Lorsque la rupture anticipée des contrats à durée déterminée, qui ne reposait sur aucun des motifs prévus par le Code du travail, fait suite à l'action en justice de chacun des salariés pour obtenir la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, il appartient à l'employeur d'établir que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice, par les salariés, de leur droit d'agir en justice ; à défaut la rupture est nulle comme contraire à la liberté fondamentale d'agir en justice. Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 6 février 2013 (Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-11.740, FP-P+B+R
N° Lexbase : A6281I7R).
Dans cette affaire, plusieurs salariés, engagés depuis plusieurs années dans le cadre d'une succession de contrats à durée déterminée, ont saisi la juridiction prud'homale, le 18 juin 2009, pour voir prononcer la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée. Le 26 juin 2009, sur leur lieu de travail, un huissier a signifié à ces salariés la rupture anticipée de leur contrat pour le motif suivant : "
surestimation de l'augmentation des flux d'appels clients due à une baisse plus importante que prévue du taux de réitération clients". Estimant que cette rupture intervenait en réaction à leur action en justice, les salariés ont saisi en référé la juridiction prud'homale pour faire cesser le trouble manifestement illicite et voir ordonner leur réintégration. Pour rejeter leur demande, l'arrêt de la cour d'appel (v. not., CA Nîmes, ch. soc., 7 décembre 2010, n° 10/02275
N° Lexbase : A0750GPH) énonce que si une atteinte à la liberté fondamentale d'agir en justice peut être alléguée, c'est à la condition pour les salariés de rapporter concrètement la preuve que la rupture du contrat de travail était en réalité une mesure de rétorsion de la part de l'employeur découlant de la seule saisine de la juridiction et que la preuve du lien de causalité entre la rupture et l'action en requalification ne peut résulter des seules modalités des démarches mises en oeuvre par l'employeur ou d'une décision de rupture anticipée du contrat à durée déterminée. Après avoir rappelé qu'il résulte de l'article R. 1455-6 du Code du travail (
N° Lexbase : L0819IAL) que le juge des référés peut, même en l'absence de disposition l'y autorisant, ordonner la poursuite des relations contractuelles en cas de violation d'une liberté fondamentale par l'employeur, la Haute juridiction infirme l'arrêt pour une violation des articles L. 1121-1 (
N° Lexbase : L0670H9P), L. 1243-1 (
N° Lexbase : L2987IQP), R. 1455-6 du Code du travail, ensemble les articles 1315 du Code civil (
N° Lexbase : L1426ABG) et 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (
N° Lexbase : L7558AIR) (sur les autres cas de rupture anticipée abusifs du CDD, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E7865ES4).
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