Le Quotidien du 9 juillet 2021 : Droit pénal spécial

[Brèves] Conditions d’établissement d’une faute civile et indemnisation du préjudice appliquées à l’abus de confiance

Réf. : Cass. crim., 30 juin 2021, n° 20-81.570, F-B (N° Lexbase : A19904YD)

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par Adélaïde Léon

le 03 Août 2021

► Les faits retenus pour établir une faute civile doivent non seulement entrer dans les prévisions du texte pénal, mais aussi relever d’une infraction susceptible d’être poursuivie à la date des faits ; tel n’est pas le cas lorsque les faits poursuivis n’entrent dans les prévisions d’une infraction que par l’effet d’une jurisprudence postérieure et imprévisible ;

Toutefois, tel est le cas lorsque la jurisprudence postérieure a seulement précisé les contours de l’abus de confiance d’une manière prévisible au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, la Cour de cassation s’étant, par plusieurs arrêts antérieurs, engagée dans le sens d’une conception dématérialisée de l’objet détourné ;

Justifie sa décision de condamnation au versement d’une somme au titre du préjudice qualifié de perte de chiffre d’affaires la cour d’appel dont il ressort de l’arrêt que les agissements fautifs l’ont été pendant le temps que le salarié aurait dû consacrer à son employeur en exécution de son contrat de travail, et ont directement causé à la société un préjudice souverainement évalué par les juges.

Rappel des faits. Une société pharmaceutique (ci-après « société CZM ») a découvert que l’un de ses salariés accordait à des distributeurs étrangers des baisses de tarifs moyennant le versement de commissions occultes. Les fonds correspondant à ces commissions étaient versés sur un compte bancaire ouvert en suisse, et justifiés par la facturation de prestations fictives établies par la compagne de l’intéressé puis par une société dont il était l’initiateur et le gérant de fait.

Le salarié avait également utilisé des documents techniques internes à la société CZM pour fabriquer, à l’insu de son employeur, des documents de formation destinés à certains distributeurs étrangers.

À l’issue d’une information judiciaire, l’intéressé a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d’abus de confiance au préjudice de la société, dont il était salarié, pour avoir fait usage d’un temps de travail et de moyens humains et matériels mis à sa disposition par son employeur. Sa compagne a quant à elle été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour complicité du délit d’abus de confiance commis par son mari.

Le tribunal correctionnel a constaté la prescription de l’action publique, relaxé les prévenus, déclaré recevable la constitution de partie civile de la société CZM mais débouté celle-ci de ses demandes.

Seule la société CZM, partie civile, a fait appel de ce jugement. La juridiction d’appel était donc saisie des seuls intérêts civils.

En cause d’appel. La cour d’appel a retenu que les époux avaient commis une faute envers la société CZM et déclaré sans objet le débat sur l’application rétroactive du revirement in defavorem opéré par la Cour de cassation dans son arrêt du 19 juin 2013, faisant de l’utilisation du temps et des moyens de travail un élément constitutif de l’infraction d’abus de confiance au détriment de l’employeur.

La juridiction d’appel a également condamné in solidum les époux à verser à la société CZM 62 100 euros au titre du préjudice qualifié de perte de chiffre d’affaires au motif que les accords entre le prévenu et certains distributeurs avaient permis à celui-ci de détourner à son profit une partie de la propre marge de son employeur.

Le prévenu a formé un pourvoi.

Moyens du pourvoi. Il était reproché à la cour d’appel d’avoir déclaré sans objet le débat sur l’interprétation jurisprudentielle à appliquer au cas d’espèce s’agissant de l’abus de confiance. Il était également fait grief à la juridiction d’appel d’avoir statué sur l’action civile au-delà de la limite des faits visés à la prévention.

Décision. La Chambre criminelle a rejeté le pourvoi formé par l’ancien salarié.

La Haute juridiction considère que c’est à tort que la cour d’appel a énoncé que la question de la qualification pénale des faits était sans objet, les faits retenus pour établir une faute civile devant non seulement entrer dans les prévisions du texte pénal, mais aussi relever d’une infraction susceptible d’être poursuivie à la date des faits. La Cour considère en effet depuis 2014 que le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation de la part de la personne relaxée résulte de la faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite (Cass. crim., 5 février 2014, n° 12-80.154, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5811MDL).

La Cour précise, dans cet arrêt rendu le 30 juin 2021, que tel n’est pas le cas lorsque les faits poursuivis n’entrent dans les prévisions d’une infraction que par l’effet d’une jurisprudence postérieure et imprévisible.

Toutefois, la Chambre criminelle estime que l’arrêt d’appel n’encourt pas la censure dès lors que l’arrêt de Chambre criminelle du 19 juin 2013 (Cass. crim., 19 juin 2013, n° 12-83.031, FS-P+B+R N° Lexbase : A1808KHG), invoqué par le demandeur, a seulement précisé les contours de l’abus de confiance d’une manière prévisible au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, la Cour de cassation s’étant, par plusieurs arrêts antérieurs, engagée dans le sens d’une conception dématérialisée de l’objet détourné (v. par exemple Cass. crim., 14 novembre 2000, n° 99-84.522 N° Lexbase : A4799CH9 ; Cass. crim., 22 septembre 2004, n° 04-80.285, F-P+F N° Lexbase : A6204DD7 ; Cass. crim., 16 novembre 2011, n° 10-87.866, F-P+B N° Lexbase : A9397HZ3).

Sur la réparation, la Cour considère que les agissements fautifs l’ont été pendant le temps de travail du prévenu, qu’il aurait dû consacrer à l’exécution de son contrat de travail, et ont directement causé un préjudice souverainement évalué par les juges, à la société CZM.  Les juges du fond ont ainsi estimé que les remises frauduleuses avaient permis au prévenu de détourner à son profit une partie de la propre marge de son employeur. La perte de chiffre d’affaires est donc jugée en relation directe avec l’activité commerciale occulte de l’employé.

Pour aller plus loin : ÉTUDE : Les détournements, L’abus de confiance, in Droit pénal spécial, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E0964GAX).

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