TA Rennes, du 22-06-2023, n° 2104845
A294094N
Référence
► Est annulée la décision par laquelle le directeur de l'ARS de Bretagne a refusé de procéder à la correction des données de classement des eaux de baignade de Bretagne depuis 2016, en ne prenant pas en compte, notamment, les échantillons prélevés au cours des périodes de fermetures préventives des sites de baignage résultant d'épisodes pluvieux.
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 septembre 2021 et le 18 mai 2023, l'association Eau et Rivières de Bretagne demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision implicite du 26 juillet 2021 par laquelle le directeur général de l'Agence régionale de santé de Bretagne a refusé de corriger les classements des eaux de baignade de Bretagne pour les années 2016 à 2020 ;
2°) d'enjoindre au directeur général de l'Agence régionale de santé de Bretagne de corriger les classements des eaux de baignade de Bretagne pour les années 2016 à 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- la directive 2006/7/CE du 15 février 2006, qui est d'effet direct, distingue les pollutions chroniques et les pollutions accidentelles, dans l'objectif de préserver, protéger et améliorer la qualité de l'environnement mais également de protéger la santé humaine ;
- cette directive prescrit un dispositif de surveillance, qui fonde le classement des eaux de baignade et qui est élaboré à partir des mesures de surveillance réalisées durant les quatre saisons de baignade précédentes ;
- seules les pollutions à court terme, définies au 8) de l'article 2 de la directive, et les situations anormales, définies au 9) de l'article 2 de la directive, peuvent conduire à exclure certains prélèvements des statistiques destinées au classement des eaux de baignade ;
- les services de l'Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne considèrent, à tort, que la pluviométrie et les orages sont des sources de pollution pouvant entrer dans le champ d'application de la directive, confondant ainsi les effets avec les causes des pollutions ;
- un tel détournement permet d'éliminer du classement une partie des pollutions détectées par la surveillance de l'ARS et peut laisser craindre une stratégie consistant à utiliser les " non-classements " pour interrompre la séquence continue de quatre années de prélèvements qui sera utilisée pour les classements futurs et effacer un passif de mauvais classement ;
- un tel classement des eaux de baignade peut permettre à la France de prétendre avoir atteint en 2015 les objectifs fixés par la directive 2006/7/CE du 15 février 2006 en son article 5.3 ;
- les services de l'ARS de Bretagne ont procédé à l'intégration des échantillonnages de " recontrôle " dans l'ensemble des données, ainsi que dans le bilan des eaux de baignade de fin de saison, en violation frontale avec les dispositions de l'annexe IV de la directive européenne ;
- les instructions des services de l'ARS de Bretagne, qui non seulement tendent à considérer un simple risque comme une pollution avérée, négligent, par ailleurs, l'exigence de la directive selon laquelle, pour être qualifiée de " pollution à court terme ", une pollution doit avoir des causes " clairement identifiables " ;
- en confondant " indicateur d'une situation météorologique associée à une pollution possible " et " survenue d'une pollution à court terme " au sens de la directive 2006/7/CE, l'ARS de Bretagne autorise le classement en " pollutions à court terme " de situations de pollutions chroniques et prévisibles, ce qui permet ainsi d'exclure des prélèvements correspondant à ces situations de l'échantillon utilisé pour le classement des eaux de baignade, soit une grande partie des pollutions détectées par la surveillance réglementaire, et donc de fausser les classements ;
- le remplacement des prélèvements pollués éliminés par des prélèvements réalisés après la fin des pollutions, ou l'ajout de prélèvements non aléatoires et non prévus au calendrier, fausse d'autant le classement des baignades concernées, alors même que de telles pratiques sont explicitement interdites par la directive 2006/7/CE ;
- la reconnaissance à tort de la pluie comme cause de pollution, alors qu'elle n'en est que le révélateur, et l'assimilation du simple recensement dans les profils de baignade des situations de risque et de l'interdiction préventive de baignade dans ces situations à des " mesures de gestion " telles que définies par la directive ont pour effet d'exonérer les personnes responsables des baignades, en l'espèce les maires des communes concernées, de leur responsabilité de rechercher et de supprimer les causes réelles des pollutions associées ;
- ces classements erronés laissent penser aux baigneurs que la qualité des eaux de baignade est bonne, les incitant à prendre des risques sanitaires alors que son rôle est de prévenir de tels risques ;
- le directeur général de l'ARS de Bretagne a commis une erreur d'appréciation en refusant de corriger le bilan des eaux de baignade de Bretagne entre 2016 et 2020 ;
- ses propos dans le cadre de la présente instance, dont l'ARS de Bretagne demande les suppressions en ce qu'ils seraient diffamatoires et outrageants, n'ont pas excédé le cadre du contradictoire propre à une procédure juridictionnelle ;
- l'ARS de Bretagne ne justifie pas l'impossibilité alléguée de procéder à la modification des classements contestés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 10 février 2023 et le 2 juin 2023, la directrice générale de l'Agence régionale de santé de Bretagne conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'association Eau et Rivières de Bretagne le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'association requérante affirme de manière erronée que l'objectif central de la directive 2006/7/CE est la préservation, la protection et l'amélioration de l'environnement, alors que cette directive, fille de la directive 2000/60/CE, dite directive cadre sur l'eau, a seulement vocation à répondre à un objectif de protection des baigneurs ;
- la directive baignade permet d'écarter, pour le calcul du classement des eaux de baignade, les prélèvements effectués pendant des pollutions à court terme, sous certaines conditions cumulatives, transposées aux articles D. 1332-15 et D. 1332-5 du code de la santé publique🏛🏛 ;
- la pluie constitue bien un facteur de risque identifié sur un certain nombre de sites de baignade, car pouvant entraîner une dégradation importante de la qualité des eaux pluviales ou du réseau hydrographique pouvant se déverser à proximité d'une zone de baignade ;
- le référentiel européen établi par l'Agence européenne pour l'environnement (AEE) identifie directement les orages comme une cause pouvant être attachée aux pollutions à court terme et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recense, également, dans ses lignes directrices sur la qualité des eaux de loisirs, la forte pluviométrie comme facteur de dégradation de la qualité des eaux de baignade ;
- le recensement des situations à risque dans les profils de baignade et l'interdiction préventive font partie des procédures de gestion identifiées par la directive et par le ministère en charge de la santé ;
- plusieurs épisodes consécutifs de pollutions microbiologiques peuvent être identifiés au cours d'une même saison balnéaire sans que cela ne remette en cause leur qualification en pollutions à court terme dès lors que les critères de qualification énoncés à l'article 2 de la directive 2006/7/CE sont respectés ;
- le caractère chronique des pollutions dénoncées sur les sites de baignade de la mer d'Iroise n'est pas avéré ;
- la part des échantillons écartés demeure très faible ;
- les plages fermées temporairement pour motif sanitaire continuent à être contrôlées par les services de l'ARS pendant la période d'interdiction, les résultats de ces contrôles étant affichés sur le site internet national et rapportés au niveau européen, de sorte que l'année d'interdiction est bien prise en compte parmi la base des quatre années utilisées pour le classement ;
- l'ARS ne peut raisonnablement être accusée d'utiliser la fermeture préventive de la baignade pour écarter des échantillons, dès lors que cette fermeture ne relève pas de sa compétence ;
- les échantillons de recontrôle ne sont pas pris en compte dans le calcul du classement des eaux de baignade, conformément à l'instruction ministérielle DGS/EA4/2020/111, sauf, par exception, dans trois cas de figure limitatifs ;
- elle reconnaît une erreur concernant quelques recontrôles réalisés dans le Finistère, notamment à Landunvez et Porspoder, après des épisodes de pollution à court terme, ce qui a conduit à intégrer les échantillons de recontrôle dans le calcul du classement, sans que l'objectif n'ait toutefois été d'améliorer le classement des sites concernés ;
- cette erreur concerne, après analyse de l'ensemble des données du contrôle sanitaire réalisé sur la période 2013-2020 dans le Finistère, un total de 15 contrôles sur un volume de près de 19 000 échantillons, ce qui représente à peine 0,1 % du volume total de contrôles ;
- l'impact de l'écartement d'un échantillon dépend fortement des caractéristiques des données de qualité des eaux récoltées, rendant difficile toute prédiction quant à l'incidence de cet écartement sur le classement des eaux ;
- les résultats des contrôles effectués sur les sites faisant l'objet d'une fermeture permanente pour raison sanitaire, en application de l'article D. 1332-30 du code de la santé publique🏛, ne sont pas transmis aux instances européennes, conformément à l'instruction reçue de la Direction générale de la santé du 2 juillet 2020 ;
- elle ne manipule en aucun cas les données afin d'améliorer les classements et demande donc au tribunal, en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative🏛, de supprimer certains passages de la requête de l'association requérante en ce qu'ils contiennent des termes diffamatoires et outrageants à son égard, particulièrement aux pages 8, 9, 14 et 15 de la requête introductive d'instance ;
- elle s'assure toujours de la mise en œuvre de mesures permettant de prévenir, réduire ou éliminer les sources de pollution en complément de celles mises en œuvre aux fins d'alerte, de surveillance et d'interdiction de baignade, pour qualifier un épisode de pollution de court terme ;
- la notion de pollution chronique invoquée par l'association requérante n'a pas de valeur juridique au sens de la directive 2006/7/CE ;
- le classement des eaux de baignade n'a pas d'impact sur le bon état écologique des eaux marines ;
- l'augmentation de la fréquence de contrôle des eaux de baignade par rapport aux minima fixés par la directive, qui n'est pas une spécificité régionale, permet une meilleure appréciation de la qualité sanitaire des eaux de baignade et de ses variations éventuelles durant la saison balnéaire ;
- le déplacement de certains points de surveillance, réalisés pour certains sites du Finistère notamment, a eu pour seul objectif de les rendre plus représentatifs de la zone d'usage, sans toutefois que cela ne nécessite la modification de l'identifiant du site de baignade concerné ;
- elle n'a commis aucune erreur d'interprétation dans l'application de la directive ;
- elle n'est, en tout état de cause, pas en mesure de procéder à la modification des classements des eaux de baignade, ce classement ayant été transmis au ministre chargé de la santé qui l'a vérifié avant de le soumettre, dans le cadre du rapport national européenne, à l'Agence européenne pour l'environnement (AEE) qui procède au classement européen.
Un mémoire complémentaire, présenté par l'association Eau et Rivières de Bretagne, a été enregistré le 4 juin 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant la date de l'audience fixée au 6 juin 2023, et n'a donc pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive européenne 2006/7/CE du Parlement européen et du Conseil du
15 février 2006 concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade ;
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 22 septembre 2008 relatif à la fréquence d'échantillonnage et aux modalités d'évaluation de la qualité et de classement des eaux de baignade ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Thalabard,
- les conclusions de M. Rémy, rapporteur public,
- et les observations de M. A, représentant l'association Eau et Rivières de Bretagne.
1. Après avoir reçu de l'Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne des précisions, par un courrier du 29 janvier 2020, sur la méthodologie mise en œuvre pour procéder au classement des eaux de baignade et obtenu, après saisine de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), la communication des données de surveillance utilisées, l'association Eau et Rivières de Bretagne a, par courrier du 24 mai 2021, demandé au directeur général de l'ARS de Bretagne de procéder à la correction des classements des eaux de baignade de la région à compter de l'année 2016 en raison de pratiques constatées ne répondant pas aux exigences de la directive 2006/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 février 2006 concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade. Par la présente requête, l'association Eau et Rivières de Bretagne demande l'annulation de la décision implicite de refus, née du silence observé par le directeur général de l'ARS de Bretagne après réception de cette demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. La directive 2006/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 février 2006 concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade, qui fixe des dispositions en matière de surveillance et de classement de la qualité des eaux de baignade, de gestion de la qualité des eaux de baignade et de fourniture au public d'informations sur la qualité de ces eaux de baignade, vise, selon le 2 de son article 1er " à préserver, à protéger et à améliorer la qualité de l'environnement ainsi qu'à protéger la santé humaine, en complétant la directive 2000/60/CE " et s'applique " à toute partie des eaux de surface dans laquelle l'autorité compétente s'attend à ce qu'un grand nombre de personnes se baignent et dans laquelle elle n'a pas interdit ou déconseillé la baignade de façon permanente. ". L'article 2 de cette directive précise notamment que : " Aux fins de la présente directive, on entend par : () 8) " pollution à court terme " : une contamination microbiologique visée à l'annexe I, colonne A, qui a des causes clairement identifiables, qui ne devrait normalement pas affecter la qualité des eaux de baignade pendant plus de soixante-douze heures environ à partir du moment où la qualité des eaux a commencé à être affectée et pour laquelle l'autorité compétente a établi des procédures afin de prévenir et de gérer de telles pollutions à court terme, telles qu'établies à l'annexe II ; / 9) " situation anormale " : un évènement ou une combinaison d'évènements affectant la qualité des eaux de baignade à un endroit donné et ne se produisant généralement pas plus d'une fois tous les quatre ans en moyenne ; (). ".
3. Cette directive 2006/7/CE a notamment été transposée aux articles L. 1332-1 et suivants du code de la santé publique🏛. Aux termes de l'article L. 1332-3 de ce code : " Est considéré comme personne responsable d'une eau de baignade le déclarant de la baignade selon les dispositions de l'article L. 1332-1, ou, à défaut de déclarant, la commune ou le groupement de collectivités territoriales compétent sur le territoire duquel se situe l'eau de baignade. / La personne responsable d'une eau de baignade, sous le contrôle du représentant de l'Etat dans le département : / - définit la durée de la saison balnéaire ; / - élabore, révise et actualise le profil de l'eau de baignade qui comporte notamment un recensement et une évaluation des sources possibles de pollution de l'eau de baignade susceptibles d'affecter la santé des baigneurs, et précise les actions visant à prévenir l'exposition des baigneurs aux risques de pollution ; / - établit un programme de surveillance portant sur la qualité, pour chaque eau de baignade, avant le début de chaque saison balnéaire ; / - prend les mesures réalistes et proportionnées qu'elle considère comme appropriées, en vue d'améliorer la qualité de l'eau de baignade, de prévenir l'exposition des baigneurs à la pollution, de réduire le risque de pollution et d'améliorer le classement de l'eau de baignade ; / - analyse la qualité de l'eau de baignade ; / - assure la fourniture d'informations au public, régulièrement mises à jour, sur la qualité de l'eau de baignade et sa gestion, et encourage la participation du public à la mise en œuvre des dispositions précédentes ; / - informe le maire de la durée de saison balnéaire de l'eau de baignade, de son profil et des modalités de l'information et de la participation du public. / Elle est tenue de se soumettre au contrôle sanitaire organisé par l'agence régionale de santé dans les conditions prévues au présent chapitre et selon les modalités définies à l'article L. 1321-5. ".
4. L'article D. 1332-15 du code de la santé publique prévoit que : " 1° Une eau de baignade est caractérisée par une zone où l'eau est de qualité homogène. / 2° La saison balnéaire définie pour chaque eau de baignade est la période pendant laquelle la présence d'un grand nombre de baigneurs est prévisible. Lorsque la saison balnéaire s'étend sur l'année entière, elle commence le 1er octobre et s'achève le 30 septembre. / 3° Un grand nombre de baigneurs correspond à une fréquentation estimée élevée, compte tenu notamment des tendances passées ou des infrastructures et des services mis à disposition ou de toute autre mesure prise pour encourager la baignade. / 4° Une pollution correspond à la présence : / - d'une contamination microbiologique en Escherichia coli, en entérocoques intestinaux ou en micro-organismes pathogènes ; / -ou d'autres organismes tels que les cyanobactéries, de macroalgues ou de phytoplancton marin ; / -ou de déchets tels que, notamment, résidus goudronneux, verre, plastique ou caoutchouc, affectant la qualité des eaux de baignade et présentant un risque pour la santé des baigneurs. / 5° Une pollution à court terme est une contamination microbiologique portant sur les paramètres Escherichia coli ou entérocoques intestinaux ou sur des micro-organismes pathogènes qui a des causes aisément identifiables, qui ne devrait normalement pas affecter la qualité des eaux de baignade pendant plus de soixante-douze heures environ à partir du moment où la qualité de ces eaux a commencé à être affectée. / 6° Une situation anormale est un événement ou une combinaison d'événements affectant la qualité des eaux de baignade à un endroit donné et ne se produisant généralement pas plus d'une fois tous les quatre ans en moyenne. / 7° Les mesures de gestion adéquates en cas de pollution sont les mesures visant à prévenir l'exposition des baigneurs à la pollution, à améliorer la qualité de l'eau de baignade et à assurer la fourniture d'informations au public, régulièrement mises à jour, sur la qualité de l'eau de baignade et sa gestion. Elles relèvent des obligations qui incombent à la personne responsable de l'eau de baignade aux termes de l'article L. 1332-3. ". Selon l'article D. 1332-25 du même code : " La personne responsable de l'eau de baignade établit les procédures nécessaires à la mise en œuvre des mesures de gestion prévues afin de prévenir et gérer les pollutions à court terme. / La personne responsable d'une eau de baignade informe le maire et le directeur général de l'agence régionale de santé dès qu'elle a connaissance de situations ayant ou pouvant avoir une incidence négative sur la qualité d'une eau de baignade et sur la santé des baigneurs. Elle transmet au maire et au directeur général de l'agence régionale de santé des informations générales sur les conditions susceptibles de conduire à une pollution à court terme, la probabilité de survenue d'une telle pollution et sa durée probable, ses sources et les mesures prises en vue de prévenir l'exposition des baigneurs à ces pollutions et d'éviter, réduire ou éliminer les sources de pollution. La personne responsable de l'eau de baignade prend les mesures de gestion adéquates afin d'améliorer la qualité de l'eau de baignade, d'assurer l'information du public et de prévenir l'exposition des baigneurs à la pollution, y compris la fermeture préventive et temporaire du site. / La personne responsable de l'eau de baignade signale également, dans les meilleurs délais, au maire et au directeur général de l'agence régionale de santé toute situation anormale telle que définie à l'article D. 1332-15. Dans ce cas, le programme d'analyses du contrôle sanitaire de l'eau de baignade prévu à l'article D. 1332-23 peut être suspendu. / Le directeur général de l'agence régionale de santé transmet au préfet les informations qu'il reçoit en application du présent article, accompagnées de ses observations. ".
5. Enfin, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 22 septembre 2008 relatif à la fréquence d'échantillonnage et aux modalités d'évaluation de la qualité et de classement des eaux de baignade, pris conjointement par les ministres chargés de la santé, de l'environnement et de l'intérieur : " Des échantillons prélevés pendant des pollutions à court terme, définies à l'article D. 1332-15 du code de la santé publique et pour lesquelles des actions visant à prévenir l'exposition des baigneurs aux pollutions, comprenant l'interdiction ou la décision de fermeture du site de baignade, ont été prises, peuvent être écartés des données utilisées pour l'évaluation et le classement des eaux de baignade. En cas de pollution à court terme, un prélèvement supplémentaire doit être réalisé afin de confirmer la fin de l'incident. Il ne doit pas être tenu compte du résultat de ce prélèvement supplémentaire pour l'évaluation et le classement de l'eau de baignade. S'il s'avère nécessaire de remplacer un prélèvement écarté afin de permettre l'évaluation et le classement de la qualité de l'eau de baignade, un prélèvement supplémentaire doit être réalisé sept jours après la fin de la pollution à court terme. ".
6. En premier lieu, l'association Eau et Rivières de Bretagne soutient que l'ARS de Bretagne considère, à tort, que la pluviométrie et les orages peuvent être considérés comme des sources de pollution, susceptibles d'être qualifiées de " pollution à court terme " au sens de la directive 2006/7/CE du 15 février 2006, confondant en cela les effets et les causes des pollutions.
7. Il ressort tant des termes de la directive européenne précitée que des dispositions de l'article D. 1332-15 du code de la santé publique que la qualification de pollution à court terme, au regard des deux marqueurs de pollution bactérienne que sont les concentrations des eaux en Escherichia Coli et entérocoques intestinaux, est réservée aux épisodes de pollution ayant une cause clairement identifiée, n'affectant pas les eaux de baignade pendant plus de 72 heures et permettant aux autorités compétentes, de mettre en place des mesures de gestion adéquates pour prévenir, réduire ou éliminer les sources de contamination. Si l'ARS de Bretagne fait valoir que les évènements pluvieux, en fonction de leur durée et de leur intensité, peuvent entraîner une dégradation importante de la qualité des eaux pluviales ou du réseau hydrographique se déversant à proximité d'une zone de baignade, compte tenu notamment du décrochage du film bactérien des réseaux d'eaux pluviales, de l'évacuation des eaux de ruissellement des surfaces urbaines ou agricoles, ou encore du trop-plein d'eaux usées d'ouvrages de relèvement en cas de saturation hydraulique de ces derniers, elle admet que la pluie ne constitue qu'une cause indirecte de dégradation de la qualité des eaux. La seule circonstance que le référentiel européen établi par l'Agence européenne pour l'environnement (AEE) et l'Organisation mondiale de la Santé identifient les orages ou une forte pluviométrie comme facteur de dégradation de la qualité des eaux de baignade ne saurait suffire à considérer que les épisodes pluvieux doivent être qualifiés de " pollution de court terme ". De même, la circonstance que l'autorité responsable de l'eau de baignade décide, pour préserver la santé des baigneurs, de fermer de manière préventive les sites de baignade dont les eaux sont affectées par des ruissellements d'eaux pluviales ne suffit pas à considérer que ces ruissellements et leurs effets constituent une " pollution de court terme ", alors qu'il n'est pas sérieusement contesté en défense qu'aucune mesure de gestion adéquate destinée à mettre un terme sans délai à l'épisode de pollution n'est mise en œuvre, dans ce type de situation, pour identifier les sources de pollution, les éviter, les réduire, ou les éliminer. L'association Eau et Rivières est, dès lors, fondée à soutenir que les épisodes pluvieux ne peuvent être regardés comme des pollutions de court terme au sens des dispositions de la directive 2006/7/CE du
15 juillet 2006 et que, par voie de conséquence, les échantillons prélevés au cours des périodes de fermeture préventive des sites de baignage résultant de ces épisodes pluvieux ne pouvaient être écartés des données utilisées pour l'évaluation et le classement des eaux de baignade, en application de l'article 3 de l'arrêté du 22 septembre 2008.
8. En deuxième lieu, alors que l'association requérante dénonce un classement des eaux de baignade de la région faussé par l'intégration des prélèvements réalisés après les épisodes de pollution pluviale, lesquels ne sont alors ni aléatoires, ni prévus au calendrier, l'ARS de Bretagne, qui confirme qu'une telle pratique est directement contraire aux instructions reçues, se borne à minimiser les conséquences de l'erreur, qu'elle reconnaît, l'ayant conduite à intégrer, pour certains sites de baignade du Finistère, les échantillons de contrôle après épisodes de pollution, dans le calcul du classement. Si l'ARS de Bretagne affirme qu'une telle pratique ne visait pas à améliorer le classement des sites concernés, et n'a pas eu un tel effet, elle n'en justifie pas par les seuls éléments chiffrés qu'elle produit, concernant uniquement les sites de baignade de la mer d'Iroise pour la période de 2013 à 2020. Elle admet d'ailleurs, dans ses dernières écritures, que l'impact de l'écartement d'un échantillon est difficilement prévisible, un épisode de contamination pouvant tout à fait impacter pendant plusieurs années le classement de la qualité des eaux d'un site de baignade. L'ARS ne démontre pas davantage que l'erreur qu'elle a commise dans la méthodologie de classement mise en œuvre n'a concerné que certains sites de baignade du Finistère et n'aurait pas été appliquée à l'ensemble des sites de baignade de la Bretagne. En tout état de cause, dès lors qu'une telle pratique est directement contraire aux dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 22 septembre 2008, l'association requérante était fondée à solliciter une correction des classements des eaux de baignade en conséquence.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'ensemble des arguments exposés par l'association requérante, que la décision par laquelle le directeur général de l'ARS de Bretagne a implicitement refusé de procéder à la correction des données de classement des eaux de baignade de Bretagne depuis 2016, pour y intégrer certains prélèvements correspondant à de simples épisodes pluvieux et en exclure les échantillons de recontrôle pris en compte, doit être annulée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative🏛, d'enjoindre à la directrice générale de l'ARS de Bretagne de procéder dans un délai de deux mois aux corrections des données permettant le classement des eaux de baignade de Bretagne depuis 2016, conformément aux motifs du présent jugement. La circonstance que les classements effectués depuis 2016 ont fait l'objet d'une transmission et ont été pris en compte par l'Agence européenne pour l'environnement (AEE), dans le cadre de l'élaboration du rapport annuel portant sur les résultats de la surveillance et de l'évaluation de la qualité des eaux de baignade, prévus par les articles 13 et 14 de la directive 2006/7/CE du 15 juillet 2006, est, à cet égard, sans incidence, et ne saurait empêcher ou dispenser la directrice générale de l'ARS de Bretagne de rectifier, pour le classement des eaux de baignade pour l'année 2023, les données retenues à tort et d'informer son autorité de tutelle des données ainsi corrigées.
Sur la demande de suppression de propos diffamatoires ou outrageants :
11. L'article L. 741-2 du code de justice administrative prévoit que : " Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881🏛 ci-après reproduites : / " Art. 41, alinéas 3 à 5 - Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. / Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. / () ". ".
12. En l'espèce, alors que l'ARS de Bretagne a, dans son premier mémoire en défense, demandé au tribunal la suppression de certains " passages " de la requête de l'association requérante, sans les citer expressément et en se contentant d'inviter à se reporter aux pages 8, 9, 14 et 15 de cette requête, elle précise dans ses dernières écritures que les propos contestés figurent principalement dans l'une des pièces produites dans le cadre de l'instance consistant en une étude de la surveillance et du classement par l'ARS des plages de l'ouest du Finistère réalisée par l'association Eau et Rivières de Bretagne en novembre 2020. En tout état de cause, il ne ressort pas des écritures de l'association requérante que les propos tenus excèderaient le droit à la libre discussion et présenteraient un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire qui justifierait qu'ils soient supprimés en application des dispositions précitées de l'article L. 741-2 du code de justice administrative. Il ne ressort pas davantage des pièces produites par l'association Eau et Rivières de Bretagne, pour polémiques que certaines puissent être, qu'il serait justifié de les écarter des débats. Dès lors, la demande présentée par l'ARS de Bretagne à cet effet doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 400 euros au titre des frais exposés par l'association Eau et Rivières de Bretagne et non compris dans les dépens.
14. En revanche, les conclusions présentées sur le même fondement par l'ARS de Bretagne, qui au demeurant ne justifie pas avoir exposé des frais spécifiques pour les besoins de la présente instance, ne peuvent qu'être rejetées.
Article 1er : La décision implicite par laquelle le directeur général de l'Agence régionale de santé de Bretagne a refusé de procéder à la correction des données des classements des eaux de baignade de Bretagne depuis 2016 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la directrice générale de l'Agence régionale de santé de Bretagne de procéder à la correction des données de classement des eaux de baignade de Bretagne depuis 2016 conformément aux motifs du présent jugement, et dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
Article 3 : L'Agence régionale de santé de Bretagne versera la somme de 400 euros à l'association Eau et Rivières de Bretagne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La demande présentée par l'Agence régionale de santé de Bretagne sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative ainsi que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à l'association Eau et Rivières de Bretagne, à l'Agence régionale de santé de Bretagne et au ministre de la santé et de la prévention.
Une copie du présent jugement sera adressée au préfet de la région Bretagne et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Vergne, président,
Mme Thalabard, première conseillère,
M. Blanchard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.
La rapporteure,
signé
M. Thalabard
Le président,
signé
G.-V. VergneLa greffière,
signé
I. Le Vaillant
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Article, L911-1, CJA Article, L741-2, CJA Article, L1332-1, C. santé publ. Article, D1332-5, C. santé publ. Directive, 2006/7/CE, 15-02-2006 Directive, 2006/7/CE Article, D1332-15, C. santé publ. Article, 2, directive, 2006/7/CE Article, D1332-30, C. santé publ. Directive européenne, 2006/7/CE, Parlement européen Directive, 2006/7/CE, Parlement européen Article, 2, directive, 2000/60/CE Article, L1332-3, C. santé publ. Article, 3, arrêté, 22-09-2008 Directive, 2006/7/CE, 15-07-2006 Article, 13, directive, 2006/7/CE, 15-07-2006 Article, 14, directive, 2006/7/CE, 15-07-2006 Payement des sommes Protection de la santé humaine Dispositif de surveillance Surveillance Atteinte des objectifs Suppression Procédure de gestion Valeur juridique Décision de refus implicite Groupement de collectivités territoriales Risque de pollution Risques pour la santé Établissement par une personne Meilleurs délais Prélèvement supplémentaire Soutien par l'association Réseau d'eau Autorité responsable Délai à compter d'une notification