Le Quotidien du 27 décembre 2021 : Baux commerciaux

[Brèves] Droit de préférence du locataire : précision sur l’application à des locaux de bureaux « affectés à un usage commercial »

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 1er décembre 2021, n° 20/00194 (N° Lexbase : A83177DE)

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[Brèves] Droit de préférence du locataire : précision sur l’application à des locaux de bureaux « affectés à un usage commercial ». Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/75606391-breves-droit-de-preference-du-locataire-precision-sur-lapplication-a-des-locaux-de-bureaux-affectes-
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par Vincent Téchené

le 23 Décembre 2021

► Les locaux loués étant destinés à l'usage exclusif de bureaux, pour l'activité d'administrateur de biens, syndic de copropriété, location, qui est une activité commerciale par application des dispositions de l'article L. 110-1 du Code commerce (N° Lexbase : L1282IWE), le locataire bénéficie du droit de préemption en application de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L0104I7Y).

Faits et procédure. Aux termes d'une promesse de vente synallagmatique sous seing privé du 6 juin 2016, deux époux ont fait l’acquisition d’un local exploité par une société au titre d'un bail commercial. La promesse contenait trois conditions suspensives et devait être réitérée par acte authentique au plus tard le 8 octobre 2016. La société locataire a notifié son intention d'user d'un droit de préemption aux termes de l'article L. 145-46-1 du Code de commerce.

La vente à son profit s'est réalisée le 29 septembre 2016. Le 21 octobre 2016, la locataire a revendu le local commercial à une SCPI.  La réitération de la vente par acte authentique auprès des époux bénéficiaires de la promesse ne s'est donc pas réalisée. Ils ont alors fait assigner la locataire et la SCPI aux fins d'obtenir la nullité des ventes successives, la régularisation de la vente du local commercial et l'indemnisation de leur préjudice.

Les parties s'opposaient alors sur l'applicabilité de l'article L. 145-46-1 du Code de commerce, les bénéficiaires de la promesse faisant valoir principalement que cet article ne s'applique que lors de la vente de locaux à usage commercial ou artisanal. Ils soutenaient que les locaux à usage de bureaux ont été expressément exclus du champ d'application de ce texte par le législateur ainsi qu'il résulte du rejet de l'amendement n° 148 et les locaux loués étant à usage exclusif de bureaux, la locataire ne bénéficiait pas d'un droit de préemption. En outre, ils arguaient que le droit de préemption instauré au profit du locataire constituant une atteinte au droit de propriété du bailleur, les intimés ne peuvent se livrer à une interprétation extensive de l'article L. 145-46-1 contraire à l'esprit même du texte.

Décision. La cour d’appel de Paris rappelle, que contrairement à ce qu’avance les bénéficiaires de la promesse, les locaux à usage de bureaux ne sont ni inclus expressément ni exclus expressément du champ d'application de ce texte et il est inopérant de se prévaloir du rejet de l'amendement n° 148 visant à étendre ces dispositions aux locaux à usage de bureaux dès lors que cet amendement ne visait que les bureaux de professionnels non commerçants pratiquant une activité libérale et que tel n'est pas le cas en l'espèce, le litige portant sur les locaux donnés à une société inscrite au RCS, locataire en vertu d'un bail conclu et soumis aux dispositions des articles L. 145-1 (N° Lexbase : L2327IBS) et suivants du Code de commerce. Selon la clause de destination du bail, les locaux sont destinés à l'usage exclusif de bureaux, pour l'activité d'administrateur de biens, syndic de copropriété, location, transaction. Cette activité est une activité commerciale par application des dispositions de l'article L. 110-1 du Code commerce. Il s'ensuit que les locaux loués sont, en l’espèce, affectés à un usage commercial. Dès lors la locataire bénéficiait bien d'un droit de préemption.

Il est intéressant de noter que les bénéficiaires de la promesse invoquaient également un concert frauduleux entre la société locataire et la SCPI sous-acquéreuse consistant en un détournement de la loi afin de les spolier dans leurs droits. Cet argument est également rejeté par la cour d’appel. En effet, pour les juges parisiens, aucune fraude n'est caractérisée : aucun élément ne permet de démontrer que la venderesse était informée que la société locataire envisageait une revente après exercice de son droit de préemption ; aucun texte ne restreint le droit pour l'acquéreur d'un bien par l'exercice de son droit de préemption d'en disposer librement, même dans un délai rapproché ; cette revente à une société juridiquement distincte procède d'un choix de gestion et non d'une quelconque intention de nuire, la société locataire ayant fait le choix de préserver ses intérêts en acquérant les locaux en cause pour les revendre à une société de gestion.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les obligations du bailleur du bail commercial, Le champ d'application du droit de préférence du locataire en cas de vente d'un local commercial, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase (N° Lexbase : E4282E7Q).

 

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