sociétés ont recours à des financements alternatifs ou complémentaires à l'endettement bancaire et à l'appel aux marchés financiers. L'optimisation du besoin en fonds de roulement est une des solutions fréquemment mise en oeuvre et les opérations de gestion du besoin en fonds de roulement se développent. Quelques points d'attention relatifs à ces opérations sont traités dans ces recommandations, notamment sur la présentation des opérations au bilan et au tableau de flux de trésorerie, et sur l'information à présenter en annexes. Enfin, les normes IFRS 15 sur les produits des activités ordinaires tirés des contrats avec les clients et IFRS 9 sur les instruments financiers, ont été publiées respectivement en mai et juillet 2014, avec une date d'application au 1er janvier 2018. Même si ces normes n'ont pas encore été adoptées par l'Union européenne, l'AMF invite les sociétés à présenter l'état d'avancement de leurs travaux de mise en oeuvre de ces nouvelles normes et, si elle est disponible, une information qualitative sur les principes comptables qui seront potentiellement modifiés du fait de l'application de ces nouvelles normes. Les sociétés ayant prévu une application par anticipation sont invitées à le préciser. Conformément à une guideline de l'ESMA sur le contrôle des informations financières et comptables, l'AMF publie, en outre, des informations quantitatives sur ses travaux de revue des comptes des sociétés, menés entre septembre 2014 et septembre 2015.

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