Le Quotidien du 29 novembre 2022 : Construction

[Brèves] L’usufruitier n’a pas qualité à agir sur le fondement de la décennale

Réf. : Cass. civ. 3, 16 novembre 2022, n° 21-23.505, FS-B N° Lexbase : A29198TB

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 28 Novembre 2022

► L’usufruitier ne peut pas agir sur le fondement de la responsabilité civile décennale des constructeurs ;
► il peut, toutefois, initier un recours à l’encontre du constructeur sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle.

Le droit spécial de la responsabilité des constructeurs est de nature contractuelle. Pour autant, tous les cocontractants du constructeur n’ont pas la qualité pour agir sur ce fondement. Tous ne sont pas bénéficiaires de la responsabilité civile décennale. La jurisprudence le rappelle régulièrement à propos du locataire (pour exemple, Cass. civ. 3, 23 octobre 2012, n° 11-18.850, F-D N° Lexbase : A0560IWN) mais elle le fait bien plus rarement à l’égard de l’usufruitier. Rien qu’en cela, l’arrêt rapporté mérite, non seulement, d’être publié mais, également, cette brève.

En l’espèce, une société a confié la réalisation de travaux de la charpente métallique et du revêtement d’un bâtiment à usage commercial à une société. Cette société assigne le constructeur sur le terrain décennal, aux fins d’obtenir la réparation des désordres. La cour d’appel de Bastia, dans un arrêt rendu le 15 septembre 2021 (CA Bastia, 15 septembre 2021, n° 19/00863 N° Lexbase : A620844P), rejette sa demande, faute de qualité pour agir. Au visa de l’article 1792 du Code civil N° Lexbase : L1920ABQ, les conseillers estiment que seul le propriétaire ou le maître d’ouvrage peut agir sur le terrain décennal ce qui ne serait pas le cas de l’usufruitier.

L’usufruitier forme un pourvoi, également rejeté. L'usufruitier, quoique titulaire du droit de jouir de la chose comme le propriétaire, n'en est pas le propriétaire et ne peut donc exercer, en sa seule qualité d'usufruitier, l'action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l'ouvrage et non à sa jouissance. Le démembrement du droit de la propriété est connu. Il faudrait, pour en être autrement, que l’usufruitier justifie être mandaté par le nu-propriétaire.

La Haute juridiction le confirme. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel, qui a relevé que la société reconnaissait être usufruitière de l'ouvrage et devant laquelle elle ne prétendait pas avoir été mandatée par le nu-propriétaire, a retenu que cette société ne pouvait agir contre le constructeur et son assureur sur le fondement de la garantie décennale.

La solution n’est donc pas surprenante mais reste critiquable. Il ressort de la lettre de l’article 1792 la possibilité d’agir du maître d’ouvrage sans évoquer sa qualité de propriétaire.

C’est encore de manière trop générale que la Cour de cassation, dans son arrêt du 23 octobre 2012 (Cass. civ. 3, 23 octobre 2012, précité), prive le preneur pourtant maître d’ouvrage des travaux litigieux de son droit à agir sur le fondement de l’article 1792, en reprenant l’expression utilisée à l’occasion de son arrêt du 1er juillet 2009 (Cass. civ. 3, 1er juillet 2009, n° 08-14.714, FS-P+B N° Lexbase : A5830EIR), à savoir que le locataire n’était titulaire « que d’un simple droit de jouissance sur l’ouvrage dont il n’avait pas la propriété » et n’était donc pas recevable à agir.

Si certaines cours d’appel distinguent, selon nous à juste raison, la qualité de propriétaire de celle du maître de l’ouvrage réalisé à l’intérieur d’un bâtiment (pour exemple, CA Nîmes, chambre 1, section A, 27 juin 2006, n° 04/01006), d’autres ne le font malheureusement pas (pour exemple, CA Dijon, 18 décembre 2007, n° 07/00476 N° Lexbase : A6560GYM).

La Haute juridiction rappelle, toutefois, que l’usufruitier n’est pas pour autant démuni de recours puisqu’il peut exercer son action à l’encontre du constructeur sur le fondement du droit commun de la responsabilité.

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