La lettre juridique n°938 du 16 mars 2023 : Droit privé général

[A la une] Dossier spécial « Libres propos sur la délégation », sous la direction scientifique de Deen Gibirila, Professeur émérite - Université Toulouse 1 Capitole

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par Deen Gibirila, Professeur émérite - Université Toulouse 1 Capitole

le 16 Mars 2023

À l’instar des précédentes et nul doute pour celles qui suivront, la présente étude collective intitulée « Libres propos sur la délégation » est le témoignage d’une convivialité née de rencontres universitaires dont quelques-unes se sont muées en complicité intellectuelle, voire en amitié et développées au fil du temps en dehors de l’Université.

Les contributions relevant du domaine de spécialité des différents auteurs constituent l’œuvre originale de chacun d’eux. Cette étude présente une certaine unité dans la mesure où celle-ci a pour point de rencontre la « délégation ». Elle offre également la particularité et, nous nous en félicitons, de réunir des collègues issus d’universités différentes enseignant dans diverses disciplines juridiques, ce qui participe à l’enrichissement notable de cette « prose juridique ».

Le choix des thèmes est essentiellement régi par leur intérêt, non seulement pédagogique, mais également de recherche, de sorte qu’ils constituent soit la synthèse d’une question traditionnelle mais qui mérite d’être approfondie, soit l’exploration d’une question plus actuelle qui implique d’être mise en évidence.

Gageons que la présente étude collective saura susciter la curiosité toujours en éveil des juristes (universitaires ou praticiens) et inspirer d’autres auteurs à assurer la direction d’autres études collectives. Toujours est-il que je remercie vivement mes collègues et amis qui ont spontanément accepté de participer à la présente « aventure doctrinale ».

Sommaire

1. De la délégation de l'exercice de l'autorité parentale, par Christelle Rieubernet, Maître de conférences, Université Toulouse Capitole, Institut de Droit Privé (EA 1920)

La délégation de l'exercice de l'autorité parentale est nécessairement limitée, même si son domaine n'a cessé de s'étendre à partir de la loi n°2002-305 du 4 mars 2002. Protéiforme, elle peut être volontaire ou forcée mais nécessite toujours l'intervention du juge et le respect de l'intérêt de l'enfant. La demande des parents ou de l'un d'eux doit en outre être justifiée par les circonstances. Elle peut cependant leur être imposée dans des cas de défaillance parentale limitativement énumérés. La modularité de ses effets permet d'opérer un transfert ou un partage, total ou partiel, de l'exercice de l'autorité parentale.

2. L’appréhension rénovée de la délégation par la réforme du régime général des obligations : contribution à une clarification de sa nature et de son régime juridique, par Bee Receveur, Maître de conférences, Université Toulouse Jean Jaurès, Membre de l’Institut de Droit Privé Toulouse Capitole EA 1920

Auparavant, la délégation était seule régie par le truchement de deux dispositions afférentes à la novation, ce qui apparaissait paradoxal au regard des fonctions multiples qu’elle endossait. Bien que la jurisprudence eût à cœur d’en combler les lacunes, elle nourrissait toujours bon nombre d’incertitudes et de controverses que le législateur s’est ainsi attelé à dissiper à l’occasion de la réforme du régime général des obligations.

La délégation bénéficie désormais d’une identité légale singulière : une convention tripartite génératrice en tout état de cause d’une obligation nouvelle qui la distingue de ses semblables translatives. Polymorphe, elle peut ou non procéder de rapports préexistants dont les obligations peuvent ou non être retranscrites dans la relation délégué – délégataire. Elle peut, au surplus, être novatoire ou simple, ce qui ne manque certes pas, sinon d’en annihiler l’homogénéité, d’en complexifier le régime.

C’est la consécration de la double inopposabilité des exceptions qui, contribuant à raffermir un régime juridique alors balbutiant, en constitue l’apport majeur. Inhérentes à la dette ou personnelles, issues des rapports délégant-délégataire ou délégué-délégant, les exceptions ne peuvent formellement plus être opposées par le délégué au délégataire, sauf « dispositions contraires », dont l’équivoque - comme la question en suspens de la date d’opposabilité aux tiers - présage de néo-dissensus au sein de la jurisprudence comme de la doctrine.

3. La place de la délégation parmi les opérations sur obligations, par Solène Ringler, Maître de conférences en droit privé à l’Université d’Angers, Centre Jean Bodin EA 4337

Bien connue de la pratique des affaires, la délégation offre de nombreux atouts notamment en ce qu’elle confère au créancier un nouveau débiteur au titre d’un engagement autonome. Si le mécanisme peut paraître simple de prime abord, la notion comporte encore des incertitudes en dépit des précisions apportées par le législateur à la suite de l’ordonnance portant réforme du droit des obligations. La délégation est une notion singulière parmi les opérations sur les obligations. Ni parfaitement extinctive, ni véritablement translative, elle se caractérise par son effet créateur d’obligation. Néanmoins, elle emprunte au gré de la volonté des parties, des éléments de régime d’autres notions qui lui sont proches ce qui en fait un contrat original.

4. À propos (libres) de la distinction entre délégation et mandat, par Philippe Grignon, Maître de conférences HDR à la Faculté de droit et de science politique de Montpellier

Dans le cadre cette étude collective la question de la distinction entre délégation et mandat s’impose : la délégation n’est-elle pas, tout simplement, un mandat ? La confrontation des notions, abordée dans la première partie de l’étude, révèle un mode opératoire différent entre ces deux mécanismes, qu’il s’agisse de la délégation en droit civil, ou de la délégation de pouvoirs appréhendée par le droit des sociétés.

Quant au régime applicable, abordé dans la seconde partie de l’article, il apparait autant que si le régime du mandat n’est pas applicable à la délégation de droit commun, autant il s’invite dans la délégation de pouvoirs.

5. La délégation de pouvoirs et la responsabilité pénale en droit des sociétés, par Deen Gibirila, Professeur émérite,  Université Toulouse 1 Capitole

Toute infraction pénale commise au sein d’une entreprise soulève la question de la responsabilité pénale du chef d’entreprise (désigné également par les termes d’employeur, de dirigeant ou de chef d’établissement). En la matière, la délégation de pouvoirs qui réunit toutes les conditions de forme et de fond entraîne le transfert de la responsabilité pénale du dirigeant chef d'entreprise sur le préposé auteur de l'infraction pénale. Le délégataire est en effet considéré comme un « représentant » de l'entreprise personnifiée. Il s’ensuit alors une exonération de la responsabilité pénale du chef d’entreprise déléguant son pouvoir.

La délégation de pouvoirs n’est cependant pas exclusive de la responsabilité pénale de la personne morale impliquée dans la commission de l’infraction. Cette responsabilité est engagée par le délégataire du fait de ses infractions non intentionnelles commises dans le cadre de sa mission, dès lors qu'il intervient dans le cadre de la délégation pour le compte de la société en qualité de représentant de cette dernière.

6. La délégation du pouvoir de licencier, par Marie Rakotovahiny, MCF-HDR Droit privé, Université Toulouse III

Au carrefour du droit des sociétés et du droit du travail, la délégation du pouvoir de licencier au sein d’une société ou d’un groupe de sociétés est un mécanisme né de la pratique dont le régime juridique s’élabore au gré des solutions jurisprudentielles. Cette délégation participe d’une organisation de l’entreprise déconcentrée dans la mesure où le pouvoir de gestion est réparti entre plusieurs personnes. Elle implique fondamentalement l’existence d’une relation hiérarchique entre le dirigeant, représentant légal de la société et le salarié, bénéficiaire de la délégation du pouvoir de licencier.

Que la délégation soit explicite ou fonctionnelle, le salarié délégataire doit disposer des moyens, des compétences et de l’autorité nécessaires pour mener à bien la mission déléguée. Le délégataire bénéficie d’une autonomie dans l’exercice du pouvoir de licencier à l’égard du délégant, qui ne peut nullement entraver l’exercice de son pouvoir décisionnel. Dès lors qu’elle est mise en œuvre dans le périmètre préalablement délimité, la délégation du pouvoir de licencier produit ses effets à l’égard des tiers qui sont en droit de considérer que la personne morale est redevable des conséquences de l’acte.

La question soulève des difficultés et des interrogations lorsque le délégataire agit sans pouvoir ou excède le pouvoir délégué.

7. Déléguer le pouvoir de déclarer une créance, par Thierry Favario, Maître de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3

La déclaration de créance est l’acte fondateur du créancier dont le débiteur fait l’objet d’une procédure collective. Ce créancier peut être une personne physique ou morale. Selon la complexité de sa structure interne, il n’est pas rare que le pouvoir de déclarer une créance soit délégué. Aux difficultés liées au régime juridique de la déclaration de créance se combinent alors celles liées à la technique de la délégation de pouvoir.

Est-il utile de préciser que la délégation du pouvoir de déclarer une créance a suscité un important contentieux, principalement motivé par les effets liés à l’irrégularité d’une telle déclaration ?

Un contentieux aussi important qu’artificiel pour lequel le juge et le législateur ont pris le parti de tarir. La délégation du pouvoir de déclarer une créance est toujours un acte d’une grande importance pratique ; elle s’inscrit cependant aujourd’hui dans un contexte judiciaire beaucoup plus apaisé.

 

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