Le Quotidien du 29 novembre 2022 : Actualité judiciaire

[A la une] Affaire McKinsey : le PNF confirme l'ouverture de deux informations ciblant les campagnes d’Emmanuel Macron

Lecture: 6 min

N3429BZZ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[A la une] Affaire McKinsey : le PNF confirme l'ouverture de deux informations ciblant les campagnes d’Emmanuel Macron. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/90099136-a-la-une-affaire-mckinsey-le-pnf-confirme-louverture-de-deux-informations-ciblant-les-campagnes-demm
Copier

par Vincent Vantighem

le 29 Novembre 2022

            C’est peu dire qu’il était agacé, ce jour-là… Invité de France 3, le 27 mars, quelques jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron avait mis au défi ses détracteurs qui pensent qu’il y a eu une « combine » avec le cabinet de conseils McKinsey. « Que quiconque a la preuve d’une manipulation, mette le contrat en cause au pénal ! S’il y a des preuves, que ça aille au pénal ! » Le chef de l’État a été pris au mot. Après avoir reçu « des dizaines et des dizaines de lettres, de signalements et de plaintes », le parquet national financier a confirmé l'ouverture de deux informations judiciaires sur le rôle des cabinets de conseils dans les campagnes présidentielles de 2017 et 2022.

            L’ouverture de ces deux procédures date des 20 et 21 octobre derniers. Bien installé au 20e étage du tribunal judiciaire de Paris, le parquet national financier aurait bien voulu que l’information reste secrète. Mais Le Parisien l’a contraint à sortir du bois en révélant l’information jeudi 24 novembre en début d’après-midi. Dans un communiqué, Jean-François Bonhert, le procureur, a donc confirmé que deux procédures distinctes avaient bien été ouvertes. La première pour « tenue non conforme de comptes de campagne » et « minoration d’éléments comptables dans un compte de campagne ». Autrement dit pour un financement illégal d’une campagne présidentielle. La seconde pour « favoritisme » et « recel de favoritisme ».

            Dans son court communiqué, le PNF se garde bien de confirmer que les investigations visent l’actuel locataire de l’Élysée. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Il n’a, en effet, pas fallu attendre la semaine passée pour découvrir qu’Emmanuel Macron entretenait des liens privilégiés avec le cabinet américain McKinsey. Celui-là même qu’on surnomme « La Firme » dans les arcanes du pouvoir… Dès 2017, la diffusion des « MacronLeaks » avait permis de voir que plusieurs salariés de McKinsey, une vingtaine environ, avaient travaillé bénévolement pour élaborer la campagne du candidat Macron et son programme. L’un d’eux utilisant même son adresse mail d’entreprise pour les besoins de l’exercice. Que des professionnels, sur leur temps personnel, choisissent de militer pour un candidat en collant ses affiches ou distribuant ses tracts ne pose aucun problème. Mais si des salariés sont détachés à temps complet, sciemment, par la direction de leur entreprise pour mettre leur savoir-faire, leurs compétences et leurs moyens au bénéfice d’un homme politique n’est pas la même chose. C’est donc pour vérifier si tout cela devait faire l’objet d’une intégration dans le compte de campagne d’Emmanuel Macron que cette première information judiciaire a été ouverte.

Une aide pendant la campagne contre des contrats publics ensuite ?

            Car McKinsey n’est pas du genre à être philanthrope. Et la justice se demande aujourd’hui si l’entreprise n’a pas filé un coup de main pendant la campagne pour bénéficier de juteux contrats une fois son candidat élu. C’est pour cela qu’une seconde information judiciaire a été ouverte du chef de « favoritisme ». Le recours aux cabinets de conseil en général, et à McKinsey en particulier, par le pouvoir macroniste a été largement documenté. Dans un rapport de 385 pages [lire notre article du 12 avril 2022], une commission du Sénat avait dénoncé le « recours massif » aux cabinets de conseil depuis l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017. Parlant même d’une gestion « tentaculaire ».

            Dans les faits, les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron ont bien souvent délégué des contrats à ces cabinets de conseil pour pouvoir élaborer leurs stratégies et mettre en place leurs politiques. Ici une étude sur la baisse de 5 euros des aides pour le logement… Là un dispositif logistique pour la mise en place de campagne de prévention contre le Covid. Et, comme tous les autres, McKinsey a eu sa part du gâteau. À titre d’exemple, entre le 1er janvier 2021 et le 30 juin 2022, le cabinet américain a bénéficié de trente-six commandes de l’État pour un montant total de 24,66 millions d’euros. Essentiellement pour des missions d’appui auprès du ministère de la Santé, nous apprend l’annexe au projet de loi finances 2023 baptisée « Recours aux conseils extérieurs ». Ce n’est pas le mieux loti. En guise de comparaison, le cabinet Capgemini a, lui, reçu quatre-vingt commandes pour 43,5 millions d’euros sur la même période. Mais cela pose question.

            Après la publication du rapport du Sénat, le PNF avait déjà décidé d’ouvrir une enquête préliminaire du chef de « fraude fiscale aggravée » visant McKinsey. Le but étant de vérifier s’il échappait bien, de façon légale, à une partie de l’impôt en France. Mais aujourd’hui, c’est autre chose qui se joue. Les procédures ouvertes récemment visent à savoir s’il n’y a pas eu un deal entre le cabinet de conseil et Emmanuel Macron. Une forme d’aide fournie gratuitement durant la campagne qui aurait été, ensuite, grassement rémunérée par des commandes publiques une fois le candidat d’En Marche parvenu à l’Élysée.

L’immunité présidentielle dans les esprits

            Sur le plan judiciaire, Emmanuel Macron sait bien qu’il ne risque rien. Pour l’instant. Bénéficiant de son immunité présidentielle, il ne peut être directement poursuivi ou même entendu. Mais, dans cette affaire, son problème est plus d’ordre politique que judiciaire. Déjà visé par de nombreuses critiques durant la campagne présidentielle de 2022, il sait bien qu’il va devoir composer avec cette nouvelle donne dont les médias se sont fait l’écho.

            En déplacement à Dijon (Côte-d’Or), vendredi 25 novembre, le chef de l’État n’a pas pu éviter la question. Dans une drôle de réponse presque paradoxale, il a d’abord indiqué qu’il avait simplement « vu le communiqué » du parquet national financier et appris l’ouverture des procédures dans la presse. « Personne ne m’a écrit, personne ne m’a appelé », a-t-il assuré. S’il n’a aucune information, le chef de l’État estime pourtant qu’il ne pense pas être « au cœur de l’enquête ».

            Méthode Coué ou façon de détourner le sujet ? Emmanuel Macron est trop brillant pour ne pas avoir déjà compris que cette affaire aller lui coller à la peau pendant des mois comme le sparadrap au Capitaine Haddock dans Tintin. Difficile d’imaginer que des éléments de langage n’ont pas d’ores et déjà été établis pour gérer cette crise. La preuve ? Alors que le Gouvernement avait toujours nié toute dérive en la matière, Bruno Le Maire a reconnu, dimanche midi, qu’il y avait pu y avoir « des abus » dans le recours aux cabinets de conseils extérieurs durant les années passées.

newsid:483429

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.