La lettre juridique n°936 du 23 février 2023 : Comité social et économique

[Pratique professionnelle] L’organisation des élections du CSE : les points de vigilance

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par Jonathan Cadot, Avocat associé et Marion Nabier, Avocat, cabinet Lepany & Associés

le 22 Février 2023

Mots-clés : CSE • élections professionnelles • UES • établissements distincts • protocole préélectoral, effectif • vote électronique • mixité proportionnelle

Depuis déjà quelques mois, bon nombre d’entreprises ont à connaitre du 1er renouvellement des membres de leur Comité social économique (CSE). L’organisation des élections professionnelles reste, à ce jour, un exercice complexe d’un point de vue juridique et un évènement à fort enjeu pour les organisations syndicales (OS) dès lors que les résultats détermineront leur représentativité et leur capacité à négocier, mais aussi, leur faculté à gérer le CSE en fonction du nombre de sièges obtenus.

Dans ce contexte, sans prétention d’exhaustivité, nous aborderons les points de vigilance à prendre en compte dans les élections professionnelles à venir.


I. La détermination de l’effectif

La question de la détermination de l’effectif reste un élément central en ce qu’il détermine l’obligation ou non de mettre en place un comité social et économique (CSE), le nombre de représentants à élire et ses attributions.

Un CSE doit être mis en place si le seuil d’effectif de 11 salariés est atteint pendant douze mois consécutifs [1].

À l’expiration du mandat des membres du CSE, son renouvellement ne s’imposera pas si l’effectif de l’entreprise est resté en dessous de 11 salariés pendant au moins 12 mois consécutifs.

S’agissant d’un renouvellement, il s’agira d’apprécier l’effectif à la date du 1er tour.

Il convient, notamment, d’être particulièrement vigilant sur ce décompte, notamment s’agissant de la prise en compte au prorata du temps de présence des salariés à temps partiel et des CDD.

En outre, il conviendra de tenir compte des travailleurs mis à disposition par une entreprise extérieure dès lors qu’ils sont présents dans les locaux de l’entreprise utilisatrice depuis au moins un an [2].

En effet, selon l’activité de l’entreprise, le nombre des salariés mis à disposition peut impacter significativement l’effectif.

Il s’agira donc pour les organisations syndicales (OS) d’obtenir de la direction, dans le cadre d’une négociation loyale du protocole préélectoral, les éléments de nature à apprécier l’effectif.

II. La détermination de l’architecture sociale de l’entreprise

La proximité des élections professionnelles amène nécessairement les partenaires sociaux à s’interroger sur le niveau et le périmètre des instances représentatives du personnel. Il s’agit là de mener une réflexion sur l’architecture sociale de l’entreprise qui portera les contours mêmes de l’entreprise, notamment, s’agissant de l’existence d’une unité économique et sociale (UES) (A.), de l’existence ou non d’établissements distincts (B.) et de la mise en place de représentants de proximité (C.).

A. La réflexion sur l’existence d’une UES

La proximité des élections professionnelles peut être un moment propice pour s’interroger sur les contours de l’entreprise en termes de représentation du personnel et sur l’existence d’une UES et la mise en place d’un CSE à ce niveau.

En effet, lorsqu’une UES regroupant au moins 11 salariés est reconnue par accord collectif ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, un CSE commun est mis en place [3].

Ainsi, la reconnaissance de l’UES pourra faire l’objet d’une négociation entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives (OSR) résultant d’un accord collectif.

S’agissant des conditions de négociation et de validité d’un tel accord, il a été jugé récemment que l’accord de configuration de l’UES constitue un accord interentreprises qui doit être négocié entre :

  • d'une part, les employeurs ;
  • et, d'autre part, les OSR à l'échelle de l'ensemble des entreprises concernées, avec une appréciation de leur représentativité syndicale au niveau de l'entreprise par addition de l'ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises ou établissements concernés lors des dernières élections précédant l'ouverture de la première réunion de négociation [4].

En l’absence d’accord, il sera toujours possible d’envisager une saisine du tribunal judiciaire pour faire reconnaitre l’UES et demander l’organisation d’élections professionnelles en son sein.

Cela supposera de démontrer tant l’existence d’une unité économique que d’une unité sociale [5] :

  • l’unité économique se caractérise par :

- une concentration des pouvoirs [6] ;

- une similarité ou une complémentarité des activités [7].

  • l’unité sociale se définit, quant à elle, par l’existence d’une communauté de travailleurs, caractérisée par une similitude des conditions de travail, une gestion commune, ou encore une permutabilité des salariés [8].

L’enjeu de la reconnaissance d’une UES peut être de taille en termes de moyens octroyés à la représentation du personnel en fonction de l’effectif de l’UES, mais également en termes de champ d’intervention du CSE qui sera mis en place.

B. La détermination des établissements distincts

Les élections professionnelles nécessitent de réfléchir à la structuration en termes d’établissements distincts, à savoir la mise en place d’un CSE unique ou la mise en place de CSE d’établissement (CSEE) avec un CSE central (CSEC).

En effet, des CSEE et un CSEC d'entreprise sont constitués dans les entreprises d'au moins 50 salariés comportant au moins deux établissements distincts [9].

Le nombre et le périmètre des établissements distincts peuvent être définis par accord d'entreprise majoritaire (sans possibilité de validation par référendum).

En l'absence d’accord et de délégué syndical, ce périmètre peut être fixé par accord entre l'employeur et la majorité des élus titulaires du CSE, ou, en l'absence d'accord, par décision unilatérale de l'employeur [10].

Il est à noter que les partenaires sociaux ont une certaine liberté dans le cadre de la négociation sur le nombre et le périmètre des établissements distincts.

À ce sujet, la Cour de cassation est venue considérer que les signataires d'un accord d'entreprise sont libres de déterminer les critères permettant la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts au sein de l’entreprise, à la condition toutefois qu'ils soient de nature à permettre la représentation de l'ensemble des salariés [11].

S’agissant de la négociation sur le nombre et le périmètre des établissements distincts, elle doit bien entendu s’effectuer de manière loyale et de bonne foi.

Si tel n’était pas le cas, l’employeur ne peut décider unilatéralement du nombre et du périmètre des éventuels distincts voir d’un CSE unique [12].

Ce ne sera donc qu’à l’issue de cette négociation et, en cas d’échec, que l’employeur pourra décider unilatéralement du nombre et du périmètre des établissements compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel [13].

Il s’agira alors pour les OS de décider de l’opportunité de saisir l’administration qui est compétente pour statuer sur cette question, et, éventuellement de saisir le tribunal judiciaire en cas de désaccord avec la position de l’administration.

Toutefois, l’opportunité de ces démarches devra être appréciée au regard de l’autonomie ou non des établissements distincts.

À ce sujet, il a pu être jugé que la centralisation de fonctions support et l’existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure l’autonomie de gestion des responsables d’établissement [14].

C’est dans ce sens qu’il a pu être reconnu l’existence d’établissements distincts dans les situations suivantes :

  • l’organisation autour de 6 activités, elles-mêmes réparties sur des directions régionales ayant à leur tête des responsables disposant d’une autonomie de gestion suffisante [15] ;
  • les établissements disposant d’une implantation géographique distincte, d’un budget spécifique décidé par le siège sur proposition du chef d’établissement qui participe à l’élaboration des budgets de fonctionnement et d’investissement de l’établissement avec le siège, d’une gestion autonome du personnel (le chef d’établissement dispose d’une compétence de management du personnel, est garant du respect du règlement intérieur, mène des entretiens individuels de carrière et des entretiens préalables à une éventuelle sanction, peut prononcer des avertissements, etc…) [16].

C. L’opportunité de mettre en place des représentants de proximité

Dans le cadre de la négociation portant sur l’existence d’établissements distincts dans l’entreprise, les partenaires sociaux devront garder à l’esprit la possibilité de mettre en place des représentants de proximité [17].

Il peut s’agir d’un relai utile pour le CSE, notamment en termes de santé, sécurité et de conditions de travail.

Toutefois, pour que ces derniers puissent être efficients et convenablement fonctionner, il est nécessaire de bien définir leurs missions, les conditions de leur intervention et de les doter de moyens suffisants pour qu’ils puissent être en mesure d’assurer leurs missions, notamment en termes de crédit d’heures, surtout quand leur périmètre d’intervention sera étendu.

À défaut, ils ne seront pas en mesure de valablement aider les salariés ce qui a été constat partagé pour de nombreux observateurs dans le cadre du premier mandat suivant les ordonnances Macron.

III. Les questions de la durée et le nombre de mandats successifs

A. La durée des mandats

La durée des mandats des membres du CSE est par principe de 4 ans [18] sauf prorogation des mandats. Il est toutefois toujours possible de réduire leur durée pour prévoir une durée d’au minimum de deux ans par accord de branche, de groupe ou d’entreprise.

Toutefois, il faut bien reconnaitre, qu’en pratique, les partenaires sociaux sont de moins en moins prompts à réduire la durée des mandats, s’agissant des OS, au regard de la complexité grandissante du mandat qui nécessite un temps d’apprentissage, et, s’agissant des employeurs, en raison du coût en temps et en argent de l’organisation d’un processus d’élection professionnelle.

B. Le nombre des mandats successifs

La question du nombre de mandats successifs va devenir de plus en plus un sujet.

En effet, les ordonnances Macron [19] sont venues limiter le nombre de mandats successifs des membres de la délégation du personnel du CSE à trois, hormis dans :

  • les entreprises de moins de 50 salariés ;
  • les entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 300 salariés si le protocole d’accord préélectoral (PAP) en stipule autrement, ce dont les négociateurs devront prendre en compte.

Si cette limitation du nombre de mandats successifs ne s’applique que pour les mandats d’élus au CSE et donc ne tiennent pas compte des mandats DP/CE/CHSCT, elle pose question notamment aux organisations syndicales qui s’interrogent légitimement sur la difficulté à trouver de nouveaux militants prêts à s’investir durablement dans la représentation du personnel avec les sacrifices qui en découlent, mais aussi aux employeurs qui s’interrogent sur leur capacité à faire face à de nouveaux interlocuteurs peu aguerris au dialogue social.

IV. La négociation du protocole préélectoral (PAP)

A. Les parties à la négociation et les conditions de signature du PAP

Au-delà de l’information des salariés, les organisations syndicales intéressées doivent être informées, par tout moyen, des élections à venir et invitées à négocier le protocole d'accord préélectoral (PAP)[20].

Il s’agira de convier par courrier :

  • les organisations syndicales (OS) représentatives dans l'entreprise ou l'établissement ;
  • les OS ayant constitué une section syndicale ;
  • les syndicats affiliés à une organisation représentative au niveau national et interprofessionnel ;

Et également, par tout moyen :

  • les OS dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise ou l’établissement, qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance et légalement constituées depuis au moins 2 ans.

L’employeur devra être en mesure de justifier de l’invitation des OS, faute de quoi la validité du PAP pourra être discutée.

La question des OS présentes à la négociation est d’importance, car elles sont déterminantes quant à l’appréciation de la validité du PAP dès lors qu’elle requiert le respect d’une double majorité par la signature :

  • de la majorité des OS participant à la négociation ;
  • et des OSR ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des OSR lors des dernières élections professionnelles au sein de l’entreprise (+ 50 %).

Outre l’invitation des OS, il s’agira, naturellement, pour l’employeur, de respecter son obligation de loyauté dans la négociation en transmettant, aux organisations syndicales les informations indispensables pour valablement négocier (question des effectifs, etc.)

B. Le contenu du PAP

1) Les dispositions obligatoires

Le PAP devra venir prévoir :

  • le nombre de collèges ;

En principe, il sera prévu deux collèges : ouvriers/employés et ETAM/cadre.

Un troisième collège réservé aux cadres devra toutefois être créé en présence d’au moins 25 cadres dans l’établissement.

Dans les entreprises de moins de 25 salariés, il sera mis en place un collège unique.

Il conviendra également de prendre en compte l’existence de collèges particuliers dans certains secteurs d’activité (journaliste, personnel navigant…)

Il sera possible de déroger au nombre de collèges par accord unanime des OSR, sans possibilité toutefois de supprimer le collège réservé aux cadres.

  • la répartition des salariés et des sièges entre les collèges ;

Il s’agira pour le PAP de déterminer la répartition des sièges et du personnel entre les collèges.

S’agissant de la répartition des sièges, le législateur a laissé une liberté à la négociation collective sans qu’il soit obligatoire de respecter une stricte proportionnalité.

En revanche, en l’absence de PAP valablement conclu, l’employeur devra saisir l’administration qui sera amenée répartir les sièges et le personnel entre les collèges en respectant le principe de proportionnalité.

Une telle saisine de l’administration aura pour conséquence de proroger les mandats dans l’attente de la décision qui pourra quant à elle être contestée devant le tribunal judiciaire.

  • la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège, information indispensable pour permettre aux organisations syndicales de composer leurs listes de candidats (cf. VII.) ;
  • les modalités d'organisation et déroulement des opérations électorales (calendrier (date, heure), lieu de vote, moyens matériels (urnes, isoloirs)…) ;

S’agissant de l’urne, la Cour de cassation a pu juger que :

- une urne unique peut être utilisée pour rassembler les bulletins concernant les titulaires et les suppléants, dès lors que cela n'avait pas faussé les résultats du scrutin [21] ;

- l'utilisation d'une urne non transparente n'entraine pas l'annulation des élections, dans la mesure où cela ne viole pas un principe général du droit électoral et n'exerce pas une influence sur le résultat des élections, n'est pas déterminante de la qualité représentative des organisations syndicales dans l'entreprise ou du droit pour un candidat d'être désigné délégué syndical [22].

  • Le cas échéant, des dispositions facilitant, s'il y a lieu, la représentation des salariés travaillant en équipes successives ou dans des conditions qui les isolent des autres salariés.

2) Les dispositions facultatives

Le PAP pourra, notamment, venir prévoir :

  • la mention de l’accord autorisant le recours au vote électronique, et, s'il est déjà arrêté, le nom du prestataire choisi pour le mettre en place + annexe description détaillée du fonctionnement du système retenu et du déroulement des opérations électorales [23] (cf. VI)

Le PAP peut prévoir la possibilité de voter électroniquement 24 heures / 24 heures en précisant l’information précise sur les heures de vote lors de l'envoi du matériel de vote.

  • le recours au vote par correspondance ;
  • la propagande électorale et les moyens donnés aux organisations syndicales dans le cadre de la campagne, notamment, en termes de crédit d’heures et d’utilisation de moyens de communication ;
  • la possibilité de modifier le nombre d’heures de délégation dont bénéficie chaque élu sous réserve d’une augmentation concomitante du nombre d’élus titulaires. Une diminution du nombre de sièges sera possible sans pour autant diminuer le volume global d’heures délégations.

V. La constitution de la liste électorale

Deux points de vigilances notables sont à noter en matière de listes électorales :

  • d’une part, l’évolution législative issue de la Loi sur le marché du travail venant à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, ouvrant la possibilité aux salariés assimilés à l’employeur la capacité de voter [24] (sans pouvoir être pour autant éligibles [25]) ;
  • d’autre part, une problématique qui n’est pas nouvelle, des salariés des entreprises extérieures qui sont présents dans les locaux depuis au moins un an dès lors qu’ils ont exercé leur droit d’option ce qui supposera que l’employeur leur ait permis de faire valoir leurs droits [26].

VI. Le vote électronique

Le vote électronique peut être mis en place, soit par un accord d'entreprise, soit par accord de groupe et, à défaut d'accord, par une décision unilatérale de l'employeur sous réserve d’une tentative de négociation loyale [27].

L’accord devra comporter un cahier des charges indiquant les moyens permettant d’assurer la confidentialité des données transmises ainsi que la sécurité de l’adressage des moyens d’authentification, de l’émargement, de l’enregistrement et du dépouillement des votes et la possibilité de faire appel à un prestataire extérieur.

S’agissant du PAP, il ne s’agira pas de négocier le vote électronique, ce dernier devant renvoyer à l’accord et comporter en annexe la description détaillée du fonctionnement du système retenu et du déroulement des opérations électorales [28].

Il devra être également prévu la mise en place d’une expertise préalable du système

Le vote électronique devra être encadré par différentes garanties de sécurité et de confidentialité, notamment :

  • lors de l’élection, un accès réservé aux personnes chargées de la gestion et de la maintenance du système s’agissant des fichiers comportant les éléments d'authentification des électeurs, les clés de chiffrement et de déchiffrement et le contenu de l'urne [29] ; 
  • un traitement des données par des systèmes informatiques distincts, dédiés et isolés, respectivement dénommés « fichier des électeurs » et « contenu de l'urne électronique » [30] ;
  • un système de manière à pouvoir être scellé à l'ouverture et à la clôture du scrutin [31] ;
  • une cellule d'assistance technique chargée de veiller au bon fonctionnement et à la surveillance du système de vote électronique, comprenant, le cas échéant, les représentants du prestataire [32].

La Cour de cassation a pu connaitre de la question du vote électronique dans deux arrêts récents jugeant que :

  • le test du système de vote électronique et la vérification que l'urne électronique est vide, scellée et chiffrée ne doivent pas forcément intervenir immédiatement avant l'ouverture du scrutin et publiquement en présence des représentants des listes de candidats [33] ;
  • le recours au vote électronique ne permet pas de déroger aux principes généraux du droit électoral, dont fait partie le principe d'égalité face à l'exercice du droit de vote, même pour des raisons de confidentialité et de sécurité, sous peine d'annulation des élections : les précautions appropriées doivent donc être prises pour qu'aucune personne ne disposant pas du matériel nécessaire ou résidant dans une zone non desservie par internet ne soit écartée du scrutin [34].

VII. La constitution de la liste de candidats : la nécessaire prise en compte des règles de mixité proportionnelle

Depuis l’instauration par loi dite « Rebsamen » de la règle de mixité proportionnelle femmes/hommes, également connue sous le nom de représentation équilibrée femmes/hommes, il faut bien reconnaitre que la constitution des listes électorales est devenue une question complexe pour les organisations syndicales.

L’intention du législateur était louable s’agissant de permettre aux femmes de davantage accéder à des mandats de représentants du personnel

C’est ainsi qu’il s’agira, pour constituer une liste électorale, de respecter deux règles :

  • la règle de la proportionnalité supposant que les listes présentées par les organisations syndicales soient composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la proportion de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale du collège considéré [35] ;

étant précisé que si les règles de proportionnalité, au regard du nombre de sièges à pourvoir, amènent à exclure totalement la représentation du sexe sous-représentée, les listes pourront contenir un candidat du sexe sous représenté sans pouvoir le placer en première position si plusieurs sièges sont à pourvoir dans le collège considéré ;

une vigilance toute particulière devra être portée en cas de listes incomplètes qui devront tenir compte des mêmes règles ;

  • la règle de l’alternance supposant que la liste de candidats doit être composée alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes.

Les règles ainsi édictées sont d’ordre public absolu et un protocole préélectoral ne peut y déroger [36].

Quant aux sanctions de ces règles, elles sont à la hauteur de leur complexité.

C’est ainsi que lorsque le juge constate, après l'élection, que ces règles n'ont pas été respectées :

  • s’agissant du non-respect de la règle proportionnalité, cela entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats en suivant l'ordre inverse de la liste de candidats [37] ; 
  • s’agissant de la règle de l’alternance, elle induira l'annulation de l'élection du ou des élus selon le positionnement sur la liste de candidats [38].

La sanction est d’autant plus lourde que malgré l’annulation de l’élection, l’employeur n’aura pas l’obligation d’organiser de nouvelles élections pour pourvoir les sièges restés vacants [39].

Il est à noter que de manière discutable, la Cour de cassation considère que ces règles relatives à la représentation proportionnelle ne s'appliquaient pas aux candidatures libres présentées au second tour des élections professionnelles [40].

VIII. Quelques réflexions sur le déroulement du processus électoral

A. L’accès à la liste d’émargement

Avant les élections, seul le bureau de vote a accès à la liste d’émargement.

Après la clôture du scrutin, seul le juge, saisi d'une éventuelle contestation des élections, a accès aux listes d'émargement, comme l’a récemment rappelé la Cour de cassation [41].

B. La proclamation des résultats

Immédiatement après la fin du dépouillement, le procès-verbal des élections doit être rédigé dans la salle de vote, en présence des électeurs, en deux exemplaires signés de tous les membres du bureau.

Dès l'établissement du procès-verbal, le résultat est proclamé en public par le président du bureau de vote et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote [42].

La Cour rappelle régulièrement à ce sujet que le non-respect des modalités d'établissement du procès-verbal est de nature à affecter la sincérité des opérations électorales et peut justifier en conséquence l'annulation des élections [43]

Toutefois, la Cour de cassation a également pu juger qu'en l'absence de salle de vote, il était possible de publier le résultat des élections par tout moyen permettant l'accessibilité de ce résultat, dès sa proclamation, à l'ensemble du personnel au sein de l'entreprise [44].

Une fois les résultats proclamés par le bureau de vote, le processus électoral prend fin.

C’est donc l’ensemble de ces règles qu’il s’agira de respecter afin de garantir la régularité des élections et d’écarter tout risque de contestation ultérieure.


[1] C. trav., art. L. 2314-4 N° Lexbase : L8506LG7.

[2] C. trav., art. L. 1111-2 N° Lexbase : L3822IB8.

[3] C. trav., art. L. 2313-8 N° Lexbase : L8557LRD.

[4] CA Versailles, 20 janvier 2022, n° 21/02009 N° Lexbase : A95497II.

[5] Cass. soc., 15 mai 1990, n° 89-61521, publié N° Lexbase : A4971AHL.

[6] V. not. : Cass. soc., 28 mai 2008, n° 07-60385, F-D N° Lexbase : A7943D8P ; Cass. soc., 3 mars 1988, n° 86-60.507, publié N° Lexbase : A7830AAA ; Cass. soc., 17 mars 1998, n° 96-60.363, publié N° Lexbase : A2912ACT ; Cass. soc., 25  novembre 1998, n° 97-60.463, inédit N° Lexbase : A3517C3N.

[7] V. not. : Cass. soc., 13 juillet 2004, n° 03-60.425, F-P+B N° Lexbase : A1168DDM ; Cass. soc., 6 octobre 2004, n° 03-60.214, F-D N° Lexbase : A5797DD3  ; Cass. soc., 8 avril 1992, n° 91-60.165, publié N° Lexbase : A5366ABD ; Cass. soc., 26 novembre 1996, n° 95-60.927, inédit N° Lexbase : A8502C3B ; Cass. soc., 12 janvier 2005, n°03-60.477, F-P N° Lexbase : A0308DGI ; Cass. soc., 12 mars 1986, n° 85-60.518, publié N° Lexbase : A3541AAE.

[8] V. not. : Cass. soc., 13 juillet 2004, n° 03-60.425, F-P+B N° Lexbase : A1168DDM ; Cass. soc., 26 mai 2004, n° 02-60.935, publié N° Lexbase : A2482DCW ; Cass. soc., 8 octobre 1998, n° 97-60.383, inédit N° Lexbase : A9036CPD ; Cass. soc., 18 juillet 2000, n° 99-60.353, publié N° Lexbase : A9195AGN.

[9] C. trav., art. L. 2313-1 N° Lexbase : L1430LK8.

[10] C. trav., art. L. 2312-2 N° Lexbase : L8466LGN à L. 2313-4 N° Lexbase : L8475LGY.

[11] Cass. soc., 1er février 2023, n° 21-15.371, FS-B+R N° Lexbase : A01989BX.

[12] Cass. soc., 17 avril 2019, n° 18-22.948, FS-P N° Lexbase : A3539Y9X.

[13] C. trav., art. L. 2313-2 N° Lexbase : L8477LG3.

[14] Cass. soc., 9 juin 2021, n° 19-23.745, FS-P+R N° Lexbase : A41034UI.

[15] Cass. soc., 19 décembre 2018, n° 18-23.655, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0670YRA.

[16] Cass. soc., 22 janvier 2020, n° 19-12.011, FS-P+B N° Lexbase : A58943CB.

[17] C. trav., art. L. 2312-2 N° Lexbase : L8466LGN.

[18] C. trav., art. L. 2314-33 N° Lexbase : L1427LK3.

[19] Ibid.

[20] C. trav., art. L. 2314-5 N° Lexbase : L8505LG4.

[21] Cass. soc., 1er juin 2022, n° 21-60.076, F-D N° Lexbase : A823274N.

[22] Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-23.225, F-D N° Lexbase : A49707UM.

[23] C. trav., art. R. 2314-6 N° Lexbase : L0630LI8.

[24] C. trav., art. L. 2314-18 N° Lexbase : L2123MGQ.

[25] Cons. const., décision n° 2021-947 QPC, du 19 novembre 2021 N° Lexbase : A23037CB.

[26] Cass. soc., 27 octobre 2004, n° 03-60.443, F-D N° Lexbase : A7439DDU.

[27]  C. trav., art. L. 2314-26 N° Lexbase : L8484LGC et art. R. 2314-5 N° Lexbase : L0631LI9 ; Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-23.533, FS-P+R+I N° Lexbase : A23054CD.

[28] C. trav., art. R. 2314-13 N° Lexbase : L0623LIW.

[29] C. trav., art. R. 2314-7 N° Lexbase : L0629LI7.

[30] Ibid.

[31] C. trav., art. R. 2314-8 N° Lexbase : L0628LI4.

[32] C. trav., art. R. 2314-10 N° Lexbase : L0626LIZ.

[33] Cass. soc., 19 janvier 2022, n° 20-17.076, FS-B N° Lexbase : A77077IB.

[34] Cass. soc., 1er juin 2022, n° 20-22.860, F-B N° Lexbase : A58487YA.

[35] C. trav., art. L. 2314-30 N° Lexbase : L8480LG8.

[36] Cass. soc., 5 janvier 2022, n° 20-17.227, F-D N° Lexbase : A83127HC ; Cass. soc., 16 février 2022, n° 21-11.813, F-D N° Lexbase : A63757NG.

[37] C. trav., art. L. 2314-32 N° Lexbase : L8318LG8.

[38] C. trav., art. L. 2314-32.

[39] C. trav., art. L. 2314-10 N° Lexbase : L8500LGW.

[40] Cass. soc., 5 janvier 2022, n° 20-17.227, F-D N° Lexbase : A83127HC.

[41] Cass. soc., 23 mars 2022 n° 20-20.047, FS-B N° Lexbase : A12727RK.

[42] C. élec., art. R. 67 N° Lexbase : L8151I7Z.

[43] Cass. soc., 1er juin 2022, n° 21-11.623, F-D N° Lexbase : A810274T.

[44] Cass. soc., 15 juin 2022, n° 20-21.992, F-B N° Lexbase : A469277W.

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