La lettre juridique n°942 du 13 avril 2023 : Sûretés

[Brèves] Mention manuscrite prévoyant que la caution s’engage sur ses revenus ou ses biens : le cautionnement est nul !

Réf. : Cass. com., 5 avril 2023, n° 21-20.905, FS-B N° Lexbase : A61559MW

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par Vincent Téchené

le 12 Avril 2023

► La formule écrite de la main de la caution prévoyant que celle-ci s'engage sur ses revenus ou ses biens, et non sur ses revenus et ses biens, conformément à la mention manuscrite légale, modifie le sens et la portée quant à l'assiette du gage du créancier. L’engagement de la caution est donc nul.

Faits et procédure. Une banque a consenti à une société un prêt destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce. Le 30 novembre 2011, M. W s'est rendu caution solidaire de la société, en garantie du remboursement de ce prêt.

La société ayant cessé de régler les échéances du prêt, la banque a assigné en paiement la caution. Cette dernière a alors invoqué la nullité de son cautionnement, au motif que sa mention manuscrite ne respectait pas les exigences légales imposées par le Code de la consommation.

La cour d’appel a condamné la caution au paiement. Elle a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Haute juridiction censure l’arrêt d’appel qui avait retenu que les minimes altérations de la formule légale n'ont pas modifié la compréhension par la caution du sens et de la portée de son engagement et en avait déduit que la demande de nullité du cautionnement ne pouvait être accueillie.

Or en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la formule écrite de la main de la caution prévoyait que celle-ci s'engageait sur ses revenus ou ses biens, et non sur ses revenus et ses biens, conformément à la mention manuscrite légale, ce qui en modifiait le sens et la portée quant à l'assiette du gage du créancier, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article L. 341-2 du Code de la consommation N° Lexbase : L5668DLI, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 (devenu C. consom., art. L. 331-1 N° Lexbase : L1165K7B).

Observations. Pour les cautionnements souscrits avant le 1er janvier 2022, on sait qu’est nul l'engagement, pris par acte sous seing privé par une personne physique envers un créancier professionnel, qui ne comporte pas la mention prévue par le Code de la consommation (v. not., Cass. com., 28 avril 2009, n° 08-11.616, FS-P+B N° Lexbase : A6490EGH ; Cass. civ. 1, 25 juin 2009, n° 07-21.506, FS-P+B N° Lexbase : A4103EIS). Il en est de même lorsque l'altération de la mention manuscrite est telle qu’elle modifie la compréhension par la caution du sens et de la portée de son engagement (v. par ex. pour l’absence de désignation du débiteur garanti : Cass. com., 24 mai 2018, n° 16-24.400, FS-P+B N° Lexbase : A5375XPR, V. Téchené, Lexbase Affaires, mai 2018, n° 554 N° Lexbase : N4234BX4  ; pour une mention jugée inintelligible : Cass. com., 7 février 2018, n° 16-20.586, F-D N° Lexbase : A6691XCS, G. Piette, Lexbase Affaires, mars 2018, n° 545 N° Lexbase : N3101BX7).

En revanche, la Cour de cassation admet certains assouplissements : la nullité ne sera pas prononcée si les imperfections peuvent être considérées comme de simples erreurs matérielles qui n'affectent ni le sens, ni la portée de l'engagement. En outre, certaines erreurs n'emporteront pas non plus la nullité du cautionnement, mais auront pour effet de limiter le gage du créancier ou l'étendue du cautionnement. Tel est le cas notamment lorsque la caution s'engage seulement « sur ses revenus » et non « sur ses revenus et ses biens ». En effet, dans ce cas, la Haute juridiction estime que cette rédaction n'a pour conséquence que de limiter le gage du créancier aux revenus de la caution et qu’elle n'affecte pas la validité du cautionnement (Cass. com., 1er octobre 2013, n° 12-20.278, FS-P+B N° Lexbase : A3277KMC, G. Piette., Lexbase, Affaires, 2013, n° 358 N° Lexbase : N9310BTY).

Enfin, rappelons que pour les cautionnements souscrits après le 1er janvier 2022 et donc soumis aux textes issus de l’ordonnance de réforme du 15 septembre 2021 (ordonnance n° 2021-1192 N° Lexbase : L8997L7D), l’exigence d’une mention de la caution est désormais prévue par l’article 2297 du Code civil N° Lexbase : L0171L8T qui assouplit grandement les règles. En effet, la mention doit simplement être apposée par la caution (elle n'a donc plus obligatoirement à être manuscrite). Par ailleurs, la caution n’a plus à respecter un modèle légal. Le texte prévoit simplement qu'elle doit indiquer que le signataire s'engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres.

Pour aller plus loin :

  • pour les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022, v. ÉTUDE : Les conditions de formation du cautionnement, La sanction de principe : la nullité du cautionnement ou l'impossibilité pour le créancier de se prévaloir de la solidarité, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E7187E93 ;
  • pour les cautionnements conclus à compter du 1er janvier 2022, v. ÉTUDE : Le cautionnement, Le formalisme du cautionnement, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E8597B48.

 

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