Le Quotidien du 21 mars 2022 : Droit pénal spécial

[Brèves] Détournements de fonds publics : de l’importance de la fonction et des prérogatives du prévenu dans la motivation de la condamnation

Réf. : Cass. crim., 16 mars 2022, n° 21-82.254, FS-B N° Lexbase : A63707QY

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par Adélaïde Léon

le 27 Avril 2022

► Pour condamner la directrice de cabinet d’un maire de détournement de fonds publics, il appartient aux juges du fonds de rechercher si les fonctions de l’intéressée ont été déterminantes dans la remise des fonds, celles-ci ne supposant pas, par elles-mêmes, que des fonds lui soient remis au sens de l’article 432-15 du Code pénal ; Il est également nécessaire de rechercher si, au moment de la commission des faits de détournements de fonds publics, l’intéressée disposait d’une délégation du maire et ordonnateur de la commune lui permettant de mettre les factures en paiement, et si les faits poursuivis pouvaient recevoir une autre qualification.

Rappel des faits. Une femme a été poursuivie devant le tribunal correctionnel pour avoir, alors qu’elle était directrice de cabinet du maire d’une commune, et comme telle ayant la qualité de personne chargée d’une mission de service public, d’une part, détourné ou soustrait des fonds publics de la ville au profit d’une société, en acceptant, validant, mettant ou faisant mettre en paiement six factures de cette société comportant des anomalies, d’autre part, fait sciemment usage de ces fausses factures en les acceptant et en les transmettant aux services payeurs de la ville.

La chargée de mission au cabinet du maire et la directrice de la communication ont-elles aussi été convoquées devant le tribunal correctionnel des mêmes chefs mais pour certaines factures litigieuses seulement.

Enfin, un quatrième individu (ci-après, « l’organisateur de rendez-vous ») fut convoqué pour s’être rendu complice par aide, assistance ou instruction, en l’espèce en organisant des rendez-vous ou des réunions ou en donnant des instructions à ce sujet, du délit de détournement de fonds publics commis par les trois autres protagonistes en leur qualité de personnes chargées d’une mission de service public.

Ces dernières furent déclarées coupables des chefs de détournement publics et d’usage de faux. Le quatrième prévenu fut quant à lui condamné pour complicité du premier de ces délits.

La commune fut accueillie en sa constitution de partie civile et les prévenus, condamnés à réparer son préjudice.

Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

En cause d’appel. La cour d’appel a déclaré la directrice de cabinet et l’organisateur de rendez-vous respectivement coupables de détournement de fonds publics et de complicité de ce délit.

L’arrêt relève que sur les six factures litigieuses, trois ont été signées par deux personnes différentes sur instructions de la prévenue, directive de cabinet, et deux autres ont été signées par elle-même. Si la sixième avait été signée par la chargée de mission au cabinet à la suite du refus d’une autre employée municipale de le faire, le bon de commande correspondant avait été signé par la directrice de cabinet.

Selon les juges d’appel, ces factures ont été signées dans l’urgence par des personnes différentes, faisant obstacle, en sus de l’absence d’efficacité du directeur financier, à un contrôle effectif des prestations facturées, permettant ainsi les détournements.

Après avoir constaté que la directrice de cabinet n’avait pas assisté à la rencontre au cours de laquelle il a été décidé de mettre en place un système de fausse facturation en faveur de la société, la cour d’appel considère qu’il est évident que l’organisateur des rendez-vous a communiqué les termes de l’accord passé à la directrice de cabinet, laquelle était la destinataire du devis de la société.

Enfin, les juges d’appel ont conclu que le rôle de la directrice de cabinet a été déterminant pour la signature des factures attestant d’un service fait par les différents signataires, soit sur instructions, soit par les informations communiquées.

La directrice de cabinet et l’organisateur de rendez-vous ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel.

Motifs des pourvois. Il était reproché à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré les intéressés, d’usage de faux et de détournements de fonds publics pour l’une et de complicité de détournement de fonds publics pour l’autre alors que le délit de détournement de fonds publics n’était pas matérialisé faute, pour les fonctions de la directrice de cabinet, d’avoir fondé la remise des fonds détournés.

Décision. La Chambre criminelle censure, au visa des articles 432-15 du Code pénal N° Lexbase : L5517LZD et 593 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3977AZC les dispositions relatives à la culpabilité des deux auteurs de pourvois concernant le délit de détournement de fonds publics et celui de complicité de cette infraction.

L’article 432-15 du Code pénal définit et sanctionne le délit de détournement de fonds publics. Il s’agit, selon ses termes, du « fait, pour une personne de dépositaire de l’autorité publique, chargé d’une mission de service public, un comptable public, un dépositaire public ou l’un de ses subordonnés, de soustraire, détruire ou détourner un bien public qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission ».

Or, la Chambre criminelle relève qu’en l’espèce, les fonctions de directrice de cabinet de la prévenue ne supposaient pas, par elles-mêmes, que des fonds lui soient remis au sens de l’article 432-15 du Code pénal.

Par ailleurs, il appartenait à la cour d’appel de rechercher si, au moment de la commission des faits de détournements de fonds publics, l’intéressée disposait d’une délégation du maire et ordonnateur de la commune lui permettant de mettre les factures en paiement, et si les faits poursuivis pouvaient recevoir une autre qualification.

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