Le Quotidien du 1 décembre 2022 : Bancaire

[Brèves] Crédit à la consommation : clarification de la jurisprudence relative à la consultation du FICP

Réf. : Cass. civ. 1, 23 novembre 2022, n° 21-15.435, FS-B N° Lexbase : A10748UC

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N3434BZ9

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[Brèves] Crédit à la consommation : clarification de la jurisprudence relative à la consultation du FICP. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/90196077-0
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par Jérôme Lasserre-Capdeville

le 30 Novembre 2022

►La consultation du FICP peut avoir lieu avant la mise à disposition des fonds à l’emprunteur, par laquelle le prêteur donne son agrément à ce dernier ;

Un crédit de restructuration, en ce qu’il réduit le montant total de la mensualité sans coût supplémentaire, ne crée pas de risque d’endettement nouveau, de sorte que la banque n’est pas tenue d’une obligation de mise en garde.

Depuis la loi « Lagarde » du 1er juillet 2010 (loi n° 2010-737 N° Lexbase : L6505IMU), l’article L. 312-16 du Code de la consommation N° Lexbase : L1346K7Y indique que le prêteur doit obligatoirement consulter le fichier prévu à l’article L. 751-1 N° Lexbase : L0666K7S, c’est-à-dire le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP). Cette obligation est précisée par l’article 2 d’un arrêté du 26 octobre 2010 N° Lexbase : L2707INL. Sa violation est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts « en totalité ou dans la proportion fixée par le juge » (C. consom., art. L. 341-2 N° Lexbase : L1158K7Z).

Le moment de la consultation du fichier suscite cependant des questions. En effet, quand peut-on dire que la consultation du FICP est intervenue trop tard ? Sur ce point, l’article 2 de l’arrêté du 26 octobre 2010 indique que la vérification doit être réalisée lorsque le prêteur décide « d’agréer la personne de l’emprunteur en application de l'article L. 312-24 du Code de la consommation N° Lexbase : L1338K7P pour les crédits mentionnés aux articles L. 312-1 à L. 312-3 N° Lexbase : L9843LCK du même code ». Or, d’après cet article L. 312-24, l’agrément de l’emprunteur par le prêteur doit intervenir dans un délai de sept jours. Surtout, son alinéa 2 précise que « la mise à disposition des fonds au-delà du délai de sept jours mentionnés à l’article L. 312-25 N° Lexbase : L1337K7N vaut agrément de l’emprunteur par le prêteur ».

Cette dernière solution doit-elle alors être appliquée dans le cas qui nous occupe ? Plus précisément, faut-il considérer que, si la remise des fonds vaut agrément, cette situation permet d’allonger dans le même temps le délai laissé au prêteur pour procéder à la vérification du FICP, alors même que le contrat a été accepté par l’emprunteur ? Les juges du fond se sont montrés divergents sur ce point (en faveur de l’allongement : CA Amiens, 17 juillet 2018, n° 17/01587 N° Lexbase : A2207XYE ; CA Douai, 25 juin 2020, n° 19/02333 N° Lexbase : A48433P3 ; CA Lyon, 30 juin 2020, n° 19/01103 N° Lexbase : A88393P3 ; CA Toulouse, 1er juillet 2020, n° 18/01503 N° Lexbase : A08943Q8 ; CA Colmar, 22 février 2021, n° 19/03137 N° Lexbase : A90554HT ; CA Paris, 4-9, 28 octobre 2021, n° 20/02075 N° Lexbase : A43627AS – hostiles à l’allongement : CA Paris, 4-9, 15 juin 2017, n° 16/04014 N° Lexbase : A0151WIG ; CA Versailles, 11 mars 2021, n° 20/02639 N° Lexbase : A72504KQ). Il était donc attendu que la Haute juridiction vienne prendre position sur ce point. C’est chose faite avec l’arrêt sélectionné.

Faits et procédure. En l’espèce, le 20 octobre 2015, une banque a consenti un prêt ayant pour objet un regroupement de crédits. Après avoir prononcé la déchéance du terme en raison d’échéances impayées, la banque a obtenu une ordonnance d’injonction de payer à laquelle les emprunteurs ont formé opposition.

La cour d’appel de Nîmes ne leur ayant pas donné satisfaction, par une décision du 25 février 2021 (CA Nîmes, 25 février 2021, n° 19/01928  N° Lexbase : A14864IU), ceux-ci ont formé un pourvoi en cassation. La banque a, pour sa part, formé un pourvoi incident.

Cette dernière faisait plus particulièrement grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels et d’avoir limité à une certaine somme, assortie des intérêts au taux légal, la condamnation solidaire des emprunteurs, alors « que la consultation du fichier national des incidents de paiement par l’organisme prêteur doit être effectuée avant la conclusion effective du crédit, laquelle n'intervient, pour les crédits assortis d’une clause d’agrément, que lors de la délivrance de l'agrément par l'établissement de crédit ». Selon elle, en considérant que la consultation opérée par la banque était tardive dès lors qu’elle n’avait pas été accomplie avant la conclusion du contrat de crédit dans le délai maximal de sept jours suivant l’acceptation de l'offre de prêt par l'emprunteur prévu à l’(ancien) article L. 311-13 du Code de la consommation, « cependant que la conclusion du contrat de crédit n’est intervenue que plus tard, lors de l'octroi par la [banque] d'un agrément aux époux [P], matérialisé par la mise à disposition des fonds », la cour d’appel aurait violé l’article L. 311-13 du Code de la consommation dans sa version applicable à l’espèce, désormais repris à l'article L. 312-24 du même code.

Décision. La décision de la Cour de cassation est donc importante. Elle se fonde sur les articles L. 311-9 N° Lexbase : L5256IXX, L. 311-13 N° Lexbase : L8199IMM et L. 311-48, alinéa 2 N° Lexbase : L9552IMQ, du Code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301, du 14 mars 2016 N° Lexbase : L0300K7A, et l’article 2 de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, dans sa rédaction applicable au litige.

Après avoir rappelé le contenu de chacun, elle note que pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, la cour d’appel a retenu que la banque n’avait pas consulté le FICP dans le délai maximal de sept jours imparti par l’article L. 311-13 du Code de la consommation. Dès lors, « en statuant ainsi, après avoir relevé que cette consultation avait eu lieu avant la mise à disposition des fonds, par laquelle le prêteur avait agréé la personne des emprunteurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ». La cassation est en conséquence prononcée.

Cette solution emporte la conviction. Le renvoi, par l’article 2 de l’arrêté du 26 octobre 2010, aux dispositions relatives à l’agrément du crédit à la consommation légitime, faute de disposition en sens contraire, d’appliquer l’ensemble de son régime. Le « décalage » au jour du déblocage des fonds est donc légitime. Il a été noté que la majorité des décisions des juges du fond se prononce ainsi.

Pour autant, nous demeurons, pour notre part, hostiles à cette « tolérance » prévue par l’article 2 de l’arrêté précité. Certes, des informations « utiles » peuvent n’apparaître que tardivement pour le banquier dispensateur de crédit. Néanmoins, il demeure gênant que les textes permettent au professionnel de la banque d’opérer une bonne analyse de la solvabilité après l’émission de l’offre, voire après son acceptation par le client. Nous préférons ainsi la règle prévue par le même article en matière de crédit immobilier : la vérification doit en effet intervenir « au plus tard à l’émission de l’offre mentionnée à l’article L. 313-24 [du Code de la consommation] ».

La décision étudiée présente, par ailleurs, un autre intérêt. C’est à propos du devoir de mise en garde du banquier dispensateur de crédit.

En l’occurrence, les emprunteurs faisaient grief à l’arrêt de les avoir condamnés à payer à la banque une certaine somme et d’avoir rejeté leurs demandes en paiement de dommages et intérêts et compensation, alors « que l'établissement de crédit doit se renseigner pour alerter l'emprunteur au regard de ses capacités financières et du risque d'endettement né de l'octroi des prêts et doit même attirer l'attention de l'emprunteur non professionnel sur les conséquences que les crédits accordés peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement, quand bien même il n'existerait ni risque d'endettement excessif ni surendettement ».

La Cour de cassation ne leur donne cependant pas raison. Selon elle, « la cour d’appel, qui a retenu que le contrat litigieux avait pour objet de regrouper trois prêts antérieurs en réduisant le montant total de la mensualité sans coût supplémentaire, en a exactement déduit que ce crédit de restructuration ne créait pas de risque d'endettement nouveau, de sorte que la banque n'était pas tenue d'une obligation de mise en garde ».

Cette solution de la Haute juridiction ne surprendra pas le lecteur. Elle figure dans un autre arrêt remarqué en date du 17 avril 2019 (Cass. com., 17 avril 2019, n° 18-11.895, F-P+B  N° Lexbase : A6027Y94, J. Lasserre-Capdeville, Lexbase Affaires, avril 2019, n° 595 N° Lexbase : N8733BXQ). Il y était ainsi relevé « qu'un crédit de restructuration, qui permet la reprise du passif et son rééchelonnement à des conditions moins onéreuses, sans aggraver la situation économique de l'emprunteur, ne crée pas de risque d'endettement nouveau ». Désormais, les magistrats de la Cour de cassation y ont ajouté la notion de « risque d’endettement nouveau ». Cela veut-il dire que si le crédit en question est, au final, plus onéreux que l’ancien (en raison de la durée du crédit) le devoir de mise ne garde peut s’appliquer ? Certains juges du fond le pensent (v. par ex., CA Douai, 15 avril 2021, n° 18/04332 N° Lexbase : A54644P3).

Il apparaît néanmoins désormais clairement qu’à défaut d’aggravation de la situation économique de l’emprunteur, aucun manquement au devoir de mise en garde ne saurait être retenu (v. par ex., CA Rennes, 21 mai 2022, n° 19/02800 N° Lexbase : A27277YN).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le crédit à la consommation, L’évaluation de la solvabilité, in Droit bancaire, (dir. J. Lasserre-Capdeville), Lexbase N° Lexbase : E8517B49.

 

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