Lexbase Affaires n°441 du 22 octobre 2015

Lexbase Affaires - Édition n°441

Bancaire

[Brèves] Convention de compte courant à vocation professionnelle : inapplication des dispositions régissant le crédit à la consommation

Réf. : Cass. civ. 1, 14 octobre 2015, n° 14-21.894, F-P+B (N° Lexbase : A6008NTP)

Lecture: 1 min

N9594BUU

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Le 05 Novembre 2015

Si la destination professionnelle d'un crédit doit résulter d'une stipulation expresse, les dispositions régissant le crédit à la consommation ne sont pas applicables à la convention de compte courant à vocation professionnelle, même si ce dernier fonctionne à découvert. Tel est l'enseignement issu d'un arrêt rendu le 14 octobre 2015 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 14 octobre 2015, n° 14-21.894, F-P+B N° Lexbase : A6008NTP ; cf. dans le même sens Cass. civ. 1, 6 janvier 2011, n° 09-70.651, F-P+B+I sur le 1er moyen N° Lexbase : A7318GND). Condamné au paiement d'une certaine somme au titre du solde débiteur d'un compte, incluant celle inscrite à un sous-compte (CA Amiens, 22 mai 2014, n° 12/0387 N° Lexbase : A3620MMZ), le client d'une banque a formé un pourvoi en cassation. La Haute juridiction, énonçant le principe précité, rejette le pourvoi. Elle retient qu'ayant relevé, d'une part, que la convention d'ouverture du compte indiquait, pour les mentions "nom, prénom ou raison sociale" le nom d'une personne physique et un nom commercial, suivis du numéro SIREN et du code APE, que la rubrique "le représentant légal" de ladite convention désignait la même personne physique en qualité de "gérant", que le cachet commercial de l'entreprise mentionnant le numéro RCS était apposé au bas du document sous la signature, et que des prélèvements en lien direct avec l'activité du bar avaient été opérés sur ce compte, d'autre part, que le solde débiteur isolé dans un sous-compte l'avait été en vertu d'un accord prévoyant que les comptes précités seraient régis par la même convention de compte courant, la cour d'appel a caractérisé la vocation professionnelle de ces comptes et ainsi légalement justifié sa décision (cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E0779ATZ).

newsid:449594

Commercial

[Brèves] Parasitisme : inspiration de la valeur économique d'un site internet qui a réalisé des investissements

Réf. : T. com. Paris, 28 septembre 2015, aff. n° 2014027464 (N° Lexbase : A6324NTE)

Lecture: 1 min

N9596BUX

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Le 22 Octobre 2015

L'existence sur le marché de sites internet ressemblant à celui du demandeur ou la banalité supposée de son concept ne sont pas de nature à démontrer l'absence de parasitisme alors que le seul fait de s'inspirer de la valeur économique d'un site qui a réalisé des investissements suffit à dénoter un agissement parasitaire. Tel est le sens d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 28 septembre 2015 (T. com. Paris, 28 septembre 2015, aff. n° 2014027464 N° Lexbase : A6324NTE). Le tribunal rappelle que la concurrence déloyale et le parasitisme sont certes fondés sur l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du principe tiré du risque de confusion, étranger à la concurrence parasitaire qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements. Il en résulte qu'un acte de concurrence parasitaire fautive, contraire aux usages normaux du commerce, notamment en ce qu'il rompt l'égalité entre les divers intervenants, sans risque de confusion, fausse le jeu normal du marché et provoque ainsi un trouble commercial. Or, en l'espèce, le fonctionnement des sites du défendeur présentent de nombreuses similitudes, notamment dans le cheminement de la commande, la structure de certains écrans le choix des messages, le recours à la voix d'acteurs, le paiement et le mode de livraison. Il s'est fortement inspiré de la valeur économique créée par son concurrent, d'autant plus facilement que son dirigeant avait travaillé pour celui-ci. En outre, le demandeur justifie avoir réalisé des investissements importants, notamment pour la réalisation de son site internet. Dès lors, il en résulte qu'en s'inspirant de la valeur économique créée par le demandeur, le défendeur s'est rendu coupable d'acte de concurrence parasitaire, engageant sa responsabilité.

newsid:449596

Concurrence

[Brèves] Saisine d'office et sanctions pécuniaires prononcées par le Conseil de la concurrence : conformité à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2015-489 QPC, du 14 octobre 2015 (N° Lexbase : A1932NTQ)

Lecture: 2 min

N9508BUP

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Le 16 Octobre 2015

Saisi d'une QPC (Cass. QPC, 9 juillet 2015, n° 14-29.354, FS-D N° Lexbase : A7549NMK), le Conseil constitutionnel a déclaré, le 14 octobre 2015 (Cons. const., décision n° 2015-489 QPC, du 14 octobre 2015 N° Lexbase : A1932NTQ), conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit les dispositions de l'article L. 462-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L6628AIC), dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 (N° Lexbase : L7843IB4), et des dispositions du paragraphe I de l'article L. 464-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L5682G49). Les sociétés requérantes faisaient valoir que, faute pour les dispositions de l'article L. 462-5 d'assurer une séparation des pouvoirs de poursuite et de sanction, elles portaient atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité. En ce qui concerne les dispositions de l'article L. 464-2, était invoquée la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines. Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs. Il a d'abord jugé que si, en vertu des dispositions de l'article L. 462-5 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence pouvait décider de se saisir d'office de certaines pratiques anticoncurrentielles, cette décision n'a ni pour objet, ni pour effet d'imputer une pratique à une entreprise déterminée. Le Conseil constitutionnel a ensuite relevé l'ensemble des garanties légales organisant la séparation des fonctions de poursuite et d'instruction et les pouvoirs de sanction. Il en a déduit qu'il n'était pas porté atteinte aux principes constitutionnels invoqués. S'agissant du principe de proportionnalité des peines, le Conseil constitutionnel a jugé, d'une part, qu'en fixant le plafond de la sanction à 10 % du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques anticoncurrentielles ont été mises en oeuvre, le législateur n'a pas institué une peine manifestement disproportionnée au regard, d'une part, de la nature des agissements réprimés et, d'autre part, du fait qu'ils ont pu et peuvent encore, alors même qu'ils ont cessé, continuer de procurer des gains illicites à l'entreprise. Le Conseil constitutionnel a jugé, d'autre part, qu'en prévoyant que devaient être retenus, le cas échéant, les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise combinante, le législateur a, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi "NRE" du 15 mai 2001 N° Lexbase : L8295ASZ), entendu prévenir des stratégies consistant à réduire, par des restructurations du capital des sociétés, le chiffre d'affaires des entreprises se livrant à des pratiques anticoncurrentielles afin de minorer le maximum de la sanction encourue dans l'hypothèse où ces pratiques seraient sanctionnées. Le Conseil constitutionnel a relevé que cette disposition tend, en outre, à prendre en compte la taille et les capacités financières de l'entreprise visée dans l'appréciation du montant maximal de la sanction.

newsid:449508

Entreprises en difficulté

[Brèves] Fusion de la Commission nationale d'inscription et de discipline des administrateurs judiciaires et de la Commission nationale d'inscription et de discipline des mandataires judiciaires

Réf. : Ordonnance n° 2015-1287 du 15 octobre 2015 (N° Lexbase : L0900KMB)

Lecture: 2 min

N9624BUY

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Le 27 Octobre 2015

Une ordonnance, publiée au Journal officiel du 16 octobre 2015 (ordonnance n° 2015-1287 du 15 octobre 2015 N° Lexbase : L0900KMB) a pour objet de fusionner la Commission nationale d'inscription et de discipline des administrateurs judiciaires et de la Commission nationale d'inscription et de discipline des mandataires judiciaires. Les dispositions du livre VIII du Code de commerce instituaient, pour chacune de ces professions, une Commission nationale d'inscription et de discipline distincte, qui, notamment, établit et tient à jour la liste de ces professionnels et statue en matière disciplinaire. L'article 2 de l'ordonnance abroge les articles L. 811-4 (N° Lexbase : L8906IPK) et L. 812-2-2 (N° Lexbase : L8907IPL) qui prévoient la composition de chacune des commissions. L'article 3 modifie le titre de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre VIII et crée une sous-section 1 qui comprend deux articles consacrés, d'une part, à la composition de la commission fusionnée et, d'autre part, aux recours à l'encontre des décisions de cette commission. La composition de la Commission commune aux deux professions est adaptée afin de tenir compte de la charge de travail induite par la fusion des deux commissions tout en conservant la pluridisciplinarité et le haut niveau de qualification de ses membres. Ainsi, les administrations ou institutions représentées dans chacune des commissions demeurent représentées dans la nouvelle commission mais le nombre de membres titulaires passe de dix pour chacune des commissions à onze pour la commission fusionnée. Les autorités amenées à désigner les membres de la Commission nationale d'inscription et de discipline devront veiller, conformément à réduire l'écart entre le nombre de femmes et d'hommes par rapport à ce qu'il était avant la décision de désignation, d'autant qu'il est possible en vue de ne pas être supérieur à un. Par ailleurs, la durée du mandat, fixée à trois ans, est conservée mais la limite au nombre de renouvellement des mandats est supprimée. Les dispositions selon lesquelles les frais de fonctionnement de la commission sont à la charge de l'Etat demeurent inchangées. Ces frais sont constitués par le secrétariat de la commission qui est confié à un agent du ministère de la justice. Les dispositions existantes en matière de recours son reprises. En conséquence, l'article 4 de l'ordonnance procède à la coordination des textes rendue nécessaire par ce changement de référence. L'article 6 prévoit un délai d'entrée en vigueur différé au premier jour du quatrième mois suivant celui de la publication de l'ordonnance au Journal officiel de la République française, soit le 1er février 2015 (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E7928ETS).

newsid:449624

Entreprises en difficulté

[Brèves] Distinction créances antérieures/créances postérieures : naissance de la créance du codébiteur d'une obligation in solidum

Réf. : Cass. com., 13 octobre 2015, n° 14-10.664, FS-P+B (N° Lexbase : A5907NTX)

Lecture: 2 min

N9588BUN

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Le 24 Octobre 2015

Il résulte de la combinaison des articles 1214 (N° Lexbase : L1316ABD) et 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) du Code civil et L. 621-43 du Code de commerce (N° Lexbase : L6895AI9), dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L5150HGT), que le codébiteur d'une obligation in solidum qui a exécuté l'entière obligation peut répéter contre l'autre responsable ses part et portion et c'est au jour où il a été assigné en réparation du dommage que naît sa créance indemnitaire contre son coresponsable, de sorte que l'assignation en responsabilité solidaire étant antérieure au jugement d'ouverture, le créance en résultant est une créance antérieure devant faire l'objet d'une déclaration. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 13 octobre 2015 (Cass. com., 13 octobre 2015, n° 14-10.664, FS-P+B N° Lexbase : A5907NTX). En l'espèce une société a confié, le 30 juillet 1986, à une société de construction l'aménagement d'un port de plaisance, l'Etat assurant une mission partielle de maîtrise d'oeuvre du projet. Invoquant des malfaçons, la société maître de l'ouvrage a, par assignation du 28 août 1997, recherché devant un tribunal administratif la responsabilité solidaire de l'Etat et du constructeur sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs. Le 25 juin 2001, le constructeur a été mis en redressement judiciaire. Un jugement du tribunal administratif du 12 octobre 2001 l'a condamné solidairement avec l'Etat à réparer le préjudice du maître de l'ouvrage. Après que le Conseil d'Etat, le 1er mars 2006, eut modifié le montant de la réparation, l'Etat a émis un titre de perception contre le constructeur, que celui-ci et le représentant de ses créanciers ont contesté devant un tribunal administratif, au motif que la créance de l'Etat n'avait pas été déclarée au passif de la procédure collective. La juridiction administrative a renvoyé au tribunal de cette procédure la question de savoir si la créance de l'Etat était antérieure ou postérieure à l'ouverture du redressement judiciaire. Pour dire que la créance de remboursement de l'Etat à l'encontre de son codébiteur solidaire est une créance postérieure, l'arrêt d'appel retient qu'aucune solidarité n'était expressément stipulée entre les deux débiteurs antérieurement à leur condamnation, ou prévue par la loi, et qu'elle ne résulte pas davantage de leur seule obligation à réparer le dommage, de sorte que la créance litigieuse est une créance née de la décision de condamnation. Mais énonçant le principe précité, la Cour régulatrice censure l'arrêt d'appel au visa des articles 1214 et 1382 du Code civil et L. 621-43 du Code de commerce : en statuant ainsi, après avoir relevé que l'assignation en responsabilité solidaire était antérieure au jugement d'ouverture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0349EUH).

newsid:449588

Entreprises en difficulté

[Brèves] Prise d'effet du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire dès la première heure de la date de son prononcé et recevabilité du pourvoi en cassation

Réf. : Cass. com., 13 octobre 2015, n° 14-14.327, F-P+B (N° Lexbase : A5825NTW)

Lecture: 2 min

N9592BUS

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Le 03 Novembre 2015

Le pourvoi en cassation d'une société ayant déposé au greffe de la Cour sa déclaration de pourvoi le même jour que le prononcée de sa liquidation judiciaire est irrecevable, en l'absence de sa régularisation par l'intervention du liquidateur dans le délai de dépôt du mémoire, dès lors que la liquidation judiciaire a pris effet le jour de son prononcé à 0 heure. Telle est l'une des précisions apportées par la Cour de cassation dans un arrêt du 13 octobre 2015 (Cass. com., 13 octobre 2015, n° 14-14.327, F-P+B N° Lexbase : A5825NTW ; sur le principe selon lequel le jugement ouvrant une procédure collective prend effet dès la première heure de la date de son prononcé, cf. not. Cass. com., 22 novembre 1994, n° 92-18.095 N° Lexbase : A0215C9T). En l'espèce, une banque a assigné une SNC et une SARL (les sociétés), ainsi que deux associés de la SNC et cautions, en paiement de diverses sommes. Une procédure de redressement a été ouverte à l'encontre des deux sociétés et des deux associés cautions. Après déclaration des créances, les débiteurs les ont contesté et demandé reconventionnellement des dommages-intérêts à la banque en raison de la facturation de frais financiers abusifs et rupture abusive de crédits, le représentant des créancier ayant repris cette action. Le tribunal a arrêté le plan de continuation et désigné en qualité de commissaire à l'exécution des plans, le représentant des créanciers, M. X, qui a repris la demande de dommages-intérêts en cette dernière qualité. Les plans ont été exécutés en 2004. Un jugement a mis à nouveau la SARL en redressement judiciaire, M. X, étant nommé mandataire judiciaire. Les deux sociétés, l'un des associés caution et M. X, agissant en ses qualités de commissaire à l'exécution des plans et de représentant des créanciers, ont repris la demande de dommages-intérêts non encore jugée et demandé, en outre, à la banque le paiement d'une somme représentant le montant d'un billet de trésorerie. Un pourvoi a été formé par, la SNC, la SARL, l'associé caution et M. X, agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan et en qualité de commissaire au plan et de représentant des créanciers contre l'arrêt d'appel (CA Montpellier, 10 février 2013, n° 12/03615 N° Lexbase : A9971KQD). Après avoir déclaré le pourvoi formé par M. X, agissant tant en qualité de commissaire à l'exécution du plan qu'en qualité de commissaire au plan et de représentant des créanciers, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, déclare le pourvoi formé par la SARL également irrecevable (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E7874ETS et N° Lexbase : E3968EUI).

newsid:449592

Entreprises en difficulté

[Brèves] Obligation de désigner un mandataire ad hoc pour poursuivre les instances reprises par le commissaire à l'exécution du plan qui n'est plus en fonction, peu important que les débiteurs étaient eux-mêmes parties à l'instance

Réf. : Cass. com., 13 octobre 2015, n° 14-14.327, F-P+B (N° Lexbase : A5825NTW)

Lecture: 2 min

N9593BUT

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Le 04 Novembre 2015

Il résulte des articles L. 621-68 du Code de commerce (N° Lexbase : L6920AI7) et 90 du décret du 27 décembre 1985 (N° Lexbase : L9117AGR) que les instances auxquelles le représentant des créanciers était partie et qui ont été reprises par le commissaire à l'exécution du plan doivent, lorsque celui-ci n'est plus en fonction, être poursuivies par un mandataire de justice spécialement désigné à cet effet ; il n'est pas fait exception à cette règle lorsque les débiteurs étaient eux-mêmes parties à l'instance. Tel est l'un des enseignements d'un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 13 octobre 2015 (Cass. com., 13 octobre 2015, n° 14-14.327, F-P+B N° Lexbase : A5825NTW ; sur l'obligation de nommer un mandataire ad hoc, cf. désormais, C. com., art. L. 626-25 N° Lexbase : L3349ICZ). En l'espèce, une banque a assigné une SNC et une SARL (les sociétés), ainsi que deux associés de la SNC et cautions, en paiement de diverses sommes. Une procédure de redressement a été ouverte à l'encontre des deux sociétés et des deux associés cautions. Après déclaration des créances, les débiteurs les ont contestées et ont demandé reconventionnellement des dommages-intérêts à la banque en raison de la facturation de frais financiers abusifs et rupture abusive de crédits, le représentant des créancier ayant repris cette action. Le tribunal a arrêté le plan de continuation et désigné en qualité de commissaire à l'exécution des plans, le représentant des créanciers, M. X, qui a repris la demande de dommages-intérêts en cette dernière qualité. Les plans ont été exécutés en 2004. Un jugement a mis à nouveau la SARL en redressement judiciaire, M. X, étant nommé mandataire judiciaire. Les deux sociétés, l'un des associés caution et M. X, agissant en ses qualités de commissaire à l'exécution des plans et de représentant des créanciers, ont repris la demande de dommages-intérêts non encore jugée et demandé, en outre, à la banque le paiement d'une somme représentant le montant d'un billet de trésorerie. La SNC et l'associé caution ont formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt d'appel qui a déclaré irrecevable leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts, considérant que cette action aurait dû être poursuivie par un mandataire de justice désigné spécialement à cet effet par le tribunal devant lequel s'est déroulée la procédure de redressement judiciaire (CA Montpellier, 10 février 2013, n° 12/03615 N° Lexbase : A9971KQD). Enonçant le principe précité, la Cour régulatrice rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E2868EUR).

newsid:449593

Entreprises en difficulté

[Brèves] Clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif et réouverture d'un droit de poursuite individuelle pour condamnation du débiteur : obligation de faire constater la réunion des conditions légales

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 14 octobre 2015, n° 375592, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3717NTT)

Lecture: 2 min

N9590BUQ

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Le 22 Octobre 2015

En vertu des dispositions combinées des III et IV de l'article L. 622-32 du Code de commerce (N° Lexbase : L7027AI4), dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde (N° Lexbase : L5150HGT), il appartient au comptable public chargé de recouvrer une créance fiscale admise au passif d'un débiteur placé en liquidation judiciaire et ayant fait l'objet d'une interdiction de diriger ou contrôler une entreprise commerciale de saisir, postérieurement à la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif, le président du tribunal de commerce compétent afin que celui-ci constate qu'étaient réunies les conditions auxquelles cet article subordonnait la réouverture d'un droit de poursuite individuelle ; à défaut, la créance en cause subsiste, sans pour autant être exigible. Tel est le sens d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 14 octobre 2015 (CE 9° et 10° s-s-r., 14 octobre 2015, n° 375592, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3717NTT). En l'espèce, un débiteur a été notamment assujetti à diverses taxes et impôts, ces créances fiscales ayant été admises au passif de la liquidation de l'entreprise individuelle de l'intéressé. Le débiteur a fait l'objet, d'une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale pour une durée de dix ans, par un jugement du 23 décembre 1992. La procédure de liquidation a été clôturée pour insuffisance d'actif le 27 février 2002. Le débiteur a versé à la caisse du trésorier, entre cette dernière date et le 4 juillet 2008, une somme en acomptes du paiement des impositions en cause. Il en a alors demandé le remboursement à l'administration fiscale, au motif que ces impositions n'étaient pas exigibles. Pour rejeter cette demande la cour d'appel a estimé que les versements faisant l'objet de la contestation de M. B. procédaient d'un apurement spontané de sa dette fiscale par l'intéressé. Or, énonçant le principe précité, le Conseil d'Etat censure cette solution : en jugeant ainsi, sans rechercher, d'une part, si la dette fiscale ainsi acquittée était encore exigible, et, d'autre part, si le comptable public pouvait légalement mettre en oeuvre les actes de poursuite dont, ainsi qu'elle l'a relevé, il avait fait état auprès de la société avant qu'elle ne procède aux paiements en cause, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit. Il est à noter que, depuis la loi de sauvegarde, la condamnation du débiteur à une interdiction de gérer ne fait plus recouvrer aux créanciers leur droit de poursuite individuelle (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E5014EUA).

newsid:449590

[Brèves] Impossibilité pour la caution d'opposer au créancier la clause du contrat de prêt instituant une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge

Réf. : Cass. com., 13 octobre 2015, n° 14-19.734, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1935NTT)

Lecture: 1 min

N9517BUZ

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Le 22 Octobre 2015

La fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre d'une clause contractuelle qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, ne concerne, lorsqu'une telle clause figure dans un contrat de prêt, que les modalités d'exercice de l'action du créancier contre le débiteur principal et non la dette de remboursement elle-même dont la caution est également tenue, de sorte qu'elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 13 octobre 2015 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 13 octobre 2015, n° 14-19.734, FS-P+B+I N° Lexbase : A1935NTT). En l'espèce, par acte sous seing privé, une personne s'est rendue caution solidaire envers une banque d'un prêt consenti, par celle-ci à une société, par acte authentique. La banque a assigné la caution en paiement du solde, cette dernière ayant opposé l'irrecevabilité de la demande pour non-respect de la procédure préalable de conciliation prévue par le contrat de prêt. La cour d'appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 23 janvier 2014, n° 11/09051 N° Lexbase : A7767MCN) a accueilli cette fin de non-recevoir, retenant que l'obligation de mettre en oeuvre une procédure préalable de conciliation s'analyse en une exception inhérente à la dette en ce que cette prévision est indifférente à la personne du souscripteur et ne se rapporte qu'à l'obligation souscrite, dont elle définit les modalités présidant à son admission et sa mise en exécution. Mais énonçant la solution précitée, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel au visa des articles 2313 du Code civil (N° Lexbase : L1372HIN) et 122 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1414H47 ; cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E9544AGL).

newsid:449517

Propriété intellectuelle

[Jurisprudence] Du nouveau sur le régime juridique des oeuvres musicales

Réf. : Cass. civ. 1, 30 septembre 2015, n° 14-11.944, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7904NR8)

Lecture: 10 min

N9523BUA

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par Fabienne Fajgenbaum et Thibault Lachacinski, Avocats à la cour

Le 22 Octobre 2015

Les compositions musicales sont des oeuvres de l'esprit à part d'une nature particulière : leur mode de création bien souvent collégial les prédispose au régime juridique des oeuvres de collaboration prévu par l'article L.113-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3339ADZ) ; la complexité technique de la langue musicale représente par ailleurs un défi pour les juridictions et peut poser de réelles difficultés en termes de motivation des décisions. L'arrêt de censure rendu le 30 septembre 2015 par la première chambre civile de la Cour de cassation, voué aux honneurs d'une publication au Bulletin (1), est remarquable dans la mesure où il aborde ces deux problématiques. Ses enseignements, sur lesquels nous reviendrons successivement, présentent également un intérêt pour les régimes juridiques de l'ensemble des oeuvres de l'esprit. A titre liminaire, il est intéressant de s'attarder sur les étapes d'une procédure atypique, aux conséquences paradoxales. I - Une procédure atypique, fruit d'une médiation manquée

Sur la présentation des faits, il convient simplement de rappeler que Monsieur Jean-Jacques Goldman a écrit et composé les paroles et la musique d'une oeuvre musicale intitulée "Aïcha", les arrangements ayant été réalisés en collaboration avec Monsieur Eric Benzi. Par la suite, une seconde version de cette chanson a été créée à partir des paroles en arabe ajoutées par le chanteur Cheb Khaled ("Aïcha 2"). Monsieur Jean-François Leo, estimant que 16 mesures des couplets des chansons "Aïcha 1" et "Aïcha 2" portaient atteinte à ses droits d'auteur sur la composition musicale "For ever", il les a assignés devant le tribunal de grande instance de Paris, aux côtés de leurs éditeurs. Selon jugement du 18 novembre 2011 (2), le tribunal a retenu l'existence de la contrefaçon et condamné les défendeurs au versement de la somme de 15 000 euros en réparation de l'atteinte au droit moral de Monsieur Leo. Toutefois, statuant avant-dire droit, il a ordonné la réouverture des débats pour entendre les parties sur la médiation qu'il proposait, portant sur le montant du préjudice patrimonial.

Cette initiative du tribunal met en lumière la mission de conciliation qui est dévolue au juge par l'article 21 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1147H4A). Le récent décret n° 2015-282 du 11 mars 2015, relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends (N° Lexbase : L1333I8U), poursuit ainsi l'objectif de favoriser le recours aux modes alternatifs de résolution des litiges (3).

En l'espèce, les défendeurs n'ayant pas fourni de pièces permettant d'apprécier le préjudice patrimonial de Monsieur Leo, le tribunal souhaitait par ce biais éviter une mesure d'expertise longue et sans doute coûteuse. Malheureusement, n'ayant pas trouvé d'écho favorable auprès des plaideurs, cette initiative a eu pour effet paradoxal de complexifier singulièrement la procédure : en effet, alors que l'instance a repris devant le tribunal s'agissant du quantum du préjudice patrimonial (4), un appel a été interjeté contre le jugement du 18 novembre 2011 (qui ne concernait donc que la question de l'atteinte aux droits moraux).

Or, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 20 septembre 2013 (5), après avoir rappelé le périmètre limité de sa saisine (qui ne porte donc ni sur l'évaluation, ni sur la réparation du préjudice patrimonial de Monsieur Leo), a infirmé la décision de première instance et écarté l'existence de toute contrefaçon. En définitive, le tribunal de grande instance de Paris se trouvait, dès lors, dans la situation singulière d'avoir à se prononcer sur le préjudice patrimonial induit par des actes de contrefaçon qui ont été écartés -certes au regard des droits moraux- par une juridiction du degré supérieur. La censure prononcée le 30 septembre 2015 par la Cour de cassation présente donc également un intérêt de ce point de vue en ce qu'elle pourrait mettre un terme définitif à un imbroglio procédural, l'action de Monsieur Leo encourant in fine la sanction de l'irrecevabilité dans chacune des deux procédures.

II - Condition de recevabilité de l'action en contrefaçon dirigée contre une oeuvre de collaboration : indifférence de la nature des droits d'auteur invoqués

Le régime -dérogatoire- des oeuvres de collaboration tend à se préciser au gré des décisions rendues. L'oeuvre de collaboration étant "la propriété commune des coauteurs" (ainsi que le précise l'article L.113-3 du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L3337ADX), les droits des coauteurs ne peuvent être exercés que d'un commun accord. Ce principe d'unanimité dans la gestion de l'oeuvre de collaboration trouve à s'appliquer s'agissant de l'exploitation commerciale mais également de la défense de l'oeuvre. Le coauteur d'une oeuvre de collaboration qui agit en justice pour la défense de ses droits patrimoniaux (6) est donc tenu, à peine d'irrecevabilité, de mettre en cause les autres auteurs, dès lors que leurs contributions ne peuvent être séparées (7).

Cette exigence d'unanimité se justifie par la nature même de l'oeuvre de collaboration : financièrement intéressé à sa gestion, chacun des coauteurs jouit d'un droit de regard. Elle n'en représente pas moins une contrainte procédurale pour les coauteurs soucieux de défendre l'oeuvre commune ; contrainte dont le principal bénéficiaire n'est autre que le contrefacteur.

La même philosophie trouve à s'appliquer mutatis mutandis en défense, lorsque c'est désormais l'oeuvre de collaboration qui est arguée de contrefaçon. La première chambre civile de la Cour de cassation a ainsi jugé que la recevabilité de l'action en contrefaçon dirigée à l'encontre d'une oeuvre de collaboration, laquelle est la propriété commune des coauteurs, est subordonné à la mise en cause de l'ensemble de ceux-ci, dès lors que leur contribution ne peut être séparée (8).

A noter, toutefois, que cette même formation a jugé que la recevabilité de l'action engagée à l'encontre de l'exploitant d'une oeuvre de collaboration n'est pas subordonnée à la mise en cause des coauteurs (9). Les intérêts de la victime des actes de contrefaçon se trouvent ainsi préservés grâce au choix qui lui est laissé d'agir contre chacun des coauteurs de l'oeuvre de collaboration litigieuse ou contre le seul exploitant de ladite oeuvre (10). Nul doute que cette dernière option devrait recueillir la préférence des plaideurs dans la majorité des cas, compte tenu de sa simplicité procédurale mais également, de façon plus prosaïque, pour des raisons de solvabilité.

Dans l'affaire qui nous intéresse, la cour d'appel de Paris avait rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en cause de l'un des coauteurs de l'oeuvre de collaboration arguée de contrefaçon, au motif que l'action en justice était exclusivement fondée sur la violation du droit moral d'auteur (11). Son arrêt est censuré. Aux termes de son arrêt du 30 septembre 2015, la Cour de cassation rappelle en effet que l'irrecevabilité est encourue "quelle que soit la nature des droits d'auteur invoqués par le demandeur à l'action". Peu importe, donc, que le demandeur à l'action invoque des droits patrimoniaux ou moraux d'auteur ; il lui appartient, dans tous les cas, d'attraire à l'instance l'ensemble des coauteurs de l'oeuvre arguée de contrefaçon dès lors que leur contribution ne peut être séparée, ce qu'avait précisément retenu la cour d'appel, estimant en l'espèce que "paroles et musique forment un tout indivisible qui relève d'un même genre, celui de la chanson".

Une nouvelle fois, les conséquences directes que pourraient avoir une décision défavorable sur l'exploitation des droits des coauteurs permettent de justifier cette rigueur procédurale. Aucune raison objective ne semble d'ailleurs pouvoir justifier un régime juridique différent entre droits moraux et droits patrimoniaux. Quoi qu'il en soit, plus que jamais, les demandeurs se trouvent incités à privilégier une action directement dirigée à l'encontre de l'exploitant de l'oeuvre de collaboration arguée de contrefaçon.

III - La présence d'éléments connus au sein d'une composition musicale ne permet pas d'exclure per se son caractère original

Parmi les oeuvres de l'esprit qu'il énumère, l'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3334ADT) vise notamment les "compositions musicales avec ou sans paroles" (5°) aux côtés des oeuvres dramatico-musicales et des séquences animées d'images sonorisées. Les oeuvres musicales sont donc éligibles à la protection du droit d'auteur sous réserve qu'elles en remplissent la condition d'originalité et portent ainsi l'empreinte de la personnalité de leur auteur. Pour autant, l'étude de la jurisprudence révèle que les compositions musicales tendent à occuper une place à part parmi les oeuvres de l'esprit. En effet, si l'article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3333ADS) pose un principe général d'indifférence du genre et de la forme d'expression des oeuvres en droit d'auteur, force est de constater que les oeuvres musicales bénéficient d'un traitement particulier par les juridictions.

La raison en est avant tout technique : bien qu'universelle, la musique est un langage qui n'est pas unanimement maîtrisé et dont la perception (ses détails notamment) dépend pour une grand part de l'oreille de son auditoire. Pour preuve, le recours généralisé par les juridictions aux services d'experts (12). Pour autant, celles-ci prennent alors systématiquement la précaution de souligner qu'elles se sont elles-mêmes livrées à l'écoute des oeuvres (13). Rappelons en effet que, aux termes d'un récent arrêt du 10 mars 2015, la cour d'appel de paris a écarté les rapports réalisés par un expert à la demande de l'une des parties après avoir relevé, au visa de l'article 238 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1734H4Y), que "l'appréciation de l'originalité des photographies revendiquées [...] au titre du droit d'auteur est une analyse d'ordre juridique réservée au juge et qu'ainsi l'expert -qui au demeurant n'est pas un juriste- n'est pas habilité à dire le droit à la place du juge et donc de qualifier l'originalité d'une création" (14). De même, le tribunal de grande instance de Paris a jugé que l'expert en musique n'étant pas un détective, il ne pouvait se substituer au juge pour vérifier l'antériorité d'une musique par rapport à une autre (15). En définitive, la position des juridictions est parfaitement synthétisée par la cour d'appel de Paris : "le juge n'est pas lié par les constatations et conclusions de l'expert mais peut également s'approprier l'avis d'un expert même s'il a exprimé une opinion d'ordre juridique excédant les limites de sa mission (16).

Afin d'apprécier le caractère protégeable d'une composition musicale, les juridictions s'attachent à en analyser la mélodie (c'est-à-dire la phrase musicale de premier plan, immédiatement perçue par le public (17)), l'harmonie (succession d'accords jouée simultanément à la mélodie, afin de la soutenir et de l'enrichir) et le rythme (par exemple le rythme ternaire de la valse) ainsi que, le cas échéant, l'orchestration (18). Bien souvent, l'originalité est principalement fonction de la mélodie plus que de l'harmonie et du rythme, lesquels empruntent régulièrement au fonds commun de la musique. Cela étant, les juridictions rappellent de façon classique que l'originalité de l'oeuvre musicale ne saurait être appréciée en considération d'éléments pris isolément mais en fonction de l'aspect d'ensemble produit par l'agencement de ces différentes caractéristiques (19).

Dans l'affaire qui nous intéresse, afin d'écarter le caractère protégeable de la composition musicale du demandeur, la cour d'appel avait retenu que, si les oeuvres "Aïcha 1", "Aïcha 2", "For ever" de même que les antériorités dont elle avait pu prendre connaissance révélaient un enchaînement d'accords identiques sur quatre notes, "ce passage était couramment utilisé dans les oeuvres actuelles et n'était pas en tant que tel susceptible d'appropriation". Elle en avait déduit que l'oeuvre "For ever", qui "reprend des éléments connus dans une combinaison dont l'originalité n'est pas établie", ne pouvait bénéficier de la protection instaurée par le livre I du Code de la propriété intellectuelle.

La première chambre civile censure ce raisonnement en ce que les motifs qu'il a retenus sont impropres à exclure l'originalité de l'oeuvre revendiquée "qui doit être appréciée dans son ensemble au regard des différents éléments, fussent-ils connus, qui la composent, pris en leur combinaison". Ce faisant, la Haute juridiction rappelle implicitement que l'originalité ne doit pas être confondue avec la nouveauté et que la notion d'antériorité reste inopérante en droit d'auteur (20). Seuls comptent en définitive l'arrangement apporté à l'oeuvre musicale et la capacité qu'a pu avoir l'artiste d'y imprimer l'empreinte de sa personnalité, raison pour laquelle un emprunt au folklore n'exclut pas nécessairement toute originalité (21). En pratique toutefois, l'on constate que l'existence de morceaux se rapprochant de l'oeuvre dont la protection est revendiquée tend à exercer une influence réelle dans la décision des juridictions (22).

L'affaire objet du présent commentaire met ainsi en évidence une autre particularité des oeuvres musicales, à savoir le fait qu'elles se nourrissent entre elles et que l'inspiration de nouvelles oeuvres est fréquemment puisée au sein d'oeuvres préexistantes. Il n'est d'ailleurs pas anodin de constater que la théorie (exonératoire) des réminiscences et de la rencontre fortuite a connu un succès tout particulier pour ce type d'oeuvres (23). L'appréciation du caractère éventuellement contrefaisant d'une oeuvre par rapport à une autre pose dès lors les mêmes difficultés que pour caractériser l'originalité. Afin de s'extraire de la subjectivité inhérente aux oeuvres musicales, certaines juridictions privilégient un raisonnement tout scientifique : à titre d'exemple, pour retenir le caractère contrefaisant d'une chanson de Calogéro, le tribunal de grande instance de Paris a relevé que l'analyse mélodique laissait ressortir "que les refrains des deux oeuvres présentent d'importantes similitudes de l'ordre de 63 % de notes communes, les mélodies des mesures 0 à 4 et 12 à 16 étant quasiment identiques, commençant dans les 2 cas en levée" (24).

De manière plus générale, les juridictions recherchent si l'oeuvre litigieuse reprend, dans la même combinaison, les éléments au fondement de l'originalité de l'oeuvre revendiquée : "la contrefaçon d'une oeuvre musicale suppose l'existence de similitudes rythmique, mélodique et harmonique entre les deux compositions opposées permettant la reconnaissance de l'oeuvre première dans l'oeuvre seconde". Il s'agit alors de vérifier si l'on retrouve à suffisance des éléments de la forme originale de l'oeuvre revendiquée dans l'oeuvre arguée de contrefaçon. En revanche, il a été jugé qu'un "simple air de famille' mélodique ou le sentiment pour une oreille avertie d'avoir déjà entendu ailleurs un thème musical ne suffisent pas à constituer une contrefaçon" (25) ; de même, un arpège étant "un simple outil de composition qui appartient au fonds commun de la création musicale", sa seule reprise ne saurait être sanctionnée au titre de la contrefaçon (26).


(1) L'arrêt rapporté a également été publié sur le site internet de la Cour de cassation.
(2) TGI Paris, 3ème ch., 18 novembre 2011, n° 08/13451 (N° Lexbase : A2745H4G).
(3) C. proc. civ., art. 27 : "S'il n'est pas justifié, lors de l'introduction de l'instance et conformément aux dispositions des articles 56 (N° Lexbase : L1441I8U) et 58 (N° Lexbase : L1442I8W), des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation".
(4) Ayant donné lieu à un jugement du 2 novembre 2012 (TGI Paris, 3ème ch., 2 novembre 2012, n° 08/13451 [LXB= A9245I48]) ordonnant une expertise ; selon ordonnance du 28 février 2013 (CA Paris, Pôle 1, 5ème ch., 28 février 2013, n° 12/21802 N° Lexbase : A7063I84), le premier Président de la cour d'appel de Paris a refusé d'autoriser l'appel de cette décision (ordonnant l'expertise) indépendamment du jugement sur le fond au motif que les demandeurs ne justifiaient pas de l'existence d'un motif légitime.
(5) CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 20 septembre 2013, n° 11/22947 (N° Lexbase : A4369KLE).
(6) Il semble, en revanche, que chaque coauteur soit recevable à agir seul contre des atteintes portées au droit moral sur l'ensemble de l'oeuvre de collaboration (par un raisonnement a contrario, Cass. civ. 1, 5 décembre 1995, n° 93-13.559 N° Lexbase : A7682AB7).
(7) Cass. civ. 1, 10 mai 1995, n° 93-10.945 (N° Lexbase : A8543CQH).
(8) Cass. civ. 1, 5 juillet 2006, n° 04-16.687, F-D (N° Lexbase : A3656DQH).
(9) Cass. civ. 1, 11 décembre 2013, n° 12-25.974, FS-P+B (N° Lexbase : A3457KRH).
(10) L'exploitant conservant quant à lui la possibilité d'agir en garantie à l'encontre de l'ensemble des coauteurs.
(11) Implicitement dans le même sens, TGI Paris, 3ème ch., 20 mars 2012, n° 10/07952 (N° Lexbase : A2686IIC).
(12) Avec pour conséquence pratique un allongement sensible de la durée de la procédure ; pour un jugement rendu prêt de 17 ans après l'acte d'assignation compte tenu des contestations élevées à l'encontre de la personne de l'expert et du recours interjeté à l'encontre de l'ordonnance de désignation : TGI Paris, 3ème ch., 14 juin 2013, n° 12/09428 (N° Lexbase : A8419KHB).
(13) CA Paris, 25 septembre 2015, n° 14/01364 ; TGI Paris, 3ème ch., 16 mai 2014, n° 12/08810 (N° Lexbase : A1645MQY).
(14) CA Paris, Pôle 5,1ère ch., 10 mars 2015, n° 13/09634 (N° Lexbase : A1420NMK) ; TGI Paris, 3ème ch., 16 mai 2014, n° 12/08810 préc. : "si l'avis de l'expert ne saurait lier le Tribunal qui est seul compétent pour apprécier le caractère original d'une composition [...]".
(15) TGI Paris, 3ème ch., 3 avril 2015, n° 13/08932 (N° Lexbase : A3788NGE).
(16) CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 19 octobre 2011, n° 09/22987 (N° Lexbase : A9235H78).
(17) En ce sens, TGI Paris, 3ème ch., 16 mai 2014, n° 12/08810, préc. : le point de vue mélodique "est celui qui va le plus attirer l'attention de l'auditeur, étant relevé que le refrain d'une chanson, par son caractère répétitif, est plus de nature à marquer l'auditeur que les couplets".
(18) CA Paris, 25 septembre 2015, n° 14/01364, préc. ; TGI Paris, 16 mai 2014, n° 12/08810, préc. ; CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 20 janvier 2012, n° 11/01924 (N° Lexbase : A1225IBY).
(19) CA Paris, 25 septembre 2015, préc..
(20) En ce sens déjà, Cass. civ. 1, 3 juin 1998, n° 96-14.352 (N° Lexbase : A8740AYD) ; CA Paris, 4ème ch., sect. A, 26 mars 2008, n° 06/11848 (N° Lexbase : A5844D8X) ; s'agissant d'un texte de chanson : "il convient [...] de rappeler que la banalité n'est en rien exclusive de cette originalité, laquelle n'a rien à voir, quand il s'agit de textes, avec la qualité littéraire et qui découle seulement des choix faits par l'auteur et de l'empreinte de sa personnalité qui se dégage de son oeuvre (TGI Paris, 3ème ch., 10 juillet 2015, n° 13/08938 N° Lexbase : A3144NP7).
(21) TGI Paris 13 septembre 2012, n° 10/17282 ; CA Paris, 19 octobre 2011, préc..
(22) TGI Paris, 16 mai 2014, préc. ; CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 6 avril 2012, n° 11/08586 (N° Lexbase : A0999IIT) ; le tribunal de grande instance de Paris a même jugé le 13 septembre 2012 (préc.) qu'une oeuvre musicale répond aux critères d'originalité "si aucune antériorité musicale n'est rapportée, la preuve d'une éventuelle antériorité incombant au défendeur à l'action en contrefaçon".
(23) TGI Paris, 16 mai 2014, préc. : "la contrefaçon d'une oeuvre de l'esprit résulte de la seule reproduction et ne peut être écartée que lorsque celui qui la conteste démontre que les similitudes entre les 2 oeuvres procèdent d'une rencontre fortuite ou de réminiscences résultant notamment d'une source d'inspiration commune" ; Cass. civ. 1 2 octobre 2013, n° 12-25.941, F-P+B+I (N° Lexbase : A1768KMG). Cf. également, CA Paris, 25 septembre 2015 et CA Paris, 20 janvier 2012, préc. ; CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 15 juin 2011, n° 2010/09821 ((LXB=A8617HTC]).
(24) TGI Paris, 16 mai 2014, préc. ; pour des coïncidences à plus de 92 % sur l'intégralité des oeuvres, TGI Paris, 13 septembre 2012, préc..
(25) TGI Paris, 3ème ch., 27 janvier 2011, n° 09/15307 (N° Lexbase : A5364GR4) (définitif).
(26) TGI Paris, 3ème ch., 18 mars 2011, n° 09/10603 (N° Lexbase : A4827HPH) ; confirmé par CA Paris, 6 avril 2012, préc..

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Applicabilité du régime dérogatoire institué au profit de l'INA pour l'exploitation des archives audiovisuelles

Réf. : Cass. civ. 1, 14 octobre 2015, n° 14-19.917, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2713NTN)

Lecture: 2 min

N9597BUY

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Le 22 Octobre 2015

L'applicabilité du régime dérogatoire institué au profit de l'INA pour l'exploitation des archives audiovisuelles n'est pas subordonnée à la preuve de l'autorisation par l'artiste-interprète de la première exploitation de sa prestation. Telle est la solution énoncée par la Cour de cassation dans un arrêt du 14 octobre 2015 (Cass. civ. 1, 14 octobre 2015, n° 14-19.917, FS-P+B+I N° Lexbase : A2713NTN). En l'espèce, reprochant à l'INA de commercialiser sur son site internet, sans leur autorisation, des vidéogrammes et un phonogramme reproduisant les prestations d'un batteur décédé le 26 janvier 1985, ses ayants-droit, l'ont assigné pour obtenir réparation de l'atteinte ainsi prétendument portée aux droits d'artiste-interprète dont ils sont titulaires, en invoquant l'article L. 212-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3434ADK), aux termes duquel sont soumises à l'autorisation écrite de l'artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l'image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l'image. La cour d'appel a accueilli cette demande : après avoir énoncé que la mission de conservation et d'exploitation des archives audiovisuelles conférée à l'INA par le législateur n'exonérait pas ce dernier du respect des droits des artistes-interprètes, l'arrêt d'appel retient, en effet, que la dérogation prévue par l'article 44 de la loi du 1er août 2006 ne trouve à s'appliquer que pour autant que l'artiste-interprète a autorisé la fixation et la première destination de son interprétation, auquel cas l'INA peut s'affranchir de solliciter son autorisation ou celle de ses ayants droit pour une nouvelle utilisation de sa prestation. Enonçant la solution précité, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel au visa de l'article 49, II, de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 (N° Lexbase : L8240AGB), dans sa rédaction de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 (N° Lexbase : L4403HKB). Elle rappelle que, selon ce texte, l'INA exerce les droits d'exploitation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme dans le respect des droits moraux et patrimoniaux des titulaires de droits d'auteur ou de droits voisins du droit d'auteur, et de leurs ayants droit ; toutefois, par dérogation aux articles L. 212-3 et L. 212-4 (N° Lexbase : L3435ADL) du Code de la propriété intellectuelle, les conditions d'exploitation des prestations des artistes-interprètes desdites archives et les rémunérations auxquelles cette exploitation donne lieu sont régies par des accords conclus entre les artistes-interprètes eux-mêmes ou les organisations de salariés représentatives des artistes-interprètes et l'INA et ces accords doivent notamment préciser le barème des rémunérations et les modalités de versement de ces rémunérations. Ainsi en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé.

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Oeuvres de collaboration : effets de l'opposition de l'un des coauteurs à la demande de résiliation des contrats de cession et d'édition formulée par un autre coauteur

Réf. : Cass. civ. 1, 14 octobre 2015, n° 14-19.214, F-P+B (N° Lexbase : A5966NT7)

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N9595BUW

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Le 05 Novembre 2015

En application de l'article L. 113-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3339ADZ), l'oeuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs qui doivent exercer leurs droits d'un commun accord, sauf à saisir la juridiction de leur différend. Dès lors, l'opposition de l'un des coauteurs à la demande de résiliation des contrats de cession et d'édition sur les oeuvres de collaboration, formulée par un autre coauteur, ne peut valoir que pour ses propres liens contractuels avec la société éditrice. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 14 octobre 2015 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 14 octobre 2015, n° 14-19.214, F-P+B N° Lexbase : A5966NT7). En l'espèce, un auteur de musique a conclu avec une société divers contrats de cession et d'édition d'oeuvres musicales, complétés par un pacte de préférence. Deux contrats portaient sur des oeuvres de collaboration créées avec l'auteur des paroles. Alléguant que la société avait failli à son obligation d'exploitation permanente et suivie de ses oeuvres, l'auteur de musique l'a assignée en résiliation des contrats et du pacte de préférence. Celle-ci a sollicité reconventionnellement la condamnation de ce dernier au paiement de dommages-intérêts pour non-respect du pacte de préférence. La Cour de cassation censure l'arrêt d'appel (CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 9 avril 2014, n° 12/15905 N° Lexbase : A8015MIP), au visa de l'article L. 113-3 du Code de la propriété intellectuelle, qui, pour prononcer aux torts exclusifs de la société éditrice la résiliation des contrats de cession et d'édition sur les oeuvres de collaboration, et la condamner à payer à l'auteur de musique une certaine somme à titre de dommages-intérêts, a retenu que l'opposition du coauteur pour les paroles desdites oeuvres, à la demande de résiliation formée par le coauteur pour les musiques, ne vaut que pour ses propres liens contractuels avec la société éditrice et ne fait pas obstacle au prononcé de résiliation à l'égard de ce dernier.

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Sociétés

[Jurisprudence] Heurs et malheurs d'époux associés

Réf. : Cass. com., 29 septembre 2015, n° 14-11.491, F-D (N° Lexbase : A5613NSP)

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N9524BUB

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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique (Université Toulouse 1 Capitole), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 22 Octobre 2015

Est-il besoin de rappeler qu'"on ne mélange pas les sentiments et les affaires", que "les sentiments et les affaires ne font pas bon ménage" ou que "les affaires ne reposent pas sur des sentiments" (1) ? Ces propos empreints de sagesse et maintes fois éprouvés, trouvent un excellent terrain d'élection en droit des sociétés. Effectivement, les sentiments doivent être mis à l'abri des stratégies qui envahissent le monde des affaires. Affectivement, les affaires ne doivent pas être touchées par les sentiments qui obstruent la lucidité requise dans la négociation des contrats.
A défaut de se conformer à ces idées, tôt ou tard, la "lune de miel" que vivaient les associés cède le pas à la "lune de fiel". La situation se complique quand la relation affective trouve appui dans le mariage. La rupture affective aboutit alors au divorce dont la procédure est plus ou moins longue et contentieuse, en raison des enjeux financiers et de l'antagonisme des intérêts matériels que chacun des protagonistes veut légitimement protéger.
Nous en voulons pour preuve l'arrêt récemment rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 29 septembre 2015. Il fait état de la création d'une société (société C.) par une dame dont le coassocié à hauteur d'une part est devenu son mari. Par la suite, ils ont créé une autre société (société P.) dont ils ont été cogérants et à laquelle ils ont apporté la totalité des parts détenues par eux dans la première société aux termes d'un traité d'apport du 27 novembre 2004.
Le 17 juillet 2006, le couple a signé un document intitulé "acte de dissolution de la société en participation dénommée SEP [X]", stipulant que l'actif de cette société (la SEP), constitué de 49 800 parts de la société P., était réparti entre eux à hauteur de 55 % pour l'époux et de 45 % de ces parts pour l'épouse. Le même jour, l'assemblée de la société P. a décidé que le capital de cette dernière serait réparti entre les intéressés à due proportion du partage des parts consécutif à la dissolution de la SEP, alors que dans un autre acte, la femme a reconnu que le mari a financé pour moitié l'acquisition de biens immobiliers qu'elle avait acquis en son nom propre, et qu'il aurait droit, lors de la liquidation de leurs intérêts matrimoniaux, à une somme d'argent égale à la moitié de la valeur de ces biens. Le 18 juillet 2006, ils ont conclu deux transactions de renonciation à toute contestation des actes de dissolution de la société en participation et de reconnaissance de donation entre époux.
Les assemblées des sociétés P. et C., tenues les 16 et 17 novembre 2006, ont révoqué l'épouse de ses fonctions de gérante de chacune de ces sociétés. Celle-ci a alors assigné l'époux ainsi que les sociétés P. et C., en annulation des délibérations de l'assemblée du 17 juillet 2006, des transactions du 18 juillet 2006 et des délibérations des assemblées des 16 et 17 novembre 2006. Elle a également agi en paiement de dommages-intérêts pour révocation injustifiée (I) et abusive (II) de ses fonctions de gérante de ces sociétés.

Le litige tranché en l'espèce par la Cour de cassation porte essentiellement sur cette révocation, objet du troisième moyen, à propos de laquelle elle est en désaccord avec la cour d'appel de Basse-Terre statuant le 25 novembre 2013 ; d'où le renvoi devant la cour d'appel de Paris de la cause et des parties dans l'état où elles se trouvaient auparavant, à charge pour celle-ci de se prononcer sur les points litigieux.

I - Le défaut de caractérisation d'un juste motif de révocation

Si la destitution du mandat de gérant exige la présence d'un juste motif (A), encore convient-il d'appréhender cette notion (B).

A - L'exigence d'un juste motif

L'ancienne épouse révoquée reproche à la cour d'appel d'avoir rejeté ses demandes de dommages-intérêts au motif d'une révocation injustifiée des fonctions de cogérantes des sociétés mises en cause. Cette juridiction avait fondé sa décision sur le constat que la séparation des époux avait bouleversé la gestion et l'évolution économique de ces sociétés, ce qui risquait d'entraîner le blocage de leur fonctionnement pour des motifs personnels.
De plus, en vue d'organiser leurs intérêts économiques, les intéressés se sont accordés en 2006 sur des arrangements financiers que l'ancienne épouse envisage de remettre en cause, malgré la transaction intervenue entre eux revêtue de la chose jugée, en vertu de laquelle elle s'est désistée de tous droits et actions relatives, entre autres, à la répartition des parts sociales.

A la suite de ces arrangements financiers, l'époux, devenu associé majoritaire des sociétés P. et C. avec l'accord de l'épouse, a, au cours des assemblées des 16 et 17 novembre 2006, mis au vote une résolution destinée à mettre fin à la cogérance en raison de la situation économique de ces sociétés et de la nécessité de renforcer leur trésorerie.

Saisie du litige relatif à la révocation de son mandat de cogérante, la cour d'appel de Basse-Terre rejette la demande de dommages et intérêt faite par l'ancienne épouse sur le fondement de l'absence d'un juste motif. Sa décision est censurée par la Cour de cassation au visa de l'article L. 223-25 du Code de commerce (N° Lexbase : L3180DYG), pour absence de base légale.

Effectivement, bien que soumise au principe de la libre révocation qui est d'ordre public, toute convention contraire étant réputée non écrite (2), une mesure de révocation n'est recevable que si elle est régulière en sa forme. Cela implique qu'elle ait été décidée par l'organe habilité à le faire. Il s'agit, en l'occurrence, de l'assemblée des associés se prononçant à la majorité de plus de la moitié des parts sociales (3), la voix de l'époux associé majoritaire ayant suffi pour emporter la décision de destitution (4).

En présence, comme en l'espèce, d'un gérant de SARL, son éviction doit s'appuyer sur un juste motif, à l'instar de celle des autres gérants de sociétés civiles, de SNC et de commandite simple, sans oublier le directeur général et les directeur généraux délégués de la société anonyme moniste, s'ils ne sont pas administrateurs, ainsi que les membres du directoire ou le directeur général unique de la société anonyme dualiste. En l'absence d'un tel motif, ces dirigeants peuvent prétendre à une indemnisation s'ils démontrent le préjudice subi par eux.

B - La notion de juste motif

Reste à savoir ce qu'il convient d'entendre par juste motif (5) et à apprécier les motifs allégués en l'espèce.

Sans revenir complètement sur cette notion bien connue, quoiqu'encore discutée en jurisprudence (6), il suffit de rappeler qu'elle se dédouble : d'une part, la faute de gestion commise par l'intéressé ; d'autre part, l'attitude du dirigeant de nature à porter atteinte à l'intérêt social ou au fonctionnement de la société (7), bien qu'il ne se soit pas rendu coupable d'une faute semblable (8), ou que le désaccord ne lui ait pas été imputable (9).

A cet égard, constitue un exemple traditionnel, la mésentente entre deux dirigeants d'une même société propre à compromettre l'intérêt social (10) ou une telle mésentente entre les associés et un gérant même en l'absence de faute démontrée (11). En revanche, si la perte de confiance constitue souvent un juste motif sans faute mettant en péril l'intérêt social (12), elle ne caractérise pas à elle seule pareil motif, lequel doit être fondé sur des éléments de nature objective (13).

Qu'en est-il dans l'affaire rapportée ?

Les juges d'appel fondent leur décision de rejeter la revendication des dommages et intérêts par la gérante pour révocation injustifiée, sur des bouleversements dans la gestion et dans l'évolution économique des sociétés concernées susceptibles d'altérer leur bon fonctionnement pour des motifs personnels, ainsi que sur leur situation économique et la nécessité de renforcer leur trésorerie.

Cette argumentation n'est pas accueillie par la Cour de cassation qui censure l'arrêt infirmatif de la cour d'appel de Basse-Terre au visa de l'article L. 223-25 du Code de commerce. La Cour régulatrice considère qu'il s'agit d'éléments impropres à caractériser l'existence d'un juste motif de révocation.

L'argument adopté par elle peut sembler insolite. En effet, comme cela a été décidé, il revient, en principe, au gérant demandeur à l'action en dommages et intérêts d'établir l'absence de justes motifs (14). Cela ne paraît pas évident en l'espèce, la Haute juridiction se contentant de faire grief à la juridiction du fond de n'avoir pas relevé pareils motifs.

II - L'abus du droit de révocation

L'abus du droit de révoquer revêt un double aspect relatif au principe de la contradiction (A) et aux circonstances vexatoires de la révocation (B), signalé par le présent arrêt.

A - Le non-respect du principe de la contradiction

Le non-respect des droits de la défense et du principe de la contradiction constitue l'aspect moderne de l'abus du droit de révoquer. Ce principe résulte d'une construction prétorienne (15) inspirée de la procédure civile.

En l'espèce, la cogérante se plaint que son éviction a été décidée sans se conformer au principe de la contradiction. Comme le précisent bien les juges de seconde instance, le droit du gérant, en sa qualité d'associé majoritaire de révoquer le cogérant, associé minoritaire, demeure incontestable, encore doit-il être mis en oeuvre non seulement en faisant état d'un juste motif, mais encore en respectant ledit principe, sous peine d'indemniser ce dernier.

L'inobservation de ce principe qualifiée d'abus du droit de révoquer par la jurisprudence consiste à ne pas mettre le dirigeant en situation de présenter ses observations ou sa défense avant la prise de décision, peu importe le mode de destitution du mandat social (16), d'entendre les reproches exprimés à son encontre (17), à ne pas l'informer des motifs de sa destitution, même s'il est révocable à tout moment (18), ou si l'éviction est motivée par une faute lourde (19). Cela justifie que la révocation ne puisse être votée après la résolution désignant un nouveau dirigeant, faute de quoi, il faut en déduire que la mesure a été décidée avant d'avoir été formellement prise (20).

Bien que l'observation de ce principe s'impose même pour les dirigeants révocables discrétionnairement, c'est-à-dire sans motif et sans préavis, ce qui a suscité des critiques relatives à l'application à ces derniers dudit principe (21), l'exigence posée par la jurisprudence que les raisons d'éviction d'un dirigeant lui soient notifiées suffisamment tôt afin de préparer ses observations, préalablement à la décision de révocation, revêt un caractère d'autant plus important que celle-ci est, comme dans la présente affaire, subordonnée à de justes motifs (22).

La révocation n'est cependant pas abusive lorsque le dirigeant a été averti en temps utile des reproches formulés au soutien de la proposition de la mesure, même si, étant en arrêt maladie lors de l'assemblée qui a pris la décision de l'évincer, il n'a pu se faire entendre (23). En revanche, un délai de quatre jours peut être considéré comme insuffisant dans un contexte de confiance accordée durant plus de vingt ans (24).

En l'espèce, pour évincer le caractère fautif de la révocation, l'arrêt d'appel relève que les assemblées qui ont prononcé celle-ci, se sont déroulées en présence d'un huissier de justice désigné par le tribunal à la requête de la cogérante et que les procès-verbaux de ces assemblées n'ont relevé aucune irrégularité. Cette argumentation est assurément insuffisante. Si la régularité ou plutôt l'absence d'irrégularité, traduit le bon déroulement d'une procédure et, par conséquent, sa recevabilité, elle ne préjuge pas du bien-fondé d'une demande et de l'absence d'abus du droit de révoquer.

C'est le cas dans l'affaire actuelle. Le juge du droit, statuant au visa de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), estime que les juges du fond ont péché pour n'avoir pas recherché, alors qu'elle y était conviée par l'intéressée, si celle-ci a eu connaissance des motifs de son éviction du mandat social et a pu présenter ses observations préalablement au vote sur la mesure. Faute de cela, ils n'ont pas donné de base légale à leur décision.

B - Les circonstances vexatoires de la révocation

Les circonstances vexatoires et injurieuses nuisibles à l'honneur et à la dignité du dirigeant évincé illustrent l'aspect classique de l'abus du droit de révoquer. Il s'agit, notamment, de la publicité malveillante ayant entouré la révocation ou de circonstances laissant supposer que l'intéressé a commis des fautes graves. Il en a été ainsi d'un dirigeant qui, exerçant ses fonctions de gérant depuis dix ans, a dû à l'issue de l'assemblée des associés ayant prononcé sa révocation, remettre l'ensemble des clés en sa possession donnant accès à l'entreprise (25). Cela a également été le cas quand la suppression des outils de travail du dirigeant, dès la révocation de son seul mandat de président du conseil d'administration d'une des sociétés du groupe, l'ont privé de la possibilité d'exercer dans les mêmes locaux ses autres mandats sociaux dont il se trouvait encore investi (26).

Il ne suffit donc pas pour être fondée, que la révocation d'un gérant s'accompagne d'un juste motif ; il convient de surcroît qu'elle soit prononcée sans abus, que ce soit en respectant l'honneur et la dignité du dirigeant évincé ou en se conformant au principe de la contradiction. Effectivement, les notions de révocation sans juste motif et de révocation abusive sont indépendantes l'une de l'autre, de sorte que l'intéressé peut agir en dommages et intérêts sur ces deux terrains (27).

Sur ce point, l'arrêt d'appel est de nouveau fustigé par la Chambre commerciale au visa de l'article 1382 du Code civil. Là encore, celle-ci estime qu'en statuant de la sorte la juridiction du second degré n'a pas légalement fondé sa décision, faute pour elle alors qu'elle y était invitée, d'avoir vérifié si les circonstances ayant accompagné la destitution de la cogérante telles que mentionnées dans le procès-verbal de l'assemblée du 17 novembre 2006, n'ont pas été vexatoires.


(1) Honoré de Balzac.
(2) J. Attard, La révocation des dirigeants sociaux : de la licéité des clauses écartant l'exigence légale du juste motif ?, JCP éd. G, 2000, I, 217 ; v. aussi, D. Miellet, Liberté statutaire et contrôle de la révocation des mandataires sociaux protégés, JCP éd. E, 1999, n° 30-31, p. 1278.
(3) C. com., art. L. 223, 25, al. 1er (N° Lexbase : L3180DYG) renvoyant à C. com., art. L. 223-19 (N° Lexbase : L5844AIB).
(4) En ce sens, CA Paris, 5ème ch., sect. C, 26 novembre 1999, n° 1997/12109 (N° Lexbase : A7611A3B), RJDA, 3/2000, n° 290 ; Bull. Joly Sociétés, 2000, p. 340, note Ph. Dessertine.
(5) Nos obs., Le juste motif de révocation des dirigeants de sociétés, Journ. sociétés avril 2012, p. 58.6
(6) Cass. com., 3 mars 2015, n° 14-11.840, F-D (N° Lexbase : A8904NCR), Dr. sociétés, mai 2015, n° 90, obs. D. Gallois-Cochet et Cass. com., 14 avril 2015, n° 14-15.869, F-D (N° Lexbase : A9298NGH) ; à propos de ces deux arrêts, nos obs., Juste motif de révocation et principe de la contradiction, Journ. sociétés novembre 2015 (à paraître).
(7) Cass. com., 24 avril 1990, n° 88-20.183 (N° Lexbase : A9573ATQ), BRDA, 13/1990, p. 9 ; Cass. com., 4 mai 1993, n° 91-14.693 (N° Lexbase : A5691ABE), RJDA 12/1993, n° 1048, Rev. sociétés, 1993, p. 800, note P. Didier, JCP éd. E, 1993, I, 288, n° 12, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain ; Cass. com., 4 mai 1999, n° 96-19.503, publié (N° Lexbase : A6699AXE), Bull. civ. IV, n° 175, RJDA, 7/1999, n° 792, Bull. Joly Sociétés, 1999, p. 914, note P. Le Cannu, D., 2000, p. 236, obs. J.-C. Hallouin.
(8) Cass. com., 4 février 2014, n° 13-10.778, FS-D (N° Lexbase : A9129MDH), RJDA, 6/2014, n° 538 ; Rev. sociétés, 2014, p. 761, note M. Rakotovahiny.
(9) Cass. com., 19 décembre 2006, n° 05-15.803, FS-P+B (N° Lexbase : A0943DT4), RJDA, 5/2007, n° 506 ; Bull. Joly Sociétés, 2007, p. 502, note P. Le Cannu ; Rev. sociétés, 2007, p. 331, note B. Saintourens.
(10) Cass. com., 4 mai 1999, préc. et les obs. préc. note 7 ; CA Paris, 5ème ch., sect. C, 5 novembre 1999, n° 1997/13918 (N° Lexbase : A7612A3C), RJDA 2/2000, n° 177.
(11) Cass. com., 4 février 2014, préc., note 8.
(12) CA Paris, 3ème ch., sect. B, 24 octobre 2003, n° 2002/04024 (N° Lexbase : A6295DAE), RJDA 2/2004, n° 178.
(13) A. Albarian, La révocation des mandataires sociaux pour perte de confiance, RTDCom., 2012, p. 1.
(14) CA Caen, 19 mai 2005, Dr. sociétés, octobre 2005, n° 181, obs. J. Monnet.
(15) Cass. com., 3 janvier 1996, n° 94-10.765 (N° Lexbase : A2391AB8), RJDA, 4/1996, n° 514, JCP éd. G, 1996, II, 22 658, nos obs., Bull. Joly Sociétés, 1996, p. 388, note B. Saintourens ; Cass. com., 26 novembre 1996, n° 94-15.661 (N° Lexbase : A1437ABT), RJDA, 2/1997, n° 222, D., 1997, p. 493, nos obs., JCP éd. G, 1997, II, 22 771, note Ph. Reigné, Bull. Joly Sociétés, 1997, p. 141, note C. Prieto ; Cass. com., 14 mai 2013, n° 11-22.845, FS-P+B (N° Lexbase : A4983KDW), BRDA 11/2013, n° 4, RJDA, 11/2013, n° 899, D., 2013, p. 1270, obs. A. Lienhard, nos obs., Abus de droit de révocation et libre révocabilité d'un administrateur de société anonyme, Lexbase Hebdo n° 341 du 6 juin 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N7335BTT), Bull. Joly Sociétés, 2013, p. 634, note A. Gaudemet, Rev. sociétés, 2013, p. 566, note B. Saintourens, JCP éd. E, 2013, n° 37, 1491, note M. Roussille ; CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 3 octobre 2013, n° 12/18860 (N° Lexbase : A2019KMQ), RJDA, 3/2014, n° 245 ; pour une étude, P. Le Cannu, Le principe de contradiction et la protection des dirigeants, Bull. Joly Sociétés 1996, p. 11 ; N. Binctin, La légalité procédurale en droit des sociétés, LPA, 12 septembre 2006, n° 182, p. 3 ; v. en général, L. Miniato, Le principe du contradictoire en droit processuel, Bibl. dr. pr. t. 483, 2008.
(16) Cass. com., 24 février 1998, n° 95-12.349 (N° Lexbase : A0023AUE), RJDA, 6/1998, n° 740, 1re esp.
(17) CA Paris, 25ème ch., sect. A, 17 janvier 2003, n° 2002/03317 (N° Lexbase : A9256A4L), RJDA, 6/2003, n° 606 ; Cass. com., 29 mars 2011, n° 10-17.667, F-D (N° Lexbase : A4053HM3), RJDA, 6/2011, n° 538.
(18) Cass. com., 14 mai 2013, préc., note 15.
(19) Cass. com., 26 avril 1994, n° 92-15.884 (N° Lexbase : A7047ABM), RJDA 8-9/1994, n° 937 ; Bull. Joly Sociétés, 1994, p. 831, note P. Le Cannu, JCP éd. G, 1995, II, 22369, nos obs. ; v. aussi sur la distinction entre l'abus lié aux circonstances de la révocation et le juste motif de révocation, Cass. com., 22 octobre 2013, n° 12.24-162, F-D (N° Lexbase : A4759KNL) Rev. sociétés, 2014, p. 105, note B. Saintourens.
(20) CA Rouen, 16 décembre 2004, Dr. sociétés 2005, n° 52, obs. J. Monnet, à propos du gérant d'une SARL.
(21) Notre ouvrage, Droit des sociétés, n° 582, Ellipses 2015, 5ème éd..
(22) A propos d'une SAS, Cass. com., 15 novembre 2011, n° 10-20.544, F-D (N° Lexbase : A9377HZC), Dr. sociétés, février 2012, n° 27, obs. crit. D. Gallois-Cochet, dénonçant un raisonnement identique à celui relatif au licenciement d'un salarié. V. aussi au sujet du directeur général d'une SA révocable pour juste motif, Cass. com., 29 mars 2011, n° 10-17.667, F-D (N° Lexbase : A4053HM3), exigeant que ce dernier ait connaissance des motifs de la révocation envisagée, afin d'être en mesure de présenter ses observations sur les griefs faits à son encontre.
(23) Cass. com., 15 mai 2007, n° 05-19.464, FS-P+B (N° Lexbase : A2456DWU), Bull. civ. IV, n° 133 ; RJDA, 11/2007, n° 1102 ; D., 2007, act. jur., p. 1511, obs. A. Lienhard ; Gaz. Pal., 8-9 août 2007, n° 221, p. 5, note F. Guerchoun ; LPA, 30 octobre 2007, n° 217, p. 16, nos obs. ; LPA, 2 juin 2008, n° 118, p. 13, note Ph. Emy ; Rev. sociétés, 2007, p. 780, note M.-L. Coquelet ; RTDCom., 2007, p. 773, obs. P. Le Cannu et B. Dondero.
(24) CA Paris, 3 octobre 2013, n° 12/18860 (N° Lexbase : A2019KMQ), RJDA 3/2014, n° 245.
(25) Cass. com., 9 novembre 2010, n° 09-71.284, F-D (N° Lexbase : A9074GG8), RJDA 2/2011, n° 160 ; Bull. Joly Sociétés 2011, p. 110, note B. Dondero ; v. aussi, CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 30 juin 2009, n° 08/13668 (N° Lexbase : A9821EIL), RJDA 1/2010, n° 34.
(26) Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-15.497, F-D (N° Lexbase : A6926IL4), RJDA 8-9/2012, n° 772.
(27) Cass. com., 1er février 1994, n° 92-11.171 (N° Lexbase : A6775ABK), Bull. Joly Sociétés, 1994, p. 413, note R. Baillod ; JCP éd. G, 1995, II, 22432, nos obs. ; Rev. sociétés, 1995, p. 281, note Y. Chartier, abus de droit tenant aux circonstances de la révocation.

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Sociétés

[Jurisprudence] Abus de minorité : l'associé minoritaire sanctionné n'a pas le droit de participer à l'assemblée à laquelle il est représenté par le mandataire judiciaire

Réf. : CA Bordeaux, 2ème ch. civ., 30 juin 2015, n° 10/05790 (N° Lexbase : A1221NM8)

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par Bernard Saintourens, Professeur à l'Université de Bordeaux, Institut de recherche en droit des affaires et du patrimoine - IRDAP

Le 22 Octobre 2015

Depuis que la Cour de cassation a jugé, à propos de la sanction de l'abus de minorité, qu'il était possible au juge saisi de nommer un mandataire ad hoc chargé de voter à la place et au nom des minoritaires lors d'une nouvelle assemblée (1), les discussions sur ce point sont demeurées plus rares. L'arrêt de la deuxième chambre civile de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 30 juin 2015, vient relancer, de manière assez troublante, le débat sur le rôle exact du mandataire nommé par le tribunal et sur les droits résiduels de l'associé minoritaire, reconnu coupable d'abus. Des circonstances de l'affaire, passablement embrouillées et ayant donné naissance à des contentieux imbriqués, on peut retenir, en lien direct avec l'aspect essentiel de l'arrêt ici commenté, que les capitaux propres d'une SARL étaient inférieurs à la moitié du capital social et qu'en application de l'article L. 223-42 du Code de commerce (N° Lexbase : L5867AI7), les associés devaient soit dissoudre à titre anticipé la société, soit prendre les mesures propres à reconstituer les capitaux propres à concurrence d'une valeur au moins égale à la moitié du capital social et ce, dans un délai de deux ans. Deux associés minoritaires, après avoir rejeté le principe de la dissolution de la société ont, à deux reprises lors des assemblées générales appelées à statuer sur ce point, refusé de voter l'augmentation du capital proposée par le gérant de la société. Par jugement, en date du 26 juin 2009, le tribunal de commerce de Bordeaux a estimé que le refus des associés minoritaires était constitutif d'un abus de minorité et nommé un mandataire ad hoc aux fins d'être substitué aux associés défaillants, lors de la prochaine assemblée générale extraordinaire convoquée aux diligences du gérant et ayant pour seule fin de régulariser la situation de la société par augmentation de son capital social.

Dès lors que le refus de voter une augmentation du capital qui s'avérait indispensable à la survie de la société constitue l'une des hypothèses les plus habituelles de l'abus de minorité (2), ce point ne retiendra pas l'attention. En revanche, suscite l'intérêt la discussion menée, à l'initiative des minoritaires concernés, sur leur droit de participation à l'assemblée générale extraordinaire, chargée de se prononcer sur l'augmentation de capital, et à laquelle le mandataire ad hoc doit exercer en leur nom le droit de vote attaché aux droits sociaux qu'ils détiennent dans la société.

Prenant appui sur le principe général posé à l'alinéa premier de l'article 1844 du Code civil (N° Lexbase : L2020ABG), aux termes duquel "tout associé a le droit de participer aux décisions collectives", les minoritaires, pour contester la validité de la décision collective, relevaient qu'ils n'avaient pas été convoqués à l'assemblée générale devant se prononcer sur l'augmentation du capital et qu'ils n'avaient donc pas été en mesure de faire connaître leur point de vue à ce propos. En confirmant le jugement faisant l'objet de la voie de recours, les juges d'appel considèrent que les associés minoritaires ont bien été représentés à l'assemblée générale en cause. Ils précisent que la distinction, soulevée par les minoritaires, entre le droit de participer et le droit de voter ne se comprend que lorsqu'il y a démembrement de propriété des parts sociales. En dehors de ces cas, cette distinction serait "sans objet, voire artificielle", selon les termes employés dans l'arrêt, le droit de voter, reconnu au mandataire ad hoc, impliquant nécessairement celui de participer aux décisions collectives, en représentation des associés visés.

Le point de vue développé par les minoritaires ne nous semble toutefois pas manquer de pertinence. Si l'on entend faire de l'alinéa premier de l'article 1844 du Code civil un principe à forte intensité, justifiant que lorsqu'une personne est privée du droit de vote, tel le nu-propriétaire, le cas échéant, elle doit tout de même être en mesure de participer à l'assemblée (3), en ayant connaissance des documents utiles et en pouvant faire valoir son opinion sur le point examiné, on ne voit pas pourquoi cela ne concernerait pas l'hypothèse de l'abus de minorité. Même s'il n'exerce pas lui-même le droit de vote attaché aux titres sur lesquels il dispose de droits, l'avis de l'associé privé du droit de vote est susceptible d'influer sur l'opinion des autres associés et aboutir à orienter les votes dans un sens particulier. Il n'apparaît pas illégitime de se demander pourquoi il n'en irait pas de même en cas de nomination d'un mandataire ad hoc, faisant suite à la reconnaissance d'un abus de minorité. Les minoritaires sont privés de l'exercice du droit de vote attachés aux droits sociaux qu'ils détiennent, ce droit étant exercé par le mandataire, mais il ne serait pas inopportun qu'en participant à l'assemblée, ils précisent leur point de vue, expliquent leur vision de la décision collective soumise au vote, donnent une mesure concrète des conséquences pour eux de la décision qui pourrait être prise et, par là même, éclairent le mandataire sur les enjeux du vote. Même si le mandataire, comme cela est relevé par les juges bordelais, a reçu tous les documents utiles pour la prise de décision et est apte, par son expérience personnelle, à se faire une opinion, intervenant ponctuellement dans une société dont il ne connaît probablement pas les pratiques antérieures et la qualité des relations entre associés, il ne dispose peut-être pas de tous les paramètres affichés ou cachés de la décision à prendre.

En revenant à la formule originaire de la Cour de cassation, dans l'arrêt de 1993 précité, on remarque que le mandataire a effectivement pour mission de "représenter les associés minoritaires" à une nouvelle assemblée et de voter en leur nom dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social, "mais ne portant pas atteinte à l'intérêt légitime des minoritaires". Certes, les minoritaires ne manqueront pas de faire connaître au mandataire leur opinion sur la décision collective en cause, mais ne serait-il pas plus clair et, en quelque sorte plus conforme au principe du contradictoire, qu'ils en fassent état lors de l'assemblée, au cours de la discussion avec les majoritaires, ce qui permettrait au mandataire de se forger un avis plus sûr et, ensuite, de voter en toute connaissance de cause ?

Même s'il procède par voie d'affirmation, l'arrêt examiné de la cour d'appel de Bordeaux mérite de retenir l'attention en ce qu'il suscite, nous semble-t-il, d'intéressantes interrogations.


(1) Cass. com., 9 mars 1993, n° 91-14.685, publié (N° Lexbase : A5690ABD) JCP éd. G, 1993, II, 448, note A. Viandier ; Rev. sociétés, 1993, p. 403, note Ph. Merle.
(2) V., toutefois, pour une appréciation au cas par cas, Ph. Merle, Sociétés commerciales, Précis Dalloz, éd. 2016, n° 665.
(3) Voir sur ce courant jurisprudentiel, P. Le Cannu et B. Dondéro, Drois des sociétés, LGDJ, 6ème éd., n° 151.

newsid:449522

Sociétés

[Brèves] Obligations aux dettes sociales de l'associé de société civile : questions de prescription et de responsabilité du créancier prêteur de deniers

Réf. : Cass. com., 13 octobre 2015, n° 11-20.746, F-P+B (N° Lexbase : A5815NTK)

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N9589BUP

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Le 29 Octobre 2015

Le préjudice subi par l'associé de société civile assigné en paiement d'une dette de prêt de la société qui résulte, non d'une faute délictuelle du prêteur, mais directement de la défaillance de la SCI dans le remboursement du prêt et de son obligation corrélative de supporter les pertes sociales en sa qualité d'associée, ne présente pas le caractère personnel de nature à justifier de sa part une action en responsabilité contre le prêteur. Par ailleurs, l'admission irrévocable d'une créance au passif de la liquidation judiciaire d'une société civile, rend cette créance définitivement consacrée dans son existence et son montant à l'égard des associés, sans que ceux-ci, tenus à l'égard des tiers indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social, puissent se prévaloir de la prescription éventuelle de la créance. Telles sont les précisions apportées par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 13 octobre 2015 (Cass. com., 13 octobre 2015, n° 11-20.746, F-P+B N° Lexbase : A5815NTK). En l'espèce, une SCI a souscrit, en décembre 1989, un emprunt. La SCI ayant cessé, à partir de novembre 1991, de s'acquitter régulièrement des échéances de ce prêt, le prêteur lui a notifié la déchéance du terme le 27 juin 1997, puis lui a fait délivrer un commandement aux fins de saisie immobilière, procédure qui a été radiée le 17 mars 1999. La SCI ayant été mise en liquidation judiciaire le 9 février 2006, le prêteur a déclaré sa créance puis a assigné l'un des associés en paiement. Condamné par la cour d'appel, l'associé a formé un pourvoi en cassation. Il faisait valoir, d'une part, que l'action du prêteur était prescrite et, d'autre part, que le créancier engageait sa responsabilité dès lors que sa condamnation résultait d'une faute du prêteur à savoir le versement de fonds nonobstant la non-réalisation des garanties prévues au contrat. Mais énonçant la solution précitée, la Cour de cassation approuve les juges du fond tant sur la question de la prescription que sur celle de la responsabilité du prêteur (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E7810D3N).

newsid:449589

Surendettement

[Brèves] L'absence de bonne foi, exclusive de la recevabilité, même partielle, d'une demande de traitement d'une situation de surendettement

Réf. : Cass. civ. 2, 15 octobre 2015, n° 14-22.395, F-P+B (N° Lexbase : A6006NTM)

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N9587BUM

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Le 30 Octobre 2015

L'appréciation de l'absence de la bonne foi du débiteur ne peut conduire à une recevabilité partielle de sa demande. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 15 octobre 2015 (Cass. civ. 2, 15 octobre 2015, n° 14-22.395, F-P+B N° Lexbase : A6006NTM). En l'espèce, deux époux ont formé un recours contre la décision d'une commission de surendettement des particuliers ayant déclaré recevable leur demande tendant au traitement de leur situation financière, à l'exclusion de la dette fiscale. Pour déclarer recevable la demande de traitement de leur situation de surendettement à l'exclusion de la dette fiscale, le jugement retient que celle-ci ayant pour origine un trafic de stupéfiants, la mauvaise foi est établie par la nature même des faits à l'origine de la dette et qu'en revanche, les débiteurs ont ensuite souscrit des emprunts à la consommation sans rapport avec la dette fiscale pour lesquels il n'y a pas lieu de retenir la mauvaise foi. Mais énonçant le principe précité, la Cour de cassation censure le jugement au visa de l'article L. 330-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6173IXW). Elle censure également ce jugement sur le même visa en ce qu'il a retenu que la dette fiscale ayant pour origine un trafic de stupéfiants, la mauvaise foi est établie par la nature même des faits à l'origine de la dette. En effet, en se déterminant ainsi, sans analyser la situation de chacun des époux individuellement, le juge du tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 330-1 du Code de la consommation (cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E2726E4Q).

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Transport

[Chronique] Chronique de droit des transports - Octobre 2015

Lecture: 11 min

N9549BU9

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par Christophe Paulin, Professeur de droit, Directeur du Master de droit des transports, Université Toulouse I Capitole

Le 22 Octobre 2015

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de droit des transports de Christophe Paulin, Professeur de droit, Directeur du Master de droit des transports, Université Toulouse I Capitole, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en la matière. L'auteur revient, tout d'abord, sur deux arrêts rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 30 juin 2015 : le premier relatif à l'appréciation de la faute personnelle du commissionnaire (Cass. com., 30 juin 2015, n° 13-28.846, FS-P+B), le second au contenu du contrat de transport (Cass. com., 30 juin 2015, n° 13-27.064, FS-P+B). Est ensuite mentionné un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 9 juillet 2015 qui s'intéresse à la détermination des parties au contrat de transport de voyageurs (Cass. civ. 1, 9 juillet 2015, n° 14-13.423, FS-P+B). Le Professeur Paulin commente, par ailleurs, l'arrêt rendu par la même formation le 10 septembre 2015 qui retient l'absence d'obligation d'information du transporteur de voyageurs (Cass. civ. 1, 10 septembre 2015, n° 14-22.223, F-P+B). Cette chronique fait enfin état de confirmation par la Chambre commerciale, le 22 septembre 2015, de la jurisprudence sur l'appréciation de la rupture brutale des relations commerciales dans la sous-traitance de transport (Cass. com., 22 septembre 2015, n° 13-27.726, FP-P+B).
  • Appréciation de la faute personnelle du commissionnaire (Cass. com., 30 juin 2015, n° 13-28.846, FS-P+B N° Lexbase : A5475NMQ ; cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E0490EXG)

Sur des faits relativement banals, l'arrêt apporte d'intéressantes précisions sur la responsabilité du commissionnaire de transport. En l'espèce, un laboratoire pharmaceutique confie à un commissionnaire le transport de colis de médicaments, devant rester congelés à une température précise. Le commissionnaire remet l'envoi à un transporteur et désigne un destinataire pour réceptionner la marchandise à l'aéroport et effectuer le trajet final. Lors de la réception auprès de l'agent de handling du transporteur par le destinataire indiqué par le commissionnaire, le lendemain de l'arrivée du vol, il apparaît que les produits sont décongelés et entièrement perdus.

La question principale était celle d'une faute personnelle du commissionnaire, permettant à l'expéditeur d'éviter le régime de responsabilité du commissionnaire du fait de ses substitués, moins favorable. La cour d'appel (CA Versailles, 29 octobre 2013, n°12/03790 N° Lexbase : A5435KNM), que la Cour de cassation ne contredit pas, retient cette faute en raison de ce que le commissionnaire n'avait pris aucune mesure préservant les marchandises entre le moment où celles-ci étaient arrivées à l'aéroport et avaient été prises en charge par le destinataire désigné par le commissionnaire. Pourtant, le commissionnaire pouvait se croire dispensé d'intervenir. Jusqu'à la livraison, même tardive, le contrat de transport demeure en cours et la responsabilité est celle du transporteur. Ce devait donc être le mécanisme de la responsabilité du transporteur du fait du substitué qui aurait dû s'appliquer et non celui de la responsabilité pour faute personnelle. Retenir une telle faute est également sévère : le transporteur, qui n'a pas effectué la livraison, demeure responsable de la marchandise et doit prendre de sa propre initiative les mesures destinées à la préserver, voire solliciter des instructions. L'arrêt oblige alors le commissionnaire à surveiller constamment le transport.

La détermination des obligations pouvant être incluses dans un contrat de transport de marchandises présente un intérêt pratique considérable, en raison de la spécificité du régime de ce contrat. Il s'agit, d'abord, d'une question de qualification. Est qualifié de contrat de transport celui ayant pour obligation principale le déplacement de personnes ou de marchandises. Dans quelle mesure cette définition permet-elle d'inclure d'autres obligations tout en préservant la qualification de contrat de transport ? On se souvient notamment de la position de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, refusant de qualifier le contrat de déménagement de contrat de transport au motif qu'il ne portait pas exclusivement sur le déplacement (Cass. com., 6 juillet 2010, n° 09-14.661, F-D N° Lexbase : A2272E4W). Parallèlement à la question de la qualification, se pose celle de la situation des autres obligations que le déplacement. Doivent-elles être considérées comme incluses dans le contrat de transport ou comme constituant l'objet d'un contrat distinct ?

La jurisprudence a surtout adopté des solutions empiriques, évitant, sauf en ce qui concerne le déménagement, les positions de principe.

Par exemple, dans la situation fréquente où sont cumulés des prestations de transport et d'entreposage, la jurisprudence retient la qualification unitaire de contrat de transport lorsque l'entreposage précède le transport (Cass. com., 14 décembre 2010, n° 09-68.860, F-D N° Lexbase : A2618GNB), sauf lorsque la marchandise est destinée à être retournée au déposant (Cass. com., 9 février 2010, n° 08-10.574, F-D N° Lexbase : A7685ER3). D'autres arrêts vont plutôt opter pour une analyse quantitative (par ex., CA Paris, 8 octobre 1986 : "en raison de la brièveté du trajet par rapport à la durée et à l'importance du dépôt dans les entrepôts de [M.], ce dernier contrat ne peut être regardé comme accessoire du contrat de transport").

L'arrêt rendu le 30 juin 2015 présente alors un intérêt particulier, reflété par sa publication au Bulletin, non seulement pour la solution d'espèce qu'il apporte, mais également pour la généralisation qu'il est possible de lui donner (cf., sur cet arrêt les obs. de G. Piette, Nature juridique de la mise à disposition de conteneurs par le transporteur maritime, Lexbase Hebdo n° 435 du 10 septembre 2015 - édition affaires N° Lexbase : N8824BUD). En l'espèce, un conteneur avait été mis à la disposition du chargeur par le transporteur, dans le cadre d'une opération de transport maritime. La question était de savoir si le paiement de frais d'immobilisation du conteneur était soumis au régime du contrat de transport ou si la fourniture du conteneur constituait une convention distincte, de location.

La cour d'appel avait opté pour une solution dualiste, estimant que la période de mise à disposition du conteneur dépassant celle du transport proprement dit, chaque opération était l'objet d'une convention distincte (CA Saint-Denis de la Réunion, 29 juillet 2013, n° 12/00612 N° Lexbase : A2694KKY).

L'arrêt est cassé sous le visa de textes maritimes mais pour un motif de portée générale : "à moins qu'elle ne fasse l'objet d'une convention distincte du contrat de transport, la mise à disposition de conteneurs par le transporteur maritime, qui concourt à l'acheminement de la marchandise, constitue une obligation accessoire de ce contrat".

La Cour de cassation confirme ainsi que le contrat de transport ne se limite pas à une obligation exclusive de déplacement, mais peut comprendre d'autres obligations, accessoires. Ce caractère permet d'éviter la disqualification et d'intégrer les diverses obligations dans une convention unique, sauf volontaire contraire des parties, clairement exprimée.

Le plus notable est sans doute le critère de l'accessoire : est qualifié de tel ce qui concourt à l'exécution du principal, en l'occurrence l'acheminement de la marchandise. La Chambre commerciale adopte une conception parfaitement académique, qui mettra peut-être un terme aux analyses quantitatives. Quelle que soit l'importance matérielle des diverses obligations, un contrat doit être qualifié en fonction de son objet, lui-même déterminé par sa cause, par le besoin du contractant utilisateur du contrat.

  • Transport de voyageurs : qui sont les parties au contrat ? (Cass. civ. 1, 9 juillet 2015, n° 14-13.423, FS-P+B N° Lexbase : A7675NM9 ; cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E0302EXH)

Lorsque le transport de voyageur est organisé par un tiers, contractant du transporteur, le passager et le transporteur sont-ils eux-mêmes parties à un contrat de transport ? Une réponse négative serait largement justifiée : si le contrat de transport existe, il unit le voyageur et son propre contractant, l'organisateur. La nécessité d'un accord de volonté, le principe de l'effet relatif des conventions se conjuguent pour que le passager ne soit pas contractuellement en rapport avec le transporteur. Du reste, celui-ci n'a pas nécessairement conclu de contrat de transport : entre le prestataire et l'organisateur, il peut parfaitement exister un contrat d'affrètement, portant sur la mise à disposition du véhicule et de l'équipage en vue d'un transport. En matière aérienne, où la situation est fréquente, les conventions internationales étendent la responsabilité du transporteur de fait à l'égard des passagers, extension qui ne se réalise pas par le droit commun.

Ce n'est pas semble-t-il la position qui vient d'être adoptée par la Cour de cassation dans son arrêt du 9 juillet 2015 dans le présent arrêt. En l'espèce, une association organisatrice d'un voyage scolaire confie le transport des passagers par bus à une entreprise. A la suite de la destruction des bagages dans un incendie au cours du transport, l'assureur de l'association indemnise les passagers et se retourne contre le transporteur en invoquant la subrogation dans les droits de ceux-ci. La question était alors posée de la nature de la responsabilité du transporteur envers les passagers. La première chambre civile approuve la cour d'appel (CA Bordeaux, 13 septembre 2012, n° 11/01444 N° Lexbase : A6603ISD) d'avoir retenu la responsabilité contractuelle du transporteur, uni par un contrat de transport avec les passagers et, à ce titre débiteur d'une obligation de sécurité. On soulignera, en attendant confirmation par une prochaine jurisprudence, que l'obligation de sécurité concerne désormais davantage le transport de bagages que celui de personnes (sur cette question, cf. nos obs. in Chronique de droit des transports - Juin 2015, Lexbase Hebdo n° 427 du 11 juin 2015 N° Lexbase : N7828BUH sous Cass. civ. 1, 16 avril 2015, n° 14-13.440, FS-P+B N° Lexbase : A9221NGM) et que le passager pourrait être partie à un contrat de transport avec le transporteur du seul fait de son déplacement.

  • L'absence d'obligation d'information du transporteur de voyageurs (Cass. civ. 1, 10 septembre 2015, n° 14-22.223, F-P+B N° Lexbase : A9377NNM)

Née dans le contrat de transport, l'obligation de sécurité a, on le sait, innervé tout le droit des contrats. Le mouvement inverse qui impliquerait que des principes généraux des conventions s'appliquent alors tout au contrat de transport serait logique. Une obligation particulière permet d'expérimenter cette application, l'obligation d'information. La jurisprudence a largement dégagé, au-delà des textes, une telle obligation à la charge du professionnel et au bénéfice du profane. Fondée sur l'inégalité de compétences des parties, sur la nécessité d'assurer la bonne exécution du contrat, l'obligation d'information présente un caractère général et pourrait concerner le contrat de transport, notamment de voyageurs.

Le passager est très souvent un consommateur, conformément à la définition qui en est désormais donnée par le Code de la consommation. Dès lors, il est certainement créancier des obligations d'informations établies par ce code. Mais qu'en est-il de l'obligation générale d'information ?

Un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation permet de mesurer la spécificité du contrat de transport qui demeure exempté des obligations de droit commun.

En l'espèce, une famille obtient des titres de transport auprès d'un transporteur aérien, mais se voit refuser l'embarquement, faute de satisfaire aux conditions d'entrée dans le pays de destination. Ils demandent réparation devant le juge de proximité, lequel fait droit à leur demande. Le jugement retient que le transporteur, en sa qualité de "vendeur de billets d'avion, était tenu, comme tout vendeur professionnel, d'une obligation d'information et de conseil à l'égard de ses clients et qu'il lui revenait, à ce titre, d'informer les époux [X] des formalités multiples d'entrée et de séjour de la ville de destination".

La première chambre civile de la Cour de cassation casse alors l'arrêt, notamment sous le visa de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT) et en précisant que "les billets d'avion litigieux avaient été délivrés aux époux [X] par un transporteur aérien, de sorte que n'était applicable à la société ni l'obligation d'information incombant au vendeur ni celle, incombant aux opérateurs de la vente de voyages et de séjours, au sens des articles L. 211-1 (N° Lexbase : L8771IZU) et suivants du Code du tourisme, relative aux conditions de franchissement des frontières".

L'exclusion de l'obligation précontractuelle d'information des opérateurs de voyage est bien justifiée : elle est spécifique à ces professionnels et l'article L. 211-7 du Code du tourisme (N° Lexbase : L5617IER) exclut expressément les transporteurs aériens de son champ d'application, dès lors qu'ils se limitent à la prestation de transport.

Ceci ne signifie pas que le transporteur n'est pas tenu d'une obligation de droit commun d'information, à l'instar de celle incombant au vendeur et sur laquelle le juge de proximité s'était manifestement fondé. Sans doute, le contrat de transport n'est pas un contrat de vente et la première chambre civile a beau jeu de rappeler cette évidence. Elle n'en exclut pas moins une obligation générale d'information, qui se justifiait pourtant d'autant mieux qu'elle permettait la réalisation de l'obligation principale de déplacement, dont le transporteur est débiteur.

Le contrat de transport est certes soumis à une réglementation spécifique, mais ceci n'exclut nullement que, dans les matières non régies par celle-ci, le droit commun trouve à s'appliquer. La même juridiction avait expressément reconnu auparavant l'obligation d'information du transporteur aérien à l'égard des passagers (Cass. civ. 1, 12 juin 2012, n° 10-26.328, F-P+B+I N° Lexbase : A8843INT ; Cass. civ. 1, 19 mars 2009, n° 08-11.617, F-D N° Lexbase : A0874EE4), qu'elle rejette désormais.

  • Rupture brutale des relations commerciales dans la sous-traitance de transport : confirmation de jurisprudence (Cass. com., 22 septembre 2015, n° 13-27.726, FP-P+B N° Lexbase : A8448NPL)

L'arrêt concerne la question récurrente de l'appréciation de la rupture brutale des relations commerciales dans la sous-traitance de transport.

En l'espèce, une société a confié, depuis 1986, des prestations de transport de marchandises à une autre société selon des contrats de sous-traitance successifs. Les sociétés ont conclu, le 22 avril 2008, un contrat-cadre. Par lettre recommandée du 6 mars 2009, l'entrepreneur principal a mis fin au contrat-cadre avec un préavis de trois mois. Estimant ce délai de préavis insuffisant au regard de la durée de la relation commerciale établie entre les parties, le transporteur l'a assigné en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce. La cour d'appel de Grenoble ayant débouté le transporteur de sa demande (CA Grenoble, 26 septembre 2013, n° 11/00278 N° Lexbase : A1564KSQ), il a formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi.

En premier lieu, elle rappelle qu'un contrat type, institué sur le fondement de l'article 8 II de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 (N° Lexbase : L6771AGU), dite "LOTI"), règle pour l'avenir, dès l'entrée en vigueur du décret qui l'établit, les rapports que les parties n'ont pas définis au contrat de transport qui les lie ;

En second lieu, elle énonce que l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce ne s'applique pas à la rupture des relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants lorsque le contrat-cadre liant les parties se réfère expressément au contrat type institué par la LOTI, qui prévoit en son article 12.2 la durée des préavis de rupture

La Chambre commerciale de la Cour de cassation apporte une solution constante à cette question de la rupture brutale des relations commerciales dans la sous-traitance de transport depuis 2011 (Cass. com., 4 octobre 2011, n° 10-20.240, FS-P+B N° Lexbase : A5964HYK) : il est inutile d'invoquer la rupture brutale des relations commerciales prohibée par l'article L. 442-6 du Code de commerce, lorsque le contractant du transporteur a respecté le délai de préavis institué par le contrat-type relatif à la sous-traitance dans le transport routier de marchandises.

Cette position est destinée à s'étendre, alors que d'autres contrats-types adoptent, désormais, la même règle : contrat-type commission de transport, contrat-type location de véhicule avec conducteur.

Elle n'en est pas moins régulièrement contestée, chaque fois sans succès. Sans doute, la Chambre commerciale trouve-t-elle, à chaque fois, une nouvelle justification : tantôt l'article du Code de commerce n'est pas applicable aux relations de sous-traitance dans le transport, tantôt le contrat-type constitue un usage fixant la durée du préavis... L'interprète finit par se perdre à analyser autant de justifications distinctes d'un même résultat.

Sans doute peut-on chercher à analyser pareillement le présent arrêt. Après tout, la Chambre commerciale ne précise-t-elle pas que l'article du Code de commerce ne s'applique pas "lorsque le contrat-cadre se réfère expressément au contrat-type". Ne peut-on en déduire que la Chambre commerciale, cette fois dans sa formation plénière, infléchit sa rigueur ? Qu'elle considèrera à l'avenir que si les parties ne se réfèrent pas expressément au contrat-type, l'appréciation de la prohibition de la rupture brutale reviendra au juge, qui pourra ne pas tenir compte du délai institué par le texte ?

newsid:449549

Transport

[Brèves] Incompatibilité de l'activité de conducteur de taxi avec celle de conducteur de VTC : renvoi d'une QPC au Conseil constitutionnel

Réf. : CE 6 s-s., 16 octobre 2015, n° 391859, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5618NTA)

Lecture: 1 min

N9591BUR

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Le 31 Octobre 2015

Dans un arrêt du 16 octobre 2015, le Conseil d'Etat a renvoyé au Conseil constitutionnel une QPC portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 3121-10 du Code des transports (N° Lexbase : L3406I4W), issues de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014, relative aux taxis et aux voitures de transport (N° Lexbase : L3234I4K), aux termes desquelles "l'exercice de l'activité de conducteur de taxi est subordonné à la délivrance d'une carte professionnelle par l'autorité administrative. Il est incompatible avec l'exercice de l'activité de conducteur de voiture de transport avec chauffeur" (CE 6 s-s., 16 octobre 2015, n° 391859, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5618NTA). Le Conseil d'Etat relève, notamment, que la question de la compatibilité de cette disposition avec, notamment, la liberté d'entreprendre et le principe d'égalité, en tant qu'elles apportent une restriction à l'exercice de l'activité de conducteur de taxi et à celle de conducteur de voiture de transport avec chauffeur, présente un caractère sérieux.

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