Le Quotidien du 22 novembre 2021 : Fiscalité des entreprises

[Brèves] Droit à restitution d’une retenue à la source sur les dividendes versés à une société non-résidente en situation déficitaire

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 5 novembre 2021, n° 433212, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A85517AX)

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[Brèves] Droit à restitution d’une retenue à la source sur les dividendes versés à une société non-résidente en situation déficitaire. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/74386237-breves-droit-a-restitution-dune-retenue-a-la-source-sur-les-dividendes-verses-a-une-societe-nonresid
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par Marie-Claire Sgarra

le 19 Novembre 2021

► Le Conseil d’État est venu apporter des précisions sur le droit à restitution d’une retenue à la source sur des dividendes versés à une société non-résidente en situation déficitaire ;

► Les entreprises doivent justifier de ce caractère déficitaire.

Les faits :

  • une société, dont le siège social est situé au Luxembourg, a perçu des dividendes distribués par des sociétés françaises, lesquels ont fait l'objet d'une retenue à la source au taux de 15 % ;
  • le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de ces impositions ; la cour administrative de Versailles a, sur appel de la société, annulé ce jugement et prononcé la restitution sollicitée (CAA Versailles, 29 mai 2019, nos 17VE01107, 17VE01108 N° Lexbase : A7893ZE3).

🔎 Principes :

  • les produits visés aux articles 108 (N° Lexbase : L2059HLT) à 117 bis (N° Lexbase : L7314LQX) du CGI donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 (N° Lexbase : L6184LUL) lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (CGI, art. 119 bis N° Lexbase : L6035LMH) ;
  • le taux de la retenue à la source est fixé en principe à 30 % du montant de ces revenus ; il est réduit à 15 % par la convention fiscale conclue le 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg.
Pour aller plus loin : v. A. Gros, ÉTUDE : Luxembourg, in Les conventions fiscales internationales, Lexbase (N° Lexbase : E17564ER).

⚖️ Précisions du Conseil d’État :

  • le droit de l’UE fait obstacle à ce qu’une retenue à la source soit prélevée sur les dividendes perçus par une société non-résidente qui se trouve, au regard de la législation fiscale de son État de résidence, en situation déficitaire ;

👉 La retenue à la source prélevée sur de tels dividendes doit donc être restituée à la société bénéficiaire.

  • le caractère déficitaire du résultat de la société non-résidente est apprécié, pour l'ouverture du droit à restitution, en tenant compte des dividendes dont l'imposition fait l'objet de la demande de restitution au titre de l'exercice et, lorsque la législation de l'État de résidence autorise le report des déficits, des éventuels dividendes ayant ouvert droit à une restitution au titre d'exercices antérieurs.

👉 Il appartient à la société non-résidente qui sollicite la restitution du prélèvement à la source effectué sur ses dividendes de source française, de justifier devant le juge de l'impôt, au titre de chacun des exercices considérés, de l'existence de résultats déficitaires. Lorsque le redevable produit ces éléments, il appartient à l'administration d'apporter des éléments en sens contraire. Il revient alors au juge de l'impôt de se déterminer au vu de l'instruction et d'apprécier, compte tenu de l'argumentation des parties, si, pour chaque exercice en litige, le redevable justifie de sa demande en restitution.

⚖️ Solution en l’espèce

Pour établir l'existence d'une situation déficitaire au titre des quatre exercices en litige, la société a seulement produit une attestation d'un cabinet d'expert-comptable se bornant à indiquer que la société était en situation fiscale déficitaire pour les années d'imposition 2009 à 2016.

👉 En prononçant la restitution des retenues à la source au vu de cette attestation, alors que, par ses seules mentions, elle ne pouvait, faute d'être étayée par d'autres pièces, permettre à la société de justifier du caractère déficitaire des résultats des exercices en cause et de la prise en compte effective des dividendes de source française dans l'appréciation de ces déficits, la cour a commis une erreur de droit et méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve.

💡 Jurisprudences antérieures sur la retenue à la source sur les dividendes versés aux sociétés étrangères déficitaires

📌 La CJUE a jugé que, du fait de la différence de technique d'imposition des dividendes entre les sociétés non-résidentes, qui sont imposées immédiatement et définitivement lors de leur perception par une retenue à la source, et les sociétés résidentes, qui sont imposées en fonction du résultat net bénéficiaire ou déficitaire enregistré, la législation française procure un avantage fiscal substantiel aux sociétés résidentes en situation déficitaire dont ne bénéficient pas les sociétés non-résidentes déficitaires et que cette différence de traitement dans l'imposition des dividendes, qui ne se limite pas aux modalités de perception de l'impôt, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux qui n'est pas justifiée par une différence de situation objective (CJUE, 22 novembre 2018, aff. C-575/17, Sofina SA N° Lexbase : A0191YNE).

📌 Plus tard, le CE a tiré les conséquences de la jurisprudence européenne. Ainsi, en jugeant que l’avantage de trésorerie dont bénéficie une société résidente déficitaire percevant des dividendes, imposables seulement au titre de l’exercice au cours duquel les résultats de cette société sont ou redeviennent bénéficiaires, par rapport à la retenue à la source frappant les dividendes perçus pour une société non-résidente, même en cas de situation déficitaire, procède d’une technique différente d’imposition qui ne constitue pas une différence de traitement constitutive d’une restriction à la liberté de circulation des capitaux, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit (CE 9° et 10° ch.-r., 27 février 2019, n° 398662, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2137YZ8).

Lire sur cet arrêt, F. Chidaine, Retenue à la source sur les dividendes versés aux sociétés étrangères déficitaires : la censure est confirmée, Lexbase Fiscal, mai 2019, n° 782 (N° Lexbase : N8846BXW).

 

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