► Le Conseil d’État a, dans un avis du 15 novembre 2021, réglé deux questions de droit nouvelles relatives aux conséquences qu’il convient de tirer, dans le cadre de la procédure particulière de l’action en reconnaissance de droits, pour une association requérante comme pour les contribuables, d’une demande préalable adressée à une autorité administrative incompétente.
🖊️ Procédure :
- par un jugement du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Nancy, saisi par l’association UFC que Choisir Nancy, a reconnu le droit pour les contribuables de la métropole du Grand Nancy d’obtenir le dégrèvement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour l’année 2018 ;
- le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance a fait appel de ce jugement devant la cour administrative d’appel et a fait valoir que la demande n’était pas recevable dans la mesure où, avant de saisir le tribunal, l’association avait formé une réclamation préalable auprès du président de la métropole, alors qu’elle aurait dû s’adresser à l’administration fiscale. En effet, bien que leurs taux soient fixés par délibération des assemblées des collectivités bénéficiaires, les impositions locales sont assises, contrôlées et recouvrées par l’État, et seul le directeur départemental des finances publiques est compétent pour décider du sort à réserver aux réclamations présentées en la matière ;
- la cour a décidé de ne trancher l’affaire au fond qu’après avoir obtenu l’avis du Conseil d’État sur deux questions de droit nouvelles relatives aux conséquences qu’il convient de tirer, dans le cadre de la procédure particulière de l’action en reconnaissance de droits, instituée par l’article L. 77-12-1 du CJA (N° Lexbase : L1883LBD), pour l’association requérante comme pour les contribuables, d’une demande préalable adressée à une autorité administrative incompétente.
🔎 Principe (CJA, art. L. 77-12-2 N° Lexbase : L1884LBE) :
- la présentation d'une action en reconnaissance de droits interrompt, à l'égard de chacune des personnes susceptibles de se prévaloir des droits dont la reconnaissance est demandée, les prescriptions et forclusions édictées par les lois et règlements en vigueur, sous réserve qu'à la date d'enregistrement de la requête, sa créance ne soit pas déjà prescrite ou son action forclose ;
- un nouveau délai de prescription ou de forclusion court, dans les conditions prévues par les dispositions législatives et réglementaires applicables, à compter de la publication de la décision statuant sur l'action collective passée en force de chose jugée. Les modalités de cette publication sont définies par décret en Conseil d'État ;
- postérieurement à cette publication, l'introduction d'une nouvelle action en reconnaissance de droits, quel qu'en soit l'auteur, n'interrompt pas, de nouveau, les délais de prescription et de forclusion.
️⚖️ Avis du CE :
- les délais de prescription et de forclusion opposables, pour faire valoir les droits dont la reconnaissance est demandée, à chacun des membres du groupe indéterminé de personnes au bénéfice duquel l'action est introduite, sont interrompus à compter de la date à laquelle la réclamation préalable à laquelle l'article R. 77-12-4 du CJA (N° Lexbase : L5705LEZ) subordonne la saisine du juge est formée par l'auteur de l'action collective et recommencent à courir à compter de la date de publication de la décision statuant sur cette action passée en force de chose jugée, ou, à défaut de saisine du juge, à compter de la date à laquelle la décision de rejet de la réclamation préalable est devenue définitive. Pour l'application de cette règle, la date à laquelle la réclamation préalable est formée s'entend de la date à laquelle le demandeur l'a adressée à l'administration, peu important que cette administration soit ou non compétente ;
- en conséquence, lorsqu'une demande en reconnaissance de droits est introduite par l'envoi d'une réclamation préalable à une autorité administrative incompétente, les délais de prescription et de forclusion opposables aux personnes susceptibles de se prévaloir des droits dont la reconnaissance est demandée, et ce y compris les délais de réclamation et recours prévus par le Livre des procédures fiscales, sont interrompus à la date de cette réclamation.
💡 S'agissant d'une réclamation adressée à l'une seulement des deux autorités susceptibles de voir leur responsabilité concurremment engagée, le Conseil d’État a précisé les conséquences contentieuses de l’obligation, pour les administrations, de transmettre les demandes mal orientées qu’elles se voient adresser à l’administration compétente (CE 1° et 4° ch.-r., 23 mai 2018, n° 405448, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7770XN4). |
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