Le Quotidien du 30 janvier 2023 : Discrimination

[Brèves] Protection suffisante d’une législation interne contre les discriminations fondées sur l'activité syndicale

Réf. : CEDH, 17 janvier 2023, Req. n° 976/20 [en anglais]

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[Brèves] Protection suffisante d’une législation interne contre les discriminations fondées sur l'activité syndicale. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/92683738-breves-protection-suffisante-dune-legislation-interne-contre-les-discriminations-fondees-sur-lactivi
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par Charlotte Moronval

le 27 Janvier 2023

La législation interne autorisant le licenciement, au gré de l'employeur et sans le consentement du syndicat, de salariés exerçant une activité syndicale ne viole pas l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Faits et procédure. Un ressortissant lituanien est licencié de son poste de chef de service d’une entreprise, alors qu’il venait d’être élu président adjoint d’un syndicat et était impliqué dans la négociation d'une convention collective avec l'entreprise au nom des membres de ce syndicat.

Le salarié et le syndicat engagent des procédures devant les juridictions administratives. L'Inspection nationale du travail et la Cour suprême administrative, chacune de leur côté, ne voient aucune raison de croire que la volonté de l’entreprise de licencier le salarié soit liée à ses activités syndicales.

Le requérant conteste également au civil la légalité et la justification de son licenciement. En appel, le tribunal régional juge que l’entreprise n'était pas tenue de recueillir le consentement du syndicat pour le licencier et il confirme les conclusions des tribunaux administratifs selon lesquelles le licenciement n'avait aucun lien avec l’activité syndicale de l’intéressé. Il note, par ailleurs, que plusieurs témoins ont déclaré que le caractère et le style de communication du salarié avaient créé des tensions au travail et nui aux activités de l'entreprise.

La Cour suprême n'examine pas le pourvoi en cassation consécutivement formé par le requérant.

Le salarié et le syndicat déposent alors un recours constitutionnel, soutenant notamment que l'article 59 du Code du travail – qui prévoit que les contrats de travail peuvent être résiliés « au gré de l'employeur » (darbdavio valia) pour des motifs non énoncés dans le code avec un préavis de trois jours – permet de facto à un employeur de licencier pour n’importe quel motif subjectif un employé syndiqué. La Cour constitutionnelle décide, à deux reprises, de ne pas examiner le recours.

Le recours devant la CEDH. Invoquant les articles 6, § 1 (droit à un procès équitable), 10 (liberté de pensée, de conscience et de religion), 11 (liberté de réunion et d'association), 14 (interdiction de la discrimination) et 4, § 2 (interdiction du travail forcé), les requérants soutiennent que le licenciement du salarié résulte d’une discrimination fondée sur son activité syndicale et qu'il porte atteinte à la liberté d'association du syndicat requérant.

La position de la CEDH. En ce qui concerne le régime juridique sous l’empire duquel le salarié a été licencié, la Cour ne relève aucun problème inhérent à la disposition pertinente – l'article 59 du Code du travail – et elle estime qu'il existait des garanties suffisantes contre la discrimination fondée sur l'adhésion à un syndicat. En outre, si les requérants arguent que le licenciement d'un membre de la direction d'un syndicat est subordonné à l'accord du syndicat lui-même et non à celui de l'Inspection nationale du travail, la Cour estime que l'article 11 de la Convention ne peut être interprété comme faisant peser une telle obligation sur les États contractants.

Quant à l'effectivité de la procédure interne, la Cour relève certaines lacunes dans le déroulement de la procédure menée devant l'Inspection nationale du travail, notamment le défaut de notification de sa décision au salarié. Néanmoins, elle est convaincue que ces lacunes ont été corrigées dans le cadre de la procédure conduite devant les juridictions administratives. La Cour constate que les requérants ont eu la possibilité de présenter leurs arguments devant ces juridictions et que leurs arguments ont été examinés. En particulier, les requérants ne sont pas parvenus à établir l’existence d'une discrimination que ce soit au niveau individuel ou par le biais d'allégations d'ingérence générale, de sorte que la charge de la preuve n’a pas été renversée au détriment de l'employeur.

Quant à la procédure civile, les juridictions internes ont conclu, contrairement à ce que défendaient les requérants, que le statut juridique d'entreprise publique de la société ne faisait pas obstacle à ce que celle-ci licencie du personnel en vertu de l'article 59 du Code du travail, si bien que le licenciement était donc conforme à la loi. Pour la Cour, la décision n'était ni arbitraire ni manifestement déraisonnable et elle n'a donc aucune raison de substituer son appréciation à celle des juridictions nationales.

La Cour relève que les juridictions internes ont conclu que le salarié avait été licencié pour ses mauvaises relations avec ses collègues et les sous-traitants ainsi que pour son manque de compétences en matière de leadership et de gestion. Elle est convaincue que les juridictions internes ont tiré cette conclusion après avoir procédé à une appréciation adéquate des faits et que les décisions n'étaient pas arbitraires. Il existait des garanties suffisantes contre le licenciement abusif pour cause d'activité syndicale.

Conclusion. La Cour juge que le régime juridique interne était suffisant pour protéger les requérants de la discrimination visant les activités syndicales et qu'ils ont bénéficié d'une protection réelle et effective contre toute violation alléguée de leurs droits. Ils ont pu plaider leur cause devant les autorités mais ne sont pas parvenus à établir devant les juridictions administratives l’existence d’une discrimination. Les jugements civils n'étaient pas arbitraires et les tribunaux ont livré une appréciation complète des faits.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le principe de non-discrimination, Les discriminations vis-à-vis des salariés exerçant une activité syndicale, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0716ETP.

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