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par Perrine Cathalo
le 11 Janvier 2023
► À la suite du constat de la suspension de l’accès au public au registre des bénéficiaires effectifs de sociétés sur le site de l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), qui reste néanmoins accessible aux autorités judiciaires et aux administrations, au 1er janvier 2023, la question se pose de savoir si la suppression de l’accès au grand public à cette plate-forme est une simple erreur technique ou un véritable rétropédalage de la France en matière de transparence financière et de lutte contre la fraude et le blanchiment.
Pour mémoire, le registre des bénéficiaires effectifs a été mis en place en 2017 à la suite de la transposition en droit français de la Directive n° 2015/849, du 20 mai 2015, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme N° Lexbase : L7601I8Z, depuis laquelle chaque société est désormais dans l’obligation de déclarer au RCS tenu par le greffe du tribunal de commerce de son siège les bénéficiaires effectifs qui soit possèdent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société, soit exercent sur cette dernière, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce N° Lexbase : L5817KTM (C. mon. fin., art. R. 561-1 N° Lexbase : L1898LKI et R. 561-2 N° Lexbase : L1899LKK).
Concrètement, ce dispositif contraint les sociétés commerciales, les sociétés civiles, les groupements d’intérêt économique et les autres entités soumises à l’obligation d’immatriculation au RCS et au RNE, dont le siège social est situé en France, à mettre à disposition des autorités judiciaires et des administrations des informations relatives à leur bénéficiaire effectif (nom, prénom, date de naissance, pays de résidence, nationalité…) ainsi qu’aux modalités de contrôle qu’il exerce sur la structure.
La Directive n° 2018/843 du 30 mai 2018 N° Lexbase : L7631LKT, transposée en droit français par l’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 N° Lexbase : L9352LUW, est ensuite intervenue pour renforcer le cadre juridique de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, en tenant compte du droit à la protection des données à caractère personnel ainsi que du respect et de l'application du principe de proportionnalité, et élargir l’accès à l’ensemble de ces informations au grand public en les rendant gratuitement accessibles en ligne depuis le site internet de l’INPI en avril 2021.
Pourtant, cet accès a été suspendu dimanche 1er janvier, comme l’ont constaté nos confrères du Monde.
Si l’INPI a affirmé aussitôt qu’il s’agissait d’une erreur technique et que les données seraient mises en ligne ultérieurement, cette suspension n’en reste pas moins intrigante dans la mesure où elle intervient seulement quelques semaines après l’arrêt rendu par la CJUE le 22 novembre 2022 dernier (CJUE, 22 novembre 2022, aff. C-37/20 et C-601/20 N° Lexbase : A80518TD, P. Cathalo, Directive « anti-blanchiment » : invalidité de la mise à disposition du public des informations sur les bénéficiaires effectifs, Lexbase Affaires, décembre 2022, n° 737 N° Lexbase : N3413BZG), qui a déjà conduit plusieurs pays européens à interrompre brutalement l’accès à leurs registres en ce qu’il fait état de l’ingérence dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel que peut constituer une telle accessibilité.
En toute hypothèse, la suppression de l’accès du grand public au registre des bénéficiaires effectifs de sociétés contreviendrait aux dispositions légales applicables en matière de transparence financière et de lutte anti-blanchiment, qui restent en vigueur à ce jour.
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