Réf. : Projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, n° 1272
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par Guillaume Massé et Hervé Bachellerie - Avocats, D'Alverny Avocats
le 08 Juin 2023
Mots-clés : entreprises • salariés • partage de la valeur • impôt sur le revenu
Le 24 mai, le projet de loi « portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise » était présenté au Conseil des Ministres, avec une quinzaine d’articles.
Le projet, conformément aux engagements du gouvernement, reprend très largement, les dispositions de l’accord national interprofessionnel (ANI) des partenaires sociaux du 10 février 2023 [1].
Ses 15 articles élargissent sensiblement pour les salariés, notamment des PME, les dispositifs actuels :
C’est ainsi que le projet de loi prévoit une quinzaine d’articles articulés autour de 5 titres :
Plus généralement, les mesures proposées visent à soutenir le pouvoir d’achat des salariés, ainsi qu’à renforcer et à développer les dispositifs associant les salariés aux résultats et performances de l’entreprise tels que l’intéressement, la participation, l’épargne salariale, la prime de partage de la valeur ou l’actionnariat salarié.
I. Faciliter la mise en place d’un régime de participation
Les mesures suivantes sont expérimentales et prises pour une durée de 5 ans, durée au terme de laquelle un rapport d’évaluation sera remis par le Gouvernement au Parlement.
1) Afin de faciliter la mise en place de la participation volontaire dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’article 2 permet de déroger aux règles de calcul de la participation (C. trav., art. L. 3324-2 N° Lexbase : L5939LQZ). Cette faculté nécessite cependant un accord, au niveau soit de la branche, soit de l’entreprise.
Pour mémoire, jusqu’à ce jour, les entreprises de moins de 50 salariés [2] peuvent, sur une base volontaire [3], instaurer un régime de participation par voie d’accord ou, en cas d’échec des négociations, par décision unilatérale de l’employeur, selon un régime identique [4].
En tout état de cause, obligation d’ouvrir des négociations, avant le 30 juin 2024, pour chaque branche professionnelle, pour mettre en place la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés.
2) Pour les exercices ouverts à compter de 2025, les entreprises ayant entre 11 et 49 salariés, et réalisant un bénéfice net fiscal au moins égal à un pour cent (1 %) du chiffre d’affaires pendant 3 exercices consécutifs, l’article 3 prévoit qu’elles doivent, au choix :
II. Partage de la valeur en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal [5]
Lorsque les entreprises qui disposent déjà d’un accord de participation ou d’intéressement ouvrent une nouvelle négociation avec les délégués syndicaux sur cette question [6], elles doivent procéder à l’examen des modalités de partage de la valeur en cas de survenance d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal.
Les modalités de ce partage peuvent être mises en œuvre, aux termes de l’article 5 selon quatre (4) modalités : (i) le versement d’un supplément de participation ou d’intéressement, (ii) mise en place d’un dispositif d’intéressement, (iii) versement de cette prime pour résultat exceptionnel sur un plan d’épargne, ou (iv) versement de la prime de partage de la valeur (prévue par l’article 1e de la loi du 16 aout 2022 précitée).
Les entreprises concernées doivent engager une négociation sur ce thème, avant le 30 juin 2024, sauf évidemment lorsqu’elles disposent déjà d’un tel dispositif.
Toutefois, cet article 5 devrait, selon toute vraisemblance, faire l’objet d’évolution compte tenu des observations du Conseil d’État sur la notion « d’augmentation exceptionnelle du bénéfice net ».
Par ailleurs, l’exonération d’impôt sur le revenu, de la CSG, et de la CRDS de la prime de partage de la valeur (issue de l’article 1 de la loi du 16 aout 2022 précitée) sous plafond est de 3 000 ou 6 000 euros selon l’entreprise, prévue jusqu’au 31 décembre 2023 [7] connait une prorogation jusqu’au 31 décembre 2026. Ce dispositif est au profit des salariés travaillant (i) dans des entreprises de moins de 50 personnes et (ii) ayant perçu au cours des 12 mois précédant le versement de la prime, une rémunération inférieure à 3 fois le SMIC annuel, soit 62 898 euros.
Toutefois, le Conseil d’État estime que ce dispositif réservé à certains salariés pose un problème au regard du principe d‘égalité devant les charges publiques, dans la mesure où il ne revêt plus un caractère exceptionnel. Il devra donc être amendé [8].
III. Prendre en compte la valorisation de l’entreprise
Le troisième objectif, en conformité avec l’accord des partenaires sociaux, est de faire profiter les salariés d’une augmentation de la valeur de l’entreprise (ou du groupe) au fil du temps.
Le plan de partage de la valorisation de l’entreprise, qui s’apprécie sur une durée de 3 ans, concerne tous les salariés avec une ancienneté d’au moins 12 mois, sauf disposition plus favorable prévue dans un accord.
Le montant de la prime peut varier en fonction du salaire, de la classification ou du temps de travail.
La formule de valorisation de l’entreprise, est mise en oeuvre au terme d’une période de 3 ans, décomptée depuis la mise en place du système par accord, en pouvant être indexée notamment sur la situation nette comptable, de la rentabilité, des perspectives d’activité. La comparaison avec d’autres entreprises du même secteur est également possible.
Si l’accord ne contient pas de formule de valorisation ou si la formule s’avère impossible à appliquer, la valorisation de l’entreprise retenue est égale au montant de l’actif net réévalué (ANR) calculé d’après le bilan le plus récent.
Le plafond des primes versées à ce titre lors d’un même exercice est égal à ¾ du montant du PASS (plafond annuel de la sécurité sociale), soit 32 994 euros à ce jour.
Cette prime, qui n’a pas le caractère de salaire et qui ne peut se substituer à aucun autre élément de rémunération, n’est pas à inclure dans les incentives dont le montant cumulé doit respecter un certain plafond pour ne pas remettre en cause les exonérations fiscales et sociales prévues pour les versements sur un plan d’épargne salariale (PEE, PER).
Elle bénéficie d’une exonération des cotisations sociales à la charge du salarié et de l’employeur. Toutefois, elle est soumise à la contribution spécifique au profit de la CNAV (Caisse nationale d’assurance vieillesse) prévue à l’article L. 137-13 du Code de la sécurité sociale N° Lexbase : L2231LYB et égale à 20 % (de la valeur des actions gratuites).
Au niveau de la procédure, le plan de partage de la valorisation de l’entreprise est mis en place par accord, établi sur rapport spécial du CAC (commissaire aux comptes de l’entreprise) ou d’un commissaire désigné à cet effet.
L’accord peut revêtir la forme :
Le gouvernement remettra un rapport d’évaluation au parlement avant le 30 septembre 2025.
Les exonérations dont bénéficie cette prime de partage, parce qu’elles ont fait l’objet d’observations du Conseil d’État, sont donc susceptibles d’évoluer.
IV. Développer l’actionnariat salarié
Pour faciliter l’actionnariat salarié, sont augmentés les plafonds d’attribution gratuite d’actions (AGA) dont peuvent bénéficier les salariés :
Est également créé un nouveau plafond, égal à 30 %, sous condition que les salariés bénéficiaires représentent (i) plus de 25 % de la masse salariale et (ii) plus de 50 % des effectifs.
En outre, si le plafond individuel d’actions gratuites fixé à 10 % du capital social est maintenu, sont désormais sont exclus du calcul les titres détenus depuis plus de 7 ans.
Enfin, le projet de loi reprend les dispositions de l’accord national interprofessionnel encourageant dans les plans d’épargne d’entreprise et dans les d’épargne retraite l’instauration de fonds favorisant la transition énergétique ou socialement responsables.
Ce projet de loi amendé des observations du Conseil d’État arrivera dans les prochains jours sur le bureau de l’Assemblée nationale.
[1] Certaines mesures de l’ANI sont non reprises car devant seulement faire l’objet d’une mesure réglementaire, comme par exemple la création de 3 nouveaux cas de déblocage anticipé du PEE avant 5 ans en cas (i) de rénovation énergétiques de la résidence principale, (ii) de dépense engagées comme proche aidant (dépendance) et (iii) d’acquisition de véhicule dit « propre » (neuf ou occasion).
[2] C. trav., art. L. 3323-6 N° Lexbase : L7712LQP.
[3] Le régime de participation volontaire est régi par les mêmes dispositions que celle de la participation obligatoirement des entreprises de plus de 50 salariés. En particulier, de la règle dite de l’équivalence des avantages consentis, prévue par les dispositions de l’article L. 3324-2 du Code du travail, qui exige que la formule de calcul de la réserve spéciale de participation, si elle est différente de la formule prévue par la loi, comporte pour les salariés des avantages au moins équivalents.
[4] L’avis du Conseil d’État précise que respecte le principe d’égalité le fait que les accords de participation puissent à l’avenir être moins favorables (que e régime légal) ce que ne peuvent pas ceux résultant d’une mise en place volontaire antérieure.
[5] Article 9 de l’ANI.
[6] En application de l’article L. 2242-1 du Code du travail N° Lexbase : L4403L79, les entreprises avec délégués syndicaux sont tenues d’engager, au moins une fois tous les 4 ans, une négociation sur le partage de la valeur.
[7] Issue de la loi du 16 août 2022 et en vigueur depuis le 1er juillet 2022.
[8] Ses avis n° 405548 des 30 juin et 4 juillet 2022 avaient déjà requis une application limitée dans le temps.
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