Le Quotidien du 16 mars 2023 : Actualité judiciaire

[Le point sur...] La défense de Michel Fourniret demande l’annulation de sa mise en examen et charge violemment l’instruction menée sur l’affaire Estelle Mouzin

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[Le point sur...] La défense de Michel Fourniret demande l’annulation de sa mise en examen et charge violemment l’instruction menée sur l’affaire Estelle Mouzin. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/94192036-le-point-sur-la-defense-de-michel-fourniret-demande-lannulation-de-sa-mise-en-examen-et-charge-viole
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par Vincent Vantighem

le 21 Mars 2023

Ce n’est pas simple d’assurer la défense d’un meurtrier. D’autant plus lorsqu’il s’agit du « tueur en série le plus abouti que la France ait jamais connu », pour reprendre l’expression du psychiatre Daniel Zagury. Exercice encore plus délicat lorsque celui-ci est mort… Pourtant, le 8 mars, les quatre avocats de Michel Fourniret ont demandé à la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles (Yvelines) d’annuler la mise en examen de leur client, ainsi que d’autres actes de procédures, dans le cadre de l’instruction ouverte sur la disparition et la mort de la petite Estelle Mouzin.

La tragique histoire de cette fillette est, sans doute, l’une de celles qui a le plus ému l’opinion publique en France. Michel Fourniret est mort depuis près de deux ans. Et il n’y a guère de doute sur le fait qu’il est bien celui qui a ôté la vie de la petite fille de 9 ans, après l’avoir enlevée à Guermantes (Seine-et-Marne) par un soir glacial de janvier 2003. L’initiative de ses quatre avocats devant la chambre de l’instruction  – Gaspard Lindon, Vincent Nioré, Emmanuel Mercinier et Dimitri Gremont – apparaît donc complètement vaine. Mais elle répond, à leurs yeux, à un idéal de justice. Comme un moyen de rappeler que l’on ne peut pas tordre le Code de procédure pénale dans tous les sens pour aboutir à ses fins…Quand la justice veut bien s’en soucier… En effet, leur requête a été déposée le 22 avril 2021 quand Michel Fourniret était bien vivant. Mais il a fallu attendre quasiment deux ans après sa mort pour que son examen soit audiencé à Versailles, le 8 mars.

Ce jour-là, les avocats ont donc pris le temps de décortiquer leur requête de 15 pages qui dénonce la façon dont l’instruction a été menée. Car c’est bien ce qu’il semble s’être produit durant les dernières années d’enquête sur la disparition d’Estelle Mouzin. On s’en souvient : après avoir récupéré le dossier, la juge d’instruction Sabine Khéris était parvenue à obtenir les aveux de l’Ogre des Ardennes dans cette affaire. Mais ses quatre avocats dénoncent la façon dont elle s’y est prise pour cela.

Un rapport d’expertise dissimulé pendant plus d’un an ?

Dans leur requête, les quatre avocats attaquent par une question simple : Michel Fourniret avait-il toutes ses capacités intellectuelles et physiques lorsqu’il est passé aux aveux, en mars 2020, dans son style alambiqué si caractéristique. « Je reconnais là un être qui n’est plus là par ma faute », avait-il lâché en audition alors que la juge lui montrait une photo de la fillette. Le problème, c’est qu’à ce moment-là, Sabine Khéris avait déjà dans ses tiroirs, depuis plus d’un an, un rapport d’expertise médical concluant à « une détérioration sévère des facultés mentales de Fourniret et a des troubles mnésiques sérieux ». Quel crédit accorder à un homme qui n’a plus toute sa tête ?

Les avocats du tueur se posent d’autant plus cette question que ce fameux rapport d’expertise a été, d’après eux, bien longtemps dissimulé par la juge Khéris. Rendu le 23 décembre 2018, il n’a finalement été communiqué à la défense que le 15 février 2021, après cinq demandes directes de leur part et une saisine, déjà à l’époque, de la chambre de l’instruction. Et c’est un souci, selon eux. Parce qu’entre le 23 décembre 2018 et le 15 février 2021, Michel Fourniret a été mis en examen. « Il ne pouvait connaître à la date de sa mise en examen, l’irrégularité dont il se prévaut aujourd’hui dès lors que l’expertise n’avait pas été cotée au dossier l’empêchant d’y accéder par le biais de ses conseils », écrivent donc ses avocats dans leur requête.

Une confrontation entre Fourniret et son frère qu’il n’avait pas vu depuis dix ans

L’état de santé de Fourniret a toujours été une question cruciale lors des dernières années de son existence. Ceux qui ont assisté à son dernier procès à la cour d’assises des Yvelines, à Versailles, en novembre 2018 pour l’assassinat de Farida Hammiche, se souviennent encore de ses troubles et de sa perte de repères. De la manière avec laquelle il demandait à son avocat de l’époque, Grégory Vavasseur, où il était exactement et quand il rentrerait chez lui alors que tout le monde attendait le verdict dans le prétoire…

Dans leur requête, les quatre avocats accusent donc la juge d’instruction d’avoir profité de la faiblesse de leur client dans le but premier d’obtenir ses aveux et, par la suite, le lieu où il aurait déposé le corps d’Estelle Mouzin, il y a vingt ans. Quitte à flirter avec les limites imposées par le Code de procédure pénale, donc.

Noir sur blanc, ils dénoncent les méthodes de la juge lors des multiples campagnes de fouilles organisées dans les Ardennes afin de découvrir, enfin, la dernière sépulture de la fillette. Sans jamais y parvenir. « Les enquêteurs ont créé des mises en scènes destinées à déstabiliser [Michel Fourniret] en faisant venir son frère aîné, avec lequel il n’avait pourtant aucun contact depuis une décennie ou en l’interrogeant devant la tombe de son propre père, l’infantilisant afin qu’il se confesse devant ce qui symbolise pour lui l’autorité », critiquent-ils.

Sur certains PV, il manque la signature de Fourniret

Sans parler de ce moment où les enquêteurs ont décidé, toujours devant la tombe de son père, de confronter Michel Fourniret au père d’Estelle Mouzin, toujours dans le but de découvrir la vérité. « Conduire [notre client], dont l’altération des facultés mentales a été médicalement constatée, devant la tombe de son propre père afin de l’y confronter avec le père d’Estelle Mouzin constitue une instrumentalisation de sa maladie mentale destinée à l’impressionner et à lui occasionner un choc émotionnel violent dans l’espoir d’obtenir des informations au mépris de la souffrance morale », disent encore ses avocats dans leur requête.

Un problème de fond qui se double, selon eux, d’un problème de forme de nature à faire capoter une bonne partie de la procédure. Si le code ne prévoit pas que les procès-verbaux soient signés lors de transports sur les lieux, il l’impose lorsque ces mêmes transports se transforment en interrogatoire ou en confrontation. Or, aucun procès verbal de la campagne de fouilles d’octobre 2020 ne comporte la signature, en pattes de mouche si caractéristiques, de Michel Fourniret, alors qu’il a été, à cette occasion, longuement interrogé…

Finalement, c’est une question presque existentielle que posent les avocats du tueur dans leur requête. L’horreur des faits commis par un homme tout au long de sa vie suffit-elle à pouvoir lui imposer des traitements inhumains pour découvrir la vérité alors que celle-ci s’achève ? La chambre de l’instruction doit répondre à cette question le 17 mai, date à laquelle sa décision a été mise en délibéré. Quelle qu’elle soit, cela ne devrait rien changer au fait que Michel Fourniret ne sera jamais jugé dans cette affaire, sa mort ayant éteint l’action publique à son encontre. En novembre prochain, lors du procès aux assises, seule son ex-femme Monique Olivier devrait ainsi comparaître pour « complicité ».

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