La lettre juridique n°897 du 10 mars 2022 : Droit pénal spécial

[Brèves] Loi visant à combattre le harcèlement scolaire : création d'un nouveau délit et réactions aux récentes déclarations d'inconstitutionnalité

Réf. : Loi n° 2022-299, du 2 mars 2022, visant à combattre le harcèlement scolaire N° Lexbase : L7677MBX

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N0644BZU

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[Brèves] Loi visant à combattre le harcèlement scolaire : création d'un nouveau délit et réactions aux récentes déclarations d'inconstitutionnalité. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/82239874-breves-loi-visant-a-combattre-le-harcelement-scolaire-creation-dun-nouveau-delit-et-reactions-aux-re
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par Adélaïde Léon

le 22 Mars 2022

► Prévention des faits de harcèlement scolaire, prise en charge des victimes, droit à une scolarité sans harcèlement, création d'un délit de harcèlement scolaire, peine et stage de sensibilisation, confiscation de « l’instrument » et réquisitions portant sur les données de connexion, de trafic et de localisation ; la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 affecte la matière pénale à des nombreux égards.

Prévention des faits de harcèlement scolaire et prise en charge des victimes.

Droit à une scolarité sans harcèlement. La loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 introduit notamment au sein des principes généraux de l’éducation un droit à une scolarité sans harcèlement.

Ainsi, le nouvel article L. 111-6 du Code de l’éducation :

  • pose ce principe ;
  • renvoie au délit de harcèlement scolaire défini à l’article 222-33-2-3 du Code pénal et également créé par la loi n° 2022-299 ;
  • attribue aux établissements d’enseignement scolaire et supérieur publics et privés ainsi que le réseau des œuvres universitaires la charge de lutter contre le harcèlement dans le cadre scolaire et universitaire. La loi modifie en ce sens les articles L. 442-2 N° Lexbase : L7523L7R et L. 442-20 N° Lexbase : L6857LRE du Code de l’éducation, relatifs aux établissements privés.

L’article L. 511-3-1 du même code N° Lexbase : L6868LRS, qui définissait le harcèlement scolaire et en prévoyait l’interdiction, est abrogé.

Formation, prévention, prise en charge. La loi prévoit par ailleurs la formation de plusieurs corps professionnels à la prévention et à la lutte contre le harcèlement scolaire ainsi qu’à la prise en charge des victimes, des témoins et des auteurs de ces faits. Parmi ces professions concernées par ces dispositions visant la formation initiale, on retrouve les personnels de la police nationale, des polices municipales et de la gendarmerie nationale.

Amélioration du traitement judiciaire des faits de harcèlement scolaire et universitaire.

Délit de harcèlement scolaire. L’article 11 de la loi crée un article 222-33-2-3 du Code pénal définissant le délit de harcèlement scolaire par renvoi aux quatre premiers alinéas de l’article 222-33-2-2 N° Lexbase : L6228LLA du même code lesquels définissent le harcèlement.

Le nouvel article 222-33-2-3 réprime ainsi les faits de harcèlement moral tels que définis à l’article qui le précède lorsqu’ils sont commis à l’encontre d’un élève par toute personne étudiant ou exerçant une activité professionnelle au sein du même établissement d’enseignement. Le dernier alinéa de l’article précise que ses dispositions sont applicables lorsque la commission des faits se poursuit alors que l’auteur ou la victime n’étudie plus ou n’exerce plus au sein de l’établissement.

Peine. Ce délit est puni de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsqu’il a causé une incapacité totale de travail (ITT) inférieure ou égale à huit jours ou n’a entrainé aucune incapacité de travail.

Ces peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque les faits ont causé une ITT supérieure à huit jours.

Enfin, lorsque les faits auront conduit la victime à se suicider ou tenter de se suicider, les peines seront portées à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

La circonstance aggravante liée à la minorité de la victime prévue à l’article L. 222-32-2-2 est élargie à tous les mineurs et non plus aux seuls mineurs de quinze ans.

Stage de sensibilisation. Les articles L. 112-2 (mesure éducative judiciaire) N° Lexbase : L6773LRB, L. 422-1 (alternative aux poursuites) N° Lexbase : L8064GTT et L. 422-3 (composition pénale) N° Lexbase : L9132G8Q du Code de la justice pénale des mineurs sont également modifiés afin de prévoir que lorsque la réalisation d’un stage de formation civique sera prononcée, celui-ci pourra comporter un volet spécifique de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire.

Confiscation de « l’instrument » et réquisitions portant sur les données de connexion, de trafic et de localisation. Prenant en considération que bon nombre de faits de harcèlement sont commis via internet, la loi complète l’article 131-21 du Code pénal N° Lexbase : L1285MAT afin d’autoriser la confiscation l’instrument (téléphone, ordinateur…) par lequel l’infraction est commise en utilisant un service de communication au public en ligne.

Profitant de ce texte pour réagir à deux déclarations d’inconstitutionnalité récemment prononcées par le Conseil constitutionnel, le législateur a également :

  • en réaction à la décision du 24 novembre 2021 (Cons. const., décision n° 2021-949/950 QPC, du 24 novembre 2021 N° Lexbase : A74927CH), substitué la notion de « personne » à la notion de « tiers » dans l’article 131-21 du Code pénal afin que les époux des personnes condamnées, qui n’étaient pas compris dans la notion de « tiers », puissent, par le recours à la notion de « personne », bénéficier du droit de présenter des observations sur la confiscation envisagée par une juridiction ;
  • en réaction à une décision du 3 décembre 2021 (Cons. const., décision n° 2021-952 QPC, du 3 décembre 2021 N° Lexbase : A00977EC), créé un article 60-1-2 du Code de procédure pénale afin d’apporter des garanties propres à assurer un équilibre entre le droit au respect de la vie privée et la recherche des auteurs d’infractions en prévoyant les cas précis dans lesquels les réquisitions portant sur des données de connexion, de trafic et de localisation sont rendues possibles :

- la procédure porte sur un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement ;

- la procédure porte sur un délit puni d’au moins un an d’emprisonnement commis par l'utilisation d'un réseau de communications électroniques et ces réquisitions ont pour seul objet d'identifier l'auteur de l'infraction ;

- les réquisitions concernent les équipements terminaux de la victime et interviennent à la demande de celle-ci en cas de délit puni d'une peine d'emprisonnement ;

- les réquisitions tendent à retrouver une personne disparue.

Par la modification des articles 60-1 N° Lexbase : L7424LPN, 60-2 N° Lexbase : L4538LNE, 77-1-1 N° Lexbase : L1319MA4, 77-1-2 N° Lexbase : L7426LPQ et 99-3 N° Lexbase : L1323MAA du Code de procédure pénale, ces conditions sont applicables à l’enquête préliminaire, à l’enquête de flagrance et à l’instruction.

Audition du mineur. L’article 706-52 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L8185HW3 est modifié afin de prévoir que l’audition du mineur victime de harcèlement moral et/ou harcèlement scolaire peut faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel

Rôle des acteurs d’internet. Enfin, l’article 6 de la loi n° 2044-575 du 21 juin 2004 N° Lexbase : Z99276TW est modifié afin d’ajouter le harcèlement scolaire au nombre des infractions contre la diffusion desquelles les hébergeurs et fournisseurs d’accès à internet sont chargés de lutter.

Pour aller plus loin :

  • M. Audibert, Inconstitutionnalité différée des réquisitions de données informatiques par le procureur de la République dans le cadre de l’enquête préliminaire : le jour d’après, Lexbase Pénal, décembre 2021 N° Lexbase : N9789BY9 ;
  • F. Engel, Confiscation : l’inconstitutionnalité de plus, Lexbase Pénal, janvier 2022 N° Lexbase : N0077BZU.

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