La lettre juridique n°900 du 31 mars 2022 : Fiscalité internationale

[Brèves] Régime fiscal de déduction des pensions alimentaires pour les non-résidents : la Belgique doit revoir sa copie !

Réf. : CJUE, 10 mars 2022, aff. C-60/21, Commission européenne c/ Royaume de Belgique N° Lexbase : A39627QS

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N0909BZP

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par Marie-Claire Sgarra

le 30 Mars 2022

La Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en refusant la déduction des rentes alimentaires ou des capitaux tenant lieu de telles rentes, et des rentes complémentaires du revenu imposable aux débirentiers non‑résidents de Belgique et y percevant moins de 75 % de leurs revenus professionnels qui ne peuvent pas bénéficier de la même déduction dans leur État membre de résidence en raison du faible montant de leurs revenus imposables dans cet État.

Les faits. La Commission européenne a adressé un avis motivé à la Belgique lui demandant de modifier sa législation en ce qui concerne la déductibilité des pensions alimentaires des revenus imposables des non-résidents.

Rappel. Actuellement, la Belgique refuse la déduction des pensions alimentaires aux contribuables non-résidents, lorsque l'État membre de résidence n'est pas en mesure de prendre en compte leur capacité contributive ni leur situation personnelle et familiale en raison du montant modeste de leur revenu mondial. Pour la Commission européenne, ce refus pénalise les contribuables non-résidents car ces derniers ont fait usage de la liberté de circulation des travailleurs.

Principe. La liberté de circulation des travailleurs implique l’abolition de toute discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

Illustration. À titre d’exemple, la Cour avait jugé qu’en excluant les retraités non-résidents du bénéfice des abattements prévus par la loi relative à l’impôt sur le revenu, lorsque, eu égard au faible montant de leurs pensions, ils ne sont pas, en vertu de la législation fiscale de l’État membre de résidence, imposables dans ce dernier, la République d’Estonie a manqué aux obligations qui lui incombent (CJUE, CJUE, 10 mai 2012, aff. C-39/10, Commission européenne c/ République d'Estonie N° Lexbase : A9039IKY).

Ainsi, il ne peut y avoir de discrimination entre résidents et non–résidents que si, nonobstant leur résidence dans des États membres différents, il était établi que, au regard de l’objet et du contenu des dispositions nationales en cause, les deux catégories de contribuables se trouvent dans une situation comparable.

La discrimination consiste dans le fait que la situation personnelle et familiale d’un non-résident qui perçoit dans un État membre autre que celui de sa résidence l’essentiel de ses revenus et la quasi-totalité de ses revenus familiaux n’est prise en compte ni dans l’État membre de résidence ni dans l’État membre d’emploi.

Solution de la CJUE. En l’espèce, la déduction des rentes alimentaires est, pour les contribuables non‑résidents, subordonnée à une condition supplémentaire qui ne s’applique pas aux contribuables résidents.

Cette règle, qui subordonne la déduction des rentes alimentaires à la condition que le contribuable concerné ait obtenu ou recueilli des revenus professionnels imposables en Belgique qui s’élèvent au moins à 75 % de l’ensemble de ses revenus professionnels obtenus ou recueillis pendant la période imposable de source belge et étrangère, semble se fonder sur la présomption que, dans tous les cas où ce seuil n’est pas atteint, l’État membre de résidence du contribuable est à même de prendre en compte l’ensemble de sa situation personnelle et familiale.

Toutefois, dans les cas où le contribuable n’a perçu, sur le territoire de l’État membre de sa résidence, aucun revenu ou des revenus modiques, cet État peut ne pas être à même de prendre en compte l’ensemble de la situation personnelle et familiale du contribuable.

Le refus par l’État membre où sont perçus les revenus en cause d’octroyer un avantage fiscal lié à la situation personnelle et familiale du contribuable concerné conduit à une discrimination.

Dès lors que, en l’espèce, la condition, qui est applicable seulement aux contribuables non-résidents, revêt un caractère général et ne permet pas de tenir compte de la situation personnelle et familiale des contribuables concernés, la déduction des rentes alimentaires étant, en tout état de cause, refusée aux contribuables non-résidents qui perçoivent moins de 75 % de leurs revenus professionnels en Belgique, y compris dans l’hypothèse où ils ne peuvent pas bénéficier de cette déduction dans leur État membre de résidence en raison du faible montant de leurs revenus imposables dans ce dernier État, cette condition s’avère incompatible avec les exigences du TFUE.

 

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