Le Quotidien du 21 mars 2022 : Bancaire

[Brèves] Précisions sur les catégories intéressées par l’intérêt légal

Réf. : Cass. com., 9 mars 2022, n° 20-11.845, F-B N° Lexbase : A94367P8

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N0738BZD

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par Jérôme Lasserre Capdeville

le 16 Mars 2022

► N’agit pas pour des besoins professionnels, au sens de l'article L. 313-2 du Code monétaire et financier, le créancier personne physique qui poursuit le recouvrement d’une créance qui n’est pas née dans l’exercice de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole et ne se trouve pas en rapport direct avec cette activité ;

Tel est le cas du créancier personne physique qui, ayant cédé des parts lui appartenant dans le capital d'une société commerciale dont il est le gérant, agit en paiement du prix de cession.

L’intérêt légal est généralement vu comme une modalité de réparation du préjudice subi par un créancier d’une somme d’argent en raison du retard dans l’exécution de son obligation par le débiteur. Pour mémoire, il a vocation à jouer aussi bien en matière civile et commerciale qu'en matière contractuelle et quasi contractuelle.

Cet intérêt légal a connu une évolution notable avec l’ordonnance n° 2014-947 du 20 août 2014 N° Lexbase : L0764I43 (J. Lasserre Capdeville, Interrogations autour de la future évolution du taux de l'intérêt légal, Gaz. Pal., 11 septembre 2014, n° 254, p. 5) qui a cherché à rendre ce taux plus représentatif du coût de refinancement de celui à qui l’argent est dû et de l’évolution de la situation économique. L’article L. 313-2 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L0226I47 a été modifié en ce sens.

C’est ainsi que, depuis lors, la disposition en question opère une distinction entre deux taux d’intérêt légal fondée sur la qualité du créancier : le premier est applicable, de manière spécifique, lorsque le créancier est « une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels », et le second taux s’adresse à l’ensemble des autres cas, c’est-à-dire principalement aux entreprises (ces taux sont respectivement, depuis le 1er janvier dernier, de 3,13 % et 0,76 %).

Il peut être parfois difficile de déterminer dans quelle hypothèse nous nous trouvons. La notion de « personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels » peut en effet susciter des interrogations. L’arrêt sélectionné en témoigne.

Faits et procédure. En l’espèce, par un arrêt du 26 mai 2017, une cour d'appel, confirmant un jugement du 27 mars 2015, a condamné la société BCI à payer à M. F. une certaine somme au titre d'une cession de parts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement. Par acte du 17 juillet 2018, Mme F., venant aux droits de M. F. décédé, a délivré un commandement de payer valant saisie-vente à la société BCI pour une somme correspondant à des intérêts de retard calculés suivant le taux d’intérêt légal applicable lorsque le créancier est une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels, au sens de l'article L. 313-2 du Code monétaire et financier.

La cour d’appel de Saint-Denis-de-La Réunion ayant, par une décision du 8 octobre 2019, donné raison à Mme F, la société BCI a formé un pourvoi en cassation.

Pourvoi. Celle-ci faisait grief à l’arrêt d’avoir dit qu'il y avait lieu d'appliquer le taux des particuliers à la créance de M. F. constatée par arrêt du 26 mai 2017, alors que selon l'article L. 313-2 du Code monétaire et financier, le taux de l'intérêt légal, fixé par arrêté du ministre chargé de l'Économie, comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas. Or, la société BCI considérait que la personne physique, associée et gérante d'une société commerciale, qui cède les parts qu'elle détient dans le capital de celle-ci, agit pour des besoins professionnels au sens de ce texte. Par conséquent, en retenant qu'en cédant à la société BCI les parts qu'il détenait dans le capital d'une société commerciale, M. F., qui en était l'associé gérant, n'avait pas agi pour des besoins professionnels, la cour d'appel aurait violé l'article L. 313-2 précité.

Décision. La Haute juridiction ne l’entend pas ainsi. Selon elle, n’agit pas pour des besoins professionnels, au sens de l'article L. 313-2 du Code monétaire et financier, le créancier personne physique « qui poursuit le recouvrement d'une créance qui n'est pas née dans l'exercice de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole et ne se trouve pas en rapport direct avec cette activité ». Or, tel est le cas du créancier personne physique qui, ayant cédé des parts lui appartenant dans le capital d'une société commerciale dont il est le gérant, agit en paiement du prix de cession.

Ce premier moyen de la société BCI est alors rejeté. Il en va de même du second qui se retrouve sans portée en raison du motif précité. Le pourvoi en cassation est donc rejeté.

Observations. La solution est, selon nous, convaincante. Pour déterminer quand une personne n’agit pas pour des besoins professionnels, il faut observer dans quel cadre est née la créance en question. Il est heureux que la Haute juridiction nous donne des précisions sur l’analyse à opérer afin de distinguer les hypothèses.

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