Réf. : Cass. civ. 1, 23 mars 2022, n° 20-17.663, F-B N° Lexbase : A12737RL
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 30 Mars 2022
► L'article L. 116-4, alinéa 2, du Code de l'action sociale et des familles, frappant notamment les personnes assistant, à leur domicile, les personnes âgées ou handicapées, d’une incapacité à recevoir des libéralités consenties par ces dernières, ne saurait être appliqué à un testament établi à une date antérieure à son entrée en vigueur.
Pour mémoire, l’article L. 116-4 du Code de l'action sociale et des familles N° Lexbase : L7971L3M, a été introduit par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement N° Lexbase : L0847KWB ; il prévoit une incapacité de recevoir à titre gratuit visant un ensemble de personnes parmi lesquelles les personnes « accomplissant des services à la personne définis au 2° de l'article L. 7231-1 du même code ».
En l’espèce, le de cujus était décédé le 22 janvier 2016, sans descendance, en l'état d'un testament authentique du 17 décembre 2013, confirmé par codicille daté du 13 décembre 2014, instituant, d'une part, des légataires universels, d'autre part, différents légataires à titre particulier, parmi lesquels une auxiliaire de vie à domicile employée par le défunt. Des difficultés étaient survenues entre eux pour le règlement de la succession.
Pour dire que les légataires universels étaient déchargés de toute obligation de délivrance du legs au profit de l’auxiliaire de vie à domicile gratifiée, la cour d’appel de Paris (CA Paris, 4, 2, 5 septembre 2018, n° 15/00861 N° Lexbase : A4717X34), avait :
1° fait application de l'article L. 116-4, alinéa 2, du Code de l'action sociale et des familles, créé par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 et dans sa version en vigueur au jour du décès du de cujus ;
2° retenu qu'il résultait de cette loi que c’était à la date de la libéralité qu'il y avait lieu de rechercher si le légataire avait une qualité l'empêchant, au jour du décès du testateur, de recevoir. Après avoir relevé qu'à la date du testament authentique, l’intéressée était employée par le défunt en qualité d'auxiliaire de vie à domicile, ils en avaient déduit que le legs à titre particulier consenti à son profit se heurtait à l'interdiction résultant de ce texte.
Sauf que le texte n’était pas applicable. Les conseillers d’appel ont donc commis une erreur de raisonnement sur le premier point, que la Cour régulatrice vient corriger au visa l'article 2 du Code civil N° Lexbase : L2227AB4, selon lequel « la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif » ; il en résulte qu’en l'absence de dispositions particulières, les actes juridiques sont régis par la loi en vigueur au jour où ils ont été conclus.
Ce n’était donc pas au jour du décès, mais au jour de l’établissement du testament qu’il convient de déterminer le texte applicable.
Or, il ressortait des constatations de la cour d’appel qu'au jour de l'établissement du testament, en 2013, l'article L. 116-4, alinéa 2, du Code de l'action sociale et des familles n'était pas en vigueur.
On rappellera qu’en tout état de cause, les dispositions en cause ont été abrogées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 mars 2021, déclarant que les mots « ainsi qu'aux salariés mentionnés à l'article L. 7221-1 du Code du travail N° Lexbase : L7371K9U accomplissant des services à la personne définis au 2° de l'article L. 7231-1 du même code N° Lexbase : L3383H98 » figurant au second alinéa du paragraphe I de l'article L. 116-4 du Code de l'action sociale et des familles, étaient contraires à la Constitution ; étant précisé que la déclaration d’inconstitutionnalité était applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de sa décision le 12 mars 2021 (Cons. const., décision n° 2020-888 QPC, du 12 mars 2021 N° Lexbase : A80714K7 ; cf. J. Casey, obs. n° 4, in Sommaires d’actualité de droit des successions & libéralités 2021-1 (Janvier – Juillet), Lexbase Droit privé, septembre 2021, n° 875 N° Lexbase : N8596BYZ).
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