La lettre juridique n°522 du 4 avril 2013 : Avocats/Champ de compétence

[Pratique professionnelle] Avocats, comment présenter le droit collaboratif et la procédure participative à votre client - Compte-rendu de la réunion de la Commission Droit collaboratif et Procédure participative du barreau de Paris

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[Pratique professionnelle] Avocats, comment présenter le droit collaboratif et la procédure participative à votre client - Compte-rendu de la réunion de la Commission Droit collaboratif et Procédure participative du barreau de Paris. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8054127-pratique-professionnelle-avocats-comment-presenter-le-droit-collaboratif-et-la-procedure-participati
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

le 27 Mars 2014

Le 28 février 2013, s'est tenue, à la maison du barreau, une réunion de la Commission ouverte Droit collaboratif et Procédure participative du barreau de Paris. Animée par sa responsable, Maître Nathalie Tisseyre-Boinet, cette réunion pratique avait pour objet de donner aux avocats les clés pour présenter à leurs clients une approche collaborative ou participative pour le règlement de leurs litiges. Présentes à cette occasion, les éditions juridiques Lexbase vous en proposent un compte-rendu. Nathalie Tisseyre-Boinet précise d'emblée que deux procédures, le droit collaboratif ou la procédure participative, se présentent au client lors de la première rencontre. Cette première rencontre avec le client est primordiale. Elle dure beaucoup plus longtemps que les autres rendez-vous, puisqu'elle oscille le plus souvent entre 1h30 et 2h30.

Lors de cette première rencontre il va y avoir des échanges approfondis entre l'avocat et le client. L'avocat devra tout connaître ou presque de son client, de l'histoire du conflit et de la partie "adverse", pour le conseiller au mieux.

Il est donc important de procéder à un examen des besoins réels du client que l'avocat va beaucoup faire parler. Le problème qui l'amène ainsi que l'historique du conflit -à savoir comment il s'est constitué, comment il s'est construit- doivent être cernés. Bien évidemment, l'avocat va recueillir la version des faits du client, mais il doit surtout essayer de lui "soutirer" sa vision de l'avenir, à savoir ce qu'il aimerait obtenir comme modification de sa situation et les objectifs qu'il s'est donné.

Ensuite, pour Nathalie Tisseyre-Boinet, il convient d'essayer de savoir quel est le comportement de la personne avec qui le client est en conflit : quel est son profil psychologique ; comment le client voit-il la personne en face ; qu'est ce qu'il croit que l'autre pourrait demander au cours de la résolution du conflit ; a-t-il déjà un avocat ?

Cette partie est importante car l'intervenante estime qu'elle donnera alors l'atmosphère du conflit.

Elle rappelle qu'il est fondamental que l'avocat interroge son client avec des questions ouvertes. L'avocat doit également se mettre complètement en retrait et ne pas donner de solutions toutes faites au client. Il doit alors travailler à partir de toutes les informations entendues pour savoir ce qui sera le plus approprié au cas d'espèce : contentieux ou mode alternatif de règlement des conflits.

A ce stade l'avocat doit demander à son client s'il souhaite renouer le dialogue avec l'autre partie, puisque le principe des modes alternatifs de règlements des conflits, dont font partie le droit collaboratif et la procédure participative, dans l'une de ses phases entre autres, est de renouer le dialogue avec l'autre et de pérenniser les relations.

Il faut ensuite informer le client de tous les outils à sa disposition en dehors du seul contentieux. Souvent, les clients ne s'attendent pas à ce que l'avocat leur propose autre chose que la saisine d'un juge. Seul le procès leur semble être la voie envisageable.

Il faut donc présenter au client la procédure amiable et ses avantages.

Parmi ces derniers, Maître Tisseyre-Boinet en relève quelques-uns :

- un temps de négociation réduit ou restreint à quelques semaines ;

- un dialogue retrouvé grâce au tiers/aux tiers ;

- une évolution progressive et sensible de la situation ;

- tourner une page sur un conflit avec l'obtention d'un accord ;

- une solution forcément satisfaisante et sur mesure ;

- et la maîtrise du résultat : il n'y a pas plus compétentes que les parties pour résoudre leurs propres problèmes, souligne l'intervenante.

Enfin, l'efficacité des méthodes de négociation raisonnée est éprouvée puisque les statistiques établissent une réussite allant de 70 % à 80 %. La négociation raisonnée a été conceptualisée par Fischer et Ury en 1981 (R. Fisher et W. Ury, Comment réussir une négociation, Seuil, 1991, 2ème édition), mais elle est encore peu répandue en France car la mentalité, basée sur la logique de l'honneur, s'y prête moins que dans les pays de common law, qui eux ont la logique du contrat. La négociation raisonnée s'oppose à la négociation classique ou sur position. Il s'agit de décider de vouloir sortir d'un conflit. Et pour cela le premier principe est... "d'être intelligent". En effet, il est nécessaire de savoir séparer les problèmes personnels des problèmes de fond, les personnes des problèmes. Dans une négociation sur position, les parties sont en mode frontal et mettent leur énergie l'une contre l'autre. En négociation raisonnée, les énergies doivent être additionnées pour trouver une solution qui satisfera les deux parties.

Il faut également rassurer le client, puisque l'accord final obtenu avec une procédure amiable sera homologué. De plus il y a moins de risque d'appel, ou de risque d'exécution forcée puisque dans le cadre d'un accord amiable les deux personnes sont pleinement satisfaites de l'accord trouvé et, partant, l'exécution se fait spontanément.

Entrant un peu plus avant dans les détails, Nathalie Tisseyre-Boinet a présenté successivement la justice participative, la procédure participative et le droit collaboratif.

La justice participative. Il s'agit de la fameuse "boîte à outils" mise en avant par les canadiens (NDLR : le droit collaboratif est une pratique qui vient d'Amérique du Nord). Les avocats québécois veulent faire évoluer l'opinion que le public a sur la justice en général et sur les avocats en particulier. Ils présentent cette boîte à outils à leurs clients en parlant de tout ce qui existe : la négociation classique entre avocats, l'arbitrage, la conciliation, la médiation, le droit collaboratif, et bien entendu la solution contentieuse.

La procédure participative. Elle a été matérialisée dans le Code civil par la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires (N° Lexbase : L9762INU) et par un décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 (N° Lexbase : L8264IRI). La procédure doit se situer avant la saisine d'un juge ou d'un arbitre. La convention de procédure participative doit être conclue pour une durée déterminée. Et elle doit préciser, à peine de nullité, son terme ; l'objet du litige ; les pièces nécessaires et les modalités de leur échange. Enfin, elle ne peut être menée qu'en présence d'un avocat par partie. Peuvent faire l'objet d'une telle convention toutes les matières dont les parties ont la libre disposition à l'exception des différends portant sur le contrat du travail régi par le droit du travail entre employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient. La signature de la convention de procédure participative emporte interdiction de saisir un juge pendant la durée déterminée sauf en cas de mesures conservatoires ou urgentes ou en cas d'inexécution par une partie de la convention avec dispense de la phase de conciliation ou de médiation. Comme en matière de médiation, la prescription est suspendue pour une durée de 6 mois (à compter de la conclusion de la convention et le délai de prescription recommence à courir à compter du terme de la convention). Le décret du 20 janvier 2012 insère dans le Code de procédure civile les articles 1542 (N° Lexbase : L8357IRX) à 1568 et vient distinguer deux phases successives possibles : la procédure conventionnelle et la procédure aux fins de jugement.

Pour Nathalie Tisseyre-Boinet la confidentialité peut être très relative avec le client dans le cadre d'une procédure participative. En effet, il y a cette phase amiable dans laquelle les clients vont être amenés à parler ensemble et, en cas d'échec, un passage en phase contentieuse avec les mêmes avocats qui auront entendus tout ce qui aura été dit pendant la partie amiable. Pour l'assemblée des avocats présents à cette réunion, c'est pour cela que la procédure participative est vouée à l'échec. Néanmoins, elle a un avantage important pour le client : l'avocat reste le même du début à la fin et cela peut le rassurer.

Le droit collaboratif. Le droit collaboratif est un mode alternatif de règlement des litiges qui n'apparaît pas dans le panel des textes nationaux. Il est né aux Etats-Unis dans les années 1990. L'idée était de trouver une solution pour des clients qui viennent présenter un litige. Pour faire du "droit collaboratif", les deux avocats et les deux parties doivent collaborer ensemble. Il s'agit donc d'un protocole d'entretien à quatre qui engage les participants à travailler ensemble à la résolution amiable du litige. Pour mettre en oeuvre ce processus, il est impératif que les deux avocats aient été formés au droit collaboratif. A noter, que si le dossier part au contentieux, les deux avocats doivent se retirer.

Ainsi, les réunions auront lieu à quatre, et c'est un travail en équipe qui va aboutir à la rédaction de la convention. Il faut bien préciser, estime Nathalie Tisseyre-Boinet, que chaque avocat reste l'avocat de son client ; ainsi il n'y a pas de confusion mais un travail d'équipe. Quant à la confidentialité des échanges, elle est extrêmement préservée puisque si les pourparlers n'aboutissent pas, les avocats se retirent et n'assistent pas au contentieux.

Elle précise néanmoins, qu'il existe au Québec ce que l'on appelle le droit collaboratif assoupli qui est une autre façon de procéder. Les avocats collaboratifs peuvent décider de ne pas se retirer en cas de contentieux.

En conclusion, l'avocat doit donc informer le client que le contentieux n'est pas la seule voie. Il peut également, avec accord du client, envoyer sa lettre d'usage en proposant à la partie d'en face un processus participatif ou collaboratif.

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