Réf. : Cass. civ. 3, 7 septembre 2022, n° 21-21.382, FS-B N° Lexbase : A18798H3
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N2589BZW
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et PARIS Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 15 Septembre 2022
► Les exceptions sont d’interprétation stricte : normalement l’assurance dommages-ouvrage s’applique aux dommages de nature décennale qui surviennent après l’expiration de la garantie de parfait achèvement ;
► pour que l’assurance dommages-ouvrage puisse être mobilisable avant réception, il faut que le maître d’ouvrage, ou son mandataire, mette en demeure l’entreprise de s’exécuter.
Le lecteur est surpris. Calquée sur la responsabilité civile décennale des constructeurs, l’assurance dommages-ouvrage devrait, comme cette responsabilité, commencer à courir à compter de la réception de l’ouvrage et ce, pendant une durée de dix ans. L’étendue de la garantie est plus vaste et peut, notamment, couvrir, sous certaines conditions, des dommages survenus avant réception. L’arrêt rapporté est l’occasion d’y revenir.
En l’espèce, une SCCV a confié à un constructeur la maîtrise d’œuvre de la construction de logements. Les lots gros œuvre et chauffage-plomberie sont confiés à une entreprise. Une assurance dommages-ouvrage est souscrite. Le maître d’ouvrage notifie à l’entreprise la résiliation de son marché pour manquement à ses obligations contractuelles et cette société est, ensuite, mise en liquidation judiciaire. Se plaignant de désordres, le maître d’ouvrage assigne, notamment, l’assureur dommages-ouvrage aux fins de garantie.
Dans un arrêt rendu le 18 juin 2021 (CA Colmar, 18 juin 2021, n° 19/02283 N° Lexbase : A56624WM), la cour d’appel de Colmar considère que, en l’absence de justification d’une mise en demeure émanant du maître d’ouvrage, préalable à la résiliation du contrat, le maître d’ouvrage ne peut solliciter la garantie de l’assureur dommages-ouvrage.
La Haute juridiction rejette le pourvoi. En application de l’article L. 242-1 du Code des assurances N° Lexbase : L1892IBP, la garantie de l’assureur dommages-ouvrage n’est due, pour les dommages survenus avant réception de la nature dont sont responsables les constructeurs sur le fondement de l’article 1792 du Code civil N° Lexbase : L1920ABQ, que si, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat d’entreprise conclu avec l’entrepreneur est résilié pour l’inexécution, par celui-ci, de ses obligations.
Le maître d’ouvrage ne peut se dispenser de cette formalité que quand elle s’avère impossible ou inutile, notamment en cas de cessation de l’activité de l’entreprise ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d’ouvrage.
Tel n’est pas le cas en l’espèce.
La solution n’est pas nouvelle mais suscite toujours autant de contentieux. D’abord, parce qu’il y a un enchevêtrement possible entre le champ d’intervention de l’assureur et celui du garant d’achèvement. Ensuite, parce qu’il est toujours difficile de distinguer les inachèvements des dommages de nature décennale. Enfin, parce que les conditions de la mise en demeure préalable ne sont pas si claires.
L’appréciation des conditions peut, en effet, s’avérer difficile et les contentieux qui surviennent de façon récurrente en sont l’illustration (v. également Cass. civ. 3, 13 février 2020, n° 19-12.281, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A37653E8).
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