Le Quotidien du 14 juillet 2022 :

[Brèves] Cautionnement : de nouvelles précisions et quelques rappels relatifs à la mention manuscrite, la disproportion de l'engagement et l'obligation annuelle d’information

Réf. : Cass. com., 6 juillet 2022, n° 20-17.355, F-B N° Lexbase : A582379K

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N2207BZR

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par Vincent Téchené

le 13 Juillet 2022

► L’emploi, dans la mention manuscrite de la caution, du singulier sur l'un des termes de l'expression « mes revenus et bien » n'est qu'une faute d'accord entre le pronom « mes » et le substantif « bien », qui doivent s'accorder en genre et en nombre, de sorte que cette erreur matérielle n'a pas affecté la validité du cautionnement et n'a pas eu pour conséquence de limiter le gage du créancier ;

Il incombe à la caution qui entend opposer au créancier la disproportion de son engagement par rapport à ses biens et revenus à la date de sa souscription, d'en rapporter la preuve ;

Enfin, la banque rapporte la preuve de l'envoi des lettres d'information annuelle des cautions en produisant, d'une part, les courriers adressés à ces dernières, qui contiennent ladite information, et, d'autre part, les listes des lettres d'information aux personnes s'étant portées caution au profit de la banque, sur lesquelles figurait le nom des cautions, ainsi que le procès-verbal de constat de l'huissier de justice ayant procédé au contrôle par sondage de l'édition, du contenu, de la mise sous pli et de l'expédition des lettres d'information annuelle des cautions correspondant à la liste précitée, attestant ainsi globalement des envois annuels aux cautions.

Faits et procédure. Une banque a consenti à une société un prêt d'un montant de 330 000 euros, garanti, aux termes du même acte, par le cautionnement solidaire de M. et Mme U., dans la limite de 429 000 euros et pour une durée de neuf ans. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné les cautions, qui lui ont opposé la disproportion de leur engagement et un manquement à son obligation d'information annuelle.

Condamnées au paiement (CA Montpellier, 30 octobre 2019, n° 17/02586 N° Lexbase : A4178ZTW), les cautions ont formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation répond donc – une nouvelle fois – sur les trois moyens invoqués par les cautions : la validité de la mention manuscrite, la disproportion de leur engagement et l’obligation d’information annuelle.

  • Sur la mention manuscrite

Concernant la mention manuscrite de la caution, la Cour de cassation relève que l’arrêt d’appel a retenu que l'emploi du singulier sur l'un des termes de l'expression « mes revenus et bien » n'est qu'une faute d'accord entre le pronom « mes » et le substantif « bien », qui doivent s'accorder en genre et en nombre.

Dès lors, la cour d'appel a pu en déduire que cette imperfection mineure ne permettait pas de douter de la connaissance qu'avaient les cautions de la nature et de la portée de leur engagement, ce dont il résulte que cette erreur matérielle n'a pas affecté la validité du cautionnement et n'a pas eu pour conséquence de limiter le gage du créancier.

Cette solution est en parfaite adéquation avec la jurisprudence traditionnelle de la Cour qui, depuis un certain temps, est réticente à prononcer la nullité de l’engagement de la caution, l’excluant ainsi lorsque les imperfections peuvent être considérées comme de simples erreurs matérielles qui n'affectent ni le sens, ni la portée de l'engagement (v. par exemple, parmi les nombreux arrêts sur la question, Cass. com., 5 avril 2011, n° 09-14.358, FS-P+B  N° Lexbase : A3426HN9 ; Cass. com., 5 avril 2011, n° 10-16.426, FS-P+B N° Lexbase : A3424HN7 ; Cass. civ. 1, 11 septembre 2013, n° 12-19.094, FS-P+B+I N° Lexbase : A1490KLR ; Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.544, F-P+B+I N° Lexbase : A0814KC7).

On rappellera par ailleurs qu’avec la réforme du cautionnement par l’ordonnance du 15 septembre 2021 (ordonnance n° 2021-1192 N° Lexbase : L8997L7D), entrée en vigueur le 1er janvier 2022, les textes n’imposent plus de modèle légal mais seulement que la mention apposée par la caution énonce qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres (C. civ., art. 2297 N° Lexbase : L0171L8T).

  • Sur la disproportion de l’engagement

Ici, la Cour de cassation rappelle qu’il incombe à la caution qui entend opposer au créancier la disproportion de son engagement par rapport à ses biens et revenus à la date de sa souscription, d'en rapporter la preuve (v. déjà Cass. com., 31 janvier 2012, n° 10-27.651, F-D N° Lexbase : A8914IBR ; Cass. com., 22 janvier 2013, n° 11-25.377, F-D N° Lexbase : A8725I3K).

Or, elle constate que dans leurs écritures d'appel, les cautions faisaient valoir que leur engagement était disproportionné au regard de leurs biens et revenus, dont ils faisaient masse, sans préciser le patrimoine propre à chacun d'eux. Aucune d'entre elles n'ayant donc soutenu que son engagement de caution était disproportionné par rapport à ses seuls biens propres et, le cas échéant, indivis ainsi qu'à ses seuls revenus, la cour d'appel, qui a constaté que le montant cautionné représentait moins d'un quart de l'actif net patrimonial du couple, a pu statuer comme elle l'a fait.

On sait qu’en présence d'un régime matrimonial de séparation, la proportionnalité du cautionnement de l'un des époux doit s'apprécier au regard de ses seuls patrimoine et revenus (Cass. com., 24 mai 2018, n° 16-23.036, F-P+B+I  N° Lexbase : A1510XPM ; Cass. civ. 1, 25 novembre 2015, n° 14-24.800, F-D N° Lexbase : A0737NYX), ses biens personnels comprenant sa quote-part dans les biens indivis (Cass. civ. 1, 19 janvier 2022, n° 20-20.467, FS-B N° Lexbase : A77107IE).

On rappellera également qu’avec la réforme du droit des sûretés, le principe de proportionnalité est déplacé du Code de la consommation au Code civil (C. civ., art. 2300 N° Lexbase : L0174L8X), avec deux nouveautés majeures : l’abandon du retour à meilleure fortune et une nouvelle sanction, à savoir la réduction du cautionnement en lieu et place de l’impossibilité de s’en prévaloir. La solution de l’arrêt est donc sur ce point pleinement reconductible pour les cautionnements conclus après le 1er janvier 2022.

  • Sur la preuve de l’obligation d’information annuelle

Enfin, concernant la preuve de l’obligation d’information annuelle, la Cour de cassation approuve également sur ce point l’arrêt d’appel.

Plus précisément, elle énonce que « c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a considéré, par motifs propres et adoptés, que la banque rapportait la preuve de l'envoi des lettres d'information annuelle à M. et Mme U. en produisant, d'une part, les courriers des 8 mars 2011, 21 mars 2012 et 19 mars 2013 adressés à ces derniers, qui contiennent ladite information, et, d'autre part, les listes des lettres d'information adressées de 2011 à 2013 aux personnes s'étant portées caution au profit de la banque, sur lesquelles figurait le nom de M. et Mme U., ainsi que le procès-verbal de constat de l'huissier de justice ayant procédé au contrôle par sondage de l'édition, du contenu, de la mise sous pli et de l'expédition des lettres d'information annuelle des cautions correspondant à la liste précitée, attestant ainsi globalement des envois annuels aux cautions ».

On rappellera ici aussi que cette obligation d’information annuelle qui, jusqu’à la réforme de 2021, résultait d’une accumulation de textes est désormais centralisée dans le Code civil (C. civ., art. 2302 N° Lexbase : L0153L88). Concernant la question de la preuve, on sait que c’est au créancier de rapporter la preuve qu’il a bien exécuté son obligation d’information (v. not., Cass. civ. 1, 17 novembre 1998, n° 96-22.455, publié N° Lexbase : A8648AHR ; Cass. com., 22 juin 1993, n° 91-14.741, publié N° Lexbase : A5696ABL ; Cass. com., 11 avril 1995, n° 93-10.575, publié N° Lexbase : A8223AB8 ; Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-16.310, F-D N° Lexbase : A7150DKZ). Encore dernièrement, la Cour de cassation a rappelé que ne font pas la preuve de l'envoi de la lettre d’information annuelle de la caution, ni la seule production de la copie de cette lettre, ni le prélèvement effectué par la banque sur le compte de la société débitrice d'une somme au titre des frais d'information annuelle de la caution (Cass. com., 19 janvier 2022, n° 20-17.553, F-D N° Lexbase : A19977K8).

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : Les conditions de formation du cautionnement, Les erreurs matérielles n'entraînant pas la nullité du cautionnement, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E7188E94 ;
  • v. ÉTUDE : Proportionnalité et cautionnement, La preuve du caractère disproportionné (ou proportionné) de l'engagement de la caution, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E2224GAM ;
  • V. ÉTUDE : Les effets du cautionnement entre le créancier et la caution, La forme et la preuve de l'obligation d'information annuelle, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E0891A8I.

 

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