Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 2 juillet 2021, n° 447967, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A30094Y4)
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N8271BYY
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 07 Juillet 2021
► Par décision rendue le 2 juillet 2021, le Conseil d’État retient, contrairement à la décision rendue par la cour administrative d’appel de Paris, que le Baiser de Brancusi est un monument funéraire devant être considéré comme un « immeuble par nature » au sens de la loi, ce qui autorise l’État à l'inscrire comme monument historique sans l’autorisation de ses propriétaires.
L’affaire. Réalisée par Constantin Brancusi en 1909, la sculpture « Le Baiser » est implantée sur la tombe de Tatiana Rachewskaia au cimetière du Montparnasse à Paris. Souhaitant empêcher les descendants de la jeune femme de détacher la statue et de la vendre, l’État a inscrit l’intégralité de la tombe au titre des monuments historiques en 2010.
Décision de la cour administrative d’appel de Paris. Cette décision, contestée par la famille, avait été annulée par la cour administrative d’appel de Paris, qui avait considéré que la sculpture devait être qualifiée d’immeuble par destination, ayant été réalisé en amont de son incorporation à la sépulture et que, dès lors, son inscription au titre des monuments historiques nécessitait le consentement des ayants droit (CAA Paris, 4ème ch., 11 décembre 2020, n° 18PA02011 N° Lexbase : A8402393 ; obs. B. Cohen, Lexbase Droit privé, mars 2021, n° 856 N° Lexbase : N6665BYI).
Annulation par le Conseil d’État. L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris est finalement annulé par le Conseil d’État, qui retient la qualification d’immeuble par nature, et juge alors que l’inscription au titre des monuments historiques du monument funéraire de Tatiana Rachewskaia – composé de la sculpture « Le Baiser », de la stèle et de la tombe – est légale (cf. le communiqué du Conseil d’État relatif à la décision).
En effet, comme le rappelle la Haute juridiction administrative, en application de l’article 518 du Code civil (N° Lexbase : L3092AB7), « les bâtiments sont immeubles par leur nature ». Selon l’article 524 du même code (N° Lexbase : L9489I7L), « sont aussi immeubles par destination tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure ».
Le Conseil d’État constate qu’un monument funéraire érigé sur un caveau servant de fondation, fût-il construit par un autre que le propriétaire du sol, doit être regardé globalement, avec tous les éléments qui lui ont été incorporés et qui composent l’édifice, comme un bâtiment, au sens et pour l’application de l’article 518 du Code civil.
Appliquant cette règle au cas d’espèce, le Conseil d'État relève que la statue a été acquise spécifiquement pour la tombe de la jeune femme, qu’elle est fixée sur une stèle conçue exprès pour l’accueillir, réalisée dans la même pierre que la sculpture et implantée sur la tombe, et que « Le Baiser » et sa stèle font ainsi partie, avec la tombe, d’un ensemble indivisible qui constitue un monument funéraire.
Le Conseil d'État confirme ainsi que cet ensemble est un « immeuble par nature » au sens de la loi, ce qui permet à l’État de l'inscrire aux monuments historiques sans recueillir l’accord de ses propriétaires.
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