Réf. : Cass. crim., 14 décembre 2021 n° 20-86.969, FS-B N° Lexbase : A95927EY
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par Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit, Président de la Commission ouverte Droit routier du Barreau de Paris
le 09 Février 2022
Mots-clés : marge d’erreur • éthylomètre • phase ascendante • phase descendante • alcool • droit pénal routier • art. R. 234-4 du Code de la route
La Cour de cassation vient préciser que les marges d’erreur applicables aux résultats délivrés par les éthylomètres doivent s’appliquer au taux retenu (la mesure la plus faible des deux souffles), que le conducteur soit en phase ascendante ou descendante.
Avec l’un des derniers arrêts de 2021, la Chambre criminelle vient apporter une précision a priori nécessaire en matière d’application de la marge d’erreur des résultats délivrés par éthylomètre.
La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion d’opérer un salutaire revirement de jurisprudence sur cette question à l’occasion d’un arrêt remarqué du 26 mars 2019. (Cass. crim., 26 mars 2019, n° 18-84.900, 18-84.900 N° Lexbase : A1581Y7P).
Jusqu’à cette date, la Cour considérait que l’application de la marge d’erreur en matière d’éthylomètre relevait uniquement du bon vouloir des magistrats saisis de cette question.
L’application de cette marge (telle qu’elle résulte du décret n° 85-1519, du 31 décembre 1985, réglementant la catégorie d’instruments destinés à mesurer la concentration d’alcool dans l’air expiré N° Lexbase : C13384HZ et de l’arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres N° Lexbase : O9710AZN) pourra changer radicalement le sort de certaines procédures.
Marges d’erreur |
– 0,032 mg/l pour les concentrations en alcool dans l’air inférieures à 0,400mg/l ; – 8 % de la valeur mesurée pour les concentrations égales ou supérieures à 0,400 mg/l et inférieures ou égales à 2,000 mg/l ; – 30 % de la valeur mesurée pour les concentrations supérieures à 2,000 mg/l. |
Un taux contraventionnel peut, ainsi, après application de la marge d’erreur permettre à un conducteur de ne plus être considéré, aux yeux de la justice, comme un contrevenant.
L’application de la marge d’erreur peut, également, permettre à un délinquant présumé de ne devenir que simple contrevenant.
Le changement de nature de l’infraction ne permettra pas forcément à l’intéressé d’échapper à toute sanction puisque le magistrat pourra toujours, même en présence d’une contravention de quatrième classe, prononcer à son encontre une peine complémentaire de suspension de permis de conduire. De même, d’un point de vue arithmétique, le nombre de points à retirer à la suite de cette condamnation ne variera pas d’un iota avec une décision de retrait de six points.
Mais, passer d’un délit à une contravention pourra, dans certains cas, changer diamétralement l’ampleur de la condamnation. On pense, notamment, aux problématiques de récidive légale, le passage d’un délit commis en état de récidive légale à une simple contravention de quatrième classe préservera l’intéressé d’une annulation de plein droit de son permis de conduire. Dans le même ordre d’idées, sera écartée toute perspective d’une confiscation de son véhicule en cas de contraventionnalisation de l’infraction.
Dans certaines hypothèses, et notamment dans les dossiers examinés encore aujourd’hui par les juridictions d’appel, le passage d’un délit à une contravention pourra permettre l’acquisition d’une prescription, le court délai d’un an en matière contraventionnelle s’avérant pour le conducteur bien plus favorable que les six ans prévus en matière délictuelle.
Le revirement opéré par la Cour de cassation en mars 2019 était attendu de nombreux praticiens depuis un arrêt remarqué du Conseil d’État en date du 14 février 2018 (CE, 5e et 6e ch. réunies, 14 février 2018, n° 407914 N° Lexbase : A3494XDR) qui avait rendu obligatoire l’application de ces marges d’erreur aux décisions préfectorales de suspension de permis de conduire.
La Cour de cassation, en mars 2019, avait, par son revirement de jurisprudence, mis fin à une application totalement anarchique de ces marges : obligatoires au stade de la mesure de suspension préfectorale et facultatives quelques mois après au moment de l’examen de l’infraction par la juridiction pénale.
Le 26 mars 2019, la Cour de cassation prend acte de la position du Conseil d’État et, dans un souci de lisibilité et de cohérence de la norme, impose le recours systématique à la marge d’erreur pour les éthylomètres.
Malgré cet arrêt largement commenté en 2019, demeureraient visiblement quelques interrogations. C’est tout du moins ce qu’il est permis de constater à la lecture de la position de la cour d’appel de Bordeaux qui, dans un arrêt du 1er décembre 2020, avait choisi de limiter l’application du mécanisme de marge d’erreur aux cas d’espèce strictement identiques à celui qui avait permis le revirement de jurisprudence en mars 2019.
Lors d’un contrôle routier, le conducteur soumis à l’éthylomètre est invité à souffler dans l’appareil à deux reprises. Très souvent les résultats obtenus à quelques minutes d’intervalle vont différer. Le second résultat pourra être supérieur au premier, on considérera alors que le conducteur est en phase ascendante. Ou, au contraire, le taux d’alcool est moindre lors du second contrôle. Le conducteur sera alors en phase descendante.
Pour la Cour de cassation, il n’est pas question de faire de distinction en fonction de ces considérations. La Chambre criminelle profite donc de cette espèce pour rappeler les règles en la matière : « lorsque la personne ayant fait l'objet d'une vérification d'alcoolémie est soumise à un second contrôle en application de l'article R. 234-4 du Code de la route, seul le taux qui lui est le plus favorable doit être retenu et se voir appliquer la marge d'erreur de 8 % ».
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