Le Quotidien du 21 février 2023 : Droit pénal des mineurs

[Brèves] Détention provisoire de mineurs et relevés signalétiques sous contrainte : le Conseil constitutionnel censure partiellement

Réf. : Const. const., décision n° 2022-1034 QPC, du 10 février 2023 N° Lexbase : A36949CS

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par Adélaïde Léon

le 22 Février 2023

► Sous réserve, pour la juridiction devant laquelle un mineur est présenté par erreur, de vérifier que le placement ou le maintien du mineur en détention provisoire qu’elle décide, dans l’attente de la présentation de l’intéressé devant une juridiction spécialité, n’excède pas la rigueur nécessairement au regard des circonstances, de la situation personnelle du mineur ou de la gravité des infractions reprochées, les dispositions du quatrième alinéa de l’article 391-2-1 du Code de procédure pénal sont conformes à la Constitution.

Les opérations de prise d’empreintes digitales ou palmaires ou de photographies sans le consentement d’une personne majeure ou mineure doivent être effectuées en présence d’un avocat, des représentants légaux ou de l’adulte approprié. Ces relevés ne devant pas être applicables dans le cadre d’une audition libre, les mots « 61-1 » du quatrième alinéa de l’article 55-1 du Code de procédure pénale sont censurés et l’article L. 413-17 du Code de la justice pénale des mineurs ne saurait être interprété comme s’appliquant aux mineurs entendus sous le régime de l’audition libre. Sous ces deux réserves, les dispositions des articles 55-1 du Code de procédure pénale, L. 413-16 et L. 413-17 du Code de la justice pénale des mineurs sont déclarées conformes à la Constitution.

Rappel de la procédure. Par décision du Conseil d’État (CE, 20 novembre 2022, n° 464528 N° Lexbase : A23198WS), le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par le syndicat de la magistrature, le syndicat des avocats de France et l’association Gisti.

Objet de la QPC. La QPC portait sur la conformité à la Constitution, des dispositions suivantes, dans leur rédaction issue de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure N° Lexbase : L7812MAL :

S’agissant du premier article. Conformément aux dispositions de l’article L. 12-1 du Code de la justice pénale des mineurs N° Lexbase : L2583L88, la compétence pour connaitre des délits commis par les mineurs appartient à des juridictions et chambres spécialisées. L’article en cause aborde des cas particuliers dans lesquels un mineur est présent par erreur devant une juridiction non compétente et plus spécifiquement lorsque le tribunal correctionnel – saisi sur comparution immédiate ou comparution à délai différé – ou le juge des libertés de la détention (JLD) – saisi sur le fondement de l’article 396 du Code de procédure pénale, s’aperçoivent que la personne présentée devant eux est mineure.

Dans ce cas, et conformément à la règle de compétence édictée par l’article L. 12-1 du Code de la justice pénale des mineurs, le tribunal ou le JLD doivent se déclarer incompétentes et renvoyer le dossier au procureur de la République. C’est ici qu’intervient l’article 397-2-1 puisqu’il prévoit que, lorsqu’il s’agit d’un mineur âgé d’au moins treize ans, le tribunal ou le JLD doit préalablement statuer sur son placement ou son maintien en détention provisoire pour une durée maximale de vingt-quatre heures jusqu’à sa présentation devant la juridiction compétente.

S’agissant des trois autres articles. Dans le cadre d’une enquête de flagrance, l’article 55-1 du Code de procédure pénale permet aux officiers de police judiciaire (OPJ) de procéder ou faire procéder à des prises d’empreintes digitales ou palmaires ou de photographies. Les articles L. 413- 16 et L. 413-17 du Code de la justice pénale des mineurs prévoient les règles spécifiques applicables lorsque ces opérations sont effectuées à l’égard de mineurs.

Motifs de la QPC. Il était grief à l’article 391-2-1 du Code de procédure pénale de permettre au tribunal correctionnel et au JLD devant lequel un mineur est présenté par erreur, de le placer ou de le maintenir en détention provisoire jusqu’à sa comparution et ce, quelle que soit la gravité de l’infraction et alors même que le tribunal et JLD ne sont précisément pas compétents pour connaitre des délits commis par les mineurs. Selon les auteurs de la QPC, il résulterait de ces dispositions une méconnaissance du principe fondamental en matière de justice des mineurs de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la présomption d’innocence mais également une différence de traitement entre mineurs selon qu’ils sont renvoyés devant une juridiction spécialisée ou une juridiction incompétente.

Il était par ailleurs reproché aux articles 55-1 du Code de procédure pénale, L. 413-16 et L. 413-17 du Code de la justice pénale des mineurs d’autoriser le recours à la contrainte pour procéder à des prises d’empreintes et des photographies sur des personnes entendues sous le régime de la garde à vue ou de l’audition libre alors que ces opérations ne seraient ni nécessaires à la manifestation de la vérité et sans condition de gravité ou de complexité des infractions concernées. Il résulterait de cet état du droit une méconnaissance de la présomption d’innocence, du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, de la liberté individuelle et du droit au respect de la vie privée. Par ailleurs, il est fait grief à la rédaction de ces dispositions, lorsqu’elles sont appliquées à des mineurs, de permettre la mise en œuvre de ces opérations à l’égard de mineurs de moins de treize ans. Enfin, à défaut de prévoir la présence d’un avocat, ces articles méconnaitraient les droits de la défense et le droit à un procès équitable.

Décision.

Dispositions relatives à la détention provisoire des mineurs. La Haute juridiction note tout d’abord que les dispositions en cause poursuivent un l’objectif constitutionnel de sauvegarde de l’ordre public en permettant le maintien du mineur à la disposition de la justice dans l’attente de sa comparution à bref délai devant une juridiction spécialisée. Le Conseil précise d’ailleurs que le placement ou le maintien en détention du mineur doit être spécialement motivé par la nécessité de garantir ce maintien à la disposition de la justice.

Le Conseil souligne qu’il appartient à la juridiction de vérifier que le placement ou le maintien du mineur en détention provisoire n’excède pas la rigueur nécessairement au regard des circonstances, de la situation personnelle du mineur ou de la gravité des infractions reprochées.

Enfin la Haute juridiction précise que cette privation de liberté ne peut excéder vingt-quatre heures et doit nécessairement être effectuée dans un établissement pénitentiaire spécialisé ou dans un établissement garantissant la séparation entre détenus mineurs et majeurs (CJPM, art. L. 124-1 N° Lexbase : L2959L84).

Le Conseil constitutionnel décide que, sous réserve des vérifications relatives à la nécessité de la détention provisoire, l’article 397-2-1 du Code de procédure pénale est déclaré conforme à la Constitution.

Dispositions relatives aux relevés signalétiques sous contrainte. Le Conseil précise que les dispositions en cause contribuent à l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions.

Le Conseil souligne que les opérations en cause ne peuvent être réalisées sans le consentement de l’intéressé qu’avec l’autorisation écrite du procureur de la République saisi d’une demande motivée par un OPJ et doivent constituer l’unique moyen d’identifier une personne refusant de justifier de son identité ou délivrant des éléments manifestement inexacts et à l’encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’au moins, lorsqu’il s’agit d’un mineur, cinq ans d’emprisonnement.

En outre, lorsque l’intéressé est mineur, l’OPJ doit préalablement s’efforcer d’obtenir son consentement et l’informer, en présence de son avocat, des peines encourues en cas de refus de se soumettre à ces opérations et de la possibilité d’y procéder sans son consentement. Enfin, l’OPJ ou, sous son contrôle, l’APJ ne peuvent recourir à la contrainte que si elle est strictement nécessaire et proportionnée compte tenu de la vulnérabilité de la personne ainsi que de la situation particulière du mineur.

Le Conseil émet toutefois deux réserves :

  • les opérations de prise d’empreintes digitales ou palmaires ou de photographies sans le consentement d’une personne majeure ou mineure doivent être effectuées en présence d’un avocat, des représentants légaux ou de l’adulte approprié ;
  • les dispositions contestées ne doivent pas être applicables dans le cadre de l’audition libre, régime sous lequel la personne est entendue sans contrainte. Les mots « 61-1 » du quatrième alinéa de l’article 55-1 du Code de procédure pénale sont donc censurés et le Conseil précise que l’article L. 413-17 du Code de la justice pénale des mineurs ne saurait être interprété comme s’appliquant aux mineurs entendus sous le régime de l’audition libre.

À l’exception de ces deux réserves, les dispositions des articles 55-1 du Code de procédure pénale, L. 413-16 et L. 413-17 du Code de la justice pénale des mineurs sont déclarées conformes à la Constitution.

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