Réf. : CJUE, 11 mai 2023, aff. C-155/22 N° Lexbase : A39509TH
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par Vincent Téchené
le 17 Mai 2023
► Une entreprise de transport routier ne peut pas se décharger de sa responsabilité de respecter les temps de conduite et de repos des conducteurs en la transférant à une tierce personne ; le droit de l’Union s’oppose en effet à une réglementation nationale qui, en permettant un tel transfert de responsabilité, fait obstacle à la remise en cause de l’honorabilité de l’entreprise et à l’adoption de sanctions à son égard.
Faits et procédure. Une entreprise de transport autrichienne a, conformément à sa législation nationale, désigné une « préposée responsable », qui assumait la responsabilité du respect du temps de travail au sein de cette entreprise. Cette personne n’était ni une gestionnaire de transport ni une mandataire habilitée à représenter l’entreprise vis-à-vis des tiers. Elle n’avait pas non plus d’influence significative sur la gestion de l’entreprise.
Cette personne a alors contesté devant une juridiction autrichienne plusieurs amendes qu’elle s’est vu infliger par l’administration pour la violation des règles sur les heures de conduite journalières et l’utilisation du tachygraphe. Selon cette juridiction, la désignation en tant que préposé responsable emporte transfert à cette personne de la responsabilité pénale du fait des infractions en cause. En outre, selon le droit autrichien, la conduite de la personne ainsi désignée ne pourrait pas être prise en compte afin d’apprécier si l’entreprise en cause satisfait à l’exigence d’honorabilité prévue par le droit de l’Union.
La juridiction autrichienne a donc posé une question préjudicielle à la CJUE afin de savoir si dans de telles circonstances, une telle désignation est compatible avec le droit de l’Union (en particulier avec le Règlement (CE) n° 1071/2009, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route N° Lexbase : L9122IEL).
Décision. La CJUE observe tout d’abord qu’une personne préposée telle que celle en cause doit être considérée comme « personne concernée » désignée par l’État membre, de sorte que sa conduite doit être prise en compte aux fins d’apprécier l’honorabilité de l’entreprise en cause.
Elle constate ensuite qu’une réglementation nationale telle que celle en cause fait obstacle, en violation du droit de l’Union, à la remise en cause de l’honorabilité des entreprises de transport routier et à l’adoption de sanctions à leur égard, alors même que les personnes devant être considérées, par rapport à ces entreprises, comme étant des « personnes concernées », ont commis de graves infractions aux réglementations du droit de l’Union.
En effet, les condamnations graves prononcées à l’encontre de ces personnes et les sanctions infligées ne donneraient jamais lieu à une procédure de contrôle de l’honorabilité de l’entreprise concernée ni ne seraient prises en considération lors des contrôles exercés par les autorités compétentes afin de vérifier que les entreprises autorisées à exercer la profession de transporteur par route continuent de satisfaire aux exigences posées par le droit de l’Union. Ainsi, la commission des infractions, indépendamment de leur nombre et de leur gravité, ne pourrait jamais aboutir à la perte d’une telle honorabilité ni, par voie de conséquence, au retrait ou à la suspension de l’autorisation d’exercer la profession de transporteur par route.
La Cour en conclut donc que le droit de l’Union s’oppose à ce qu’une entreprise puisse désigner une personne en tant que responsable du respect des dispositions de l’Union concernant les temps de conduite et de repos des conducteurs, et transférer ainsi à cette dernière la responsabilité pénale des infractions à ces dispositions, lorsque le droit national ne permet pas de prendre en compte les infractions ainsi imputées audit préposé afin d’apprécier si l’entreprise de transport satisfait à l’exigence d’honorabilité.
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