Réf. : Cass. com., 6 juillet 2022, n° 20-20.085, F-B N° Lexbase : A583079S
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N2208BZS
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par Vincent Téchené
le 13 Juillet 2022
► La fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d'une clause contractuelle qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, ne concerne, lorsqu'une telle clause figure dans un contrat de prêt ou une convention de garantie de passif, que les modalités d'exercice de l'action du créancier contre le débiteur principal et non la dette de remboursement elle-même dont la caution est également tenue, de sorte qu'elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer.
Faits et procédure. Les actionnaires d’une société ont cédé l'intégralité des actions qu'ils détenaient dans le capital de cette dernière. Par acte du même jour, ils lui ont consenti une garantie de passif et une banque s'est, par un acte du 20 décembre 2011, rendue caution solidaire, dans la limite d’un certain montant.
À plusieurs reprises, la société cessionnaire a mis en œuvre la garantie de passif, puis a assigné en paiement les cédants ainsi que la banque. Ceux-ci ont, à chaque fois, opposé l'irrecevabilité de la demande de la cessionnaire pour non-respect de la clause prévoyant une procédure de conciliation amiable préalable obligatoire, stipulée dans la convention de garantie.
Sur renvoi après cassation (Cass. com., 19 juin 2019, n° 17-28.804, F-D N° Lexbase : A3077ZG3), la cour d’appel de Paris (CA Paris, 5-9, 22 mai 2020, n° 19/16406 N° Lexbase : A99503L4) a notamment déclaré la cessionnaire recevable à agir contre la banque caution. Cette dernière a donc formé un pourvoi en cassation reprochant à l’arrêt d’appel d’avoir dit qu’elle ne pouvait invoquer, à l’encontre de la créancière, le non-respect de la clause de conciliation obligatoire et préalable.
Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi de la caution.
Elle rappelle qu’aux termes de l'article 2313 du Code civil N° Lexbase : L1372HIN, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L8997L7D, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette, mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur.
Ainsi, selon la Haute juridiction, la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d'une clause contractuelle qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, ne concerne, lorsqu'une telle clause figure dans un contrat de prêt ou une convention de garantie de passif, que les modalités d'exercice de l'action du créancier contre le débiteur principal et non la dette de remboursement elle-même dont la caution est également tenue, de sorte qu'elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer.
Observations. La Cour de cassation opère ici un rappel. Elle a en effet déjà énoncé cette solution en termes identiques dans un arrêt du 13 octobre 2015 (Cass. com., 13 octobre 2015, n° 14-19.734, FS-P+B+I N° Lexbase : A1935NTT).
S’agissant de l’opposabilité des exceptions, la réforme de 2021 est à l’origine d’une modification importante : le nouvel article 2298 du Code civil N° Lexbase : L0172L8U prévoit, en effet, désormais que la caution peut opposer toutes les exceptions, qu'elles soient personnelles au débiteur ou inhérentes à la dette. Ainsi, la difficulté de qualification des diverses exceptions est neutralisée. La solution retenue par l’arrêt rapporté n’est donc pas reconductible pour les cautionnements soumis aux nouveaux textes.
On rappellera que dernièrement, la Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence en s’inspirant directement de la réforme du droit des sûretés, a retenu que si la prescription biennale de l'article L. 218-2 du Code de la consommation N° Lexbase : L1585K7T procède de la qualité de consommateur, son acquisition affecte le droit du créancier, de sorte qu'il s'agit d'une exception inhérente à la dette dont la caution, qui y a intérêt, peut se prévaloir (Cass. civ. 1, 20 avril 2022, n° 20-22.866, FS-B N° Lexbase : A08717US, G. Piette, Lexbase Affaires, mai 2022, n°716 N° Lexbase : N1424BZR.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les effets du cautionnement entre le créancier et la caution, La possibilité, pour la caution, d'invoquer les exceptions appartenant au débiteur principal et inhérentes à la dette, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette) Lexbase N° Lexbase : E9544AGL. |
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