Réf. : Loi n° 2023-451, du 9 juin 2023, visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux N° Lexbase : L8564MHN
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par Vincent Téchené
le 14 Juin 2023
► La loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux a été publiée au Journal officiel du 10 juin 2023.
La loi définit et encadre l'activité des influenceurs sur les réseaux sociaux. L'objectif est essentiellement de mieux lutter contre certaines dérives et arnaques constatées, d’autant que le public concerné est essentiellement composé de personnes jeunes.
Une définition de l'influenceur est créée. Il s'agit des personnes qui contre rémunération ou avantages en nature « mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer » en ligne « des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque ».
L'activité d'agent d'influenceurs, qui met ceux-ci en relation avec les marques, est également définie.
Les influenceurs, leurs agents ou les annonceurs devront passer des contrats écrits, au-delà d'un certain seuil de rémunération ou d'avantages en nature (qui sera défini par décret). Ces contrats devront inclure certaines clauses obligatoires : missions confiées, conditions de rémunération, soumission au droit français dès lors que sont visés des abonnés en France...
Afin d'indemniser d'éventuelles victimes, le principe d'une responsabilité solidaire entre l'annonceur, l'influenceur et son agent est également prévu. De plus, les influenceurs résidant à l'étranger hors Europe (comme pour nombre d’entre eux à Dubaï) devront désigner un représentant légal dans l'Union européenne et souscrire une assurance civile dans l'UE dès lors qu'ils visent un public en France.
Des mesures spécifiques viennent également protéger les enfants influenceurs. Les règles sur le travail des enfants Youtubeurs sur les plateformes de partage de vidéos, fixées par la loi n° 2020-1266, du 19 octobre 2020 N° Lexbase : L4776LYK sont étendues à toutes les plateformes en ligne (réseaux sociaux tels qu'Instagram, Snapchat ou Tiktok). Les enfants influenceurs commerciaux seront protégés par le Code du travail. Leurs parents devront signer leurs contrats avec les annonceurs et consigner une part de leurs revenus (le pécule).
Les obligations des plateformes en ligne (Youtube, Tiktok...) sont renforcées. Conformément au Digital Services Act, ou « DSA » (Règlement (UE) n° 2022/2065, du 19 octobre 2022, relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la Directive n° 2000/31/CE N° Lexbase : L7614MEQ), elles devront proposer un bouton pour signaler les contenus illicites, traiter en priorité les notifications des signaleurs de confiance et retirer au plus vite ces contenus.
La loi rappelle que les influenceurs doivent respecter le cadre légal sur la publicité et la promotion des biens et des services (loi « Évin », Code de la consommation, normes sur les produits gras, sucrés et salés ....). De plus, elle interdit les publicités faisant la promotion :
- de la chirurgie et la médecine esthétique ;
- de certains produits et services financiers (notamment concernant les crypto-monnaies) ;
- de l’abstention thérapeutique ;
- des sachets de nicotine (dont la vente sur Internet se développe auprès des adolescents) ;
- des abonnements à des conseils ou des pronostics sportifs...
La publicité impliquant des animaux sauvages est aussi interdite (sauf collaboration avec des zoos). La publicité des jeux d'argent et de hasard est encadrée afin de protéger les mineurs, de même que la promotion d'inscriptions à des formations professionnelles, notamment via le compte personnel de formation (CPF).
Face aux nombreuses dérives constatées dans la pratique du dropshipping ou « livraison directe » (vente de produits de piètre qualité ou contrefaits, absence de livraison), les influenceurs seront responsables vis-à-vis des acheteurs.
Pour une meilleure information de leurs abonnés, les influenceurs devront indiquer clairement la mention « publicité » ou « collaboration commerciale » sur leurs contenus promotionnels.
Pour protéger les plus jeunes, les photos ou vidéos de visage ou de silhouette modifiées, notamment à l'aide de filtres, ou réalisées par intelligence artificielle devront contenir la mention « images retouchées » ou « images virtuelles ».
Les collégiens devront être sensibilisés contre les contenus sexistes, la manipulation commerciale, les risques d’escroquerie en ligne et les outils mis à disposition par les plateformes pour signaler des contenus illicites.
Les influenceurs, qui violeraient les interdictions ou obligations posées par la loi, risqueront une peine de prison et de fortes amendes (jusqu'à 300 000 euros dans certains cas) ainsi qu'une interdiction d'exercer.
Les pouvoirs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en matière d'astreintes et de mises en demeure prononcées à l'encontre des influenceurs sont renforcés.
Les réseaux sociaux devront s'engager à collaborer avec l'État pour réguler le secteur de l'influence commerciale et favoriser l'information du public sur les droits et devoirs des influenceurs et de leurs agents.
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