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par Fabien Girard, Directeur de l'Information et du Développement, membre du Directoire
le 13 Octobre 2022
« La boîte vocale de votre correspondant contient trop de messages. Vous ne pouvez pas en déposer de nouveau. Nous sommes désolés et vous invitons à le rappeler ultérieurement… bip-bip ».
Scène d’une vie ordinaire d’un homme extraordinaire, sans doute l’homme le plus occupé du monde juridique et à la fois le plus disponible pour chacun de nous. L’Humanisme, c’est lorsque l’on place l’Homme au centre de toutes ses considérations et assurément cet homme-ci avait fait, comme on disait dans l’Ancien monde, ses humanités, en pension chez les jésuites. Il était empreint de noblesse (de robe, fils de magistrats), d’épée (il savait quand et avec qui ferrailler), d’un verbe acerbe et souvent juste, d’une morgue nécessaire pour conduire une aventure folle comme la première legaltech française… en 2000. Président de Lexbase, de Lexbase continental, de l’ADIJ, juge consulaire, il ne cherchait pas les titres pour les honneurs, et encore moins les honneurs pour la déférence… mais pour agir. Le « Président en mouvement » était sa devise, l’immobilisme et le conservatisme sa hantise.
Quel culot d’aller à la rencontre de ces Mesdames et Messieurs les présidents de juridictions, en 2001, pour les convaincre que l’accès à la jurisprudence était l’affaire de tous, et qu’il fallait libérer, diffuser le droit pour que le foisonnement de notre Justice civilisationnelle triomphe, d’abord en France, puis dans le reste de la francophonie ! Quelle audace d’aller imposer, en 2004, la mutualisation de l’information et du droit et ce faisant, de la sécurité juridique, comme bien commun de tous les avocats, dans tous les barreaux à travers le monde, à l’heure de l’individualisme, de la concurrence exacerbée et de la marchandisation du Droit ! Quel panache de partir à la conquête, sur son immanquable vélo pliable, pendant 22 ans, de la digitalisation d’un monde feutré bien campé sur son maroquin, sans pour autant le bousculer, le chahuter, à force de délicatesse pleine de respect et de considération !
Il était le savoir-être, le savoir-vivre et le savoir-faire au service d’un collectif dont il a su ne jamais oublier l’importance. Du stagiaire au Comex, jamais un mot pour tous, plutôt un mot pour chacun : pour qu’il soit habité, comme lui, par ce supplément d’âme de l’Édition, du Droit et de la Civilisation. L’homme aux impeccables cravates Hermès savait retrousser ses manches pour porter les valises pleines de décisions de justice, dans un train bondé, dans une soute avec escale, pour enrichir la réflexion des professionnels du droit, de vous chers et chères Avocat(e)s. Il savait enfiler le tablier pour servir à chacun une coupe de champagne pour témoigner sinon d’une amitié sincère, du moins d’une relation franche. Côtoyant les présidents de la République, les ministres de la Justice, les présidents de Cour de cassation, de cours d’appel ou du TJ de Sarreguemines : il savait mettre en valeur son interlocuteur, s’effacer et ne pas en montrer. Lexbase est l’École de l’humilité se plaisait-il à répéter. Alors ceux qui le connaissaient au quotidien savent qu’il n’était pas empreint d’une fausse humilité calculatrice ; mais, en revanche, qu’il se savait « petit » face à l’incroyable mission qu’il s’était donnée de porter haut et fort le Droit continental à travers le monde de la francophonie.
Je vous mets au défi de trouver autour de vous un manager qui n’ait, comme lui, jamais craint la vie. Un Président qui savait prendre tous les risques, innover, sans franchir la ligne rouge, qui savait anticiper, sans décréter sa vision d’une édition juridique plus dynamique, plus en phase avec les attentes des professionnels, plus à l’écoute de la jeune génération de juristes. Un rhéteur qui savait convaincre son auditoire sans user d’artifices, en chérissant l’éthique et pariant sur l’intelligence et la perspicacité des clients et non sur l’enfumage. Les feux follets très peu pour lui, les feux de la rampe plus volontiers et encore, le feu sacré de Lexbase d’une infaillible fidélité.
Itinéraire d’un enfant gâté, j’aurais préféré qu’il disparaisse dans la savane africaine pour nous revenir tel Sam Lion, professer à notre oreille les conseils d’un sage avant l’heure, sur fond d’humour cultivé, de réflexion rigoureuse, de bienveillance naturelle. Ne mentons pas à nos lecteurs, il ne faisait pas l’unanimité, mais il était unanimement reconnu et admiré pour sa témérité, sa persévérance, son courage, son intelligence, sa finesse d’esprit, son sens de la fête. Faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux, tendre la main et accompagner plutôt que de commander par oukase.
Moi si j’étais Président, je serais… Fabien Waechter.
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