La lettre juridique n°928 du 15 décembre 2022 : Rémunération

[Pratique professionnelle] Pour la mise en place d’une politique de rémunérations efficiente et engagée

Lecture: 18 min

N3664BZQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Pratique professionnelle] Pour la mise en place d’une politique de rémunérations efficiente et engagée. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/90641924-pratique-professionnelle-pour-la-mise-en-place-dune-politique-de-remunerations-efficiente-et-engagee
Copier

par Anna Ferreira, Avocate associée, Responsable nationale du Pôle protection sociale, retraite et prévoyance et Olivia Rault-Dubois, Avocate associée, Responsable nationale du Pôle épargne salariale et actionnariat salarié, cabinet Fidal

le 11 Janvier 2023

Mots-clés : RSE • épargne salariale • protection sociale • actionnariat salarié • intéressement • motivation des salariés • fidélisation • retraite supplémentaire

À l’heure où l’entreprise est confrontée à de nouveaux enjeux économiques (hausse des coûts de production, inflation…) et RH (fidélisation, motivation de ses salariés…), agir sur la politique de rémunérations et des avantages sociaux peut être, pour elle, un excellent levier d’action s’inscrivant dans sa démarche de responsabilité sociale et environnementale.


Pourquoi une rémunération efficiente et engagée ?

Efficiente, car optimisée d’un point de vue fiscal et social aussi bien pour le salarié que pour l’entreprise. En conséquence, ne sont pas abordés les rémunérations de base, variables ou encore les primes/bonus, tous soumis à cotisations de Sécurité sociale et assujettis à l’impôt sur le revenu.

Engagée, car il s’agit de donner une autre dimension à la rémunération (entendue au sens large) et de l’inscrire dans la stratégie RSE de l’entreprise.

Pour rappel, la RSE (responsabilité sociétale/sociale et environnementale) est définie par la Commission européenne comme « l'intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes ».

Or, aux côtés des fournisseurs, sous-traitants, clients, une des parties prenante clé de l’entreprise est constituée par la collectivité des salariés. La norme ISO 26000, standard international, définit le périmètre de la RSE autour de sept thématiques centrales parmi lesquelles notamment : les relations et conditions de travail. Depuis la loi PACTE du 22 mai 2019 N° Lexbase : L3415LQK, de nouvelles dispositions sont entrées en vigueur pour renforcer la RSE et l'article 1833 du Code civil N° Lexbase : L8681LQL a été modifié afin que l'objet social de toutes les sociétés intègre la considération des enjeux sociaux et environnementaux.

Appréhender la politique de rémunérations par le prisme de la responsabilité sociale conduit l’entreprise à se préoccuper, dans une optique de court terme, de la préservation du pouvoir d’achat de ses salariés. Pour cela, elle dispose d’un outil très efficace à savoir la prime de partage de la valeur (PPV). En effet, jusqu’au 31 décembre 2023, l’employeur peut verser aux salariés ayant perçu, au cours des douze mois précédant son versement, une rémunération inférieure à trois fois la valeur annuelle du SMIC correspondant à la durée de travail prévue au contrat, une prime de partage de la valeur dans la limite de 3 000 euros (voire 6 000 euros) par bénéficiaire et par année civile intégralement exonérée de cotisations sociales (part salariale et patronale) de CSG/CRDS, de forfait social et d’impôt sur le revenu (IR). L’efficacité de la PPV, dans ce cas de figure, est de 100 % après IR.

Si l’entreprise se place dans une démarche plus pérenne, à moyen-long terme, elle peut intégrer dans sa stratégie RSE des dispositifs permettant d’associer les salariés au partage des résultats voire au capital et les aider à se constituer une épargne notamment pour leur permettre d’obtenir un complément de revenus lors de leur départ à la retraite.

Outre l’aspect de politique sociale, adopter une telle démarche a des effets bénéfiques sur les performances économiques. C’est donc un enjeu stratégique très important pour l’entreprise à une époque où la préservation de son capital humain est essentielle.

En effet, d’un point de vue RH, l’entreprise évolue dans un contexte nouveau accentué par différents facteurs. Le taux de chômage étant historiquement bas (7%), l’entreprise doit faire face à un renversement du marché du travail et à des pénuries dans certains secteurs d’activité. Il est donc impératif d’attirer les talents, fidéliser sa main d’œuvre et pour cela, se démarquer de ses concurrents.

Comment se différencier par rapport aux autres entreprises de son secteur ? Adopter une politique de rémunération efficiente et engagée peut constituer un élément de réponse. L’entreprise doit également tenir compte du changement de perception du travail par les salariés qui sont, de plus en plus, en quête de sens au travail. Il pourrait être considéré qu’il ne s’agit que d’une mode qui ne nécessite donc pas d’y prêter attention mais cela serait une lourde erreur. Il est clair que depuis la crise du covid-19, les confinements successifs accompagnés dans certaines professions d’un télétravail massif, le monde du travail a changé et les salariés aussi. Balayer d’un revers de main ces évolutions, ne pas en tenir compte, est susceptible d’être très coûteux pour l’entreprise en termes de motivation et d’engagement des salariés. Après le burn-out (l’épuisement professionnel dû à une situation de travail trop intense) et le bore-out (l’épuisement professionnel provoqué par l’ennui et une sous-charge de travail), apparaît le brown-out qui se caractérise par un épuisement professionnel dû à la perte de sens se manifestant notamment par une baisse d’énergie et d’engagement du salarié. Ces trois syndromes génèrent les mêmes effets négatifs sur les salariés : stress, démotivation, anxiété, perte de l’estime de soi voire dépression.

Certaines entreprises peuvent également être confrontées à des salariés adeptes du quiet quitting ou démission silencieuse qui est une forme de réaction à la gestion de l’entreprise à l’aune de la productivité et de la performance avec les fameux Key Performance Indicators (KPIs). Dès lors, ces salariés ne sont pas, à proprement dit démissionnaires, mais ralentissent leur activité afin de préserver leur vie personnelle.

Même si ces phénomènes ne sont heureusement pas généralisés, les entreprises doivent les détecter, les traiter et les prévenir car le désengagement des salariés leur est extrêmement préjudiciable : manque de créativité, d’implication, de motivation, hausse de l’absentéisme, risques psycho-sociaux et in fine baisse des performances économiques. Dès lors, l’entreprise doit s’évertuer à donner du sens au travail, recréer ou consolider la dynamique collective afin de pérenniser son capital humain. Plusieurs leviers d’actions sont envisageables parmi lesquels les dispositifs d’épargne salariale, d’épargne-retraite mais aussi et surtout l’actionnariat salarié collectif. En effet, une entreprise qui associe ses salariés au partage des résultats et des performances, se préoccupe d’aider les salariés à préparer leur retraite et leur offre la possibilité de devenir actionnaire est une entreprise qui fédère, motive, attire et fidélise ses salariés.

I. Les dispositifs d’épargne salariale

Deux dispositifs d’épargne salariale sont susceptibles de générer des droits pour les salariés, la participation et l’intéressement.

La participation est un dispositif légal prévoyant la redistribution - au profit des salariés - d'une partie des bénéfices qu'ils ont contribué, par leur travail, à réaliser dans leur entreprise. Obligatoire dans les entreprises d’au moins 50 salariés, elle est facultative pour les autres. Depuis le 1er janvier 2020, l’effectif et le franchissement de ce seuil sont appréciés selon les modalités prévues à l’article L. 130-1 du Code de la Sécurité sociale. Ainsi, une entreprise sera assujettie à la participation à compter du premier exercice ouvert postérieurement à une période de cinq années civiles après le franchissement du seuil de 50 salariés (sous réserve qu’elle ne franchisse pas ce seuil à la baisse dans cet intervalle).

Le montant de la réserve spéciale de participation (RSP) est calculé selon la formule légale suivante :

RSP = ½ [B – 5% C] x [S/VA]

B : le bénéfice net de l'entreprise

C : les capitaux propres de l'entreprise

S : les salaires de l'entreprise

VA : la valeur ajoutée de l'entreprise.

L’entreprise peut opter pour un mode de calcul différent de la formule légale à condition que le résultat de ce mode de calcul dit dérogatoire soit au moins égal à celui résultant de l'application de la formule légale (principe de l’équivalence des avantages) et que ce résultat ne soit pris en compte que dans la limite d’un certain plafond.

Compte tenu de la formule de calcul exclusivement fondée sur des données financières, l’entreprise n’a aucune marge de manœuvre pour déployer, via la participation sa démarche RSE, ce qui n’est pas le cas en matière d’intéressement.

L’intéressement est un dispositif facultatif visant à associer les salariés aux résultats et/ou aux performances de l’entreprise. Par la détermination de critères de performances en lien avec l’activité et les objectifs de l’entreprise, il peut constituer un véritable outil de management en orientant les comportements des salariés vers des bonnes pratiques (critère de sécurité dans les entreprises du BTP, critère de qualité, de baisse des rebuts dans les entreprises de production, de satisfaction dans les entreprises de services…).

De plus, il est possible d’adapter la formule de calcul à un périmètre inférieur à celui de l’entreprise : l’établissement mais aussi les unités de travail. Le Code du travail fait référence, à plusieurs reprises, à l’unité de travail mais sans la définir expressément. L'unité de travail est caractérisée par des salariés qui travaillent habituellement ensemble, qui accomplissent des tâches proches ou identiques, avec des conditions de travail analogues et qui sont placés sous la responsabilité d'un même encadrement. Le département commercial d'une entreprise constitue, par exemple, une unité de travail. Or, en adaptant la formule d’intéressement au niveau des unités de travail, les salariés sont plus à même de mesurer l’impact de leur activité au quotidien sur le montant des droits à intéressement qu’ils perçoivent, ce qui évidemment favorise une meilleure implication de ces derniers. C’est l’une des grandes différences avec la participation.

Pour parachever l’intéressement comme outil de pilotage de la politique RSE de l’entreprise, la loi « Pacte » encourage l’intégration de critères de performances liés à la responsabilité sociale de l’entreprise et renvoie à cet égard aux critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de bonne Gouvernance), contenus dans la déclaration de performance extra-financière (santé et sécurité des salariés, sobriété énergétique, baisse de consommation des consommables, recyclage…). Ainsi, l’intéressement peut être un élément essentiel de la politique RSE en permettant aux salariés d’être impliqués financièrement dans la mise en œuvre de celle-ci.

L’entreprise et les salariés sont alors tous les deux gagnants dans la mesure où l’intéressement, comme la participation, bénéficient d’un régime social et fiscal de faveur. En effet, la participation comme l’intéressement sont exonérés de cotisations sociales (part salariale et patronale), mais soumis à CSG-CRDS (9,7 % sur une assiette de 100 %) et le cas échéant, au forfait social. S’agissant du forfait social (au taux de 20 ou 16 %) selon les cas, ce dernier a été supprimé, depuis le 1er janvier 2019, sur l'intéressement, dans les entreprises de moins de 250 salariés et sur la participation, dans les entreprises de moins de 50 salariés. Ils sont également déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

En outre, ces dispositifs incitent les salariés à se constituer une épargne à moyen terme via une affectation des droits au plan d’épargne d’entreprise ou à horizon retraite en cas de placement dans le PERCOL, ce qui leur permet, en outre, de bénéficier d’une exonération sur l’impôt sur le revenu.

II. Les dispositifs d’épargne retraite

Dans le contexte de réformes successives des régimes de retraite légaux aboutissant au constat d’une baisse relative des niveaux de pensions, la question du recours à une épargne retraite complémentaire se pose avec une acuité croissante. L’employeur, dans une démarche de responsabilité sociale vis-à-vis de ses salariés, a un rôle majeur à jouer. À ce titre, l’OCDE vient de publier un rapport sur les pensions de retraite [1], dans lequel elle incite les employeurs à s'investir toujours davantage dans le développement des régimes de retraite par capitalisation au bénéfice de leurs salariés. L’OCDE relève d'ailleurs qu'il s'agit d’un facteur d'attractivité et de satisfaction des collaborateurs et des futurs collaborateurs.

Dans cette perspective, l'employeur dispose désormais du Plan d’Epargne Retraite d’Entreprise (PERE) institué par la loi « Pacte ». S'il s'agit d'un dispositif unique de retraite, il regroupe en réalité deux outils distincts déjà connus des entreprises : le Perco et le régime à cotisations définies (dit « article 83 »). Ainsi, le Perco est devenu le PER Collectif (PERCOL) et « l’article 83 » le PER Obligatoire (PERO), l’entreprise ayant la faculté de regrouper les deux.

De manière schématique le PER, qu’il soit d’entreprise ou individuel, comporte toujours trois compartiments dans lesquels sont logées les sommes selon leur origine :

  • le « compartiment retraite individuelle » est destiné à accueillir les différents types de versements volontaires du salarié ;
  • le « compartiment épargne salariale » accueille l'intéressement, la participation, les abondements de l'employeur, les droits inscrits au compte épargne-temps et les jours de repos non pris ;
  • le compartiment « retraite collective obligatoire », accueille les cotisations obligatoires employeur et salarié versées au titre d'un contrat collectif à adhésion obligatoire.

Cette compartimentation identique de tous les PER du marché permet une transférabilité effective entre différents plans. Elle permet également de déterminer le régime social et fiscal applicable aux sommes épargnées, lors de leur versement, ainsi qu’au moment de leur sortie du plan. À l’exception des sommes épargnées dans le compartiment « retraite collective obligatoire » qui ne peuvent être liquidées que sous forme de rente, les sommes épargnées dans le PER peuvent être liquidées à la retraite soit sous forme de capital, soit sous forme de rente viagère.

Le PERCOL est par essence collectif puisqu’il a vocation à bénéficier à tous les salariés, sans exception [2]. Le Code monétaire et financier prévoit une obligation de négocier sur la mise en place d’un PERCOL, lorsque l’entreprise dispose d’un PEE depuis plus de trois ans (C. mon. fin., art. L. 224-9 N° Lexbase : L4922LRQ).

La mise en place d’un PERCOL dans l’entreprise n’est pas nécessairement synonyme d’épargne régulière en vue de la retraite puisqu’il n’existe pas d’obligation pour l’entreprise d’alimenter les comptes individuels des salariés. Le PERCOL a pour objectif premier d'accueillir l'épargne volontaire de ces derniers, qui peut alors être complétée par les abondements de l'employeur. Ainsi, celui-ci peut abonder la somme versée par le salarié jusqu'au triple de celle-ci, dans la limite annuelle de 16 % du PASS (soit 7 039 euros en 2023).

Le législateur incite, cependant, les entreprises à enclencher, pour les collaborateurs, une véritable épargne sur le PERCOL, en dehors de tout versement volontaire de ces derniers. Ainsi l'employeur peut d’une part, réaliser un versement initial pour un montant maximum correspondant à 1 % du PASS, et d’autre part, effectuer des versements périodiques, sous réserve d'une attribution uniforme à l’ensemble des salariés. Le total des sommes ainsi versées par l’employeur ne peut excéder 2 % du PASS (soit environ 880 euros en 2023). Ces versements de l'employeur, en l'absence de contribution du salarié, peuvent permettre de déclencher une véritable prise de conscience des enjeux qui entourent la préparation de la retraite et ainsi encourager les salariés à effectuer des versements réguliers sur le PERCOL. En effet, pour se constituer un véritable complément de pension de retraite, l’épargne doit être réalisée de manière régulière et sur une période longue. À défaut, la déception au moment de la liquidation de la retraite est certaine.

Le frein qui est souvent mis en avant, s’agissant du PERCOL, concerne l'indisponibilité des sommes épargnées jusqu'à la retraite. En effet, les cas de déblocage sont limités et recouvrent en majorité des situations difficiles (invalidité, décès, surendettement, expiration des droits à l'assurance chômage), mais il est également possible de débloquer les sommes épargnées sur le PERCOL pour acquérir sa résidence principale.

À côté du PERCOL, le PERO est l’outil qui permet véritablement à l’entreprise de s’engager de manière effective pour aider le salarié à se constituer une épargne retraite régulière sur le long terme. En effet, l’employeur s’engage à verser une cotisation prédéterminée pour chaque salarié bénéficiaire. Cette cotisation est déterminée en pourcentage de la rémunération[3]. Une cotisation salariale peut également être prévue par le PERO, ce qui est souvent le cas.

Le champ des bénéficiaires peut être constitué de l'ensemble des salariés ou bien d'une catégorie d'entre eux. La définition de la catégorie des bénéficiaires doit répondre aux exigences posées par les articles R. 242-1-1 et suivants du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L4189L7B [4], pour que le financement patronal au PERO puisse bénéficier du régime social de faveur.

L’alimentation régulière du PERO par l’employeur et le salarié, permet à ce dernier de se constituer une épargne significative qui sera convertie en rente viagère au moment de la liquidation de la retraite, les sommes épargnées dans le compartiment « retraite collective obligatoire » ne pouvant pas se dénouer en capital.

Au travers de ce dispositif, l’employeur aura accompagné son salarié tout au long de sa carrière dans l’entreprise dans la préparation financière de la cessation d’activité professionnelle. Si cet avantage social peut paraitre très lointain pour les plus jeunes, il est perçu très favorablement après quelques années passées dans la vie active.

Pour favoriser ces dispositifs et inciter les entreprises à entrer dans cette démarche vertueuse, les pouvoirs publics ont mis en place des avantages sociaux et fiscaux tant pour le salarié que pour l’entreprise.

Pour l’employeur, les abondements au PERCOL et les cotisations obligatoires du PERO sont :

  • exonérés de cotisations sociales patronales, dans la limite d’un plafond ;
  • soumis au forfait social au taux de 16 %, dès lors que le plan prévoit une gestion pilotée des sommes investies et que l’épargne est affectée à l’acquisition de parts de fonds comportant au moins 10 % de titres destinés à financer les PME et ETI ;
  • déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

Pour le salarié, les versements de l’employeur :

  • sont exonérés de cotisations sociales salariales, dans la limite d’un plafond,
  • n’entrent pas dans l’assiette de l’impôt sur le revenu
  • restent soumis à la CSG-CRDS (9,7 % sur une assiette de 100%).

En comparaison avec le versement d’un salaire totalement soumis aux cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu, le coût pour l’entreprise est significativement moins élevé et le taux d’efficacité [5] pour le salarié est (selon le niveau d’imposition) nettement supérieur (du simple au double).

La politique de l’entreprise en matière de retraite supplémentaire peut constituer un atout aux yeux des futurs embauchés. Elle doit être valorisée auprès des collaborateurs de manière régulière, afin de mettre en lumière l’investissement fait par l’employeur, sur une période souvent longue. La retraite supplémentaire s’inscrit donc bien dans une démarche engagée et efficiente de l’entreprise vis-à-vis de ses collaborateurs.

III. L’actionnariat salarié

Deux types d’actionnariat salarié doivent être distingués :

  • l’actionnariat sélectif, réservé principalement au top management et qui prend la forme d’attributions gratuites d’actions, de stock-options, de BSPCE … ;
  • l’actionnariat salarié collectif (ou démocratique) qui vise la collectivité des salariés.

Ces deux formes d’actionnariat salarié ne sont pas exclusives l’une de l’autre et peuvent donc tout à fait être cumulées.

Dans le cadre de sa politique RSE, l’entreprise peut ouvrir son capital au plus grand nombre, à savoir la collectivité des salariés. Pour cela, elle dispose d’un outil très efficace le plan d’épargne d’entreprise.

En réalisant une augmentation de capital (ou une cession de titres auto-détenus) via le PEE, les salariés (adhérents du PEE) bénéficient d’un levier financier très incitatif. L’actionnariat dans le PEE peut être direct mais il est opportun de mettre en place un fonds commun de placement dédié en titres de l’entreprise (FCPE dédié) pour faciliter la gouvernance dans l’entreprise. En effet, dans ce cas, les salariés ne sont pas directement actionnaires mais porteurs de parts du FCPE dédié et c’est le conseil de surveillance de ce dernier qui agit pour leur compte.

Associer les salariés au capital de l’entreprise s’inscrit bien évidemment dans la politique RSE de l’entreprise. Il permet de développer le sentiment d’appartenance des salariés à l’entreprise ou au groupe (y compris à l’international), fidéliser les salariés, attirer les talents en améliorant la marque employeur, augmenter les performances économiques du fait notamment de la plus grande implication des salariés.

C’est d’ailleurs pour l’ensemble de ces raisons que les pouvoirs publics encouragent, par des dispositions encore plus incitatives, le développement de l’actionnariat salarié.

Quelles sont-elles ?

La première mesure incitative est la possibilité pour l’entreprise de consentir une décote sur le prix de souscription de l’action. Lorsqu’elle procède à une augmentation de capital réservée aux adhérents du PEE, l’entreprise va devoir établir le prix de l’action. Le Code du travail distingue deux cas de figure :

  • si la société est admise aux négociations sur un marché réglementé, le prix de cession des titres est fixé d’après les cours de Bourse ;
  • en revanche, si la société n’est pas cotée, le prix de cession est notamment déterminé conformément aux méthodes objectives retenues en matière d'évaluation d'actions en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d'activité de l'entreprise.

L’entreprise a la possibilité, dans le cadre de l’augmentation de capital réservée aux adhérents du PEE, de fixer un prix de souscription du titre inférieur de 30 % au prix de cession (porté à 40 % si l’indisponibilité dans le PEE est d’au moins 10 ans. Ces plafonds ont été revus à la hausse par la loi Pacte). Si par exemple, le prix de cession du titre est fixé à 100 euros avec une décote de 30 %, le prix de souscription sera alors de 70 euros. Des actions gratuites[6] peuvent aussi être accordées en substitution totale ou partielle de la décote. Ainsi, le salarié se verra attribuer trois actions gratuites pour sept actions souscrites à 100 euros. Outre la faculté de prévoir une décote, l’entreprise peut abonder, de manière majorée, les sommes versées par le salarié pour l’acquisition des titres de l’entreprise.

En effet, l’abondement maximal dans le PEE est fixé à 8 % du PASS sans pouvoir excéder le triple de la contribution du salarié mais quand le salarié acquiert des titres de l’entreprise, l’abondement maximal est alors majoré de 80 %, ce qui le porte à 14,4 % du PASS (soit 6 334 euros en 2023). L’abondement peut, comme la décote, être remplacé, en tout ou partie, par des actions gratuites. En outre, l’abondement unilatéral (dans la limite de 2 % du PASS, étant précisé qu’il s’impute sur l’abondement majoré) peut également être utilisé pour permettre aux salariés de devenir actionnaire sans mise de fonds initiale.

Cette question de la capacité d’investissement des salariés est évidemment une préoccupation de l’entreprise. C’est pour cette raison que le calendrier de l’augmentation de capital réservée est calé sur les périodes de versement de l’intéressement et de la participation afin que les salariés n’aient pas de cash à sortir pour souscrire à l’augmentation de capital mais utilisent leurs droits à participation et intéressement ce qui les fait, en outre, bénéficier de l’exonération fiscale attachée à l’affectation de leurs droits dans le PEE.

Consentir une décote et un abondement est très avantageux aussi bien pour l’entreprise que le salarié. En effet, l’avantage correspondant à la décote est exonéré de cotisations sociales (part salariale et patronale), de CSG-CRDS, de forfait social et d’impôt sur le revenu. L’abondement de l’employeur est, quant à lui, exonéré de cotisations sociales (salariales et patronales) mais soumis à CSG-CRDS (9,7 % sur une assiette de 100 %), au forfait social au taux de 10 % dans la mesure où il s’agit d’une opération en vue de l’acquisition de titres de l’entreprise [7]. Il est également assujetti à l’impôt sur le revenu et déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

L’abondement comme la décote constituent des avantages financiers importants pour les salariés, ils sont donc très incitatifs. Ils permettent, en outre, de couvrir en partie le risque de perte du salarié en cas de baisse ultérieure de la valeur du titre. Ils s’inscrivent donc pleinement dans la politique de responsabilité sociale de l’entreprise.

L’entreprise dispose donc d’une palette d’outils lui permettant d’inscrire sa politique de rémunérations au sens large, dans la dimension sociale de sa démarche RSE. Selon ses besoins et objectifs : attirer, fidéliser, distribuer de la rémunération cash ou plutôt différée (épargne retraite), ou encore associer les salariés au capital, l’entreprise pourra efficacement combiner les dispositifs, sans oublier de les valoriser auprès de l’ensemble de ses parties prenantes.


[1] Perspectives de l’OCDE sur les pensions 2022, 1er décembre 2022 [en ligne].

[2] Une condition d’ancienneté de maximum trois mois peut être prévue.

[3] Exemple : 2 % de la tranche 1 de la rémunération et 2,5 % de la tranche 2 de la rémunération

[4] Respect du caractère collectif et obligatoire notamment.

[5] Efficacité = montant net après IR pour le salarié/coût total pour l’entreprise.

[6] Ces actions gratuites ne relèvent pas du régime juridique découlant des articles L. 225-197-1 et s. du Code de commerce N° Lexbase : L2188LYP, mais d’un régime autonome

[7] À noter que le forfait social applicable à l’abondement versé dans le cadre d’opération d’actionnariat salarié avait été supprimé de manière temporaire pour les années 2021 et 2022 par la LF pour 2021. Cette mesure devrait être reconduite pour 2023 par la LF pour 2023.

newsid:483664