Le Quotidien du 9 juillet 2021 : Bancaire

[Brèves] Précisions sur la portée de l’interdiction de tout règlement postérieur à un jugement de liquidation judiciaire en matière de virement

Réf. : Cass. com., 1er juillet 2021, n° 20-18.759, FS-B+R (N° Lexbase : A20354YZ)

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par Jérôme Lasserre Capdeville

le 07 Juillet 2021

► Le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens et interdiction de tout règlement, les actes de disposition effectués postérieurement à ce jugement étant inopposables à la procédure collective ;

Or, cette interdiction ne saurait concerner les opérations de virement en cours auprès de la banque du débiteur la veille du jugement prononçant la liquidation judiciaire, seule la date à laquelle la banque du payeur a reçu l’ordre de virement du débiteur devant être prise en considération.

Des difficultés se présentent, parfois, lorsque des règles de droit bancaire doivent se joindre à des dispositions d’une autre branche du droit. Tel est le cas, dans l’arrêt sélectionné, avec le droit des procédures collectives.

Faits et procédure. La société I. a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 8 avril 2015. La banque A. a procédé à la clôture du compte ouvert dans ses livres par la société I. et en a adressé le solde créditeur au liquidateur.

Or, ce liquidateur a assigné la même banque pour que soient déclarés inopposables à la procédure collective les paiements et encaissements effectués sur le compte de la société à compter de sa mise en liquidation judiciaire et ainsi obtenir une somme de 365 021,69 euros.

La cour d’appel de Paris a, par un arrêt du 9 juin 2020, donné raison au liquidateur. La banque a été condamnée à payer à la liquidation judiciaire la somme de 322 445,19 euros. Sans surprise, l’établissement de crédit a formé un pourvoi en cassation.

Pourvoi. Il y rappelait, d’une part, qu’un ordre de virement est irrévocable et son bénéficiaire acquiert un droit définitif sur les fonds, assimilable à un paiement, quand cet ordre est reçu par le prestataire de services de paiement. Le virement est donc opposable à la procédure collective si l’ordre de virement a été reçu par le prestataire de services de paiement avant le prononcé de la liquidation judiciaire. Dès lors, en considérant que les virements litigieux étaient inopposables à la procédure collective parce que les fonds auxquels ils correspondent avaient été réceptionnés par les bénéficiaires ou les banques des bénéficiaires après le prononcé de la liquidation judiciaire, la cour d’appel aurait violé les articles L. 133-8, I, du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L0524IGI) et L. 641-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L7329IZH).

D’autre part, la banque indiquait qu’un titre interbancaire de paiement (TIP) s’analyse comme un ordre de paiement et est irrévocable, de sorte que son bénéficiaire acquiert un droit définitif sur les fonds, assimilable à un paiement, quand ce TIP est reçu par l’organisme chargé de son traitement. Le paiement correspondant est donc opposable à la procédure collective si le TIP a été reçu par l’organisme chargé de son traitement avant le prononcé d’une liquidation judiciaire. Dès lors, en retenant, pour juger que le paiement correspondant au titre interbancaire de paiement émis au profit de l’Urssaf serait inopposable à la procédure collective, la date à laquelle ce TIP avait été débité et non la date à laquelle il avait été reçu par l’organisme chargé de son traitement, la cour d’appel aurait également violé les articles L. 133-8, I du Code monétaire et financier et L. 641-9 du Code de commerce.

Décision. Le pourvoi se révèle utile, puisque la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Paris.

La Haute juridiction commence par rappeler le contenu des articles L. 641-9 du Code de commerce et L. 133-6 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L4810H9Z). D’une part, pour le premier article cité, le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens et interdiction de tout règlement, les actes de disposition effectués postérieurement à ce jugement étant inopposables à la procédure collective. D’autre part, il résulte de l’article L. 133-6 du Code monétaire et financier qu’une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution et qu’ainsi, l’émetteur d’un ordre de paiement dispose des fonds dès la date à laquelle il consent à cette opération.

Ensuite, la Cour de cassation observe la décision de la cour d’appel de Paris. Pour déclarer inopposables à son liquidateur, en raison du dessaisissement de la société I., les opérations passées au débit du compte bancaire de cette société à compter du jour de sa mise en liquidation judiciaire, les juges d’appel avaient retenu que, si l’article L. 133-8 du Code monétaire et financier dispose que l’utilisateur de services de paiement ne peut révoquer un ordre de paiement une fois qu’il a été reçu par le prestataire de services de paiement, il n’en résulte pas pour autant que la date du paiement correspond à la date à laquelle la banque a reçu l’ordre de virement du débiteur, que le paiement d’un virement n’intervenant qu’à réception des fonds par le bénéficiaire (ou le banquier de ce dernier qui les détient pour le compte de son client), il importe peu que les opérations de virement aient été en cours auprès de la banque du débiteur la veille du jugement prononçant la liquidation judiciaire dès lors qu’elles ont donné lieu à paiement après son ouverture. L’arrêt retenait encore qu’un titre électronique de paiement au profit de l’Urssaf avait également été débité du compte alors que le débiteur se trouvait dessaisi.

Or, en statuant ainsi, la cour d’appel a violé, pour la Haute juridiction, les articles L. 641-9 du Code de commerce et L. 133-6 du Code monétaire et financier.

Observations. Cette solution est convaincante. L’interdiction prévue par l’article L. 641-9 du Code de commerce ne saurait concerner les opérations de virement en cours auprès de la banque du débiteur la veille du jugement prononçant la liquidation judiciaire. Dit autrement, seule la date à laquelle la banque du payeur a reçu l’ordre de virement du débiteur doit être prise en considération, et non celle de la réception des fonds par la banque du bénéficiaire. À défaut, cela aboutirait à donner une portée rétroactive à l’article précité. Cela se révèlerait alors bien problématique pour le banquier du débiteur-payeur.

Pour aller plus loin :

  • v.  ÉTUDE : Le droit des opérations de paiement (cartes, virements, prélèvements), L'exécution de l’opération de paiement, in Droit bancaire, (dir. J. Lasserre Capdeville), Lexbase (N° Lexbase : E80953EK) ;
  • v. ÉTUDE : : Les effets du prononcé de la liquidation judiciaire, La durée du dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase (N° Lexbase : E3963EUC).

 

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