Le Quotidien du 28 juin 2022 : Bancaire

[Brèves] Nouvelle précision intéressant la cession de créances de l’article L. 214-172 du Code monétaire et financier

Réf. : Cass. com., 15 juin 2022, n° 20-17.154, F-B N° Lexbase : A471177M

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N1902BZH

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par Jérôme Lasserre-Capdeville

le 27 Juin 2022

Il résulte l'article L. 214-172 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1432, du 4 octobre 2017, que la société de gestion d'un fonds commun de titrisation qui assure tout ou partie du recouvrement des créances cédées à ce fonds, doit en informer chaque débiteur, cette information pouvant résulter de l'assignation délivrée au débiteur aux fins de recouvrement.

Voici une nouvelle jurisprudence intéressant les organismes de financement visés par les articles L. 214-166-1 et suivants du Code monétaire et financier N° Lexbase : L9815LGM. Pour mémoire, ces organismes comprennent les organismes de titrisation et les organismes de financement spécialisé (v. déjà, récemment, Cass. civ. 1, 25 mai 2022, n° 20-16.042, F-B N° Lexbase : A14937YX, J. Lasserre-Capdeville, juin 2022, n° 719 N° Lexbase : N1661BZK ; v. également, Cass. com., 25 mai 2022, deux arrêts, n° 20-18.857, F-D N° Lexbase : A41187Y8 et n° 20-16.726, F-D N° Lexbase : A40947YB).

Faits et procédure. En l’espèce, la société Crédit immobilier de France développement, détentrice d’une créance résultant d’un acte de prêt notarié souscrit par M. et Mme P., a, après leur avoir fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière, cédé cette créance, selon un bordereau du 28 décembre 2018, au fonds commun de titrisation Credinvest. Ce dernier, représenté par sa société de gestion, la société Eurotitrisation, a assigné M. et Mme P. à une audience d’orientation devant le juge de l'exécution.

Au final, la cour d’appel de Chambéry a été amenée à se prononcer en la matière. Sa décision n’a cependant pas satisfait les parties. En effet, tant la société Eurotitrisation que M. et Mme P. ont formé un pourvoi en cassation. Plusieurs critiques étaient donc formulées contre la décision des juges du fond.

Décision. En premier lieu, M. et Mme P. faisaient grief à la cour d’appel de Chambéry d’avoir déclaré recevable, l’appel interjeté par la société Eurotitrisation représentant le FCT Credinvest. Le pourvoi rappelait que le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. Or, il ressortait des mentions claires et précises de sa déclaration d'appel que la société Eurotitrisation a relevé appel en son nom propre. En conséquence, en estimant qu’elle avait agi en qualité de représentant du FCT Credinvest, la cour d'appel aurait dénaturé cet acte, en violation du principe précité.

Il était également rappelé que seules les parties à la première instance peuvent relever appel du jugement. Or, ici, la société Eurotrisation, qui n'était présente en première instance que comme représentante du FCT Credinvest, a relevé appel en son nom propre. Dès lors, en jugeant recevable un tel appel, qui n'a pas été interjeté par une partie à la première instance, la cour d'appel aurait violé l'article 546 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6697H78.

La Cour de cassation ne partage cependant pas ces arguments. Elle considère ainsi le moyen non fondé.

Elle commence par indiquer que « l'erreur manifeste, dans l'indication de la qualité en laquelle agit l'appelant, au regard de l'objet du litige, tel qu'il est déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond, n'est pas de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'appel ».

La Haute juridiction observe, ensuite, la décision de la cour d’appel. Il est relevé qu’elle indique que le FCT Credinvest étant dépourvu de personnalité morale, seule la société Eurotitrisation était en capacité d'ester en justice et d'interjeter appel pour le compte de celui-ci. Il y est aussi noté que l'assignation à jour fixe du 15 octobre 2019 délivrée par l'huissier de justice comprenait en annexes la déclaration d'appel précisant les chefs de jugement expressément critiqués, l'ordonnance du premier président autorisant l'assignation à jour fixe ainsi qu'une copie des conclusions d'appelants. De la sorte, l'objet de la demande et l'exposé des moyens de fait et de droit ont été parfaitement portés à la connaissance des intimés.

La Cour de cassation en conclut, qu’en l'état de ces constatations et appréciations, « dont il se déduit que le litige opposait les mêmes parties agissant en la même qualité qu'en première instance », la cour d'appel, qui n’a pas dénaturé la déclaration d’appel, a pu juger que l’erreur manifeste dans l'indication de la qualité en laquelle agissait la société Eurotitrisation, dont cette déclaration était affectée, ne remettait pas en cause sa régularité.

En second lieu, la société Eurotitrisation faisait grief à l'arrêt de la cour d’appel de l’avoir déclarée irrecevable et de l’avoir condamnée à payer à M. et Mme P. la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5913MBM. Elle rappelait que l'article L. 214-172 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L9508LGA, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1432, du 4 octobre 2017 N° Lexbase : L9403LGD, confère à la société de gestion d'un fonds de titrisation, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d'une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées au fonds et indique que chaque débiteur est informé de ce changement sans autre précision sur les modalités de cette information. Dès lors, en retenant en l'espèce qu’il n'était pas justifié de l'information des débiteurs préalablement à l'assignation du 1er février 2019 et en constatant en conséquence l'irrecevabilité de l'action de la société Eurotitrisation faute de qualité pour agir, la cour d'appel qui a ainsi exigé une information des débiteurs préalable à l'assignation et a jugé que l'assignation ne valait pas information des débiteurs, aurait violé l'article L. 214-172 du Code monétaire et financier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1432, du 4 octobre 2017.

On notera que, pour leur part, M. et Mme P. contestaient ici la recevabilité du moyen en raison de sa nouveauté et de sa contrariété avec les conclusions d'appel du FCT Credinvest.

Une première question se posait alors sur la recevabilité du moyen. La Cour de cassation observe que ce dernier, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit. Par ailleurs, elle considère qu’il n'est pas incompatible de soutenir devant la cour d'appel que, conformément aux dispositions de l’article L. 214-172 du Code monétaire et financier, M. et Mme P. ont été informés de ce que la société de gestion du FCT Credinvest assure le recouvrement d'une créance dont ils sont débiteurs par l'envoi de deux courriers antérieurs à leur assignation, le 1er février 2019, et de faire valoir devant la Cour de cassation qu'ils ont été informés valablement de cette situation par ladite assignation. Elle en conclut alors que le moyen est recevable.

Mais qu’en était-il du bien-fondé de ce même moyen ?

La Cour de cassation se prononce en se fondant sur l'article L. 214-172 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1432, du 4 octobre 2017. Il résulte ainsi de ce texte que la société de gestion d’un fonds commun de titrisation, qui assure tout ou partie du recouvrement des créances cédées à ce fonds, « doit en informer chaque débiteur, cette information pouvant résulter de l'assignation délivrée au débiteur aux fins de recouvrement ».

Or, pour déclarer irrecevable l'action de la société Eurotitrisation, la décision de la cour d’appel a considéré que cette société ne justifiait pas de ce que M. et Mme P. avaient été informés, préalablement à l'assignation du 1er février 2019, qu'elle était en charge du recouvrement de la créance cédée par la société Crédit immobilier de France développement.

Dès lors, en statuant ainsi, alors qu'elle a relevé, par motifs adoptés, que l'assignation délivrée à M. et Mme P. mentionnait que la société Eurotitrisation agissait aux fins de recouvrement de la créance qui avait été cédée par la société Crédit immobilier de France développement au FCT Credinvest, de sorte que les débiteurs ont ainsi été informés que la société Eurotitrisation assurait le recouvrement de cette créance, peu important que cette information ne leur ait pas été communiquée préalablement, la cour d'appel a violé l’article L. 214-172 du Code monétaire et financier. La décision des juges du fond est donc cassée.

Observations. Cette solution est convaincante. Celui qui assure le recouvrement des créances cédées doit logiquement en informer chaque débiteur. Or, une telle obligation peut parfaitement résulter, en l’état du droit applicable, de l'assignation délivrée au débiteur dans le but d’effectuer le recouvrement en question.

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